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Informationen zum Dokument  BGer 1C_207/2020  Materielle Begründung
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BGer 1C_207/2020 vom 24.07.2020
 
 
1C_207/2020
 
 
Arrêt du 24 juillet 2020
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux
 
Chaix, Président, Haag et Müller.
 
Greffière : Mme Tornay Schaller.
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représentée par Me Marc-Antoine Aubert, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Secrétariat d'Etat aux migrations,
 
Quellenweg 6, 3003 Berne.
 
Objet
 
Annulation de la naturalisation facilitée,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 18 février 2020 (F-910/2018).
 
 
Faits :
 
A. En décembre 2013, A.________, originaire de Chine et née en 1977, a introduit une requête de naturalisation facilitée, fondée sur son mariage en août 2008 avec un ressortissant suisse. En juin 2015, les époux ont contresigné une déclaration écrite par laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation ni divorce.
1
Par décision du 15 juin 2015, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) a accordé la naturalisation facilitée à A.________.
2
En octobre 2016, la prénommée a déménagé et s'est définitivement séparée de son époux. Le mois suivant, elle a introduit une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, assortie de mesures d'extrême urgence.
3
B. Par courrier du 26 mai 2017, le SEM a informé A.________ qu'une procédure en annulation de sa naturalisation facilitée était ouverte, à la suite des soupçons émis par la commune de résidence. Les 20 et 22 juin 2017, l'intéressée a notamment fait valoir avoir décidé de quitter le domicile conjugal lorsqu'elle avait appris que son mari côtoyait régulièrement une femme dans le cadre de sa formation continue et que les déjections des chiens qui séjournaient à l'intérieur de leur habitation l'avaient rendue malade. Elle a ajouté qu'une annulation de sa naturalisation facilitée risquerait de l'exposer à une éventuelle apatridie.
4
Le 19 juillet 2017, le mari de la prénommée a expliqué que les chiens dont il était propriétaire avant son mariage, avaient toujours vécu à l'intérieur de son habitation - dont une partie leur était totalement consacrée - et que si les déjections de ses chiens jonchaient le sol cela était en partie dû au fait que sa femme ne les évacuait pas; il n'avait jamais accompagné son épouse lors de ses séjours réguliers en Chine et n'avait assisté à ses rencontres avec les membres de la communauté chinoise de Suisse que durant la première année de leur union; avec sa femme, ils désiraient avoir des enfants, mais la vie en avait décidé autrement. Il a précisé n'avoir suivi aucun traitement médical en vue d'améliorer ses chances de procréation. En septembre 2017, A.________ s'est déterminée sur les déclarations de son époux.
5
Par décision du 26 janvier 2018, le SEM a prononcé l'annulation de la naturalisation facilitée de l'intéressée.
6
C. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision par arrêt du 18 février 2020. Il a considéré en particulier que l'enchaînement chronologique rapide des événements fondait la présomption que les liens conjugaux ne présentaient pas, au moment déterminant, la stabilité et l'intensité suffisantes pour retenir que le couple envisageait réellement une vie future commune; les éléments avancés par l'intéressée n'étaient pas susceptibles de renverser cette présomption.
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D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 18 février 2020 et de maintenir sa naturalisation facilitée. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
8
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position. Le SEM a observé que le recours ne contenait aucun élément propre à démontrer une violation du droit fédéral ou l'établissement inexact de faits. L'intéressée n'a pas déposé d'autres écritures.
9
Par ordonnance du 19 mai 2020, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif, présentée par la recourante.
10
 
Considérant en droit :
 
