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Informationen zum Dokument  BGer 1D_8/2019  Materielle Begründung
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BGer 1D_8/2019 vom 27.01.2020
 
 
1D_8/2019
 
 
Arrêt du 27 janvier 2020
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
 
Haag et Müller Th.
 
Greffière : Mme Tornay Schaller.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
recourant,
 
contre
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex.
 
Objet
 
Naturalisation ordinaire,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton
 
de Genève, Chambre administrative, du 18 juin 2019 (ATA/1026/2019 - A/1829/2018-NAT).
 
 
Faits :
 
A. Le 2 septembre 2011, A.________, ressortissant kazakhe né le 8 juin 1996, est entré en Suisse, à Genève, dans le cadre du regroupement familial avec ses parents. Le 9 septembre 2011, il a été enregistré par l'Office cantonal de la population (devenu l'Office cantonal de la population et des migrations; ci-après: l'Office cantonal). Il a depuis lors vécu à Genève, sur la base de cartes de légitimation délivrées par la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et d'autres organisations internationales à Genève, puis d'autorisations de séjour pour formation.
1
Le 20 décembre 2017, A.________ a formulé une demande de naturalisation suisse et genevoise auprès de l'Office cantonal, accompagnée de documents, notamment d'une attestation du 20 décembre 2017 à teneur de laquelle il avait passé avec succès le test de validation des connaissances d'histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises. Il a fait valoir avoir passé six ans en Suisse entre dix et vingt ans révolus, ce qui comptait double en application de l'art. 15 al. 2 de l'ancienne loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (aLN), abrogée au 31 décembre 2017, et donnait douze ans de résidence en Suisse comme requis par l'art. 15 al. 1 aLN. Par lettre du 21 décembre 2017, l'Office cantonal de la population et des migrations lui a fait part de ce que, ayant atteint l'âge de vingt ans révolus à son 20 ème anniversaire, il ne remplissait pas la condition de durée de résidence de l'art. 15 aLN, de sorte que la procédure de naturalisation ne pouvait pas être engagée.
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Par courriers des 8 et 22 janvier 2018, A.________ a fait état de son désaccord quant à l'interprétation effectuée par l'Office cantonal de la notion de "vingt ans révolus" au sens de l'art. 15 aLN. Pour lui, l'expression "révolus" se définissait par "le nombre entier d'années vécues par la personne à un moment donné", à teneur de la définition indiquée par l'Institut national d'études démographique français figurant sur Internet, ou par le fait d' "être écoulé, complètement achevé", selon le dictionnaire Larousse publié en ligne. Il en avait déduit qu'une personne avait vingt ans tant et aussi longtemps que n'était pas accompli son 21ème anniversaire.
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Dans le cadre d'un échange de courriels commencé le 6 février 2018 avec le Chef du secteur naturalisations de l'Office cantonal - qui relevait que l'argumentation de l'intéressé ne manquait pas de pertinence mais pensait maintenir sa position de refus d'entrée en matière -, un Chef de section du Secrétariat d'Etat aux migrations a, le 27 février 2018, indiqué ne pas être d'accord avec l'interprétation de l'art. 15 al. 2 aLN, effectuée par A.________.
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Par décision du 26 avril 2018, l'Office cantonal a refusé d'engager la procédure de naturalisation, conformément à l'art. 11 al. 6 let. a du règlement d'application de la loi sur la nationalité genevoise du 15 juillet 1992 (RNat; RS/GE A 4 05 01). Il a considéré que l'art. 15 al. 2 aLN ne s'appliquait pas au temps passé en Suisse par l'intéressé après ses vingt ans, en particulier entre le jour suivant son anniversaire et ses vingt-et-un ans; partant, les conditions fixées par les art. 15 al. 1 aLN et 11 al. 1 de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 (LNat; RS/GE A 4 05) n'étaient pas remplies.
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Par arrêt du 18 juin 2019, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la cour cantonale ou la Cour de Justice) a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du 26 avril 2018.
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B. Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 18 juin 2019 et de renvoyer la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert aussi à être dispensé des frais judiciaires.
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Invités à déposer des observations, la Cour de justice et l'Office cantonal de la population et des migrations renoncent à se déterminer et se réfèrent à l'arrêt attaqué.
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Considérant en droit :
 
