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Informationen zum Dokument  BGer 2C_327/2018  Materielle Begründung
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BGer 2C_327/2018 vom 16.12.2019
 
 
2C_327/2018
 
 
Arrêt du 16 décembre 2019
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
 
Donzallaz et Hänni.
 
Greffière : Mme Jolidon.
 
 
Participants à la procédure
 
1.  A.________ SA,
 
2.  B.________ SA,
 
3.  C.________ SA,
 
toutes les trois représentées par
 
Me Odile Pelet, avocate,
 
recourantes,
 
contre
 
Département de la santé et de l'action sociale
 
du canton de Vaud, Secrétariat général.
 
Objet
 
Règlement sur la participation de l'Etat aux charges d'investissement immobilières ainsi que sur l'intégration des charges d'entretien et mobilières aux tarifs des établissements médico-sociaux reconnus d'intérêt public (RCIEMMS),
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
 
du canton de Vaud, Cour constitutionnelle,
 
du 2 mars 2018 (CCST.2017.0014).
 
 
Faits :
 
A. Le Conseil d'Etat du canton de Vaud (ci-après: le Conseil d'Etat) a adopté, le 26 avril 2017, le règlement sur la participation de l'Etat aux charges d'investissement immobilières ainsi que sur l'intégration des charges d'entretien et mobilières aux tarifs des établissements médico-sociaux reconnus d'intérêt public (ci-après: le Règlement ou RCIEMMS; RS/VD 810.31.5). D'après son préambule, ce règlement, et en particulier son chapitre IV, est fondé sur la loi vaudoise du 5 décembre 1978 sur la planification et le financement des établissements sanitaires d'intérêt public (ci-après: LPFES ou la loi sur le financement des établissements sanitaires d'intérêt public; RS/VD 810.01), sur la loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (LSP; RS/VD 800.01) et sur la loi vaudoise du 22 février 2005 sur les subventions (ci-après: LSubv ou la loi sur les subventions; RS/VD 610.15). Il détermine notamment le calcul de la participation financière de l'Etat aux charges d'investissement immobilières d'établissements médico-sociaux (ci-après : EMS) reconnus d'intérêt public, appelée " redevance immobilière " et contient, à ce sujet, les dispositions suivantes:
1
" Art. 9 La valeur intrinsèque 
2
1 La valeur intrinsèque d'un bien immobilier correspond à la valeur vénale du terrain y compris les aménagements extérieurs et les équipements fixes augmentée de la valeur à neuf des bâtiments, corrigée par la vétusté. Elle peut être plafonnée conformément aux règles fixées par l'Etat (coût maximum par lit).
3
(...)
4
Art. 13 Procédure de détermination de la redevance immobilière
5
1 Le département fixe le montant annuel de la redevance immobilière sur la base de la valeur intrinsèque du bien immobilier selon la formule suivante:
6
valeur intrinsèque x (taux d'intérêt hypothécaire moyen + facteur de majoration immobilier) = redevance annuelle.
7
2 Le taux d'intérêt hypothécaire moyen est celui publié par l'Office fédéral du logement en application de l'Ordonnance du 22 janvier 2008 du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche sur l'établissement du taux hypothécaire moyen déterminant pour la fixation des loyers (taux de référence OFL).
8
3 Le facteur de majoration immobilier est fixé à 0.85%.
9
Art. 14 Redevance immobilière basée sur les loyers
10
1 La redevance immobilière versée aux exploitants d'EMS locataires des murs correspond au montant du loyer contractuel, sans les frais accessoires, à condition qu'il ne dépasse pas le montant que l'Etat verserait à un EMS propriétaire des murs en application des articles 9 et suivants. Est réservée la déduction des charges d'entretien et mobilières dans le tarif socio-hôtelier, au sens de l'article 19, alinéa 3.
11
2 Le département détermine le montant de la redevance immobilière sur la base du contrat de bail.
12
3 Le département peut, sur demande motivée de l'exploitant, reconnaître un montant de loyer supérieur de 10% au montant maximum admis selon l'alinéa 1.
13
4 Sont réservés les cas exceptionnels reconnus par le département avant l'entrée en vigueur du présent règlement, aussi longtemps qu'ils n'auront pas fait l'objet d'un réexamen. "
14
B. A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA sont des sociétés inscrites au registre du commerce du canton de Vaud, dont le but est l'exploitation d'un EMS pour personnes âgées. Elles font partie du groupe D.________ SA. Ces sociétés bénéficient d'une autorisation cantonale d'exploiter un tel établissement et de la reconnaissance d'intérêt public selon le droit vaudois. Elles sont locataires des immeubles dans lequel elles déploient chacune leur activité.
15
Par arrêt du 2 mars 2018, la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour constitutionnelle) a rejeté le recours de ces sociétés qui tendait à l'annulation du Règlement. Elle a en substance jugé que le Règlement ne contrevenait pas à l'art. 26 LPFES, qui prévoit une subvention relative aux coûts nécessaires à la rénovation et à la construction des EMS privés reconnus d'intérêt public, interprété de façon littérale, systématique, historique et téléologique; de même, ce texte respectait l'art. 4d LPFES relatif à la " Distribution du bénéfice ". En outre, il s'avérait qu'il était compatible avec les art. 6, 11 et 14 de la loi vaudoise du 22 février 2005 sur les subventions (ci-après: LSubv ou la loi sur les subventions; RS/VD 610.15). Finalement, la liberté économique des intéressées n'était pas violée par la réglementation litigieuse.
16
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler les dispositions des chapitres I, II, V et VI du Règlement, subsidiairement, d'annuler tout le Règlement, et encore plus subsidiairement, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente dans le sens des considérants.
17
Le chef du Département de la santé et de l'action sociale conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de l'arrêt entrepris.
18
Les parties se sont encore prononcées par écritures des 28 août et 21 septembre 2018.
19
 
