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Informationen zum Dokument  BGer 1B_61/2020  Materielle Begründung
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BGer 1B_61/2020 vom 24.02.2020
 
 
1B_61/2020
 
 
Arrêt du 24 février 2020
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président,
 
Kneubühler et Jametti.
 
Greffière : Mme Arn.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représentée par Me Fabien Mingard, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Ministère public du canton de Vaud, le Procureur cantonal Strada, p.a. Ministère public central du canton de Vaud.
 
Objet
 
Détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 7 janvier 2020 (PE19.022784-LAS).
 
 
Faits :
 
A. Le 15 décembre 2019, le Ministère public cantonal Strada a ouvert une instruction pénale contre A.________, ressortissante espagnole, pour infraction grave et contravention à la loi sur les stupéfiants (LStup, RS 812.121). En substance, il lui est reproché d'avoir convoyé depuis Zurich, avec B.________, quelque 330 grammes bruts de cocaïne destinée à la vente. Elle a été interpellée le 15 décembre 2019 en possession de cette drogue et a été auditionnée le 16 décembre 2019.
1
A.________ a été placée en détention provisoire par ordonnance du 18 décembre 2019 du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), lequel a retenu l'existence de soupçons suffisants de culpabilité, ainsi que celle des risques de fuite et de collusion.
2
B. La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision, par arrêt du 7 janvier 2020; outre les risques de fuite et de collusion, cette autorité a également retenu celui de récidive, invoqué par le Ministère public. Elle a par ailleurs estimé qu'aucune des mesures de substitution proposées par la prévenue ne permettait de pallier les risques précités; la grossesse de celle-ci - environ 6 mois lors de son arrestation - ne permettait pas de modifier cette appréciation.
3
C. A.________ forme un recours en matière pénale par lequel elle conclut à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que sa mise en liberté est ordonnée, moyennant le prononcé de différentes mesures de substitution. Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
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La Chambre des recours pénale et le Ministère public renoncent à se déterminer et se réfèrent aux considérants de la décision entreprise.
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Considérant en droit :
 