1. Dirigé contre la décision du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à la recourante, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Pour le surplus, la recourante a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.
11
2. L'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2018, de la nouvelle loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN; RS 141.0) a entraîné l'abrogation de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (aLN; RO 1952 1115), conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre I de son annexe). En vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit. Dans la présente cause, tous les faits pertinents pour l'annulation de la naturalisation facilitée se sont déroulés sous l'empire de l'ancien droit, de sorte que l'aLN s'applique.
12
3. La recourante sollicite l'audition de son mari, pour clarifier la chronologie de la relation de celui-ci avec une collègue de travail. Un interrogatoire des parties ou des débats n'ont qu'exceptionnellement lieu devant le Tribunal fédéral et les parties n'ont en principe aucun droit à y prétendre (art. 55 al. 3 LTF, art. 57 LTF). Cela ne s'impose manifestement pas en l'espèce, vu le raisonnement qui suit.
13
4. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante se plaint sommairement d'une violation de son droit d'être entendue. Elle reproche à l'instance précédente d'avoir refusé l'audition de son mari.
14
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Un tel refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la portée du moyen de preuve proposé est entachée d'arbitraire (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 et les références citées).
15
La recourante se plaint d'un manque d'instruction portant uniquement sur la prétendue relation de son mari avec une collègue dans le cadre d'une formation professionnelle, non pas sous l'angle de la nature de cette relation, mais au sujet de la chronologie. Or on ne voit pas en quoi cette mesure d'instruction aurait été utile. En effet, il ressort du dossier que les deux formations professionnelles de l'époux ont duré de septembre 2013 à fin octobre 2015. Le Tribunal administratif fédéral n'a donc pas versé dans l'arbitraire en écartant, sur la base d'une appréciation anticipée des preuves, cette demande d'audition.
16
5. Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, la recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits.
17
5.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter de ces constatations de fait, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 I 135 consid. 1.6 p. 144 s.). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'arrêt attaqué (ATF 143 V 19 consid. 2.2 p. 23; 141 IV 416 consid. 4 p. 421). En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques appellatoires concernant l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves opérés par l'autorité précédente (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; cf. aussi ATF 140 III 264 consid. 2.3).
18
5.2. En l'occurrence, la recourante reproche d'abord au Tribunal administratif fédéral d'avoir tiré de deux allégués de la requête de mesures protectrices de l'union conjugale (l'impossibilité pour l'époux d'avoir des enfants et la préférence de l'époux pour ses chiens) que le couple avait connu de sérieuses difficultés avant la signature de la déclaration commune. La recourante fait aussi grief à l'instance précédente d'avoir douté de l'intérêt du mari pour la culture et la famille de sa femme, d'avoir retenu que le mari semblait avoir eu un manque flagrant de compréhension face à l'allergie aux chiens de son épouse, d'avoir estimé que la question des chiens constituait un sujet de discorde important au sein du couple déjà durant la procédure de naturalisation et d'avoir considéré qu'à la suite de la déception de la recourante à la réception des résultats du test de fertilité, elle admettait que son couple se trouvait déjà dans une situation précaire qui ne s'était jamais résolue. La recourante fait encore valoir que l'instance précédente a minimisé l'impact de la visite de sa mère au printemps 2016.
19
Ces différents éléments ressortent cependant de l'arrêt attaqué. En réalité, la recourante ne conteste pas l'établissement des faits en tant que tel mais plutôt leur appréciation juridique. Il s'agit ainsi d'une question de droit qui sera examinée avec le fond (voir infra consid. 6.3).
20
Quant aux faits que le Tribunal administratif fédéral aurait omis de prendre en compte, ils n'ont aucune incidence sur l'issue du litige (voir infra consid. 6.4).
21
Le grief de la constatation inexacte des faits est donc rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
22
6. Sur le fond, la recourante conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères et estime que les juges précédents ont abusé de leur pouvoir d'appréciation dans l'examen du faisceau d'éléments déstabilisateurs qui sont survenus dès l'automne 2015. Elle soutient qu'elle serait parvenue à renverser la présomption résultant de l'enchaînement chronologique des faits, et ainsi à faire admettre qu'il existe une possibilité raisonnable qu'il ait voulu former une communauté stable avec son épouse.
