VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 5A_529/2019  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 5A_529/2019 vom 06.09.2019
 
 
5A_529/2019
 
 
Arrêt du 6 septembre 2019
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
 
von Werdt et Bovey.
 
Greffière : Mme Achtari.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Yves Piantino, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Office des poursuites de Genève,
 
Objet
 
annulation d'une vente aux enchères,
 
recours contre la décision de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève du 13 juin 2019 (A/633/2019-CS, DCSO/260/2019).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Dans le cadre de quatre poursuites en réalisation de gage immobilier introduites contre l'hoirie de feu B.________, C._______ SA a requis, au mois de septembre 2016, la vente de la parcelle n° 1241 sise à U.________, propriété de l'hoirie.
1
 
A.b.
 
A.b.a. L'office des poursuites de Genève (ci-après: office) a fixé la vente aux enchères au 22 octobre 2018.
2
Les conditions de vente stipulaient notamment que la propriété serait vendue avec toutes les charges qui la grevaient et adjugée après trois criées au plus offrant, à condition que son offre fût égale ou supérieure à 540'688 fr. 10. Selon leur chiffre 10, le paiement total devait être effectué avant l'adjudication. Toutefois, celle-ci pouvait être prononcée moyennant le versement préalable de 112'500 fr. en espèces ou par chèque bancaire, étant précisé que seul un montant de 100'000 fr. pouvait être payé en espèces. Un délai de deux mois, échéant le 23 décembre 2018, était accordé pour le règlement du solde du prix d'adjudication. L'office se réservait le droit d'exiger des sûretés (cautionnement ou dépôt de titres) en garantie du paiement de la somme pour laquelle un terme était accordé.
3
A.b.b. Le 22 octobre 2018, l'immeuble a été adjugé sans la charge à A.________ qui a offert 540'688 fr. 10.
4
L'enchérisseur a versé immédiatement 100'000 fr. en espèces et s'est engagé à payer le solde de l'acompte, de 12'500 fr., le lendemain. Il a remis à l'office 10'000 fr. supplémentaires, en espèces qu'il avait sur lui, que l'office a comptabilisés comme étant des sûretés pour le versement des 12'500 fr. restant et qui ont été placés dans le coffre de l'office.
5
Le 23 octobre 2018, A.________ a versé les 12'500 fr. supplémentaires par l'entremise d'un intermédiaire financier. En conséquence, l'office lui a remboursé les 10'000 fr. versés à titre de sûretés.
6
A.b.c. Le 31 octobre 2018, A.________ a informé l'office que, faute de financement bancaire, il ne pouvait pas s'acquitter du solde à payer au 22 décembre 2018 et sollicitait l'annulation de la vente.
7
L'office lui a alors rappelé qu'il s'exposait à des conséquences financières en cas de demeure (moins-value sur le prix de vente et tout autre dommage).
8
A.b.d. Faute de paiement, l'office a révoqué la vente le 3 janvier 2019. Il en a informé par écrit A.________.
9
Le même jour, il a publié une annonce fixant la date de la nouvelle vente aux enchères au 28 janvier 2019, à l'issue de laquelle il a prononcé un non-lieu de vente.
10
B. Par écritures du 18 février 2019, complétées le 18 mars 2019, A.________ a formé une plainte contre la vente du 22 octobre 2018 auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Chambre de surveillance). Invoquant le non-respect des conditions de vente, il a conclu à son annulation et à la restitution de la somme de 112'500 fr. qu'il avait versée.
11
Par décision du 13 juin 2019, la Chambre de surveillance a rejeté la plainte.
12
C. Par acte posté le 27 juin 2019, A.________ exerce un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre cette décision. Il conclut à sa réforme en ce sens que la nullité de la vente aux enchères et de l'adjudication du 22 octobre 2018, ainsi que celle de la vente du 28 janvier 2019 est constatée et que la restitution de la somme de 112'500 fr. est ordonnée en sa faveur. En substance, il se plaint de la violation des art. 136 LP, 45 et 60 al. 2 ORFI.
13
Des observations n'ont pas été requises.
14
D. Par ordonnance du 15 juillet 2019, l'effet suspensif a été attribué au recours.
15
 
