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Informationen zum Dokument  BGer 9C_460/2018  Materielle Begründung
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BGer 9C_460/2018 vom 21.01.2020
 
 
9C_460/2018
 
 
Arrêt du 21 janvier 2020
 
 
IIe Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Meyer, Stadelmann, Glanzmann et Moser-Szeless.
 
Greffier : M. Berthoud.
 
 
Participants à la procédure
 
Office AI Canton de Berne,
 
Scheibenstrasse 70, 3014 Berne,
 
recourant,
 
contre
 
A.________,
 
intimé.
 
Objet
 
Assurance-invalidité,
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 18 mai 2018 (200.2016.1217.AI).
 
 
Faits :
 
A. A.________, né en 1959, ressortissant tchadien, a obtenu un statut de réfugié en Suisse en 1994 et est titulaire d'un permis d'établissement. Il bénéficie de rentes ordinaires de l'assurance-invalidité, soit trois quarts de rente depuis 2005 et une rente entière depuis 2006.
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Le 26 avril 2016, l'assuré a informé l'Office AI Berne qu'il avait, en juin 2012, reconnu en France deux filles nées hors mariage dans ce pays, l'une le 24 octobre 2006, l'autre le 11 mai 2012. Le 6 octobre 2016, il a déposé une demande de rentes pour enfant, en précisant que ses filles vivaient avec leur mère en France. Par décision du 18 novembre 2016, l'Office AI Berne a rejeté la demande.
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B. A.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française.
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Par jugement du 18 mai 2018, la juridiction cantonale a admis le recours et annulé la décision du 18 novembre 2016 dans la mesure où elle refusait le droit à des rentes pour les deux enfants que l'assuré a reconnues, en raison de la nationalité et du domicile étrangers de ces dernières de même que de la nationalité tchadienne de l'assuré. La cause a été renvoyée à l'administration pour instruction complémentaire au sens des considérants (portant sur les autres conditions du droit à la prestation) et nouvelle décision.
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C. L'Office AI Berne interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 18 novembre 2016. Il sollicite également l'attribution de l'effet suspensif à son recours.
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L'intimé n'a pas répondu, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: OFAS) déclare se rallier entièrement à l'argumentation de l'office recourant.
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Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1 p. 116; 141 III 395 consid. 2.1 p. 397).
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1.2. D'un point de vue formel, le jugement du 18 mai 2018 constitue une décision de renvoi, soit une décision incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2. et 4.3 p. 481 s.). A teneur de ce jugement, le recourant devra reprendre l'instruction de la cause puis statuer à nouveau sur la demande du 6 octobre 2016 qui n'a pas encore fait l'objet d'une décision passée en force. Dès lors que le jugement de renvoi contient des instructions impératives destinées à l'office recourant qui ne lui laissent plus de latitude de jugement pour la suite de la procédure sur les points tranchés par l'instance précédente (cf. consid. 7.1 p. 15), il subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours (cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2.4 p. 484 s.).
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2. Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé, ressortissant tchadien résidant en Suisse en qualité de réfugié et bénéficiaire d'une rente ordinaire de l'assurance-invalidité, peut en principe avoir droit à des rentes pour ses enfants qui n'ont pas la nationalité d'un pays de l'UE/AELE et qui vivent en France avec leur mère.
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3. A l'appui de sa décision du 18 novembre 2016, l'office recourant a retenu que c'est seulement "si un enfant de nationalité étrangère dont l'ayant droit, le père ou la mère, a la nationalité suisse ou est ressortissant d'un Etat lié à la Suisse par une convention de sécurité sociale, transfère son domicile de la Suisse à l'étranger, [qu']il peut continuer de prétendre l'octroi de la rente pour enfant à l'étranger" (ch. 3342.1 des Directives [de l'OFAS] concernant les rentes [DR] de l'AVS/AI [version 10, modification du 30 octobre 2015]). Comme la Suisse n'a aucune convention de sécurité sociale avec le Tchad, l'administration a rejeté la demande de rente pour enfant.
10
 
