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Informationen zum Dokument  BGer 5A_325/2020  Materielle Begründung
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BGer 5A_325/2020 vom 16.06.2020
 
 
5A_325/2020
 
 
Arrêt du 16 juin 2020
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
 
Schöbi et Bovey.
 
Greffière : Mme Feinberg.
 
Participants à la procédure
 
A.________ SA, en liquidation,
 
représentée par Me Daniel F. Schütz, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
1.  B.________,
 
2.  C.________,
 
tous les deux représentés par Me Delphine Zarb, avocate,
 
intimés.
 
Objet
 
faillite sans poursuite préalable,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile
 
de la Cour de justice du canton de Genève,
 
du 26 février 2020 (C/18704/2019, ACJC/353/2020).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 16 août 2019, B.________ et C.________ ont requis la faillite sans poursuite préalable de A.________ SA.
1
A.b. La procédure a été suspendue le 4 octobre 2019 dans l'attente de l'issue des recours formés par A.________ SA contre deux jugements des 22 août et 19 septembre 2019 ayant prononcé sa faillite. Ces jugements ont tous deux été annulés, les dettes poursuivies ayant été réglées. La procédure a été reprise le 28 octobre 2019.
2
A.c. Par jugement du 21 novembre 2019, le Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: Tribunal) a prononcé la faillite de A.________ SA.
3
Le Tribunal a retenu que la suspension des paiements était vraisemblable car A.________ SA faisait l'objet, au 30 septembre 2019, de 49 poursuites, pour plus de 230'000 fr. (dont 15 s'étaient soldées par la délivrance d'actes de défaut de biens au sens de l'art. 115 LP, 3 par la délivrance d'actes de défaut de biens au sens de l'art. 149 LP et 13 par des saisies ne couvrant pas la créance). Certaines poursuites concernaient des montants minimes (par exemple 50 fr., 53 fr. 85 ou 642 fr.) et de nombreuses créances de droit public (TVA, administration fiscale cantonale) et d'assurances sociales étaient concernées.
4
A.d. Le 2 décembre 2019, la faillie a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et au déboutement des parties adverses de toutes leurs conclusions. Elle a fait valoir qu'elle subissait une perte de chiffre d'affaires en raison du fait qu'elle ne pouvait plus louer des chambres aux touristes au motif qu'elles étaient vétustes et que les intimés ne les avaient pas rénovées. Ces chambres avaient été louées à des personnes au bénéfice de l'assistance publique et elle était créancière de l'Hospice général et de l'Etat de Genève à hauteur de 53'227 fr. à ce titre. Les poursuites à son encontre étaient pour l'essentiel payées ou contestées, de sorte qu'elle était solvable. C'était par conséquent à tort que le Tribunal avait retenu qu'elle avait suspendu ses paiements.
5
A.e. Par décision du 3 décembre 2019, la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice) a suspendu l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris et les effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
6
A.f. Par arrêt du 26 février 2020, expédié le 4 mars suivant, la Cour de justice a rejeté le recours et confirmé le jugement querellé, la faillite prenant effet le même jour à 12h00.
7
B. Par acte posté le 4 mai 2020, la faillie exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 26 février 2020, dont elle demande l'annulation.
8
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises.
9
C. Par ordonnance présidentielle du 29 mai 2020, l'effet suspensif a été attribué au recours en ce sens que le prononcé de la faillite reste en force mais qu'aucun acte d'exécution de la décision attaquée ne doit être entrepris, les éventuelles mesures conservatoires déjà prises par l'Office en vertu des art. 162 ss, 170, 174 al. 3 et 221 ss LP demeurant toutefois en vigueur.
10
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. La décision qui prononce la faillite sur la base de l'art. 190 LP constitue une décision finale (art. 90 LTF; arrêt 5A_235/2020 du 4 juin 2020 consid. 1 et la référence) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF). Interjeté dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF et 1 al. 1 de l'ordonnance du 20 mars 2020 sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec le coronavirus [COVID-1]), contre une décision de l'autorité cantonale supérieure en matière de faillite (art. 75 LTF) par la débitrice déboutée de ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), le recours en matière civile est ainsi en principe recevable au regard de ces dispositions, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF).
11
1.2. Le recours en matière civile des art. 72 ss LTF étant une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF), le recourant ne doit pas se borner à demander l'annulation de la décision attaquée; il doit également prendre des conclusions sur le fond du litige (ATF 137 II 313 consid. 1.3 et les références). A titre exceptionnel, il est admis qu'il puisse se limiter à prendre des conclusions cassatoires lorsque le Tribunal fédéral, s'il accueillait le recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond (ATF 136 V 131 consid. 1.2; 134 III 379 consid. 1.3). Par ailleurs, les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation du recours (ATF 137 II 313 consid. 1.3; 137 III 617 consid. 6.2; 136 V 131 consid. 1.2).
12
En l'occurrence, les conclusions de la recourante ne portent que sur l'annulation de l'arrêt entrepris. On comprend toutefois de son écriture qu'elle sollicite la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la requête de faillite sans poursuite préalable des intimés est rejetée. Dans cette mesure, il peut exceptionnellement être entré en matière sur les mérites du recours.
13
 
