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Informationen zum Dokument  BGer 6B_905/2019  Materielle Begründung
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BGer 6B_905/2019 vom 18.09.2019
 
 
6B_905/2019
 
 
Arrêt du 18 septembre 2019
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Denys, Président,
 
Oberholzer et Rüedi.
 
Greffier : M. Graa.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Maryam Massrouri, avocate,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton de Genève,
 
intimé.
 
Objet
 
Escroquerie; lieu de commission de l'acte,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 9 juillet 2019 (ACPR/528/2019 P/9064/2019).
 
 
Faits :
 
A. Le 9 avril 2019, A.________, ressortissant canadien domicilié en Angleterre, a déposé à Genève une plainte pénale contre inconnu, pour escroquerie, subsidiairement abus de confiance et blanchiment d'argent. Il a indiqué qu'il avait, le 10 juillet 2018, commandé sur le site Internet B.________ des billets pour assister à la finale de la coupe du monde de football, en Russie, en cas de victoire de l'Angleterre en demi-finale, pour un prix de 36'800 EUR. Titulaire d'un compte bancaire auprès de Banque C.________ à D.________, il avait donné ordre à celle-ci de débiter son compte au bénéfice de la société B.________, aux Pays-Bas, auprès de la banque E.________ aux Pays-Bas. L'Angleterre ayant perdu la demi-finale, une personne du "customer service" de la société B.________ avait confirmé à A.________ que sa commande serait annulée et la somme de 36'800 EUR restituée après déduction de 10% du montant à titre de frais. Selon l'intéressé, aucun montant ne lui avait pourtant été restitué. Le site Internet de B.________ avait disparu et les démarches entreprises par sa banque auprès de la banque E.________ en vue d'identifier l'ayant-droit économique du compte bancaire sur lequel le paiement avait été effectué étaient restées vaines.
1
B. Par ordonnance du 23 mai 2019, le Ministère public de la République et canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur cette plainte.
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C. Par arrêt du 9 juillet 2019, la Chambre des recours pénale de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.________ contre cette ordonnance.
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D. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 9 juillet 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la cause est renvoyée au ministère public en vue de l'ouverture d'une instruction et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
4
E. Invités à se déterminer, la cour cantonale s'est référée à l'arrêt du 9 juillet 2019, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours.
5
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).
6
1.2. En l'occurrence, on comprend que le dommage du recourant consiste dans la somme de 36'800 EUR dont il prétend s'être dessaisi en raison de l'escroquerie qu'il dénonce. L'intéressé dispose donc, au regard de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, de la qualité pour recourir en matière pénale au Tribunal fédéral.
7
2. Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir considéré que l'infraction d'escroquerie dénoncée ne pouvait pas être poursuivie en Suisse.
8
2.1. Le CP est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse (art. 3 al. 1 CP). Afin d'éviter des conflits de compétence négatifs, il convient en principe dans le cadre de problématiques internationales d'admettre la compétence des autorités pénales suisses, même en l'absence de lien étroit avec la Suisse (arrêt 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 5.1).
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Selon l'art. 8 al. 1 CP, un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit. Ainsi, pour que l'infraction soit punissable en Suisse, il faut que l'auteur réalise l'un des actes constitutifs sur le territoire suisse. La notion d'acte contenue à l'art. 8 CP doit être appréciée exclusivement au regard des éléments constitutifs décrits dans la norme pénale spéciale (ATF 144 IV 265 consid. 2.7.2 p. 275 et les références citées).
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L'escroquerie est un délit matériel à double résultat ( kupiertes Erfolgsdelikt) : le premier est constitué par l'appauvrissement de la victime, le second est l'enrichissement dont seul le dessein - à l'exclusion de la réalisation - est un élément constitutif de l'infraction. Tant le lieu où s'est produit l'appauvrissement que celui où s'est produit, respectivement devait se produire le résultat recherché par l'auteur constituent le lieu du résultat au sens de l'art. 8 CP (ATF 141 IV 336 consid. 1.1 p. 338; arrêts 6B_1335/2018 du 28 février 2019 consid. 4.4.2; 6B_436/2014 du 2 mars 2015 consid. 1.2.1).
11
2.2. La cour cantonale a exposé que le recourant n'était pas domicilié en Suisse et que la transaction litigieuse avait été effectuée, par le biais d'Internet, avec une société ayant son siège aux Pays-Bas. Le seul lien avec la Suisse consistait dans le compte bancaire du recourant auprès de Banque C.________ à D.________, lequel avait été débité du montant de la transaction litigieuse. Ce lien n'était pas suffisant pour créer un for en Suisse, de sorte qu'il existait un empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP.
12
2.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne saurait être suivi. Celle-ci semble considérer le domicile du recourant comme l'élément décisif pour l'existence d'un for en Suisse. Or, lorsqu'il s'agit de localiser l'appauvrissement résultant d'une escroquerie, le domicile du titulaire des avoirs bancaires concernés n'est pas déterminant. L'appauvrissement se produit en effet au lieu où se situent les valeurs patrimoniales dont se dessaisit la dupe, soit, cas échéant, au siège de la banque auprès de laquelle celle-ci possède les avoirs en question (cf. ALEXANDRE DYENS, Territorialité et ubiquité en droit pénal international suisse, 2014, nos 915-919; LE MÊME, La localisation de l'appauvrissement en matière d'escroquerie internationale, JdT 2006 III 59 et 61; cf. ATF 125 III 103 consid. 2 et 3 p. 105 ss).
13
Dès lors que le siège de la banque auprès de laquelle le recourant était titulaire du compte bancaire débité pour acquérir les billets de football se trouve à D.________, le résultat d'une escroquerie - telle que dénoncée par le recourant -, soit le dommage de l'intéressé, serait bien localisable en Suisse. Les autorités suisses sont donc a priori compétentes pour conduire une instruction s'agissant de cette infraction (cf. pour une situation similaire l'arrêt 6B_1335/2018 précité consid. 4.5.2).
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En définitive, la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant la non-entée en matière, s'agissant d'une éventuelle infraction d'escroquerie, fondée sur une absence de compétence des autorités de poursuites pénales suisses. Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle examine si une non-entrée en matière peut être prononcée pour un autre motif au regard de l'art. 310 CPP ou si une instruction doit être ouverte à cet égard (cf. art. 309 CPP).
15
3. Le recours est admis. Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
 
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3. Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. pour ses dépens dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 18 septembre 2019
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Denys
 
Le Greffier : Graa
 
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