1. Le recours en matière de droit public (art. 82 LTF) est irrecevable contre les décisions relatives à la naturalisation ordinaire (art. 83 let. b LTF). Le recours constitutionnel subsidiaire est par conséquent ouvert (art. 113 LTF).
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1.1. L'entrée en vigueur, au 1
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1.2. A qualité pour former un tel recours celui qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 115 let. a LTF) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 let. b LTF). Au regard du devoir de motiver introduit le 1er janvier 2009 par l'art. 15b aLN, l'art. 14 aLN procure à un requérant à la naturalisation une position juridique définie de manière suffisamment claire, laquelle lui permet d'invoquer dans le cadre du recours constitutionnel subsidiaire le principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 138 I 305 consid. 1.4 p. 309 ss). En l'espèce, le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'instance précédente, et qui s'est vu refuser la naturalisation peut invoquer l'art. 9 Cst., et faire valoir que toutes les exigences fédérales et cantonales sont manifestement satisfaites, de sorte que la décision de rejet se révèle insoutenable.
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1.3. Le recours constitutionnel subsidiaire ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés de façon détaillée en précisant en quoi consiste la violation, sous peine d'irrecevabilité (ATF 138 I 232 consid. 3 p. 237).
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2. Le recourant se plaint d'une application arbitraire de l'art. 15 al. 2 aLN (art. 9 Cst.). Il ne conteste pas avoir eu vingt ans révolus le jour de son 20 ème anniversaire, le 8 juin 2016. Il soutient en revanche que, pour interpréter l'art. 15 al. 2 aLN, la question juridique n'est pas de déterminer à quel moment on atteint l'âge de vingt ans révolus, mais celle d'évaluer si le temps peut compter double jusqu'à la veille du 21 ème anniversaire.
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La question litigieuse est donc celle de savoir si la période allant du lendemain du 20 ème anniversaire jusqu'à la veille du 21 ème anniversaire compte double au sens de l'art. 15 al. 2 aLN.
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2.1. Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 p. 326 s. et les références).
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2.2. Aux termes de l'art. 15 aLN (RO 1991 1034), l'étranger ne peut demander l'autorisation que s'il a résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précèdent la requête (al. 1). Dans le calcul des douze ans de résidence, le temps que le requérant a passé en Suisse entre dix et vingt ans révolus compte double (al. 2).
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2.3. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 145 IV 17 consid. 1.2 p. 18 s. et les références citées).
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2.4. Le recourant ne conteste pas avoir eu ses vingt ans révolus le 8 juin 2016. Il prétend cependant que l'âge révolu n'est pas un point précis dans un laps de temps mais un fait qui dure et demeure inchangé du jour de l'anniversaire jusqu'à la veille du prochain anniversaire. Il soutient ainsi avoir vingt ans révolus sur une période allant du 8 juin 2016 au 7 juin 2017. Il fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir pris en compte la préposition "entre" qui jouerait un rôle essentiel. Il fait valoir que certes l'âge de vingt ans révolus commence au 20
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2.5. Selon le dictionnaire Larousse, la préposition "entre" signifie que "quelque chose se situe dans un intervalle de temps, une durée entre deux moments". En l'espèce, le complément circonstanciel de temps "entre dix et vingt ans révolus" figurant à l'art. 15 al. 2 aLN indique une durée entre deux moments, le Cette interprétation coïncide au demeurant avec la distinction qu'opère l'Office fédéral des statistiques entre deux types d'âge, à savoir l' âge atteint au cours d'une année civile qui correspond à la différence entre l'année considérée et l'année de naissance de la personne et l'  âge révolu qui est l'âge au dernier anniversaire, soit le nombre entier d'années vécues à un moment donné ( https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/ home/statistiques/population/effectif-evolution/age-etat-civil-nationalite. html, consulté le 27 janvier 2020). Partant, l'expression "âge révolu" désigne une date précise et non pas une période qui dure et demeure inchangée du jour de l'anniversaire jusqu'à la veille du prochain anniversaire.
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2.6. En l'espèce, il s'agit du temps que le recourant a passé en Suisse dans l'intervalle du 2 - ou 9 - septembre 2011 (date de son arrivée en Suisse) et le 8 juin 2016, jour de ses vingt ans révolus. La période allant du 9 juin 2016 au 7 juin 2017 ne peut être prise en compte car le recourant est dans sa 21ème année. S'il avait voulu prendre en considération la période allant du 8 juin 2006 au 7 juin 2017, le législateur fédéral aurait écrit "entre dix ans révolus et avant les vingt-et-un ans révolus".
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Par conséquent, entre le 2 - ou 9 - septembre 2011 et le 8 juin 2016, le recourant a résidé en Suisse environ quatre ans et neuf mois, ce qui, doublé en application de l'art. 15 al. 2 aLN, donne neuf ans et demi environ. Entre le 9 juin 2016 et le 20 - voire même 31 - décembre 2017, il a vécu dans ce pays un an et presque sept mois. Il a dès lors résidé en Suisse presque onze ans et un mois, ce qui est inférieur aux douze ans requis par l'art. 15 al. 1 aLN.
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Pour le reste, les arguments du recourant relatifs à l'art. 38 Cst. et à l'art. 210 de la Constitution du canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE; RS/GE A 2 00), en particulier ceux concernant le grand intérêt de la naturalisation d'enfants d'étrangers (Message du Conseil fédéral relatif à un projet de loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 9 août 1951, FF 1951 II 665 ss, 676 et 692) et une prétendue incompatibilité entre une interprétation qui empêche la naturalisation du candidat et la finalité de facilitation de la naturalisation découlant de l'art. 210 Cst-GE ne sont pas de nature à modifier les limites d'âge fixées par l'art. 15 al. 2 aLN. La période fixée par l'art. 15 al. 2 aLN résulte d'un choix du législateur fédéral, qui ne viole au demeurant aucune norme de droit supérieur et qui ne saurait consacrer une solution matériellement injuste.
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2.7. Dès lors, la cour cantonale n'a pas fait une interprétation arbitraire de l'art. 15 al. 2 aLN en considérant que la période allant du lendemain du 20ème anniversaire jusqu'à la veille du 21ème anniversaire ne pouvait compter double.
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3. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
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Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, le recourant est dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
25
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations, pour information.
 
Lausanne, le 27 janvier 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Chaix
 
La Greffière : Tornay Schaller
 
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