Erwägung 4
 
4.1. La juridiction cantonale a exposé de manière complète les règles applicables à la solution du litige, singulièrement les art. 6 et 35 LAI, les art. 58 et 59 de la loi sur l'asile (LAsi, RS 142.31), l'art. 24 ch. 1 let. b de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (CR, RS 0.142.30), ainsi que l'art. 1 de l'Arrêté fédéral concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l'assurance-vieillesse et survivants et dans l'assurance-invalidité du 4 octobre 1962 (dans sa teneur en vigueur à partir du 1
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On rappellera qu'en vertu de l'art. 24 ch. 1 let. b CR, les Etats Contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement qu'aux nationaux notamment en ce qui concerne la sécurité sociale (en particulier les dispositions légales relatives à l'invalidité), sous certaines réserves prévues aux lettres i et ii. L'art. 24 ch. 1 let. b/ii CR concerne des dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays de résidence et vise deux cas particuliers: d'une part, les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics et d'autre part, les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale. Ces dispositions de la Convention sont directement applicables en droit interne (self-executing; ATF 136 V 33 consid. 3.2.1 p. 36) et les demandeurs de prestations peuvent s'en prévaloir à partir de la date à laquelle le statut de réfugié leur a été reconnu, sans effet rétroactif au jour de l'entrée en Suisse (ATF 139 II 1 consid. 4.1 p. 3 s.).
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Selon l'art. 1 al. 1 ARéf (dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 1997), que le législateur a édicté en application de la Convention de 1951 et de l'art. 34 quater aCst. (aujourd'hui: art. 112 Cst.), les réfugiés qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit aux rentes ordinaires de l'assurance-vieillesse et survivants, ainsi qu'aux rentes ordinaires et aux allocations pour impotents de l'assurance-invalidité aux mêmes conditions que les ressortissants suisses. Toute personne pour laquelle une rente est octroyée doit personnellement satisfaire à l'exigence du domicile et de la résidence habituelle en Suisse.
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4.2. La juridiction cantonale a examiné le point de savoir si le statut de réfugié dont bénéficie l'assuré intimé, qui est domicilié en Suisse, suffit à lui permettre d'obtenir une rente pour enfant en faveur de ses deux filles domiciliées en France, ou si au contraire, l'ARéf doit être interprété dans le sens où il est exigé en sus que ces dernières soient domiciliées et aient leur résidence habituelle en Suisse. En d'autres termes, il s'agissait de déterminer qui, du bénéficiaire de la rente principale et/ou des enfants, est la "personne pour laquelle [la] rente est octroyée", au sens de l'art. 1 al. 1, 2
14
Procédant à l'interprétation de l'art. 1 ARéf, les premiers juges ont considéré que par le biais de l'ARéf, le législateur avait complété la Convention de 1951 pour permettre aux réfugiés de bénéficier, à certaines conditions, des rentes extraordinaires, des mesures de réadaptation ainsi que des allocations pour impotent (cf. ATF 136 V 33 consid. 5.6.2 p. 43; FF 1962 I 245-247 ch. II.1.b). Cela étant, ils ont admis que l'interprétation voulant que les enfants du bénéficiaire doivent résider ou être domiciliés en Suisse contreviendrait au but poursuivi par l'ARéf, en comparaison avec la réglementation valable pour les ressortissants suisses.
15
Le tribunal administratif a rappelé que l'art. 24 ch. 1 let. b/ii CR permet aux Etats contractants de prévoir des exceptions au principe de l'égalité de traitement entre les réfugiés et les nationaux par le biais de dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays de résidence et visant les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics. Il a toutefois constaté que lesdites exceptions sont strictement délimitées et qu'elles concernent les conditions pour avoir droit aux allocations pour impotent, aux rentes extraordinaires, aux mesures de réadaptation, ainsi qu'aux prestations complémentaires. Comme il n'est pas fait référence aux rentes pour enfant, les juges cantonaux en ont déduit que cela tend à exclure toute inégalité de traitement entre les réfugiés et les ressortissants suisses en la matière, l'ARéf garantissant même expressément une telle égalité, s'agissant à tout le moins des rentes pour enfant.