23
6.1. Conformément à l'art. 41 al. 1 aLN, le SEM peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler la naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels.
24
Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 140 II 65 consid. 2.2 p. 67). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 1C_272/2009 du 8 septembre 2009 consid. 3.1, in SJ 2010 p. 69; 1C_658/2019 du 28 février 2020 consid. 3.1.1).
25
La nature potestative de l'art. 41 al. 1 aLN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1 p. 403).
26
D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 128 II 97 consid. 3a p. 98).
27
6.2. La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par renvoi de l'art. 19 PA [RS 172.021]). Ce principe vaut également devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF [RS 173.32]). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet dans certaines circonstances que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 130 II 482 consid. 3.2 p. 485). Partant, si l'enchaînement rapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption en raison, non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA; cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 132 II 113 consid. 3.2 p. 115 s.), mais encore de son propre intérêt (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485 s.). Le fait de taxer de plus ou moins rapide un enchaînement de circonstances pertinentes pour l'issue d'un litige relève du pouvoir d'appréciation du juge, opération dans le cadre de laquelle le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'excès de ce pouvoir (arrêts 1C_142/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.2; 1C_172/2012 du 11 mai 2012 consid. 2.3).
28
S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il a signé la déclaration (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 165 s. et les arrêts cités).
29
6.3. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le court laps de temps séparant l'octroi de la naturalisation facilitée (juin 2015) et la séparation définitive des époux (octobre 2016) était de nature à fonder la présomption de fait selon laquelle, au moment de la signature de la déclaration commune, la communauté conjugale des époux n'était plus stable et orientée vers l'avenir au sens de l'art. 27 aLN. L'instance précédente a ajouté que la recourante ne contestait pas qu'entre le 16 avril et le 18 juin 2016, elle avait résidé avec sa mère chez une amie.
30
La recourante ne discute pas cette présomption de fait. Les éléments précités sont d'ailleurs propres à fonder la présomption que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, la séparation des époux étant intervenue au mieux quinze mois seulement après l'octroi de la naturalisation facilitée (cf. notamment arrêts du Tribunal fédéral 1C_82/2018 du 31 mai 2018 consid. 4.3; 1C_362/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3; 1C_796/2013 du 13 mars 2014 consid. 3.2; 1C_503/2015 du 21 janvier 2016 consid. 3.2 et les arrêts cités).
31
L'instance précédente n'en est cependant pas restée au constat que l'enchaînement chronologique des faits conduisait à cette présomption. Elle a ajouté que celle-ci était renforcée par plusieurs éléments, notamment l'impossibilité d'avoir des enfants (des examens ayant été effectués à ce sujet en 2014) et le fait que dans la requête de mesures protectrices de l'union conjugale la recourante avait indiqué que son époux "avait toujours donné l'impression de préférer ses animaux en particulier ses chiens aux joies de la vie commune". Les juges précédents ont souligné en outre que le fait que le mari n'ait jamais accompagné sa femme lors de ses voyages annuels en Chine permettait de douter de son intérêt pour la culture et la famille de la prénommée. Le Tribunal administratif fédéral a enfin relevé qu'aucune démarche n'avait été adoptée en amont pour résoudre les problèmes au sein du couple avant d'envisager une séparation définitive.
32
La recourante soutient que l'instance précédente a apprécié ces faits de manière approximative et en a tiré des constatations inexactes. La recourante ne peut cependant pas s'en prévaloir dans la mesure où ces éléments ont été pris en compte, non pour établir la présomption mais pour renforcer la présomption établie.
33
Conformément à la jurisprudence précitée, il s'agit donc uniquement de déterminer si l'intéressée est parvenue à renverser cette présomption en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune.
34
6.4. Pour expliquer une soudaine dégradation du lien conjugal quinze mois seulement après l'octroi de la naturalisation, la recourante se borne à affirmer, de manière appellatoire, que plusieurs événements ont affecté son couple entre l'automne 2015 et l'été 2016 (visite de sa mère au printemps 2016, difficultés financières, problèmes dentaires, accident de la circulation avec retrait du permis de conduire, désaccords sur les prestations d'assurance, désintérêt subit de l'époux envers la tenue du ménage, fin du droit au chômage de la recourante, dépenses inconsidérées de l'époux); plus que les événements eux-mêmes, c'était leur nombre et leur accumulation sur une courte période qui avait déstabilisé le lien conjugal.