Considérant en droit :
 
1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 2 let. a LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2), rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF en relation avec l'art. 19 LP) par une autorité de surveillance de dernière (unique) instance cantonale (art. 75 LTF), le présent recours en matière civile est ouvert et ce indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). Le plaignant, qui a succombé devant la cour cantonale et a un intérêt digne de protection à la modification de la décision entreprise, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
16
 
Erwägung 2
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2).
17
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF).
18
 
Erwägung 3
 
3.1. L'autorité de surveillance a jugé que la plainte formée le 18 février 2019 était irrecevable en raison de sa tardiveté tant contre les conditions de vente, la tenue des enchères, la révocation de la vente que la tenue de nouvelles enchères. Elle a donc uniquement examiné la nullité des mesures prises par l'office.
19
A cet égard, elle a considéré que, à supposer que l'office eût violé l'art. 136 al. 2 LP en encaissant 110'000 fr. en espèces le 22 octobre 2018, il ne s'agissait pas d'un vice susceptible de rendre nulle la vente. A titre superfétatoire, elle a relevé que la méthode de l'office d'encaisser 100'000 fr. le 22 octobre 2018 et d'accorder au plaignant la possibilité de verser le solde de l'acompte, de 12'500 fr., dans les 24 heures, ne contrevenait pas à l'art. 136 al. 2 LP car il n'avait fait qu'usage de sa marge d'appréciation. Il en allait de même du fait qu'il ait conservé 10'000 fr. supplémentaires à titre de sûretés en vue du paiement de l'acompte, montant qu'il avait du reste restitué au plaignant. Elle a ajouté que le plaignant ne formulait aucune critique contre les conditions de vente ou contre le déroulement des enchères.
20
3.2. Le recourant invoque la violation des art. 136 al. 2 LP et 45 ORFI. Il considère que l'art. 136 LP sert à protéger l'intérêt public prépondérant de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et que l'office est tenu de prévoir un mode alternatif au paiement en espèces pour la part du prix excédant 100'000 fr. Il conclut que l'office a violé les art. 136 LP et 45 ORFI en acceptant un montant de 110'000 fr. en espèces. Il précise que l'office avait uniquement pour but de contourner la loi en qualifiant de sûretés le montant de 10'000 fr., d'autant que ce paiement violait l'art. 10 des conditions de vente qui ne prévoyait que le cautionnement ou le dépôt de titres pour garantir le paiement. Il estime que cette violation de la loi constitue un cas de nullité au sens de l'art. 22 LP.
21
Le recourant invoque ensuite que l'office a également violé l'art. 60 al. 2 ORFI mentionné au chiffre 10 des conditions de vente et que cette norme est aussi édictée dans l'intérêt public, de sorte que l'absence de la fourniture des sûretés précitées conforme aux conditions de vente entraîne la nullité de la vente.
22
4. Le recourant ne conteste pas que, sa plainte étant tardive, la seule question qui se pose est de savoir si l'office a commis une violation des règles sur la réalisation des immeubles entraînant la nullité de la vente aux enchères.
23
 