Considérant en droit :
 
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1 p. 116).
20
1.1. Le recours en matière de droit public est ouvert contre les actes normatifs cantonaux (art. 82 let. b LTF).
21
Dans le canton de Vaud, les règlements du Conseil d'Etat peuvent faire l'objet d'un moyen de droit devant la Cour constitutionnelle (art. 3 al. 2 let. b de la loi vaudoise du 5 octobre 2004 sur la juridiction constitutionnelle [LJC/VD; RS/VD 173.32]), statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF), et ne peuvent être attaqués devant le Tribunal administratif fédéral; cette instance a été épuisée. En outre, la matière litigieuse relève du droit public (art. 82 let. a LTF) et la liste des exceptions de l'art. 83 LTF ne s'applique pas aux actes normatifs.
22
Au surplus, le présent recours a été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile (art. 100 al. 1 LTF, l'art. 101 LTF ne s'appliquant pas lorsqu'une Cour constitutionnelle cantonale a statué au préalable; cf. ATF 137 I 107 consid. 1.4.4 p. 111; 128 I 155 consid. 1.1 p. 158) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) par des sociétés qui exploitent des EMS et qui ont de la sorte la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
23
1.2. S'il existe, comme en l'espèce, une juridiction constitutionnelle cantonale, on peut, devant le Tribunal fédéral (art. 82 let. b LTF), demander non seulement l'annulation de la décision de dernière instance cantonale, mais également celle de l'acte normatif cantonal soumis à examen (ATF 141 I 36 consid. 1.2.2 p. 40).
24
1.3. Les exigences en matière de motivation prévues par l'art. 42 al. 2 LTF et celles, plus strictes, de l'art. 106 al. 2 LTF, valent aussi pour les recours dirigés contre les actes normatifs cantonaux. Conformément au principe d'allégation, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. Dans ce cas, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits et principes constitutionnels violés et préciser en quoi consiste la violation (ATF 143 I 1 consid. 1.4 p. 5).
25
La motivation du recours est exclusivement dirigée contre les art. 9 al. 1, 13 et 14 al. 1 RCIEMMS qui déterminent la redevance immobilière pour les exploitants d'EMS locataires de l'immeuble abritant l'infrastructure et pour les exploitants d'EMS à but économique qui sont propriétaires de l'infrastructure. Les recourantes ne soulèvent en revanche aucun argument à l'encontre des autres dispositions du Règlement. Faute de toute motivation à cet égard, le recours est irrecevable en tant qu'il vise ces autres dispositions.
26
2. Le litige porte sur la redevance immobilière versée par l'Etat aux exploitants d'EMS locataires de l'immeuble abritant l'infrastructure pour la couverture des coûts nécessaires à la rénovation et à la construction des EMS privés reconnus d'intérêt public.
27
3. Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'un acte normatif au droit constitutionnel; il s'impose cependant une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité. Dans ce contexte, il est décisif que la norme mise en cause puisse, d'après les principes d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les droits fondamentaux invoqués. Le Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme au droit supérieur. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits fondamentaux en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances effectives dans lesquelles ladite norme sera appliquée.
28
Le juge constitutionnel ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme aux droits fondamentaux. Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, son application puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (ATF 143 I 137 consid. 2.2 p. 139; 140 I 2 consid. 4 p. 14; 140 V 574 consid. 3 p. 577; 137 I 31 consid. 2 p. 39).
29
 