35
Nonobstant le fait que ces éléments ne permettent pas d'établir qu'en juin 2015, au moment de la signature de la déclaration commune, l'harmonie existait toujours au sein du couple au point d'envisager la continuation de leur vie maritale pour une période durable, la recourante ne répond pas à l'argumentation convaincante du Tribunal administratif fédéral qui a expliqué pour quelle raison la mauvaise tenue du logement par l'époux (notamment l'absence de nettoyage des déjections des chiens à l'intérieur de la maison) ne pouvait avoir un caractère extra ordinaire susceptible d'expliquer la dégradation rapide des liens conjugaux: la recourante devait en effet déjà connaître la tendance de son époux à délaisser la propreté du logement dès lors que, selon ses propres dires, elle s'était initialement occupée des déjection canines précisément pour cette raison. Le Tribunal administratif fédéral pouvait aussi, sans arbitraire, considérer que le couple avait connu des difficultés particulières à ce sujet avant 2016, l'époux semblant avoir eu un manque de compréhension face à l'allergie aux chiens survenue chez son épouse et celle-ci ayant déclaré dans le requête de mesures protectrices de l'union conjugale que son mari lui aurait toujours donné l'impression de préférer ses chiens aux joies d'une vie commune.
36
L'instance précédente pouvait en outre, sans violer le droit fédéral, considérer que les problèmes financiers (liés à la perte de l'emploi de la recourante en juin 2014, aux conséquences financières de problèmes dentaires et d'un accident de la route, à la fin des prestations de l'assurance-chômage et aux dépenses inconsidérées du mari) n'étaient pas de nature à expliquer la fin subite de la vie d'un couple marié depuis de nombreuses années, sauf à considérer que leur union n'était pas stable; s'y ajoutait que la recourante n'avait jamais allégué devant le SEM que sa situation financière avait été le facteur-clé de la désunion du couple. Il sied par ailleurs de relever à cet égard que l'époux n'a jamais évoqué les problèmes financiers comme cause de la séparation.
37
Quant à la pression familiale prétendument subie par la recourante en raison de la venue de sa mère en Suisse au printemps 2016, le Tribunal administratif fédéral pouvait juger qu'elle ne constituait pas un événement extraordinaire suffisant pour expliquer la dégradation rapide des liens conjugaux d'un couple marié et stable. Dans ce contexte, il apparaît davantage que le processus de délitement du lien conjugal s'est effectué lentement au fil des années, au point d'atteindre un point culminant lors de la visite de la mère de la recourante. L'époux a d'ailleurs déclaré qu'aucun événement n'était intervenu à la suite de la naturalisation de sa femme permettant de remettre en cause la communauté conjugale à tel point que la séparation était devenue incontournable.
38
S'agissant de l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune, l'instance précédente a expliqué pourquoi la question de la procréation avait une importance prépondérante dans leur relation. La recourante ne répond à aucun des arguments exposés dans le détail par les juges précédents (notamment l'impact psychologique sur la recourante de cet événement ayant fait naître chez elle un profond sentiment de rejet et du ressenti envers son époux, voir arrêt attaqué consid. 7.3 p. 13 et 14). Elle se contente d'affirmer que la question de la procréation ne constituait pas une source latente de conflit entre les époux puisqu'ils avaient accepté le destin d'un couple sans enfant. Compte tenu de ce qui précède, cette simple assertion est insuffisante à renverser la présomption établie.
39
Pour le reste, la comparaison avec d'autres situations de retrait de naturalisation facilitée est sans pertinence pour l'examen de la question de savoir s'il y a eu obtention frauduleuse de naturalisation au sens de l'art. 41 aLN.
40
Enfin, les déclarations du mari affirmant que les problèmes du couple étaient apparus dans le courant de l'année 2016 et que le couple avait fêté son anniversaire de mariage dans un restaurant chinois ne permettent pas, quoi qu'en pense la recourante, une autre appréciation. En effet, ils ne constituent pas des éléments extraordinaires qui auraient précipité la fin de l'union ou qui permettraient de penser que la recourante n'avait pas conscience durant la procédure de naturalisation facilitée de la détérioration de sa relation conjugale.
41
6.5. En définitive, les éléments avancés par la recourante, même cumulés, ne suffisent pas à renverser la présomption établie. Par conséquent, les conditions d'application de l'art. 41 aLN sont réunies et le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral en confirmant l'annulation de la naturalisation facilitée qui avait été octroyée à la recourante.
42
7. Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
43
La recourante qui succombe supporte les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).
44
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI.
 
Lausanne, le 24 juillet 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Chaix
 
La Greffière : Tornay Schaller
 
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