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Informationen zum Dokument  BGer 1C_2/2020  Materielle Begründung
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BGer 1C_2/2020 vom 13.05.2020
 
 
1C_2/2020
 
 
Arrêt du 13 mai 2020
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
 
Fonjallaz et Müller.
 
Greffier : M. Kurz.
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Christian Lüscher, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
 
Objet
 
Autorisation de construire,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
 
de la République et canton de Genève,
 
Chambre administrative, du 19 novembre 2019 (ATA/1678/2019 - A/3946/2017-LDTR).
 
 
Faits :
 
A. A.________ est propriétaire d'un immeuble d'habitation au 9 rue [...] à Genève (parcelle 1148 de la commune de Genève-Plainpalais). Le 24 octobre 2016, il a requis auprès du Département cantonal du territoire (ci-après : le département) la transformation de locaux au deuxième étage, d'une surface de 138 m˛ et affectés en cabinet médical, en cabinet de psychothérapie. Les travaux portaient notamment sur l'abattage de cloisons pour réunir trois pièces en un seul cabinet de 23,3 m2 ainsi que sur l'isolation phonique de deux pièces. Les préavis requis ont été favorables, sous réserve du Service LDTR qui demandait une compensation des locaux affectés à l'origine au logement. Le 23 août 2017, le département a refusé l'autorisation de construire: le projet visait à soustraire un logement du parc immobilier genevois répondant aux besoins prépondérants de la population. Les travaux dépassaient le seuil du simple entretien et ne pouvaient dès lors être autorisés.
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B. A.________ a saisi successivement le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) puis la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, lesquels ont confirmé la décision du département. Selon l'arrêt de la Chambre administrative, du 19 novembre 2019, les locaux étaient à l'origine voués à l'habitation. L'affectation commerciale comme cabinet médical n'était prouvée que depuis 1978, soit après l'entrée en vigueur de la loi cantonale restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements, du 17 octobre 1962 (ci-après : aLDTR). Cette loi soumettait les changements d'affectation à autorisation et aucune autorisation de ce type n'avait été produite qui attesterait de la légalité de l'affectation existante depuis 1978. Selon la jurisprudence, l'acquisition de la prescription trentenaire ne rendait pas licite le changement d'affectation mais empêchait simplement une remise en état des lieux. Les locaux gardaient donc leur affectation en tant que logement et la LDTR continuait de leur être applicable même si l'affectation commerciale pouvait subsister. Les travaux impliquaient une modification de la distribution des pièces et constituaient une transformation qui ne pouvait être autorisée.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre administrative et de le réformer en ce sens que l'autorisation de construire est accordée.
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La Chambre administrative persiste dans le dispositif et les considérants de son arrêt. Le département conclut au rejet du recours. Dans ses dernières observations, le recourant persiste dans ses conclusions.
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Considérant en droit :
 