Erwägung 4
 
4.1. Les recourantes se plaignent d'une violation du principe de la légalité: le Règlement ne respecterait pas l'art. 26 LPFES. En adoptant la modification de cette disposition lors de la révision de 1991, le législateur aurait eu la volonté de renoncer au système forfaitaire de subventionnement et d'introduire un financement fondé sur les coûts effectifs. Or, le calcul de la redevance immobilière, tel que prévu par le Règlement, omettrait de tenir compte des coûts effectifs, que ce soit le loyer pour un établissement locataire de ses locaux ou le coût des capitaux investis pour un établissement propriétaire de ceux-ci; seuls les exploitants d'EMS à but idéal propriétaires de leur bien immobilier percevraient une participation étatique effectivement déterminée en fonction de leurs coûts (subvention dite du service de la dette).
30
4.2. Le principe de la légalité consacré à l'art. 5 al. 1 Cst. exige de façon générale que l'ensemble de l'activité étatique se fonde sur la loi et repose ainsi sur une base légale. L'exigence de la base légale signifie que les actes étatiques doivent trouver leur fondement dans une loi au sens matériel, qui soit suffisamment précise et déterminée et qui émane de l'autorité constitutionnellement compétente (ATF 141 II 169 consid. 3.1 p. 171; 128 I 113 consid. 3c p. 121).
31
Hormis en matière pénale et dans le domaine fiscal, le principe de la légalité de l'art. 5 al. 1 Cst. ne constitue pas un droit constitutionnel distinct, mais uniquement un principe constitutionnel. Comme le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit fédéral en général (art. 95 let. a LTF), il est possible d'invoquer le principe de la légalité, au même titre que celui de la proportionnalité ancré à l'art. 5 al. 2 Cst., directement et indépendamment d'un droit fondamental. Toutefois, lorsque le recourant s'en prévaut en relation avec le droit cantonal indépendamment d'un droit fondamental, le Tribunal fédéral limite son examen à l'arbitraire. Il n'intervient alors que si le principe de la légalité est manifestement violé (arrêts 2C_772/2017 du 13 mai 2019 consid. 3.2.1; 2C_649/2010 du 5 avril 2011 consid. 3.2).
32
 