Erwägung 4.1
 
4.1.1. L'art. 22 al. 1 LP prévoit la nullité des mesures contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes ne participant pas à la procédure. Il enjoint aux autorités de surveillance de constater cette nullité indépendamment de toute plainte, c'est-à-dire en tout temps, même en dehors du délai de plainte (ATF 128 III 104 consid. 2).
24
Les dispositions dont la violation susceptible de fonder un cas de nullité sont essentiellement les règles impératives du droit des poursuites que doivent respecter les organes d'exécution forcée (ATF 128 I 206 consid. 5.2.5). Elles peuvent aussi relever d'autres lois fédérales. Outre qu'il doit s'agir d'une règle impérative, il faut que la disposition en cause ait été édictée dans l'intérêt public ou dans l'intérêt d'un cercle indéterminé de tiers étrangers à la procédure (ATF 121 III 24 consid. 2b; 115 III 24 consid. 1; 109 III 102 consid. 1). En revanche, la violation de normes qui ont été établies dans le seul intérêt des parties ne peut être invoquée (arrêt 5A_403/2017 du 11 septembre 2017 consid. 7.2.1).
25
Eu égard à cette notion, toute erreur, même grave, dans la préparation de la vente aux enchères qui pourrait justifier à elle seule d'annuler l'adjudication ne rend pas celle-ci nulle pour autant (ATF 128 III 339 consid. 5a).
26
4.1.2. Sous réserve du contenu des conditions de vente fixé par le droit fédéral (art. 135 à 137 LP; art. 45 ss ORFI), l'office des poursuites arrête les conditions des enchères d'après l'usage des lieux et de la manière la plus avantageuse (art. 134 al. 1 LP), de façon en particulier à obtenir la somme la plus élevée possible. En la matière, il jouit d'une marge d'appréciation (arrêt 5A_244/2016 du 4 octobre 2016 consid. 4.2), en vue de recherche de la solution économiquement la plus avantageuse pour permettre d'encaisser le montant le plus élevé possible, dans l'intérêt des créanciers et du débiteur (ATF 128 I 206 consid. 5.2.2).
27
Les conditions de vente forment, avec l'état des charges, la base de la réalisation forcée et de l'engagement de l'adjudicataire. Elles définissent le mode et la manière de procéder aux enchères et fixent les conditions de la vente (ATF 128 III 339 consid. 4a).
28
 