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme un refus d'autorisation de transformation. Il dispose ainsi de la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
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2. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 662 CC relatif à la prescription acquisitive de trente ans. Il se prévaut de la jurisprudence selon laquelle cette disposition s'appliquerait par analogie en droit public et empêcherait non seulement l'autorité d'exiger une remise en état après trente ans, mais permettrait également au propriétaire d'acquérir les droits afférents à une affectation en zone à bâtir. Les motifs retenus par cette jurisprudence tiennent en effet aux difficultés d'établir les circonstances de fait et de droit remontant à plus de trente ans, s'agissant notamment de l'existence d'une autorisation de changement d'affectation. La jurisprudence plus restrictive relative à l'art. 24c al. 2 LAT (constructions hors zone à bâtir) ne s'appliquerait pas, de même que la jurisprudence relative au contrôle des loyers après un changement d'affectation. Subsidiairement, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application du droit cantonal.
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2.1. En matière administrative, la jurisprudence admet une application analogique de la disposition sur la prescription acquisitive de l'art. 662 CC. Elle prévoit que la compétence des autorités pour ordonner la démolition ou la remise en état d'un bâtiment non conforme au droit est soumise en principe à un délai de péremption de trente ans, sous réserve des règles du droit des constructions qui ne souffrirait d'aucune dérogation. Cette pratique est fondée sur le principe de sécurité du droit ainsi que sur des considérations pratiques tenant à la difficulté d'établir les circonstances de fait et de droit après plusieurs décennies (ATF 107 Ia 121 consid. 1a p. 123; arrêt 1P.768/2000 du 19 septembre 2001 consid. 3a).
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2.2. L'application analogique des règles sur la prescription acquisitive constitue une garantie contre une intervention de l'Etat tendant à exiger une remise en état ou la démolition d'une construction érigée sans droit, la jurisprudence s'inspirant de l'art. 662 al. 1 CC uniquement pour déterminer le délai de péremption auquel est soumise une telle intervention (ATF 136 II 359 consid. 8 p. 367). Le propriétaire peut ainsi bénéficier du maintien d'un état de fait lorsque celui-ci a été toléré durant plus de trente ans (ATF 136 II 359 consid. 8.3 p. 368). En revanche, le propriétaire ne saurait invoquer l'art. 662 CC - même par analogie - pour obtenir par la suite des avantages supplémentaires, en dérogation aux règles sur l'aménagement du territoire et les constructions, par exemple en agrandissant le bâtiment en question ou, comme en l'espèce, en en changeant l'affectation. Admettre le contraire aurait pour conséquence que l'ensemble des restrictions de droit public à la construction ne s'appliqueraient plus après un délai de trente ans. La jurisprudence va dans le sens contraire de ce que préconise le recourant puisqu'elle considère qu'il n'y a pas péremption du droit d'exiger une remise en état lorsque la construction a subi des transformations et des agrandissements (ATF 136 II 359 consid. 8.3 p. 368).
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L'arrêt attaqué ne consacre ainsi aucune violation du droit fédéral, et il ne saurait a fortiori être considéré comme arbitraire.
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3. Invoquant l'art. 19 de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA, RS/GE E 5 10) ainsi que le droit à la preuve (art. 8 CC), le recourant estime avoir prouvé, sur la base d'extraits de l'annuaire genevois, que des activités commerciales s'exerçaient dans le bâtiment depuis 1929 et que l'appartement en cause était exploité comme cabinet médical dès 1929. L'office cantonal des autorisations de construire n'aurait apporté aucun élément de fait à ce sujet alors qu'il disposait en principe des documents d'archives nécessaires, et les juridictions cantonales n'auraient pas instruit sur ce point alors qu'aucune transformation illicite n'avait pu être établie.
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3.1. La procédure administrative est régie par le principe de la libre appréciation des preuves. Par ailleurs, l'administration supporte en principe le fardeau de la preuve lorsqu'elle rend une décision au détriment de l'intéressé. En revanche, lorsque l'administré requiert une avantage de la part de l'Etat (en l'occurrence une autorisation de transformer), il lui appartient de démontrer que les conditions en sont réalisées et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (cf. ATF 140 II 248 consid. 3.5 p. 252). L'art. 8 CC va dans le même sens puisqu'il dispose que chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire un droit. L'art. 19 LPA (maxime d'office) a trait à l'établissement des faits mais ne change rien aux principes relatifs à la répartition du fardeau de la preuve.
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3.2. La cour cantonale reconnaît que les locaux sont affectés depuis plus de trente ans à une activité de cabinet médical. Elle considère que cette activité a pu être prouvée dès 1978, date du contrat de bail produit en procédure. Le recourant évoque une activité remontant à 1972, mais il ne se plaint pas sur ce point d'établissement inexact des faits au sens de l'art. 97 al. 1 LTF. Il n'explique pas non plus en quoi cette différence de six ans aurait une incidence sur l'appréciation juridique du cas. La cour cantonale considère ensuite qu'il n'existe aucune autorisation permettant ce changement d'affectation, alors que la aLDTR de 1962 exigeait déjà une telle autorisation, ce que le recourant ne conteste pas. Elle précise encore que les affectations commerciales dans le bâtiment, depuis 1929, ne concernaient pas les locaux en question.
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Dans la mesure où l'affectation initiale était le logement (ce qui n'est pas non plus contesté), il appartenait au recourant de démontrer que les locaux visés par la demande de transformation étaient affectés à un usage commercial avant 1962, ou qu'une autorisation de changement d'affectation avait été accordée après cette date. Compte tenu des faits retenus ci-dessus, il apparaît que le recourant a échoué dans cette démonstration et le grief doit être écarté.
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4. Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
 
Lausanne, le 13 mai 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Chaix
 
Le Greffier : Kurz
 
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