Erwägung 5
 
5.1. L'art. 25 al. 1 LPFES prévoit que l'Etat participe au financement des charges d'investissement et d'exploitation des établissements sanitaires d'intérêt public, conformément à ladite loi et à ses dispositions d'application, ainsi qu'aux dispositions fédérales applicables. Selon l'art. 25a LPFES, les modalités de la participation financière de l'Etat sont définies par des règlements d'application de ladite loi; elles sont précisées par un contrat de prestations (al. 1). Ces règlements portent, notamment, sur les règles de financement (al. 2 ch. 1).
33
L'art. 26 LPFES " Investissement des EMS " dispose:
34
" 1 L'Etat participe, sous forme de subventions, à la couverture des coûts nécessaires à la rénovation et à la construction des EMS privés reconnus d'intérêt public, à l'exception de leurs dépenses d'équipement intégrées dans les charges d'exploitation conformément à l'article 26f.
35
2 Les règlements mentionnés à l'article 25a et, le cas échéant, le contrat de prestations précisent les critères pour la prise en charge d'un investissement, ainsi que les modalités de calcul et de versement des subventions, notamment les modalités relatives à l'indexation. Ces subventions sont versées sous forme de subventions du service de la dette, de versements directs ou de forfaits, en fonction du mode d'exploitation des établissements.
36
3 Sous réserve de convention contraire, il est tenu compte des emprunts contractés avant la reconnaissance d'intérêt public. "
37
Bien que les art. 25a al. 1 et 26 al. 2 LPFES prescrivent l'adoption d'un règlement traitant du financement des investissements, ce point a été réglé pendant de très nombreuses années par le biais de conventions entre les différentes parties concernées. Le Tribunal fédéral ayant jugé cette situation pour le moins insatisfaisante (arrêt 2C_817/2015 du 18 juillet 2016 consid. 5.5), le Conseil d'Etat (cf. art. 8 al. 1 ch. 1 LPFES) a finalement adopté, le 26 avril 2017, le Règlement attaqué. Ce texte reprend en grande partie les principes et modalités des conventions susmentionnées. Celles-ci ont, au demeurant, été attaquées par les recourantes à plusieurs reprises (arrêts 2C_475/2013 du 4 novembre 2013; 2C_816/2015 du 18 juillet 2016; 2C_817/2015 du 18 juillet 2016 et 2C_818/2015 du 18 juillet 2016; en ce qui concerne les tarifs hospitaliers: arrêt 2C_330/2013 du 10 septembre 2013 et le barème de rémunération des directeurs d'établissements médico-sociaux: arrêt 2C_656/2009 du 24 juillet 2010).
38
5.2. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge doit rechercher la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu'elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique [ATF 141 II 280 consid. 6.1 p. 287; 140 II 202 consid. 5.1 p. 204]).
39
5.3. Il découle de la lettre de l'art. 26 al. 1 LPFES que l'Etat doit participer, sous forme de subventions, à la couverture des coûts nécessaires à la rénovation et à la construction des EMS privés reconnus d'intérêt public. Ce premier alinéa se contente d'instaurer un principe, à savoir une obligation de financement, sous forme de subventions, à charge de l'Etat, destinée à couvrir les coûts nécessaires à la rénovation et à la construction des EMS privés reconnus d'intérêt public. Il ne précise pas la forme de la subvention ni la façon dont celle-ci sera déterminée.
40
En revanche, l'al. 2 de l'art. 26 LPFES indique que les règlements relatifs aux modalités de la participation financière mentionnés à l'art. 25a LPFES précisent les critères pour la prise en charge d'un investissement, ainsi que les modalités de calcul et de versement des subventions. Puis, la seconde phrase de cet alinéa relève que ces subventions sont versées sous forme de subventions du service de la dette, de versements directs ou de forfaits, en fonction du mode d'exploitation des établissements. Ainsi, la lettre même de l'art. 26 LPFES prévoit un système forfaitaire pour la participation de l'Etat à la rénovation et à la construction des EMS reconnus d'intérêt public.
41
Au surplus, contrairement à ce qu'avancent les recourantes, l'interprétation historique de cette disposition ne démontre pas que le législateur entendait renoncer au système forfaitaire appliqué dans le cadre des conventions. La révision de 1991 avait, entre autres buts, celui de réorganiser et d'harmoniser le financement des EMS et d'étendre le réseau médico-social d'intérêt public à la plus grande partie des EMS existants; l'extension du réseau des établissements sanitaires privés reconnus d'intérêt public aux établissements exploités en la forme commerciale impliquait l'adaptation des modalités inhérentes au financement des investissements (Exposé des motifs et projets de loi modifiant la loi du 5 décembre 1978 sur la planification et le financement des établissements sanitaires d'intérêt public et la loi du 29 mai 1985 sur la santé publique [ci-après: Exposé des motifs], Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud, automne 1991 [séance du 18 novembre 1991], p. 312 et 333). Dans ce cadre, le passage du commentaire relatif au projet de modification de l'art. 26 LPFES, cité par les recourantes, ne préconise pas l'abandon des systèmes forfaitaires: il relève que ces systèmes ont montré leurs limites et que des discussions sont en cours afin de les " adapter " (Exposé des motifs, op. cit., p. 335) et non pas d'y renoncer. Ce point est confirmé par la teneur projetée de l'art. 26 LPFES selon laquelle les subventions pourraient être versées sous forme de forfaits (Exposé des motifs, op. cit., p. 334).
42
En conclusion, à l'inverse de ce que prétendent les recourantes, l'interprétation littérale et historique de l'art. 26 LPFES démontre que la participation étatique destinée au financement des investissements des EMS peut revêtir la forme d'un forfait.
43
6. Par définition, le montant d'un forfait n'est pas appelé à correspondre aux frais effectifs encourus. Cela étant, ledit montant doit en l'espèce être déterminé, ce qui nécessite l'application d'une méthode d'évaluation qui, le cas échéant, peut prendre en compte les frais effectifs.
44
Il s'agit, ainsi, d'examiner si, ainsi que le prétendent les recourantes, la participation étatique doit, pour respecter le principe de la légalité, être fixée sur la base des coûts effectifs engendrés par la tâche subventionnée et supportés par les exploitants et, en cas de réponse affirmative, si le système prévu par le Règlement respecte cette exigence.