Erwägung 4.1.3
 
4.1.3.1. Aux termes de l'art. 136 LP, le préposé aux poursuites fixe le mode de paiement dans les conditions des enchères; il peut accorder un terme de six mois au plus (al. 1). Le paiement peut être effectué au comptant jusqu'à 100'000 fr. Si le prix est plus élevé, le paiement du montant excédentaire doit être effectué par l'entremise d'un intermédiaire financier au sens de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (al. 2). Cette version de la loi est entrée en vigueur le 1 er janvier 2016. Elle fait partie des mesures législatives issues de la loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière, révisées en 2012, du 12 décembre 2014, tendant à empêcher que la place financière suisse soit utilisée à des fins criminelles. A cet égard, le Conseil fédéral a exposé que l'obligation de paiement en espèces prévue dans la LP devait être supprimée. Sous l'angle de la lutte contre le blanchiment d'argent, cette obligation posait en effet problème parce que, les offices des poursuites et des faillites n'étant pas soumis à la LBA en raison de leur relation souveraine avec le client, d'importantes sommes en espèces étaient susceptibles d'alimenter les circuits financiers sans contrôle LBA. Elle occasionnait aussi des problèmes pratiques tant pour les acheteurs potentiels que pour les offices (transport de sommes d'argent importantes, lourde charge liée au dépôt de telles sommes, contrainte pour les acheteurs potentiels de payer au comptant). L'acheteur a toutefois, comme avant la révision, le droit de payer en espèces des montants jusqu'à 100'000 fr. Les paiements excédant ce montant doivent en revanche obligatoirement passer par un intermédiaire financier soumis à la LBA (cf. Message concernant la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), révisées en 2012, du 13 décembre 2013, L'ORFI doit être interprétée à la lumière du nouveau droit jusqu'à ce qu'elle soit révisée elle aussi (SCHLEGEL/ZOPFI, in SK Kommentar, 4 ème éd., 2017, n° 2 ad art. 136 LP). Aux termes de l'art. 45 al. 1 let. e ORFI, les conditions de vente doivent notamment indiquer si et, le cas échéant, jusqu'à concurrence de quelle somme le prix doit être payé comptant, s'il sera accordé un terme conformément à l'art. 136 LP et, dans ce cas, s'il peut être exigé des sûretés, et lesquelles, à fournir par l'adjudicataire lors de la vente ou dans un délai que fixeront les conditions. Dans le cas où c'est lors de la vente même que le paiement en espèces doit être effectué ou que les sûretés doivent être fournies, les conditions porteront que l'adjudication est subordonnée au paiement des espèces ou à la prestation des sûretés et que par conséquent tout enchérisseur restera lié par son offre aussi longtemps que l'enchérisseur suivant n'aura pas obtenu l'adjudication. Par ailleurs, l'art. 60 al. 2 1 ère phr. ORFI mentionne que si les conditions de vente exigent le paiement comptant en espèces ou la prestation de sûretés, l'immeuble ne sera adjugé qu'après que le paiement ou les sûretés auront été fournis.
29
4.1.3.2. L'art. 60 al. 2 ORFI octroie une certaine marge d'appréciation à l'office, en n'exigeant pas la simultanéité parfaite du paiement avec l'adjudication. Il n'est pas en soi interdit de suspendre la séance d'enchères pour permettre à un acheteur potentiel d'aller chercher de l'argent à la banque, de surcroît lorsque cette mesure permet d'obtenir le meilleur prix possible conformément aux exigences posées à l'art. 134 al. 1 LP. Dans tous les cas, celui qui ne s'oppose pas sur le champ à la procédure que l'office adopte lors de la séance d'enchères, s'y soumettant, est mal venu de critiquer celle-ci après coup parce que son issue lui est finalement défavorable (arrêt 7B.40/2000 du 15 février 2000 consid. 3c).
30
4.2. En l'espèce, c'est à tort que le recourant reproche à l'office d'avoir violé l'art. 136 al. 2 LP. Celui-ci s'est, au contraire, efforcé de limiter le paiement du prix en espèces au montant de 100'000 fr., en laissant au recourant un délai pour payer autrement le solde du versement préalable de 112'500 fr. et en rétrocédant le montant de 10'000 fr. versé à titre de sûretés. Seules entrent donc en considération la violation des conditions de vente selon lesquelles, d'une part, l'adjudication ne pouvait être prononcée que moyennant le versement préalable de 112'500 fr., et, d'autre part, les sûretés en garantie du paiement devaient être fournies sous forme de cautionnement ou de dépôt de titres. Toutefois, même à supposer que l'office n'ait pas respecté ces conditions de vente, de telles violations ne constituent pas un cas de nullité. En effet, l'office bénéficie d'une certaine marge de manoeuvre tant dans la rédaction des conditions de vente sur le terme du paiement ou en lien avec le montant qui doit déjà être payé au moment de l'adjudication, que dans la mise en oeuvre de la procédure des enchères. La loi ne prévoit par ailleurs aucune forme obligatoire quant aux sûretés. Dès lors, même si l'on admettait un abus du pouvoir d'appréciation de l'office en tant qu'il a octroyé un bref délai au recourant pour s'acquitter de l'entier du premier versement et l'a autorisé à verser des sûretés en espèces, ce qui apparaît douteux mais qu'il n'y a pas lieu de trancher, un tel abus ne conduirait à l'évidence pas à la nullité des enchères. En outre, le recourant a lui-même consenti et tiré profit de cette démarche.
31
Au vu de ce qui précède, le grief de violation de l'art. 22 al. 1 LP en lien avec les art. 136 al. 2 LP, 45 et 60 al. 2 ORFI doit être rejeté.
32
5. En définitive, le recours est rejeté. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens, l'office n'ayant pas été invité à se déterminer et ne pouvant de toute manière y prétendre (art. 68 al. 3 LTF).
33
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office des poursuites de Genève et à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 6 septembre 2019
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Herrmann
 
La Greffière : Achtari
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).