VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 4A_52/2020  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 01.09.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 4A_52/2020 vom 19.08.2020
 
 
4A_52/2020
 
 
Arrêt du 19 août 2020
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les Juges fédérales
 
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille,
 
M. le Juge fédéral Rüedi
 
Mme la Juge fédérale May Canellas
 
Greffier : M. Curchod.
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Christian Lüscher, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
C.________ (Suisse) SA, représentée par
 
Me Pierre-Damien Eggly, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
Responsabilité délictuelle, prescription
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève Chambre civile du 3 décembre 2019 (C/25948/2015, ACJC/1803/2019).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. C.________ (Suisse) SA (ci-après : la banque, la défenderesse, l'intimée) est une société de droit suisse sise à U.________ dont le but est l'exploitation d'un établissement bancaire.
1
B.________ a exercé la fonction d'analyste technique ( IT technical analyst) au sein de la banque du 14 février 2007 au 23 décembre 2008, date à laquelle il a été licencié avec effet immédiat.
2
A.________ (ci-après : le demandeur, le recourant) est un homme d'affaires d'origine grecque domicilié à V.________. Il était organe de plusieurs sociétés qui géraient des fonds de placement, dont certaines entretenaient des relations avec la banque. Il n'était pas personnellement titulaire d'un quelconque compte, ni ayant droit économique des comptes détenus par les sociétés susmentionnées dont il était organe. Il était en revanche l'ayant droit économique d'un ou plusieurs comptes bancaires détenus par des sociétés tierces auprès de la banque.
3
A.b. Au cours des ses rapports de travail, B.________ a dérobé à la banque des données bancaires concernant des clients étrangers et a transmis ou tenté de transmettre celles-ci à des tiers.
4
Devenues publiques, ces données ont fait l'objet de divers articles de presse dans lesquels les ayants droit économiques des comptes étaient notamment présentés comme des évadés fiscaux. Dans ce cadre, plusieurs périodiques grecs ont, entre octobre 2012 et mai 2013, publié des articles identifiant le demandeur comme le bénéficiaire économique de comptes figurant dans les données transmises par B.________.
5
A.c. En 2013, le demandeur a ouvert devant les tribunaux anglais une action contre des sociétés de médias et des journalistes, procédure s'étant soldée par des accords transactionnels par lesquels les parties actionnées se sont notamment engagées à dédommager le demandeur pour les frais encourus dans ces procédures ainsi qu'à publier des excuses.
6
En Grèce, la publication des données susmentionnées a entraîné l'ouverture d'une enquête de la brigade financière à l'encontre du demandeur en lien avec des soupçons de fraude fiscale. Le demandeur estime que des rencontres ont eu lieu entre B.________ et des procureurs grecs et que le premier a transmis aux seconds des données le concernant à ces occasions.
7
En Suisse, les agissements de B.________ ont donné lieu à des procédures administratives et pénales. En février 2011, la FINMA a prononcé un blâme à l'encontre de la banque, constatant l'insuffisance de l'organisation et du contrôle internes au sein de celle-ci. Par jugement du 27 novembre 2005, le Tribunal pénal fédéral a déclaré B.________ coupable de " service de renseignements économiques aggravé ", le condamnant à une peine privative de liberté de 5 ans sous déduction de 170 jours de détention effectués en Espagne.
8
 
B.
 