45
6.1. Comme susmentionné, l'art. 26 al. 1 LPFES décrète que, par le biais de la subvention d'investissement, l'Etat participe à la couverture des coûts nécessaires à la rénovation et à la construction des EMS privés reconnus d'intérêt public, l'al. 2 précisant que les modalités de calcul doivent être déterminées, notamment, dans les règlements d'application. L'Exposé des motifs souligne, à cet égard, que le dédommagement doit tenir compte, entre autres éléments, des frais effectivement encourus par les entrepreneurs privés, ainsi que de la mise à disposition des capitaux propres (Exposé des motifs, op. cit., p. 335). Il découle de ce qui précède que la loi impose effectivement de prendre en considération, dans la détermination de la participation étatique, les coûts induits par la rénovation et la construction d'EMS pour les exploitants concernés, cela toutefois sans déterminer la méthode pour ce faire.
46
Il reste à examiner si le Règlement respecte cette exigence.
47
6.2. Intégré dans le Chapitre II du Règlement " Participation financière de l'Etat pour la mise à disposition des biens immobiliers ", l'art. 3 RCIEMMS prévoit que la participation financière de l'Etat pour la mise à disposition des biens immobiliers vise à rémunérer tout ou partie des capitaux engagés par l'exploitant d'un EMS reconnu d'intérêt public, ou à prendre en charge tout ou partie du loyer dont il doit s'acquitter (al. 1); la nature de cette participation diffère selon le mode d'exploitation de l'EMS: une subvention dite " service de la dette " est versée aux exploitants organisés sous forme de personnes morales à but idéal, propriétaires des murs de l'EMS (al. 2 let. a); une subvention dite " redevance immobilière " est versée aux autres exploitants d'EMS, notamment les sociétés à but économique et les exploitants locataires des murs de l'EMS (al. 2 let. b).
48
La Section III du Règlement, intitulée " Redevance immobilière ", comprend les art. 8 à 15 RCIEMMS, étant précisé que les charges d'exploitation (i.e. les charges d'entretien et mobilières) sont traitées à part (cf. art. 16 ss RCIEMMS). Celle-ci définit la façon dont la redevance immobilière doit être calculée pour les EMS à but économique qui sont propriétaires de leurs biens immobiliers, ainsi que pour les EMS locataires de leurs locaux qu'elle distingue. Ainsi, selon l'art. 8 RCIEMMS:
49
"Une redevance immobilière est versée:
50
a. aux exploitants d'EMS à but économique propriétaires des murs de l'EMS. Elle est calculée sur la base de la valeur intrinsèque des biens immobiliers (bâtiments et terrains) concernés;
51
b. aux exploitants d'EMS locataires des murs. Elle est calculée selon l'article 14. "
52
Pour les exploitants d'EMS à but économique propriétaires des murs de l'infrastructure, est donc déterminante la valeur intrinsèque du bien immobilier. Celle-ci correspond à la valeur vénale du terrain, y compris les aménagements extérieurs et les équipements fixes, augmentée de la valeur à neuf des bâtiments, corrigée par la vétusté; elle peut être plafonnée conformément aux règles fixées par l'Etat (coût maximum par lit [art. 9 al. 1 RCIEMMS]). D'après l'art. 13 RCIEMMS, le Département de la santé et de l'action sociale du canton de Vaud (ci-après: le Département de la santé) fixe le montant annuel de la redevance immobilière sur la base de la valeur intrinsèque du bien immobilier selon la formule suivante:
53
valeur intrinsèque x (taux d'intérêt hypothécaire moyen + facteur de majoration immobilier) = redevance annuelle (al. 1);
54
le taux d'intérêt hypothécaire moyen est celui publié par l'Office fédéral du logement en application de l'Ordonnance du 22 janvier 2008 du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche sur l'établissement du taux hypothécaire moyen déterminant pour la fixation des loyers (taux de référence OFL [al. 2]); le facteur de majoration immobilier est fixé à 0,85% (al. 3).
55
En ce qui concerne les EMS locataires de leurs murs, l'art. 14 RCIEMMS prévoit que la redevance immobilière correspond au montant du loyer contractuel, sans les frais accessoires, à condition qu'il ne dépasse pas le montant que l'Etat verserait à un EMS propriétaire des murs, en application des articles 9 et ss (al. 1); le Département de la santé détermine le montant de la redevance immobilière sur la base du contrat de bail (al. 2).
56
6.3. Par " charges d'investissement immobilières ", pour lesquelles la subvention de l'art. 26 LPFES est due, le Règlement entend " les dépenses liées à l'acquisition, à la transformation ou à l'extension ainsi qu'à la location de biens immobiliers ou d'équipements fixes nécessaires à l'exploitation et qui ne sont pas financées à un autre titre " (art. 2 al. 1 let. a RCIEMMS). Ainsi, pour les exploitants locataires de l'immeuble abritant leur EMS, les " charges d'investissement immobilières " correspondent au loyer acquitté. Il ne fait, dès lors, pas de doute que, pour ces exploitants dont le loyer ne dépasse pas le montant que l'Etat verserait à un EMS propriétaire des murs, la redevance immobilière est déterminée en fonction des coûts effectifs, puisqu'elle correspond au montant du loyer contractuel (cf. art. 14 al. 1 RCIEMMS). De plus, tant que ledit montant reste en-dessous d'une certaine limite, la totalité des coûts effectifs représentés par le loyer est supportée par le canton de Vaud. Dans cette mesure, le Règlement respecte l'art. 26 al. 1 LPFES.
57
6.4. Les recourantes devant s'acquitter d'un loyer qui dépasse le montant que l'Etat verserait à un EMS propriétaire des murs, elles s'en prennent, d'une part, au plafonnement de la subvention d'investissement prévu à l'art. 14 al. 1 RCIEMMS et, d'autre part, à la méthode de calcul de la subvention applicable dans cette hypothèse: elles prétendent que cette méthode serait fondée sur une valeur théorique détachée de la réalité économique.
58
