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Informationen zum Dokument  BGer 4A_466/2019  Materielle Begründung
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BGer 4A_466/2019 vom 06.01.2020
 
 
4A_466/2019
 
 
Arrêt du 6 janvier 2020
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les juges Kiss, présidente, Niquille et May Canellas.
 
Greffier : M. Thélin.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________ SA,
 
représentée par Me Christian Pirker,
 
défenderesse et recourante,
 
contre
 
Z.________,
 
demandeur et intimé.
 
Objet
 
procédure civile; ordonnance de preuves
 
recours contre l'arrêt rendu le 2 août 2019 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève
 
(C/3245/2018-1, CAPH/129/2019).
 
 
Considérant en fait et en droit :
 
1. Une contestation est pendante devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève entre X.________ SA, défenderesse, et son ancien collaborateur Z.________, demandeur. Celui-ci réclame diverses sommes au total d'environ 46'000 fr. en capital, y compris une indemnité pour licenciement abusif qu'il chiffre à 25'115 francs.
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Selon les allégations développées à l'appui de cette dernière prétention, le demandeur a subi des moqueries répétées de la part de ses collègues. Ceux-ci lui imputaient des penchants pédophiles et ils faisaient circuler des photographies dégradantes prises lors de vacances avec des amis. Ces moqueries se sont notamment propagées parmi les collaborateurs occupés dans deux usines du groupe horloger W.________ qui est le principal client de la défenderesse. Le demandeur a fait part de son désarroi à ses supérieurs mais ceux-ci, en dépit de leurs promesses, se sont surtout préoccupés de ne pas indisposer leur client W.________ et ils n'ont pris aucune mesure.
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Sur la base des mêmes allégations, le demandeur a déposé une plainte pénale. Cette démarche n'a abouti qu'à une ordonnance de refus d'entrer en matière, confirmée par l'autorité cantonale de recours.
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2. Dans la cause prud'homale, le demandeur a notamment offert les témoignages de A.________, B.________, C.________ et D.________. La défenderesse s'est opposée à la convocation et à l'audition de ces personnes. Elle a fait valoir que celles-ci représentent ses clients, en particulier le groupe W.________, et que les faire comparaître en justice afin de les interroger au sujet de rumeurs concernant les pratiques sexuelles de son ancien collaborateur pourrait nuire à sa réputation et, indirectement, à ses affaires. La défenderesse sollicitait du tribunal qu'il ordonne préalablement l'apport complet de la procédure pénale - le demandeur n'avait produit que certains documents - et l'audition en qualité de témoins des autres personnes que le demandeur avait mentionnées dans sa plainte pénale.
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Le tribunal a rendu une ordonnance de preuves et d'instruction le 13 février 2019. Il a notamment ordonné l'audition de divers témoins, avec parmi eux A.________, B.________, C.________ et D.________.
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3. La défenderesse a attaqué cette ordonnance par la voie du recours. Alors assisté d'un avocat et invité à prendre position, le demandeur a conclu au rejet du recours. La Chambre des prud'hommes de la Cour de justice a statué le 2 août 2019; elle a déclaré le recours irrecevable au motif que l'ordonnance attaquée ne cause pas de préjudice difficilement réparable aux termes de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.
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4. Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de renvoyer la cause à cette autorité pour nouvelle décision.
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Invité à répondre au recours, le demandeur n'a pas procédé.
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5. Selon l'art. 90 LTF, le recours au Tribunal fédéral n'est en principe recevable que contre les décisions qui mettent fin à la procédure, dites décisions finales; un recours séparé contre des décisions préjudicielles ou incidentes, hormis celles portant sur la compétence ou la récusation visées par l'art. 92 LTF, n'est recevable qu'aux conditions spécifiques prévues par l'art. 93 LTF.
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L'ordonnance de preuves et d'instruction du 13 février 2019 n'a pas terminé l'instance introduite devant le Tribunal des prud'hommes; ce prononcé est au contraire incident aux termes de l'art. 93 al. 1 LTF. L'arrêt de la Cour de justice a terminé l'instance introduite devant cette autorité; néanmoins, parce que le recours à l'origine de ce prononcé était dirigé contre une décision incidente, l'arrêt revêt lui aussi le caractère d'une décision incidente selon l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 142 III 653 consid. 1.1 p. 654/655; 137 III 380 consid. 1.1 p. 381/382).
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L'art. 93 al. 1 let. a LTF autorise le recours séparé contre une décision incidente susceptible de causer un préjudice irréparable. Selon la jurisprudence, un préjudice de ce genre n'est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu'une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu'un inconvénient seulement matériel, résultant par exemple d'un accroissement de la durée et des frais de la procédure, est insuffisant (ATF 137 III 380 consid. 1.2.1 p. 382; 134 III 188 consid. 2.2 p. 191; 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632).
