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Informationen zum Dokument  BGer 1C_550/2019  Materielle Begründung
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BGer 1C_550/2019 vom 26.11.2019
 
 
1C_550/2019
 
 
Arrêt du 26 novembre 2019
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
 
Merkli, Fonjallaz, Kneubühler et Haag.
 
Greffier : M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représentée par Me Urs Saal, avocat, recourante,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
 
1213 Petit-Lancy.
 
Objet
 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Russie,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 27 septembre 2019 (RR.2019.65+66).
 
 
Faits :
 
A. Par deux décisions de clôture du 27 février 2019, le Ministère public du canton de Genève a ordonné notamment la transmission, au Comité d'enquêtes de la Fédération de Russie, de documents (documentation d'ouverture et relevés de 2014 à 2016) relatifs à un compte bancaire détenu par A.________. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire formée dans le cadre d'une enquête dirigée contre B.________, directeur des ressources humaines de la société C.________, liée à A.________. Il lui est reproché d'avoir détourné en sa faveur une partie des rémunérations versées à des employés du groupe.
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B. Par arrêt du 27 septembre 2019, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté les recours formés par A.________ contre ces décisions. Celles-ci étaient sommairement, mais suffisamment motivées au regard du droit d'être entendu. Les pièces transmises étaient numérotées, ce qui satisfaisait à l'obligation de dresser un inventaire, et un tri avait été effectué. Les griefs relatifs à la transmission des données personnelles des employés de la recourante n'avaient pas à être examinés dès lors que la société n'avait pas qualité pour représenter ces tiers. Sous l'angle de la proportionnalité, la Cour des plaintes a considéré que la transmission des renseignements bancaires de la recourante n'allait pas au-delà de l'entraide requise; la transmission des données personnelles d'employés était conforme à l'art. 11f EIMP, la recourante n'indiquant pas en quoi consisteraient les risques encourus par les personnes concernées. L'art. 328 CO n'habilitait pas la recourante à agir pour la protection de ses employés.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes, de dire que les pièces transmisses devront être caviardées s'agissant des noms de ses employés non visés par la demande d'entraide et que seules les pièces se rapportant à C.________ pourront être transmises après caviardage. Elle conclut aussi au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle ordonnance au sens des considérants.
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La Cour des plaintes persiste dans son arrêt, sans autres observations. Le Ministère public se réfère à ses décisions. L'Office fédéral de la justice estime que la présente cause ne serait pas particulièrement importante au sens de l'art. 84 LTF, sous réserve de l'application de l'art. 11f al. 1 EIMP récemment entré en vigueur, qui pourrait constituer une question de principe.
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Dans ses dernières observations, la recourante persiste dans ses griefs et ses conclusions, relevant que les autorités intimées ne se prononcent pas sur la question du contenu de la demande d'entraide et que la question de la transmission des données personnelles de ses employés et de la qualité pour invoquer ce grief justifieraient d'entrer en matière.
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Considérant en droit :
 