6.4.1. En ce qui concerne le plafonnement de la subvention d'investissement, le Tribunal fédéral constate que, dès lors que l'art. 26 al. 2 LPFES prévoit que ladite subvention peut prendre la forme d'un forfait, un tel plafonnement est possible. En effet, comme déjà dit, par définition un forfait ne saurait couvrir exactement les frais effectifs. Par conséquent, on ne saurait considérer qu'une limite posée à la participation étatique viole le principe de la légalité. Pour un exploitant qui loue l'infrastructure abritant l'EMS, sans cette limite, l'intégralité du montant du loyer contractuel serait pris en charge par l'Etat, ce qui n'est certainement pas le sens de la base légale.
59
Il faut, en outre, relever que ce plafonnement est justifié par le fait que, comme le relève le Conseil d'Etat dans une réponse à une interpellation, l'Etat ne dispose d'aucune garantie quant à la pérennité des missions d'intérêt public des EMS de forme commerciale ou de ceux locataires des biens immobiliers; dans ces conditions, financer l'entier des coûts équivaudrait pour l'Etat à rémunérer et amortir un capital privé appartenant à un propriétaire; celui-ci pourrait de surcroît décider seul, quasiment du jour au lendemain, de cesser son activité médico-sociale, abandonnant ainsi et sans aucune obligation vis-à-vis de l'Etat qui le subventionne, sa mission d'intérêt public (Réponse du Conseil d'Etat de mars 2015 à l'interpellation Jean-Marc Genton et consorts " Financement des infrastructures des EMS ").
60
De plus, il s'agit de ne pas oublier qu'est en cause une tâche d'utilité publique. Ceci explique, ainsi que le mentionne l'intimé, la différence de traitement entre les exploitants d'EMS propriétaires de leur bien selon qu'ils soient à but idéal ou à but lucratif: dans le premier cas, les éventuels bénéfices réalisés sont alloués en fonction des buts d'intérêt public poursuivis et, s'il doit y avoir dissolution de la personne morale, les actifs restant sont transférés à une autre entité suisse avec un but idéal; par son financement, l'Etat dote les exploitants à but idéal des infrastructures nécessaires à l'accomplissement de la tâche d'intérêt public qui leur est déléguée. Alors que, dans le second cas, les bénéfices peuvent être distribués aux actionnaires, même si des limites ont été posées à cet égard par le législateur (art. 4 al. 1 let. g et 4d LPFES). C'est la raison pour laquelle celui-ci a voulu différencier la participation étatique en fonction du mode d'exploitation des établissements (cf. art. 26 al. 2 LPFES).
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Il est encore rappelé ici quant à la limite imposée par l'art. 14 al. 1 RCIEMMS que, dans un arrêt du 19 avril 2013 relatif à un recours formé par la recourante 3, le Tribunal cantonal avait notamment jugé qu'aucune des dispositions légales applicables ne donnait à l'EMS subventionné, " le droit à ce que la participation financière de l'Etat englobe le montant du loyer dû au propriétaire ". Cet arrêt a été confirmé sur recours par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_475/2013 du 4 novembre 2013).
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6.4.2. Ainsi, en tant que le Règlement prévoit un plafonnement de la redevance immobilière due aux exploitants locataires de l'infrastructure abritant l'EMS déterminé en fonction de la valeur intrinsèque du bien immobilier et du taux d'intérêt hypothécaire moyen majoré, il ne saurait être question de violation manifeste (cf. supra consid. 4.1 in fine) du principe de la légalité.
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6.5. Les recourantes s'en prennent également à la méthode applicable pour déterminer la redevance lorsque le loyer dépasse le montant que l'Etat verserait à un EMS à but économique propriétaire de l'infrastructure, à savoir la formule susmentionnée (cf. supra consid. 6.2) qui se fonde sur la valeur intrinsèque du bien, ainsi que sur le taux de référence OFL majoré de 0,85%.
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6.5.1. Il suffit, toutefois, de constater à cet égard que, d'une part, la participation étatique est fonction du loyer, c'est-à-dire qu'elle prend en compte les frais effectifs subis par le locataire, jusqu'à un plafonnement et que, d'autre part, un tel plafonnement, comme examiné ci-dessus, est conforme à la base légale en question, pour arriver à la conclusion que le Règlement ne contrevient pas à l'art. 26 LPFES. Dès lors qu'un plafonnement est possible, peu importe le calcul utilisé pour le déterminer. En effet, si une limite a été posée à la redevance, le calcul de celle-ci reste fondé sur le loyer à acquitter. Ce n'est que le plafond de la participation étatique qui est déterminé en fonction de la formule contestée.
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6.5.2. Au surplus, il n'est pas exact de prétendre que ladite formule est détachée de la réalité économique. En effet, la valeur intrinsèque de l'immeuble correspond à la valeur vénale du terrain, y compris les aménagements extérieurs et les équipements fixes, augmentée de la valeur à neuf des bâtiments, corrigée par la vétusté (art. 9 al. 1 RCIEMMS). On constate ainsi que cette détermination tient compte des caractéristiques de chaque immeuble, c'est-à-dire de tous les éléments qui ont une influence sur la valeur vénale. Ladite valeur comprend celle du terrain et celle du bâtiment; elle est conditionnée par l'ancienneté de celui-ci et son état, la qualité de la construction, la surface du bien et celle du terrain, le volume du bien, l'aménagement intérieur et extérieur, la situation, etc. de chaque établissement. La valeur vénale se réfère à des valeurs liées au marché et, elle n'est ainsi pas, contrairement à ce que prétendent les recourantes, un critère abstrait. Il est, en outre, indéniable que le loyer est fonction de la valeur intrinsèque de l'immeuble. Les éléments qui influencent cette valeur sont, en grande partie, identiques à ceux qui influencent un loyer. Le loyer pour un bien dont la valeur intrinsèque est élevé sera plus important que celui dû pour un bien dont ladite valeur est faible. Selon les recourantes, il conviendrait d'adapter la redevance en fonction du fait que l'exploitant ait financé son bien majoritairement au moyen de capitaux propres ou qu'il ait dû emprunter de façon importante, ou du fait qu'il ait bénéficié de dons ou de libéralités. Toutefois, calculer le forfait en prenant en compte ces éléments reviendrait à arrêter une redevance sur mesure pour chaque établissement. Or, cette exigence n'est pas contenue à l'art. 26 RCIEMMS. L'Exposé des motifs souligne également que l'Etat ne doit pas être pénalisé en cas de vente d'un établissement ou si la reconnaissance d'intérêt public n'est pas renouvelée à son échéance (Exposé des motifs, op. cit., p. 335) : la formule arrêtée limite les risques à cet égard. A l'inverse, la revendication des recourantes ne permettrait pas à l'Etat de maîtriser ce facteur de risque. Il est, au demeurant, piquant de constater à cet égard qu'à l'époque où la subvention était encore déterminée par des conventions, la recourante 3 s'était plainte du fait (cf. arrêt 2C_475/2013 du 4 novembre 2013 let. A, consid. 2.2 et 4) que la valeur déterminante pour le calcul de celle-ci n'était pas la valeur vénale de l'infrastructure mais la valeur intrinsèque (qui ne correspondait alors pas à la valeur vénale); maintenant que, selon le Règlement, la valeur intrinsèque coïncide avec la valeur vénale, les recourantes requièrent une autre méthode de calcul.