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6. A teneur de l'art. 156 CPC, le tribunal saisi d'une cause civile ordonne les mesures propres à éviter que l'administration des preuves ne porte atteinte à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment à des secrets d'affaires.
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Les intérêts dont cette disposition légale exige protection comprennent notamment la personnalité (Jürgen Bronnimann, in Commentaire bernois, n° 11 ad art. 156 CPC; Francesco Trezzini, in Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2e éd., 2017, n° 15 ad art. 156 CPC) et ses composantes, y compris l'intérêt d'une société commerciale à conserver une réputation inaltérée dans ses relations avec sa clientèle (cf. ATF 138 III 337 consid. 6.1 p. 331).
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Conformément à l'argumentation de la défenderesse, cette partie est exposée au risque qu'une convocation de A.________, B.________, C.________ et D.________ à l'audience du Tribunal des prud'hommes, pour être interrogés au sujet des rumeurs et des photographies dont le demandeur fait état, exerce une influence défavorable sur l'opinion de ces personnes envers elle, et, par suite, exerce une influence tendanciellement nuisible à la poursuite ou au développement de ses relations d'affaires avec les clients que ces mêmes personnes représentent auprès d'elle. La défenderesse insiste tout spécialement sur l'importance de son client le groupe W.________, dont les marchés dans le domaine des travaux d'électricité lui sont attribués par A.________. L'acuité de ce risque est certes difficile à évaluer; néanmoins, compte tenu de l'aspect trivial du sujet en discussion devant le Tribunal des prud'hommes, le risque doit être tenu pour réel et objectif plutôt que seulement théorique ou insignifiant.
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A supposer que lesdites personnes soient convoquées et que leur interrogatoire devant le Tribunal des prud'hommes produise effectivement, auprès d'elles, une impression préjudiciable à la défenderesse, cet effet négatif ne sera pas réparé par un jugement final qui, par hypothèse, rejettera les prétentions pécuniaires du demandeur. L'ordonnance de preuves et d'instruction du 13 février 2019 est donc susceptible de causer un préjudice irréparable. Ce préjudice n'est pas seulement matériel mais aussi juridique, compte tenu de la protection légalement consacrée par l'art. 156 CPC. C'est ce préjudice, à l'exclusion de celui résultant éventuellement de l'arrêt d'irrecevabilité de la Cour de justice, qui est déterminant pour l'application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 137 III 380 consid. 1.2.2 p. 383). Il s'ensuit que le recours en matière civile est recevable au regard de cette disposition.
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7. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont pour le surplus satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse.
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8. La recevabilité du recours que la défenderesse a formé devant la Cour de justice dépend d'un préjudice difficilement réparable aux termes de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.
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Parce que l'ordonnance de preuves et d'instruction est susceptible de causer un préjudice irréparable selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF, elle est à plus forte raison susceptible de causer un préjudice difficilement réparable selon l'art. 319 let. b ch. 2 CPC (ATF 137 III 380 consid. 2 p. 384). L'art. 156 CPC n'exige pas seulement la protection d'éventuels secrets d'affaires; il tend aussi à la préservation d'autres intérêts dignes de protection. Par conséquent, contrairement à ce que semble retenir la Cour de justice d'après la motivation de son arrêt, le recours de la défenderesse contre l'ordonnance ne peut pas être jugé irrecevable simplement parce que cette partie ne réclame pas la protection de secrets d'affaires. Il s'impose donc d'annuler cet arrêt. Il appartiendra à la Cour de justice de se prononcer sur ce recours; elle appréciera s'il se justifie, conformément à la thèse de ladite partie, que le Tribunal des prud'hommes administre d'autres preuves avant de décider s'il est utile d'interroger aussi A.________, B.________, C.________ et D.________.
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9. Le recours se révèle fondé, ce qui entraîne son admission.
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Les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et les dépens (art. 68 al. 1 LTF) de l'instance fédérale doivent être imputés à la partie qui succombe. Cette partie est en l'occurrence le demandeur, alors même que celui-ci s'est abstenu de procéder, parce que l'instance aboutit à l'annulation d'une décision qu'il a sollicitée et obtenue devant l'autorité précédente (ATF 128 II 90 consid. 2b et 2c p. 93; 123 V 156).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis, l'arrêt de la Cour de justice est annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour nouveau prononcé.
 
2. Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 1'000 francs.
 
3. Le demandeur versera une indemnité de 1'500 fr. à la défenderesse, à titre de dépens.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 6 janvier 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La présidente : Kiss
 
Le greffier : Thélin
 
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