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Examinant ensuite l'affaire dans le contexte du droit européen, la juridiction cantonale a relevé que les rentes pour enfant ne sont pas énumérées à l'annexe X du Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1; ci-après: le Règlement n° 883/2004) (prestations spéciales en espèces à caractère non contributif). Elle en a déduit qu'il serait contraire au droit européen de subordonner l'octroi d'une rente pour des enfants domiciliés dans un autre Etat membre à des conditions de résidence ou de domicile, si bien que cela plaide aussi à l'encontre de l'interprétation de l'art. 1 al. 1, 2 e phrase, ARéf, défendue par l'administration.
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Les juges ont aussi considéré que l'interprétation qui tendait à ce que la personne "pour laquelle [la] rente [pour enfant] est octroyée", au sens de l'art. 1 al. 1, 2 e phrase, ARéf, soit l'enfant, se heurte à la jurisprudence du Tribunal fédéral qui désigne non pas l'enfant mais le parent comme titulaire du droit à la rente pour enfant (cf. ATF 134 V 15 consid. 2.3.3 p. 17). En matière de rente pour enfant découlant d'une rente extraordinaire d'invalidité, ils ont relevé que le Tribunal fédéral avait jugé que si un parent remplit les conditions permettant de prétendre une telle rente, il les remplit également pour la rente complémentaire qui lui est liée; il est donc sans importance que les enfants de l'ayant droit résident en Suisse ou à l'étranger (cf. ATF 108 V 73 consid. 3 p. 77 s).
18
Dans ces conditions, les premiers juges ont admis que l'interprétation de l'art. 1 al. 1, 2 e phrase, ARéf de l'office recourant, selon laquelle les enfants d'un réfugié doivent être domiciliés en Suisse et y avoir leur résidence, est contraire au but et au sens de la norme, de même qu'au droit supérieur, et qu'elle ne peut dès lors être suivie. La solution à adopter pour les réfugiés doit être la même que celle s'appliquant aux ressortissants suisses ou de l'UE/AELE ou d'un Etat lié à la Suisse par une convention telle qu'exposée aux ch. 3342.1 et 3342.2 DR, dans leur version n° 12 (modification du 21 décembre 2016).
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4.3. En conséquence, le tribunal administratif a admis le recours et annulé la décision du 18 novembre 2016 dans la mesure où elle refuse un droit à des rentes pour les deux enfants que l'assuré a reconnues, en raison de la nationalité et du domicile de ces dernières de même que de sa propre nationalité. Il a renvoyé la cause à l'office recourant afin qu'il examine les autres conditions posées à l'octroi des rentes pour les deux enfants, l'administration étant notamment invitée à contrôler s'il n'a pas été renoncé au statut de réfugié et si les reconnaissances de paternité effectuées en France en 2012 sont reconnues comme déployant des effets en Suisse.
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5. L'office recourant soutient que le raisonnement du tribunal administratif n'est pas cohérent et contradictoire en lui-même, car il ne tient pas compte de tous les critères énoncés au ch. 3342.2 DR (version 12, modification du 21 décembre 2016). A son avis, il repose sur une interprétation contraire au droit de l'art. 1 al. 1 ARéf et tient compte de dispositions non pertinentes pour la situation de l'assuré, car ni ce dernier ni ses enfants n'entrent dans le champ d'application de l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après: ALCP; RS 0.142.112.681) ou du Règlement n° 883/2004.
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Pour le recourant, le ch. 3342.2 DR fait obstacle au paiement des rentes dans le cas d'espèce, car l'intimé, parent titulaire de la rente principale, est ressortissant d'un pays avec lequel la Suisse n'a pas conclu de convention en matière de sécurité sociale. Ensuite, les enfants n'ont ni leur domicile ni leur résidence habituelle en Suisse. Enfin, au jour où la décision administrative a été rendue (le 18 novembre 2016), les enfants ne possédaient ni la nationalité suisse ni celle d'un pays de l'UE/AELE, en l'occurrence la France.
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Erwägung 6
 