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En outre, la valeur intrinsèque est multipliée par le taux d'intérêt hypothécaire moyen (auquel est ajouté un facteur de majoration fixé à 0,85%). Or, ce taux est bel et bien relatif aux coûts des capitaux investis; de cette façon, la volonté du législateur selon laquelle la méthode de calcul de la subvention devait prendre en compte la " mise à disposition des capitaux propres " est respectée. Certes, le taux de référence OFL ne correspond pas forcément au taux auquel le propriétaire a emprunté. Retenir un tel taux reviendrait toutefois à cautionner des opérations conclues à des taux potentiellement élevés au détriment de l'Etat. Par ailleurs, le taux de référence est majoré de 0,85% ce qui permet de compenser des taux hypothécaires actuellement très bas. Comme le relève l'autorité intimée, la majoration prend partiellement en considération le coût du financement des capitaux étrangers et des fonds propres. A nouveau, en se plaignant de ce que le critère du taux hypothécaire ne tient pas compte du fait que certains propriétaires peuvent avoir totalement amorti leur hypothèque ou acheté uniquement au moyen de fonds propres, les recourantes requièrent une prise en charge des coûts effectivement supportés. Dès lors que, selon l'art. 26 RCIEMMS, l'Etat participe à la couverture des coûts nécessaires sous forme de  forfaits, on ne saurait considérer que la formule arrêtée est dénuée de base légale.
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Il est encore souligné que le Règlement reprend sur le fond la teneur de la Convention relative à la participation financière de l'Etat pour la mise à disposition des biens immobiliers des EMS reconnus d'intérêt public en la forme commerciale et/ou de ceux reconnus d'intérêt public locataires de pareils biens immobiliers, notamment en ce qui concerne le calcul de la redevance immobilière: ladite convention prévoyait que le montant de la participation étatique était calculé sur la base de la valeur des biens immobiliers, soit le terrain, les aménagements extérieurs, le bâtiment proprement dit, et les équipements fixes (art. 4) et que la valeur retenue des biens immobiliers était appliqué un taux immobilier (art. 9). Or, la recourante 2 avait déjà attaqué le montant qui lui était alloué dans ce cadre. Le Tribunal fédéral avait alors jugé que " Seuls les art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LPFES/VD prévoient la subvention dans son principe. Or, sur la base de ces deux uniques dispositions, l'octroi à la recourante d'un montant de subvention représentant les 2,85% de la valeur immobilière de l'infrastructure qu'elle utilise pour exercer son activité ne saurait constituer un résultat arbitraire. Le fait que le Tribunal cantonal, pour se prononcer sur le montant de la subvention (...) ait confirmé l'utilisation d'une méthode qui était appliquée depuis plusieurs années [celle déterminée par la Convention 2009] et qui présentait l'avantage d'être acceptée par la majeure partie des bénéficiaires ne saurait constituer une solution insoutenable " (arrêt 2C_817/2015 du 18 juillet 2016 consid. 5.4).
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6.5.3. En conclusion, le grief relatif au principe de la légalité en rapport avec la méthode applicable pour déterminer la redevance lorsque le loyer dépasse le montant que l'Etat verserait à un EMS à but économique propriétaire de l'infrastructure tombe à faux.
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7. Les recourantes soutiennent que le Règlement serait arbitraire, en tant qu'il ne respecterait pas les art. 6 et 14 LSubv.
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7.1. Un acte normatif viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) s'il ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou s'il est dépourvu de sens et de but. Le législateur cantonal, organe politique soumis à un contrôle démocratique, doit se voir reconnaître une grande liberté dans l'élaboration des lois. Le Tribunal fédéral n'a pas à revoir l'opportunité des choix effectués dans ce cadre. Il n'annulera pas une disposition légale au motif que d'autres solutions lui paraîtraient envisageables, voire même préférables (ATF 136 I 241 consid. 3.1 p. 250 s.; arrêt 2C_727/2011 du 19 avril 2012 consid. 3.7, non publié in ATF 138 II 191).
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7.2. L'art. 6 LSubv pose le principe de la subsidiarité. Il dispose que ce principe signifie que d'autres formes d'actions de l'Etat ou de tiers doivent être recherchées préalablement à l'octroi des subventions (let. a); que la tâche en question ne peut être accomplie sans la contribution financière de l'Etat (let. b) et que la tâche ne peut être remplie de manière plus économe et efficace (let. c).
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Quant à l'art. 14 LSubv " Coûts pris en compte ", il prévoit que seuls les coûts et les revenus engendrés par l'accomplissement économe et efficace de la tâche peuvent être pris en compte pour le calcul de la subvention.