B.a. Par demande déposée auprès du Tribunal de première instance de U.________ le 8 décembre 2015, le demandeur a conclu à ce que la banque et B.________ soient condamnés, conjointement et solidairement, à lui verser, à titre de dommages et intérêts, 82'846 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2015, 737'109.24 GBP avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2014, 92'424.82 EUR avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2014, ainsi que 10'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral. Il a également conclu à ce que la publication du jugement dans plusieurs médias suisses aux frais de la banque et de B.________ soit ordonnée. Les sommes réclamées correspondent à des frais d'avocat occasionnés depuis 2013 par les procédures intentées contre les médias.
9
Le demandeur a amplifié ses conclusions dans sa réplique du 31 mars 2017, concluant à ce que la banque et B.________ soient condamnés, conjointement et solidairement, à lui verser, en sus des montants déjà réclamés dans la demande, 253'959.97 GBP avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2016, 211'552.57 EUR avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2016 et 725'923 USD avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2016. Ces sommes supplémentaires correspondent à des dépenses consenties dans le cadre de la défense du demandeur en lien avec une procédure fiscale en Grèce (l'autorité précédente parle tantôt d'une procédure, tantôt de plusieurs).
10
Ayant limité l'objet de la procédure à la question de la prescription par ordonnance du 16 novembre 2017, le Tribunal de première instance a débouté le demandeur des fins de sa demande par jugement du 4 décembre 2018. Il a estimé que d'éventuelles prétentions du demandeur à l'encontre de la banque et de B.________ étaient prescrites.
11
B.b. Par acte déposé le 21 janvier 2019 auprès de la Cour de justice de la République et canton de U.________, le demandeur a interjeté appel contre le jugement du 4 décembre 2018, concluant à son annulation.
12
Par arrêt du 3 décembre 2019, la Cour de justice a admis la demande en ce qu'elle concernait l'action dirigée contre B.________ et a annulé les chiffres correspondants du dispositif du jugement de première instance. Elle a, en revanche, débouté le demandeur des fins de sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la banque. En substance, elle a jugé que seule la banque avait soulevé l'exception de prescription, raison pour laquelle cette exception faisait obstacle à l'action du demandeur uniquement en ce qu'elle était dirigée contre la banque. Estimant que le Tribunal de première instance avait à tort retenu cette exception d'office par égard aux prétentions dirigées contre B.________, la Cour de justice a annulé le jugement entrepris en ce qu'il concernait ce dernier et a renvoyé la cause à l'autorité de première instance. S'agissant de la demande dirigée contre la banque, la Cour de justice a retenu que le demandeur n'était pas contractuellement lié à celle-ci, raison pour laquelle seule une responsabilité délictuelle de cette dernière entrait en considération. Le délai de prescription d'un an de l'art. 60 al. 1 CO ayant commencé à courir au plus tard en juin 2013, la Cour de justice a retenu que l'action dirigée contre la banque était prescrite.
13
 
C.
 
Le recourant a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêt du 3 décembre 2019 en tant qu'il concerne les prétentions dirigées contre la banque. Il conclut en substance à ce que l'appel soit admis, à ce qu'il soit constaté que les prétentions du demandeur à l'encontre de la banque ne sont pas prescrites et à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal de première instance en ce qui concerne l'action dirigée contre la banque.
14
L'intimée a conclu au rejet du recours. La Cour de justice s'est quant à elle référée aux considérants de son arrêt.
15
Les parties ont déposé une réplique et une duplique, dans lesquelles elles ont maintenu leurs conclusions respectives.
16
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
Dirigé contre une décision mettant fin à la procédure à l'égard de la banque intimée (art. 91 lit. b LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une contestation civile pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF) et ayant été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable.
17
Le recourant conclut notamment (chiffre 3) à ce que son appel soit admis. Le recours en matière civile étant un recours en réforme (cf. art. 107 al. 2 LTF), il incombe au Tribunal fédéral de statuer sur le fond du litige qui lui a été dévolu. Il n'a donc pas à se prononcer sur l'appel jugé par l'autorité précédente, aujourd'hui dessaisie en faveur du Tribunal fédéral. En l'espèce, le recourant conclut cependant expressément sous le chiffre suivant à ce qu'il soit constaté que les prétentions litigieuses ne sont pas prescrites. Dès lors, malgré sa formulation, sa troisième conclusion ne fait pas obstacle à l'entrée en matière.
18
 
Erwägung 2
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire même préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2).
19
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18).
20
2.2. Le recourant renvoie aux faits tels qu'établis par l'autorité précédente, tout en complétant celui-ci sur différents points. S'il fait état d' "omission[s]" de la part de la cour cantonale, il n'allègue pas en quoi celle-ci aurait établi les faits de manière arbitraire au sens de la jurisprudence précitée. Ses développements étant irrecevables, le Tribunal fédéral statuera sur la base de l'état de fait établi par la Cour de justice.
21
 