6.1. Préliminairement, il faut rappeler que les directives administratives de l'OFAS (DR) invoquées par le recourant ne créent pas de nouvelles règles de droit et ne lient pas le juge des assurances (par ex. ATF 139 V 457 consid. 4.2 p. 460 s).
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6.2. On relèvera ensuite que le ch. 3342.1 DR, dans sa teneur en vigueur à l'époque où la décision du 18 novembre 2016 a été rendue (version 10, modification du 30 octobre 2015), concerne les cas où l'enfant de l'ayant droit à la rente transfère son domicile de Suisse à l'étranger. Comme les deux enfants de l'intimé n'ont pas transféré leur domicile à l'étranger mais résident depuis toujours en France, cette prescription ne s'applique pas. Le recourant s'en prévaut ainsi à tort.
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Erwägung 7
 
7.1. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 139 V 250 consid. 4.1 p. 254 et les références).
25
 
Erwägung 7.2
 
7.2.1. La teneur initiale de l'art. 1 al. 1 ARéf, en vigueur depuis le 1
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7.2.2. Une interprétation littérale de l'art. 1 al. 1, 2e phrase, ARéf conduit à admettre que le titulaire de la rente principale n'est plus le seul qui est concerné par cette disposition, mais que la modification touche désormais tous les bénéficiaires de rentes liées à la rente principale. La version allemande est d'ailleurs encore plus claire: "Das Erfordernis des Wohnsitzes und des gewöhnlichen Aufenthalts ist von 
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Erwägung 8
 
8.1. Comme mentionné précédemment (consid. 4.1 supra), l'art. 24 CR est directement applicable en droit interne (self-executing; ATF 136 V 33 consid. 3.2.1 p. 36; ATF 139 II 1 consid. 4.1 p. 4), de sorte que l'assuré peut s'en prévaloir pour obtenir le versement des rentes pour enfant. A cet égard, dans son Message du 19 janvier 1962 à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral concernant le statut des réfugiés dans l'assurance-vieillesse et survivants et l'assurance-invalidité (FF 1962 I 245), le Conseil fédéral relevait que les réfugiés au sens de la convention (de 1951) qui sont domiciliés en Suisse seront, en ce qui concerne les "rentes normales" tout au moins, assimilés aux ressortissants suisses (p. 246, ch. II.1). L'OFAS avait également mis ce point en exergue dans ses déterminations sur le projet d'ARéf, en indiquant que le principe d'égalité de traitement commandait, pour autant que possible, de placer les Suisses et les réfugiés sur un pied d'égalité en matière d'AVS/AI, les réfugiés devant ainsi notamment être mis au bénéfice des conventions bilatérales conclues par la Suisse. Il avait précisé que la réserve à la CR que la Suisse avait précédemment formulée en matière d'AVS allait être retirée au moment de l'entrée en vigueur de la LAI et de l'adoption de l'ARéf (cet arrêté avait été élaboré en discussion avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et jugé en principe compatible avec la CR; sur ces développements, voir ATF 136 V 33 consid. 5.6.2 p. 43).
28
 