1. Selon l'art. 84 LTF, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure (à l'étranger ou en Suisse, cf. ATF 145 IV 99 consid. 1.3 p. 105) viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Le Tribunal fédéral peut aussi être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3 p. 254). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1 p. 297).
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1.1. Dans un premier grief, la recourante reproche au Ministère public, puis à la Cour des plaintes, d'avoir mal compris la demande d'entraide en retenant que B.________ était soupçonné d'avoir détourné des montants destinés à des employés travaillant au Monténégro par le biais de A.________ et d'un compte à Genève. En réalité, la demande indiquait que l'argent détourné aurait abouti au Monténégro; l'autorité requérante désirerait seulement connaître les montants qui auraient dû être versés depuis la Russie, ainsi que la part qui aurait été détournée au Monténégro. Le grief relève en réalité de l'interprétation de la demande d'entraide, qui, selon les principes applicables, doit se faire dans le sens le plus favorable à la coopération internationale. Quelles que soient les objections de la recourante à ce propos, elles ne soulèvent aucune question de principe.
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1.2. Il en va de même de l'invocation du principe de la proportionnalité dans la mesure où la recourante reproche également aux instances précédentes une mauvaise compréhension de la demande d'entraide et du principe d'utilité potentielle. La violation du droit d'être entendu n'est pas plus apte à justifier une entrée en matière puisqu'elle se rapporte à la motivation des décisions du Ministère public et qu'un tel vice a pu être réparé dans le cadre de la procédure de recours.
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1.3. La recourante estime qu'elle devrait avoir qualité pour recourir en tant qu'employeur contre la transmission des données personnelles de ses employés. La Cour des plaintes aurait considéré à tort que seuls lesdits employés auraient qualité pour s'y opposer. Cette dernière considération est certes erronée. La qualité pour recourir appartient en effet, dans le cadre de l'exécution d'une mesure d'entraide, à la seule personne directement touchée par la mesure (art. 80h let. b EIMP), soit en particulier le titulaire d'un compte bancaire ou la personne soumise à une saisie de documents (art. 9a let. a et b OEIMP). En l'occurrence, la recourante était donc habilitée à faire valoir que la transmission envisagée concernait les données de centaines de ses employés non visés par la demande d'entraide et était ainsi disproportionnée. Toutefois, dans la mesure où il se recoupe sur le fond entièrement avec l'argumentaire lié au principe de la proportionnalité, le grief a été traité par la Cour des plaintes et est, lui aussi, irrecevable à ce stade, faute d'une question de principe.
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2. Comme le relève l'OFJ, l'application de l'art. 11f al. 1 EIMP pourrait soulever des questions nouvelles et justifier ainsi une entrée en matière. Force est toutefois de constater que, dans son résultat tout au moins, l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique.
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2.1. Entré en vigueur le 1er mars 2019, le nouveau chapitre 1a de l'EIMP (système de gestion de personnes, de dossiers et d'affaires, art. 11
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Art. 11f Communication de données personnelles à un Etat tiers ou à un organisme international
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a. la législation de l'Etat tiers lorsque l'Union européenne l'a constaté par voie de décision;
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b. un traité international;
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c. des garanties spécifiques.
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a. pour protéger la vie ou l'intégrité corporelle de la personne concernée ou d'un tiers;
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b. pour prévenir un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique d'un Etat Schengen ou d'un Etat tiers;
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c. pour prévenir, constater ou poursuivre une infraction ou pour exécuter une décision pénale pour autant qu'aucun intérêt digne de protection prépondérant de la personne concernée ne s'oppose à la communication;
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d. à l'exercice ou à la défense d'un droit devant une autorité compétente pour prévenir, constater ou poursuivre une infraction ou pour exécuter une décision pénale, pour autant qu'aucun intérêt digne de protection prépondérant de la personne concernée ne s'oppose à la communication.
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2.2. En matière d'entraide judiciaire, dont l'objet même est la transmission de données à l'étranger, cette réglementation ne peut revêtir qu'une portée très restreinte. Elle ne s'applique pas, en premier lieu, à l'égard d'Etats liés avec la Suisse par une convention d'entraide judiciaire, dès lors que le droit interne ne peut, selon la pratique constante, prévoir des conditions plus restrictives que le droit conventionnel (ATF 136 IV 82 consid. 3.1 p. 84). L'art. 11f EIMP ne s'applique pas non plus à l'égard des Etats assurant un niveau de protection adéquat en matière de protection des données (al. 2). Enfin, même en l'absence d'un tel niveau de protection, la transmission peut avoir lieu lorsqu'il s'agit de protéger la vie ou l'intégrité corporelle de la personne concernée ou d'un tiers, de prévenir un danger immédiat pour un Etat ou de prévenir, constater ou poursuivre une infraction ou exécuter une décision pénale, pour autant qu'aucun intérêt digne de protection ne s'y oppose (art. 11f al. 3 let. a, b et c EIMP). Cette dernière dérogation apparaît a priori généralement applicable lorsqu'il s'agit de donner suite à une demande d'entraide judiciaire dont le but est précisément la poursuite et la répression des infractions pénales (art. 1 EIMP).
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2.3. En l'occurrence, la demande d'entraide émane de la Fédération de Russie, soit un Etat partie à la Convention européenne d'entraide judiciaire (CEEJ, RS 0.351.12). En vertu du principe de faveur rappelé ci-dessus, les conditions particulières posées à l'art. 11f EIMP ne pouvaient s'appliquer, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'existence d'un niveau de protection adéquat (al. 2) ou sur les dérogations posées à l'alinéa 3 de cette disposition. Le grief doit par conséquent être écarté.
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3. Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe.
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 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr. sont mis à la charge de la recourante.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.
 
Lausanne, le 26 novembre 2019
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Chaix
 
Le Greffier : Kurz
 
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