Erwägung 3
 
Le recourant soutient que la prétention délictuelle du recourant à l'encontre de l'intimée n'est pas prescrite.
22
3.1. Se penchant sur la question de savoir à quel moment le dommage que le recourant dit avoir subi était suffisamment établi pour permettre l'introduction d'une action en dommages-intérêts, l'autorité précédente a estimé que l'hypothétique acte générateur de responsabilité de la banque s'est épuisé avec le vol des données, la banque n'ayant eu aucune conduite répréhensible postérieure. Une fois les données obtenues par B.________, celui-ci pouvait les diffuser à l'insu de la banque. Au vu de la façon d'agir de B.________ ainsi que de l'intérêt de la presse et des autorités fiscales pour des données telles que celles dérobées, la Cour de justice a jugé notoire que les données en question allaient être transmises à de telles entités. À son avis, dès la diffusion des premiers articles de presse le concernant, voire au plus tard au moment de l'ouverture d'une procédure fiscale à son encontre ou - à l'extrême - à l'issue de la campagne de presse de juin 2013, le recourant était en mesure de déterminer sa prétention en responsabilité, à tout le moins dans les grandes lignes. Comparant la diffusion des données litigieuses à celle d'un document sur internet, l'autorité cantonale a jugé qu'une évaluation chiffrée et précise du dommage ne semblait pas possible et ne le serait jamais, B.________ ou toute autre personne en possession de ces données étant susceptible de les répandre. S'il ne pouvait être exclu que la diffusion des informations soit susceptible de causer au recourant des dommages supplémentaires - notamment des frais d'avocat -, celui-ci avait une connaissance suffisante du dommage pour procéder en justice au plus tard en juin 2013. La thèse du recourant, selon laquelle la diffusion de données bancaires ne permettrait jamais de réclamer le dommage dans sa totalité aurait pour conséquence que l'action en responsabilité contre la banque à laquelle ces données ont été dérobées ne se prescrirait jamais. La Cour de justice a ajouté à ce titre que le recourant n'a pas réclamé la réparation de dommages causés par les procédures fiscales, pourtant initiées dès 2013, donnant ainsi l'impression qu'il était en mesure de circonscrire suffisamment son dommage. Ce n'est qu'après que la banque défenderesse a soulevé l'exception de prescription que le recourant a complété ses écritures sur la question de la procédure fiscale en découlant. Entouré d'avocats dès 2013, le recourant disposait selon la Cour de justice des connaissances nécessaires afin de déterminer son dommage, " à tout le moins dans les grandes lignes ".
23
3.2. Le recourant soulève différents griefs à l'encontre des développements de l'autorité précédente. Il critique tout d'abord le fait que la Cour de justice a renoncé à établir le moment précis auquel le recourant a eu effectivement connaissance de son dommage au sens de la jurisprudence fédérale, se contentant de déterminer à quel moment il aurait pu procéder à une estimation de son dommage futur. Il lui reproche également de ne pas avoir statué sur ses offres de preuves relatives aux révélations faites par B.________ en 2015. Il critique ensuite l'application de la jurisprudence de l'arrêt 2C_372/2018 du 25 juillet 2018 au cas d'espèce, la divulgation d'informations bancaires ne pouvant être comparée à la diffusion d'un document sur internet. Il soutient que, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité précédente, l'art. 42 al. 2 CO ne constitue pas une règle de fixation du moment de départ du délai de l'art. 60 CO. Le fait que le dommage puisse faire l'objet d'une détermination équitable par le juge au sens de l'art. 42 al. 2 CO ne suffit pas à faire partir le délai de prescription. Enfin, le recourant estime que les principes retenus par l'autorité précédente auraient pour conséquence de contraindre les victimes de divulgation de leurs données bancaires à agir " à l'aveugle ", ce qui ne correspondrait pas aux principes du droit suisse de la prescription.
24
 