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7.3. Il est tout d'abord relevé que la loi sur les subventions, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, est une loi cadre. Ceci signifie que l'autorité concernée peut s'écarter des principes qu'elle consacre lorsqu'elle élabore une loi spéciale (Exposé des motifs et projet de loi sur les subventions, Bulletin des séances du Grand Conseil du canton de Vaud, Séance du mardi matin 8 février 2005, ch. 2.2 p. 7391). Or, le Règlement constitue une réglementation spéciale par rapport à la loi sur les subventions, règlement qui a, de plus, été arrêté alors que la loi en cause était déjà en vigueur. Ainsi, à supposer qu'une question de coexistence entre les art. 6 et 14 LSubv et le Règlement se pose, le second s'appliquerait compte tenu des adages " lex specialis derogat generali " et " lex posterior derogat priori ", même si ceux-ci ne bénéficient pas d'une portée absolue.
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Cela étant, la subvention en cause se fonde sur les coûts effectifs supportés par les exploitants représentés par le loyer, tant que ledit montant reste en-dessous d'une certaine limite. Les recourantes ne prétendent pas que la loi sur les subventions interdirait un plafonnement à la participation étatique.
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En outre, le commentaire relatif à l'art. 14 LSubv (qui correspond à l'art. 15 LSubv du projet) précise que celui-ci " se concentre sur la tâche subventionnée, et non sur l'ensemble de l'activité du bénéficiaire. Dans ce cadre, seuls les coûts engendrés par l'accomplissement économe et efficace de la tâche peuvent être subventionnés " (Exposé des motifs et projet de loi sur les subventions, op. cit., p. 7404). Or, comme on l'a vu ci-dessus, le plafonnement du loyer remboursé a justement pour but de ne pas faire supporter à l'Etat des sommes démesurées.
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Finalement, les recourantes requièrent l'annulation du Règlement sous prétexte qu'il ne permettrait pas de vérifier que d'autres formes d'actions de l'Etat ou de tiers ont été recherchées préalablement à l'octroi des subventions, ni que l'aide financière serait nécessaire (cf. art. 6 LSubv). Outre que les intéressées ne précisent pas quelles autres actions de l'Etat ou de tiers pourraient ici entrer en ligne de compte, compte tenu du fait que leur recours est destiné à obtenir une subvention plus élevée que celle prévue par ledit texte, le grief frise la témérité et est contraire au principe de la bonne foi.
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Au regard de ce qui précède, le moyen relatif au principe de l'interdiction de l'arbitraire est rejeté.
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8. Dans un dernier grief, les recourantes invoquent une violation de leur liberté économiqueet de l'égalité de traitement entre concurrents directs (art. 27 et 94 Cst.) : certains EMS locataires de leur immeuble verraient leur loyer intégralement subventionné, alors que d'autres ne recevraient qu'une participation à ces coûts.
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8.1. Les EMS reconnus d'utilité publique qui bénéficient de subventions cantonales renoncent en échange, contrairement aux autres établissements, au plein exercice de leur liberté économique et acceptent de se soumettre à des contrôles et modalités de gestion (ATF 142 I 195 consid. 6.3 p. 214; 138 II 191 consid. 4.4.2 p. 203). Ils ne peuvent ainsi invoquer la liberté économique pour contester que l'octroi de subventions soit soumis à des conditions. En revanche, ils peuvent faire valoir que ces conditions violent la liberté économique (arrêt 2C_206/2017 du 23 février 2018 consid. 6.4).
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Selon le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique, déduit des art. 27 et 94 Cst., les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (concurrents directs) sont prohibées. A cet égard, les art. 27 et 94 Cst. offrent une protection plus étendue que l'art. 8 Cst. (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53). L'égalité de traitement entre concurrents n'est toutefois pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu'elles répondent à des critères objectifs, soient proportionnées et résultent du système lui-même (ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435 s.; arrêt 2C_116/2011 du 29 août 2011 consid. 7.1). En outre, ces différences ne peuvent en règle générale pas déroger au principe de la liberté économique, en particulier si elles fondent des mesures menaçant la concurrence (cf. art. 94 al. 4 Cst.).
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8.2. En l'espèce, les recourantes ne dénoncent pas une différence de traitement entre les EMS exploités en la forme idéale et ceux qui le sont en la forme commerciale, puisque, quel que soit le type d'exploitation, les EMS locataires de leur immeuble sont soumis à la même règle: leur loyer n'est totalement pris en charge que s'il ne dépasse pas le montant que l'Etat verserait à un EMS propriétaire des murs (cf. art. 14 al. 1 RCIEMMS). C'est, une nouvelle fois, de ce plafond dont se plaignent les recourantes. On constate néanmoins que cette limite affecte les deux types d'établissement de façon identique. Contrairement à ce qu'elles prétendent, la différence de traitement ne dépend pas que de la valeur intrinsèque du bien immobilier, mais également du montant du loyer que supporte l'exploitant. Or, dans le cadre de la détermination de subventions, il est indispensable d'instaurer un système qui garantisse l'affectation des deniers publics au but de santé publique poursuivi par l'Etat, ce qui implique que ce système évite que les fonds étatiques ne servent à payer des loyers versés à des tiers trop élevés. Partant, le grief relatif à la violation de la liberté économique doit être écarté.
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9. Au regard de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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Succombant, les recourantes doivent supporter solidairement les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis la charge des recourantes, solidairement entre elles.
 
3. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire des recourantes, au Département de la santé et de l'action sociale, ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour constitutionnelle.
 
Lausanne, le 16 décembre 2019
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Seiler
 
La Greffière : Jolidon
 
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