Erwägung 2
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4).
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2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation (cf. 
15
2.3. Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité cantonale de dernière instance statue sur recours, conformément au principe de l'art. 75 al. 1 LTF, l'épuisement des instances cantonales est une condition de recevabilité du recours en matière civile au Tribunal fédéral, ce qui signifie que les voies de droit cantonales doivent avoir été non seulement utilisées sur le plan formel, mais aussi épuisées sur le plan matériel (ATF 143 III 290 consid. 1.1 et les références; arrêts 5A_836/2019 du 20 avril 2020 consid. 2.2; 5A_670/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.2).
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En l'occurrence, la recourante se plaint d'une violation de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il n'apparaît toutefois pas que ce moyen ait été dûment soulevé et motivé dans le recours cantonal. Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière sur cette critique.
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3. Se plaignant d'un établissement manifestement inexact des faits et d'une violation de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, la recourante conteste se trouver en situation de suspension de paiements. A cet égard, elle reproche également à la Cour de justice d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation.
18
3.1. Selon l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur sujet à la poursuite par voie de faillite a suspendu ses paiements.
19
Le motif de la faillite posé à l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP est une notion juridique indéterminée qui accorde au juge un large pouvoir d'appréciation. Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut que le débiteur ne paie pas des dettes incontestées et exigibles, laisse les poursuites se multiplier contre lui, tout en faisant systématiquement opposition, ou omette de s'acquitter même des dettes minimes; il n'est cependant pas nécessaire que le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que le refus de payer porte sur une partie essentielle de ses activités commerciales. Même une dette unique n'empêche pas, si elle est importante et que le refus de payer est durable, de trahir une suspension de paiements; tel est notamment le cas lorsque le débiteur refuse de désintéresser son principal créancier. Le non-paiement de créances de droit public peut constituer un indice de suspension de paiements. La suspension des paiements ne doit pas être de nature simplement temporaire, mais doit avoir un horizon indéterminé (ATF 137 III 460 consid. 3.4.1; arrêt 5A_235/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 et les autres références).
20
La suspension des paiements a été préférée par le législateur à l'insolvabilité parce qu'elle est perceptible extérieurement et, dès lors, plus aisée à constater que l'insolvabilité proprement dite; il s'agit ainsi de faciliter au requérant la preuve de l'insolvabilité. S'il ne faut donc pas confondre la suspension des paiements, qui est la manifestation extérieure d'un manque de liquidités, et l'insolvabilité, il n'en demeure pas moins que, lorsque l'insolvabilité est établie, la faillite sans poursuite préalable doit a fortiori être prononcée (arrêt 5A_367/2008 du 11 juillet 2008 consid. 4.1 et les références).
21
3.2. La recourante reproche à la Cour de justice d'avoir implicitement admis que la suspension des paiements était durable, alors que cela était manifestement faux. En effet, elle avait pu éviter deux faillites en 2019 en payant les créances, ce dont la Cour de justice n'avait arbitrairement pas tenu compte. Ces paiements étaient un " indice indubitable pour démontrer la liquidité objective et que la suspension des paiements n'était pas durable ". Avait également été omis de manière arbitraire le fait qu'elle était créancière de l'Etat de Genève pour un montant de 53'227 fr., lequel résultait d'une " série de factures produites en procédure ". Ce montant aurait permis de payer une partie des poursuites en cours, ce qui constituait un indice de solvabilité, respectivement un indice supplémentaire que la suspension des paiements n'était pas durable. En ignorant ces indices et en se basant uniquement sur le fait qu'elle faisait l'objet de poursuites pour des montants minimes ou émanant de créanciers de droit public, la Cour de justice avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Selon la recourante, il était en effet difficile de comprendre pour quel motif elle avait, dans la pesée des intérêts, privilégié les deux indices en faveur de l' " insolvabilité durable " par rapport à ceux témoignant de la " solvabilité durable ".
22
3.3. S'agissant de la créance de 53'227 fr. que la recourante prétend détenir à l'encontre de l'Etat de Genève, la Cour de justice a constaté que celle-ci n'était pas établie par les pièces produites. La recourante le conteste en affirmant que la créance résulte d'une série de factures versées à la procédure. Cette simple affirmation péremptoire est à l'évidence insuffisante pour démontrer l'arbitraire de la constatation cantonale (cf. 
23
4. En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui n'ont pas été suivis sur l'effet suspensif et n'ont pas été invités à se déterminer sur le fond, n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
24
Comme l'attribution de l'effet suspensif ne se rapporte qu'aux mesures d'exécution, il n'y a pas lieu de fixer à nouveau la date de l'ouverture de la faillite (arrêt 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 4 et les références).
25
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des faillites du canton de Genève, à l'Office des poursuites du canton de Genève, à l'Office du registre du commerce du canton de Genève, au Registre foncier du canton de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 16 juin 2020
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Herrmann
 
La Greffière : Feinberg
 
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