Erwägung 3.3
 
3.3.1. Dans la présente affaire, le recourant fait valoir différents postes de dommages prétendument causés par la diffusion d'informations dérobées à la banque par B.________. La responsabilité civile d'une banque en lien avec la fuite de données bancaires a été envisagée en doctrine, notamment en cas de manquement de l'institution à ses devoirs d'information (cf. sur la question BÉGUIN/VIGNIEU, Fuite de données bancaires : risques et devoirs d'information, in Jusletter 9 avril 2018, p. 9 s.). Dans une affaire concernant également le vol de données bancaires par B.________, le Tribunal fédéral s'est référé à sa jurisprudence selon laquelle le caractère strictement personnel d'une amende infligée par les autorités d'un pays étranger à un client de la banque en indélicatesse avec le fisc constitue un obstacle à la réparation de ce dommage par le biais d'une action en responsabilité (arrêt 4A_21/2017 du 4 octobre 2017, consid. 4). Dans la présente affaire, le recourant fait valoir un dommage correspondant non pas à une amende fiscale mais à des frais d'avocat survenus en lien avec les procédures intentées contre différents médias ainsi que la procédure fiscale dirigée contre lui par les autorités grecques. Nul besoin de se prononcer en l'espèce sur la question de savoir si la responsabilité délictuelle de la banque est susceptible d'être engagée afin d'obtenir la réparation de pareil préjudice, la présente procédure ayant été limitée à la seule question de la 
25
3.3.2. A teneur de la version de l'art. 60 al. 1 CO en vigueur avant la révision du droit de la prescription (s'agissant du droit transitoire, cf. l'art. 49 Tit. fin. CC, particulièrement l'al. 1 de cette disposition, selon lequel le nouveau droit, lorsqu'il prévoit des délais plus longs, ne s'applique pas aux délais déjà échus en vertu de l'ancien droit), l'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation du tort moral se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit. Selon la jurisprudence relative à l'art. 60 al. 1 CO, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice; le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO. Vu la brièveté du délai de prescription d'un an, on ne saurait se montrer trop exigeant à ce sujet à l'égard du créancier; suivant les circonstances, un certain temps doit encore lui être laissé pour lui permettre d'estimer l'étendue définitive du dommage, seul ou avec le concours de tiers. Le délai de l'art. 60 al. 1 CO part du moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage au sens indiqué ci-dessus, et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 136 III 322 consid. 4.1; 131 III 61 consid. 3.1.1).
26
3.3.3. Lorsque l'ampleur du préjudice résulte d'une " situation qui évolue ", le délai de prescription ne court pas avant le terme de l'évolution (ATF 109 II 418 consid. 3; 81 II 439 consid. 4). Tel est le cas lorsqu'un préjudice est causé par des comportements dom mageables répétés ou s'inscrivant dans la durée dont la jurisprudence a eu à traiter (cf. ATF 146 III 14 consid. 6.1.2 " Bei wiederholtem oder andauerndem schädigenden Verhalten [...] "; cf. également ATF 126 III 161 consid. 3a "Finché l'evento dannoso perdura [...] et ATF 109 II 418 " solange das schädigende Ereignis andauert ").
27
Dans le cas d'espèce, le recourant demande la réparation de dommages prétendument subis en lien avec la publication d'articles de presse et ses différends avec le fisc, estimant que tant les organes de presse que les autorités fiscales ou pénales concernées se sont appuyés sur des données volées à la banque intimée. S'il s'agit bien d'une " situation qui évolue ", l'hypothétique acte générateur de responsabilité dont il est question se distingue des comportements dommageables répétés ou s'inscrivant dans la durée ayant fait l'objet des arrêts précités. Peu importe à ce titre que l'on considère, comme l'autorité précédente, que l'hypothétique acte générateur de responsabilité de la banque consiste à ne pas avoir empêché le vol des données par B.________, ou si c'est un manquement - postérieur au vol des données - de la banque à ses devoirs d'information qui constitue l'acte illicite (dans ce sens: arrêt 4A_21/2017 du 4 octobre 2017, consid. 4; cf. également BÉGUIN/VIGNIEU, op. cit.). Quoi qu'il en soit, il doit en effet être retenu qu'un hypothétique comportement répréhensible de la banque ne s'inscrivait pas dans la durée.
28
S'il reproche à la banque un acte illicite, le préjudice dont le recourant demande la réparation a été causé par l'utilisation subséquente de données dérobées à la banque par des tiers. La présente affaire se distingue ainsi d'une action dirigée contre un organe de presse en lien avec une série de publications concrètes (cf. ATF 126 III 161 consid. 3). Comme le précise à juste titre l'autorité précédente, une fois dérobées par B.________ et transmises par celui-ci à des tiers, les données peuvent être utilisées par quiconque sans que la banque ne puisse exercer aucun contrôle sur elles. Ainsi, dans le délai absolu de 10 ans et en fonction d'actes de tiers sans lien avec l'hypothétique comportement dommageable de la banque, les données en question étaient et sont encore susceptibles d'occasionner différents types de dommage dont ni la nature ni l'étendue ne sauraient être pronostiquées. En effet, s'il est vrai que l'écoulement du temps rend l'utilisation de ces données moins probable, il n'est pas exclu que celles-ci soient utilisées dans le cadre de la rédaction de futurs articles de presse que le recourant pourrait juger diffamatoires ou de futures procédures initiées à son encontre (cf. en lien avec la publication sur internet d'une ordonnance pénale non anonymisée l'arrêt 2C_372/2018 du 25 juillet 2018 consid. 3). Ainsi, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il affirme que l'affaire trouvera son terme une fois qu'il aura pu défendre son honneur dans la presse et faire face aux procédures initiées contre lui.
29
En résumé, le prétendu comportement illicite de la banque intimée ne s'inscrivait pas dans la durée et était susceptible d'occasionner - de manière médiate - des dommages sur une période de temps dont la durée ne saurait être pronostiquée.
30
3.3.4. Lorsqu'un acte illicite unique est susceptible d'occasionner des dommages, comme c'est par exemple le cas de la diffusion illicite de documents ou d'informations, se pose la question de savoir si tous les éléments de dommage potentiels doivent être survenus afin que le délai de prescription commence à courir.
31