1. Le recours en matière pénale est immédiatement ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP nonobstant son caractère incident (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, la recourante, prévenue actuellement détenue, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière.
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2. Une mesure de détention provisoire n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). En tout état de cause, la détention avant jugement ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP).
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3. La recourante ne nie pas l'existence de charges suffisantes à son encontre. Elle renonce en outre à contester les risques de fuite, de collusion et de récidive retenus par l'instance précédente. En revanche, elle se plaint d'une violation de l'art. 237 CPP, en tant que l'instance précédente n'aurait pas ordonné sa libération moyennant le prononcé des mesures de substitution qu'elle proposait.
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3.1. Le principe de proportionnalité impose d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité; cf. art. 36 Cst. et 212 al. 2 let. c CPP). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûretés (let. a), la saisie des documents d'identité et autres documents officiels (let. b), l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c), l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d), l'obligation d'avoir un travail régulier (let. e), l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f) et/ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g).
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Cette liste est exemplative et le juge de la détention peut également, le cas échéant, assortir les mesures de substitution de toute condition propre à en garantir l'efficacité (ATF 142 IV 367 consid. 2.1 p. 370). S'agissant du port d'un bracelet électronique, cette mesure ne permet généralement qu'un contrôle rétroactif, n'ayant ainsi qu'un effet préventif (arrêts 1B_362/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3.3.1 destiné à la publication; 1B_344/2017 du 20 septembre 2017 consid. 5.2 [risque de fuite]). Dans le contexte d'une assignation à résidence, ce type de surveillance permet notamment de s'assurer que la personne sous surveillance est bien à l'emplacement prescrit aux heures prévues (arrêt 1B_142/2018 du 5 avril 2018 consid. 2.1 [danger de réitération]). En tout état de cause, son adéquation doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances d'espèce, en particulier l'intensité du risque en cause, la gravité des infractions examinées, la nécessité de garantir la présence des parties dans la procédure et la durée de la détention provisoire et pour des motifs de sûreté (arrêts 1B_362/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3.3.2 destiné à la publication).
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3.2. Dans l'arrêt entrepris, l'instance précédente a retenu l'existence d'un risque concret de fuite, compte tenu notamment de la gravité des faits reprochés à la recourante, de sa nationalité espagnole, du fait qu'elle n'était en Suisse que depuis 2017 (au bénéfice d'un permis B), qu'elle ne travaillait plus depuis juin 2019, qu'elle s'était séparée de son mari, qu'elle ne se serait pas encore inscrite officiellement au domicile de son compagnon à Yverdon-les-Bains et enfin qu'elle rendait régulièrement visite à sa famille en Espagne. S'agissant du risque de collusion, elle a relevé qu'il n'était pas exclu que la recourante soit plus impliquée dans le trafic que ce qu'elle prétendait, au vu notamment de la quantité de cocaïne en sa possession; l'enquête n'en était qu'à ses débuts. Enfin, la Chambre des recours pénale a également retenu l'existence d'un risque de réitération, soulignant que la recourante avait récidivé nonobstant sa grossesse et une précédente condamnation en Suisse en 2015. Elle a enfin examiné les mesures de substitution proposées par la recourante et a considéré qu'elles ne permettaient pas de prévenir efficacement les risques précités.
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3.3. A l'appui de son grief tiré d'une violation de l'art. 237 CPP, la recourante soutient que l'ensemble des mesures de substitution proposées permettrait de pallier efficacement les risques de fuite, de collusion et de récidive constatés par l'instance précédente - qu'elle ne conteste au demeurant pas - (dépôt de ses papiers d'identité; assignation à résidence, soit au domicile de son compagnon et père de l'enfant à naître avec lequel elle vivait à Yverdon; obligation de se présenter régulièrement auprès d'une autorité administrative; surveillance électronique; interdiction d'avoir des contacts avec tout tiers autre que son compagnon et sa famille). La recourante se prévaut essentiellement de sa grossesse - dont le terme doit intervenir prochainement - et de la présence du père de son enfant en Suisse; sur ce point, elle précise avoir menti en déclarant ne pas connaître le père lors de sa première audition. Elle se réfère enfin brièvement au rapport "Santé des femmes en milieu carcéral" établi par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2009, ainsi qu'à la règle n° 64 des "Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l'imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes" (Règles de Bangkok) de 2010 selon laquelle les peines non privatives de liberté doivent être privilégiées, lorsque cela est possible et indiqué, pour les femmes enceintes, des peines privatives de liberté étant envisagées en cas d'infraction grave ou violente ou lorsque la femme représente encore un danger.
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Ces arguments ne permettent cependant pas de remettre en cause l'appréciation de l'instance précédente. En effet, les mesures de substitution proposées par la recourante apparaissent insuffisantes au regard notamment des risques de fuite et de collusion retenus par la Chambre des recours pénale. Le dépôt des papiers d'identité n'est pas propre à empêcher cette dernière de passer la frontière, au vu du peu de difficulté à quitter la Suisse sans papier pour rejoindre l'Espagne (cf. arrêts 1B_28/2019 du 8 février 2019 consid. 2.3; 1B_508/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3.2.2 et les arrêts cités). L'assignation à résidence assortie d'une surveillance électronique, ainsi que l'obligation de se présenter à un service administratif, ne permettent pas en l'espèce de prévenir la fuite de la recourante, mais uniquement de la constater a posteriori (cf. arrêt 1B_362/2019 du 17 septembre 2019 destiné à la publication, consid. 3.3). En outre, une interdiction de contacter tout tiers autre que son compagnon et sa famille est impossible à contrôler et est manifestement insuffisante au regard de l'intensité du risque de collusion constaté; ce risque apparaît en effet particulièrement important et concret à ce stade initial de l'instruction dès lors que, comme relevé par l'instance précédente, les données extraites du téléphone portable de la recourante doivent encore être analysées et que les personnes impliquées dans le trafic en cause n'ont pas toutes été identifiées et localisées. Vu l'intensité des risques de fuite et de collusion présentés par la recourante, sa grossesse ainsi que la présence en Suisse du père de son enfant à naître ne permettent pas de modifier cette appréciation. A l'instar de la Chambre des recours pénale, il y a lieu en particulier de relever que les établissements pénitentiaires sont en mesure d'apporter des réponses adéquates aux besoins médicaux spécifiques induits par la grossesse de la recourante, ce que celle-ci ne conteste au demeurant pas. Le rapport de l'OMS ainsi que la règle de Bangkok dont l'intéressée se prévaut ne lui sont en l'occurrence d'aucun secours; outre le fait que les règles de Bangkok ne sont en soi pas juridiquement contraignantes pour la Suisse, la règle n° 64 invoquée par la recourante s'adresse avant tout au juge du fond. Enfin, on ne voit pas quelle autre mesure de substitution serait en l'état propre à pallier efficacement les risques de fuite et de collusion présentés par la recourante. La Chambre de recours pénale pouvait ainsi, sans violer le droit fédéral, confirmer le placement de la recourante en détention provisoire.
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3.4. Enfin, dans son écriture, la recourante invoque également une violation de l'art. 6 CEDH. La recevabilité d'un tel grief suppose l'articulation d'une critique circonstanciée, claire et précise, répondant aux exigences de motivation prévues par l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, dès lors que le recours ne contient même pas un exposé succinct de cette disposition, ni ne précise en quoi consiste la violation. Son grief est donc irrecevable.
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4. Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre la recourante au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Fabien Mingard comme avocat d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui sera fixée forfaitairement et supportée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 2 LTF).
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 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Fabien Mingard est désigné comme avocat d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public du canton de Vaud, Procureur cantonal Strada, et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 24 février 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Chaix
 
La Greffière : Arn
 
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