Erwägung 8.2
 
8.2.1. Compte tenu de l'égalité de traitement explicitement mentionnée à l'art. 24 ch. 1 let. b CR, la seconde phrase de l'art. 1 al. 1 ARéf contrevient à la lettre et à l'esprit de cette disposition conventionnelle, car si une rente peut être versée à des ressortissants suisses ou à des personnes qui sont visées par une convention bilatérale de sécurité sociale sans que leurs bénéficiaires doivent personnellement satisfaire à la condition du domicile et de la résidence habituelle en Suisse, cette exigence est en revanche requise de la part d'un réfugié (pour lui-même et ses enfants), étant précisé que les réserves mentionnées à l'art. 24 ch. 1 let. b/i et ii CR ne sont pas pertinentes.
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8.2.2. Aux termes de l'art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. Ni l'art. 190 Cst. ni l'art. 5 al. 4 Cst. n'instaurent de rang hiérarchique entre les normes de droit international et celles de droit interne. Selon la jurisprudence, en cas de conflit, les normes du droit international qui lient la Suisse priment celles du droit interne qui lui sont contraires (cf. ATF 144 II 293 consid. 6.3 p. 311; 142 II 35 consid. 3.2 p. 39; 139 I 16 consid. 5.1 p. 28; 138 II 524 consid. 5.1 p. 532 s.; 125 II 417 consid. 4d p. 425; cf. art. 27 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [RS 0.111]).
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On rappellera qu'il faut présumer que le législateur fédéral a entendu respecter les dispositions des traités internationaux régulièrement conclus, à moins qu'il ait en pleine connaissance de cause décidé d'édicter une règle interne contraire au droit international. En cas de doute, le droit interne doit s'interpréter conformément au droit international (ATF 99 Ib 39 consid. 3 p. 43).
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Le sort du litige dépend donc du point de savoir si le législateur a voulu s'écarter du principe de l'égalité de traitement consacré par la CR, en subordonnant les réfugiés à la réalisation de conditions plus restrictives que les ressortissants suisses, singulièrement dans les cas où l'AVS ou l'AI seraient appelées à verser des rentes ordinaires pour enfant résidant à l'étranger.
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8.3. Il convient de résumer l'historique des modifications de l'art. 18 al. 2 LAVS et de l'art. 1 al. 1 ARéf.
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8.3.1. Dans son Message du 11 octobre 1971 concernant la 8e révision de l'AVS (FF 1971 II 1057, 1127, ad art. 18 LAVS), le Conseil fédéral avait précisé que l'arrêté fédéral du 4 octobre 1962 contenait, en faveur des réfugiés, des dispositions spéciales sur le droit à la rente (et, le cas échéant, le remboursement des cotisations) qui devaient être mentionnées dans l'art. 18 LAVS comme dispositions contraires. Au 1er janvier 1973, l'art. 18 al. 2 LAVS a ainsi été adopté dans la teneur suivante (RO 1972 2537) : "Les étrangers et leurs survivants qui ne possèdent pas la nationalité suisse n'ont droit à une rente qu'aussi longtemps qu'ils ont leur domicile civil en Suisse et que si les cotisations ont été payées pendant au moins dix années entières. Sont réservées les dispositions spéciales de droit fédéral relatives au statut des réfugiés et des apatrides ainsi que les conventions internationales contraires, conclues en particulier avec des États dont la législation accorde aux ressortissants suisses et à leurs survivants des avantages à peu près équivalents à ceux de la présente loi".
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8.3.2. Le Message du Conseil fédéral concernant la 10 e révision de l'AVS (FF 1990 II 1 p. 88, ad art. 18 LAVS) était muet sur la compatibilité de la seconde phrase de l'art. 1 al. 1 ARéf avec l'art. 24 CR. Par ailleurs, la question de l'égalité de traitement entre ressortissants suisses et réfugiés n'a pas non plus été abordée à l'occasion de l'ajout de la seconde phrase à l'art. 1 al. 1 ARéf. En effet, à la lecture des travaux préparatoires, il apparaît que la nouvelle teneur de l'art. 1 al. 1 ARéf n'a donné lieu à aucune discussion au sein de la Commission du Conseil des Etats pour la 10e révision de l'AVS (cf. procès-verbal de la séance de ladite commission, des 19 et 20 août 1992, p. 22), tandis que cet ajout a été qualifié d'adaptation rédactionnelle en lien avec la suppression de la rente pour couple et la modification de l'art. 18 al. 2 LAVS par la Commission de sécurité sociale du Conseil national pour la 10e révision de l'AVS (cf. procès-verbal de la