3.3.4.1. Considérer dans le cas d'espèce que le moment de la survenance du 
32
3.3.4.2. Si elle a relevé que le recourant n'a réclamé aucun dommage en lien avec des procédures fiscales dans sa demande initiale et n'a complété ses écritures sur la question de la procédure fiscale et d'un éventuel dommage en découlant qu'une fois l'exception de prescription soulevée par la banque, l'autorité précédente ne s'est pas interrogée sur la question de savoir si le délai de prescription relatif avait commencé à courir 
33
3.3.4.2.1. S'agissant du délai Toutefois, force est de constater en l'espèce que le préjudice dont le recourant demande la réparation a trait à deux situations distinctes. Si les dommages que le demandeur fait valoir ont certes pour cause hypothétique le même acte générateur de responsabilité et correspondent tous les deux à des frais d'avocats, ils n'ont rien d'autre en commun. Ils concernent, d'une part, une procédure en Grande-Bretagne consécutive à des articles de presse publiés en 2013 et s'étant soldée par un accord transactionnel et, d'autre part, une (ou plusieurs) procédure (s) fiscale (s) en Grèce encore pendante (s). Il en irait d'ailleurs de même de tout autre potentiel futur dommage consécutif à l'utilisation des données litigieuses, par exemple par la publication future d'un article diffamatoire (potentiellement par un autre organe de presse dans un autre pays). En l'espèce, tant l'existence de dommages que leur étendue dépendent du comportement de tiers - médias, autorités administratives, ou toute personne ou entité ayant eu directement ou indirectement accès aux données dérobées par B.________ - pouvant décider à tout moment et à l'insu de la banque intimée d'utiliser les données bancaires volées. L'hypothétique comportement dommageable de la banque ne constitue donc pas d'un acte ayant pour effet médiat un préjudice dont l'étendue n'est connue que lorsqu'un fait immédiatement générateur causé par lui, par exemple une lésion corporelle, a terminé son évolution (ATF 92 II 1 consid. 3). En l'espèce, l'imprévisibilité de l'évolution est liée à la conséquence d' actes de tiers immédiatement générateurs postérieurs à l'hypothétique comportement dommageable de la banque et sans lien avec celui-ci.
34
3.3.4.2.2. Ainsi, du point de vue de la prescription, le principe de l'unité du dommage, dégagé pour la première fois explicitement à l'ATF 74 II 37 en lien avec des lésions corporelles, ne peut trouver application en l'espèce. Il convient donc de distinguer entre l'hypothétique dommage lié à la campagne de presse, d'une part, et celui consécutif à la procédure fiscale grecque, d'autre part. En effet, le recourant ne saurait se prévaloir de la survenance d'un dommage des années après la fin de la campagne de presse afin de demander la réparation du préjudice prétendument subi en lien avec celle-ci en dépit du court délai relatif de l'art. 60 al. 1 CO. Au vu des circonstances exceptionnelles de l'espèce exposées ci-dessus, et contrairement à ce qu'a jugé l'autorité précédente, il doit être retenu que le délai annal de prescription court 
35
3.3.5. S'agissant des articles de presse, l'autorité précédente a constaté que la campagne de presse en question a eu lieu entre 2012 et 2013 et que la procédure initiée par le recourant à l'encontre de sociétés de médias et de journalistes a trouvé son terme en septembre 2013. Dès lors, il est indéniable que le délai relatif de prescription pour toutes les prétentions ayant trait à cette campagne de presse est échu.
36
3.3.6. S'agissant de la (ou des) procédure (s) fiscale (s) grecque (s), l'autorité précédente a retenu que celle-ci avait été ouverte au plus tard au début du mois de février 2013 et que l'enquête serait - de l'avis du recourant - toujours en cours. Se pose la question de savoir à quel moment l'hypothétique préjudice subi par le recourant en lien avec cette procédure doit être considéré comme étant suffisamment déterminé, c'est-à-dire le moment auquel le recourant en a eu connaissance, du moins dans les grandes lignes (ATF 126 III 161 consid. 3c; 74 II 30 consid. 1d).
37
Contrairement à l'avis de l'autorité précédente, et sans que l'on doive se prononcer sur le fond de la question de la prise en charge par un tiers de frais d'avocats non couverts par les dépens tarifés (cf. arrêt 4A_76/2018 du 8 octobre 2018 consid. 3.4), il ne peut être retenu que le recourant était en mesure de déterminer le préjudice que la ou les procédure (s) initiée (s) contre lui allai (en) t occasionner. Selon les constations de la Cour cantonale, le recourant est en effet un homme d'affaire déployant une activité commerciale dans plusieurs pays, organe de plusieurs sociétés entretenant des relations bancaires avec la banque intimée et ayant droit économique d'un ou plusieurs comptes bancaires détenus par des sociétés tierces auprès de cette dernière. Dès lors, il ne fait nul doute que sa situation patrimoniale et fiscale revêt une certaine complexité rendant l'estimation du potentiel préjudice au début de la ou des procédure (s) particulièrement ardue voir impossible. De plus, avant l'issue de la procédure en question, le recourant ne peut savoir si et dans quelle mesure une partie des frais liés à sa défense seront indemnisés. Ainsi, l'ouverture en Grèce d'une enquête dirigée contre le recourant au début de l'année 2013 ne signifie pas que celui-ci avait connaissance du dommage dans les grandes lignes. Les prétentions que fait valoir le recourant en lien avec la ou les procédure (s) grecque (s) ne peuvent, dès lors, être considérées comme étant prescrites.
38
3.3.7. À la fin de son argumentation, l'autorité précédente a relevé que le recourant n'a réclamé aucun dommage en lien avec les procédures fiscales dans sa demande initiale et n'a complété ses écritures sur la question qu'une fois l'exception de prescription soulevée par la banque défenderesse. Elle n'a cependant émis aucune réserve quant à l'admissibilité de la modification de la demande. Malgré les différences susmentionnées existant entre les complexes de faits, il semble adéquat - pour des raisons d'économie de procédure - de considérer que ces prétentions présentent un lien de connexité au sens de l'art. 227 al. 1 lit. a CPC.
39
3.3.8. Au vu de ce qui précède, inutile de s'attarder sur le grief du recourant selon lequel la Cour de justice aurait violé son droit à la preuve en jugeant que les moyens de preuve offerts n'étaient pas pertinents eu égard à la question de la prescription, les moyens de preuve en question ayant trait à la procédure grecque.
40
 
Erwägung 4
 
S'agissant de son grief subsidiaire selon lequel l'autorité précédente aurait violé son droit d'être entendu en lien avec la question d'une éventuelle responsabilité contractuelle de l'intimée à son égard, le recourant ne peut être suivi. Comme il le relève à juste titre, l'autorité de première instance a procédé à une appréciation anticipée des preuves, ce que la Cour de justice a confirmé. Pareille appréciation ne peut être remise en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 138 III 374 consid. 4.3.2). Or, le recourant - qui n'est pas titulaire de comptes auprès de l'intimée - ne démontre en rien en quoi l'arrêt attaqué serait arbitraire sur ce point. Se contentant d'évoquer une " relation de mandat " ainsi que la possibilité abstraite pour l'ayant droit économique d'un compte d'être bénéficiaire d'une stipulation pour autrui parfaite conclue entre la société titulaire du compte et la banque, il n'apporte aucun élément ayant trait à la nature d'une hypothétique relation contractuelle susceptible de démontrer que l'appréciation de la Cour de justice serait arbitraire.
41
 
Erwägung 5
 
5.1. Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt de la Cour de justice du 3 décembre 2019 annulé en ce qu'il concerne l'action dirigée contre l'intimée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
42
5.2. Il apparaît ainsi que la partie recourante et la partie intimée ont obtenu gain de cause, respectivement ont succombé, dans une mesure égale. Dès lors, les frais de la présente procédure, arrêtés en fonction de la valeur litigieuse, seront mis pour moitié à la charge du recourant et pour moitié à la charge de l'intimée. Quant aux dépens, il se justifie, par identité de motifs, de les compenser (art. 66 al. 1 et 68 al. 2 LTF).
43
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 18'000 fr., sont mis pour moitié (9'000 fr.) à la charge du recourant et pour moitié (9'000 fr.) à la charge de l'intimée.
 
3. Les dépens sont compensés.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève Chambre civile et à B.________.
 
Lausanne, le 19 août 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Kiss
 
Le Greffier : Curchod
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).