séance de ladite commission, des 7-9 septembre 1992, p. 9 et 28). Le rapport de la Commission du Conseil des Etats présenté audit Conseil n'abordait pas non plus la conformité de la modification de l'art. 1 al. 1 ARéf à la CR, mais renvoyait aux commentaires relatifs à l'art. 18 al. 2 LAVS (BO 1994 CE 564). Concernant cette disposition légale, le rapport retenait que: "En principe, dans le système du splitting, toutes les personnes au bénéfice d'une rente qui ne peut être versée à l'étranger doivent remplir personnellement les conditions du domicile et de séjour. Puisque dans le splitting, il n'y aura plus de rente pour couple, cette expression devra être supprimée dans la formulation du Conseil fédéral. Le reste de la phrase doit être conservé, car le système du splitting connaît également les rentes accessoires (rente pour enfant, rente complémentaire de l'AI) " (BO 1994 CE 556). Vu ce qui précède, on ne discerne pas de volonté explicite du législateur de déroger à la CR, en lien avec les débats parlementaires sur l'art. 1 al. 1 ARéf. Une application de la jurisprudence 
35
8.3.3. A l'occasion de la 10e révision de l'AVS, la teneur de l'art. 18 al. 2 LAVS a été modifiée comme suit: "Les étrangers et leurs survivants qui ne possèdent pas la nationalité suisse n'ont droit à une rente qu'aussi longtemps qu'ils ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse. Toute personne qui se voit octroyer une rente doit personnellement satisfaire à cette exigence. Sont réservées les dispositions spéciales de droit fédéral relatives au statut des réfugiés et des apatrides ainsi que les conventions internationales contraires, conclues en particulier avec des États dont la législation accorde aux ressortissants suisses et à leurs survivants des avantages à peu près équivalents à ceux de la présente loi". La volonté de déroger à la CR ne résulte pas non plus de la modification de l'art. 18 al. 2 LAVS. En effet, le maintien de la dernière phrase de cet alinéa n'a pas donné lieu à discussion au Conseil national (BO 1993 CN 252).
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8.3.4. Comme le législateur n'a pas repris dans l'ARéf simultanément la réserve concernant les dispositions spéciales de droit fédéral relatives au statut des réfugiés, où elle fait donc défaut, la volonté d'étendre cette réserve à d'autres personnes qui sont susceptibles d'être visées par l'ARéf, à l'instar des bénéficiaires d'une rente accessoire, ne peut pas être déduite des débats parlementaires. Si le législateur a certes voulu limiter l'exportation de rentes, notamment celles qui découlent du splitting (cf. art. 18 al. 2 LAVS, 1ère et 2e phrases), il n'a toutefois pas manifesté son intention de s'écarter d'une norme de droit international contraire, singulièrement l'art. 24 CR, en traitant dans l'ARéf - qui constitue une lex specialis par rapport à la LAVS - les bénéficiaires de rentes pour enfant différemment selon que le titulaire de la rente principale est suisse ou réfugié. La modification de l'ARéf intervenue au 1er janvier 1997 concernait l'assurance personnelle mais non la compatibilité avec la CR.
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A défaut d'indices (cf. ATF 144 II 293 consid. 6.3, précité) permettant d'admettre une intention du législateur de déroger au droit conventionnel, les rentes pour enfant d'un réfugié domicilié en Suisse peuvent donc être versées sans égard au domicile et à la nationalité des enfants.
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9. Le jugement attaqué est donc conforme au droit fédéral en tant qu'il admet le principe du versement des rentes pour les enfants de l'intimé qui sont domiciliés à l'étranger, pour autant que les autres conditions du droit à celles-ci soient réalisées. Le recourant contrôlera notamment si l'intimé n'a pas renoncé à son statut de réfugié (art. 64 al. 1 let. c LAsi) et si les reconnaissances de paternité auxquelles ce dernier a procédé le 12 juin 2012 en France sont reconnues comme déployant des effets en Suisse (consid. 7.1 du jugement entrepris). Le recours est infondé.
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10. Compte tenu de l'issue du litige, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.
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11. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF).
41
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
 
Lucerne, le 21 janvier 2020
 
Au nom de la IIe Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Parrino
 
Le Greffier : Berthoud
 
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