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Informationen zum Dokument  BGer 4A_183/2019  Materielle Begründung
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BGer 4A_183/2019 vom 29.08.2019
 
 
4A_183/2019
 
 
Arrêt du 29 août 2019
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Hohl.
 
Greffier : M. Thélin.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________ SA,
 
représentée par Me Stéphanie Lang Mamie,
 
demanderesse et recourante,
 
contre
 
Z.________,
 
représenté par Me Hubert Theurillat,
 
défendeur et intimé.
 
Objet
 
contrat de travail; heures supplémentaires
 
recours contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura
 
(CC93 / 2018; AJ 94 / 2018).
 
 
Considérant en fait et en droit :
 
1. La société X.________ SA, à..., a repris dès le 1er février 2014 une entreprise de fabrication d'articles en métal auparavant exploitée par W.________ SA. La société reprenante a notamment succédé à la société transférante dans ses engagements contractuels envers Z.________, entré dans l'entreprise le 14 août 2000 en qualité d'ouvrier (« opérateur frappe 3 »).
1
Z.________ a plus tard travaillé en qualité de contremaître, dès le 1er janvier 2011 au plus tôt; il a quitté l'entreprise en 2016.
2
2. Le 12 avril 2017 et dans la poursuite n° 9999 de l'office de Porrentruy, Z.________ a fait notifier à X.________ SA le commandement de payer 89'151 fr. en capital, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 31 décembre 2015, pour rémunération d'heures de travail supplémentaires accomplies du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015.
3
La société poursuivie n'a pas formé opposition dans le délai disponible.
4
3. Le 2 juin 2017, X.________ SA a ouvert action contre Z.________ devant le Conseil de prud'hommes du canton du Jura. Le Conseil était requis d'annuler la poursuite n° 9999 et de constater que la demanderesse n'était pas débitrice de la somme en cause.
5
Le défendeur a conclu au rejet de l'action et il a requis le Conseil de condamner la demanderesse au paiement de la somme en cause. Il a allégué des heures de travail supplémentaires au nombre total de 1'425,01 et il a produit des fiches de timbrage mensuelles pour les mois de janvier 2011 à février 2015, hormis deux documents manquants.
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A titre de mesure d'urgence puis de mesures provisionnelles, le Conseil a ordonné la suspension provisoire de la poursuite.
7
Le Conseil de prud'hommes a tenu audience le 19 juin 2018. Il a interrogé le défendeur et le représentant de la demanderesse, et il a recueilli un témoignage. Il s'est ensuite prononcé le 28 août 2018. En substance, il a accueilli l'action. Il a ordonné l'annulation de la poursuite et il a condamné la demanderesse à payer 1'185 fr.60, avec intérêts dès le 31 décembre 2015, pour rémunération de 21,16 heures de travail supplémentaires.
8
La Cour civile du Tribunal cantonal a statué le 12 mars 2019 sur l'appel du défendeur. Selon ses conclusions, celui-ci réclamait 68'958 fr.60 en capital. Accueillant partiellement l'appel, la Cour a condamné la demanderesse à payer 31'588 fr.05 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 31 décembre 2015, pour rémunération de 563,77 heures de travail supplémentaires; elle a annulé la poursuite dans la mesure où celle-ci porte sur des montants plus importants.
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4. Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour civile et de confirmer le jugement prud'homal.
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Le défendeur conclut au rejet du recours.
11
Par ordonnance du 11 juin 2019, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a rejeté une demande d'effet suspensif jointe au recours.
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5. L'action entreprise par la demanderesse est celle prévue par l'art. 85a al. 1 LP, accordant au débiteur poursuivi le droit d'agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus, ou qu'un sursis a été consenti. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont en principe satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse.
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6. Le Conseil de prud'hommes a jugé que les prétentions afférentes à des heures de travail antérieures au 1er avril 2012 étaient atteintes par la prescription. Pour le surplus, il a constaté le nombre total des heures de travail accomplies par le défendeur, mois par mois et année par année, sur la base des fiches de timbrage. Pour chaque année, le Conseil a déterminé un solde d'heures positif ou négatif en déduisant du nombre total des heures accomplies le nombre total des heures contractuellement dues; son calcul tenait compte des vacances. Du 1er avril 2012 au 28 février 2015, le Conseil est parvenu à un solde global positif de 21,16 heures pour lesquelles il a alloué une rémunération horaire de 56 fr.03, soit 1'185 fr.60 pour l'ensemble des heures.
14
Devant la Cour civile, le défendeur n'a pas contesté la prescription de ses prétentions antérieures au 1er avril 2012. Il a en revanche soutenu qu'il avait travaillé de nuit et qu'il pouvait en conséquence prétendre au repos compensatoire de dix pour cent prévu par l'art. 17b al. 2 de la loi fédérale sur le travail (LTr; RS 822.11). Accueillant cette argumentation, la Cour a majoré de dix pour cent les nombres d'heures accomplies constatés par les premiers juges, puis déduit les nombres d'heures contractuellement dues, ceux-ci inchangés. La Cour parvient ainsi à 563,77 heures supplémentaires. Elle leur applique le même taux horaire de 56 fr.03, ce qui la conduit à allouer 31'588 fr.05.
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7. La demanderesse fait grief à la Cour civile d'avoir constaté arbitrairement les faits déterminants et d'avoir appliqué incorrectement l'art. 17b al. 2 LTr, en calculant un repos compensatoire aussi sur des heures de travail qui n'ont pas été accomplies de nuit aux termes de cette disposition.
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Il ressort des art. 10 al. 1 et 16 LTr que le travail de nuit est en règle générale celui accompli entre 23h00 et 6h00. Sous certaines conditions, selon l'art. 10 al. 2 LTr, les limites du travail de nuit peuvent être fixées différemment à l'intérieur d'une entreprise. En l'occurrence, selon le règlement d'entreprise édicté en exécution de l'art. 37 al. 1 LTr, le travail de nuit débutait à 22h00 et prenait fin à 5h00.
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Un examen même sommaire des fiches de timbrage révèle d'emblée que le défendeur se rendait fréquemment au travail avant 22h00 ou qu'il le quittait fréquemment après 5h00. Il travaillait certes de nuit, mais il n'accomplissait pas exclusivement des heures donnant droit au repos compensatoire de dix pour cent. Interrogé par le Conseil de prud'hommes lors de l'audience du 19 juin 2018, le défendeur a déclaré travailler « de nuit », ce qui était exact et n'a pas été contesté par le représentant de la demanderesse. Le débat ne portait pas sur le repos compensatoire du travail de nuit car le défendeur n'a invoqué l'art. 17b al. 2 LTr que plus tard, en appel seulement. Dans ce contexte, la Cour civile juge de manière insoutenable, par conséquent arbitraire (ATF 144 I 170 consid. 7.3 p. 174; 142 II 369 consid. 4.3 p. 380), que le représentant de la demanderesse a par son attitude reconnu l'accomplissement de toutes les heures entre 22h00 et 5h00. La Cour se réfère aussi, sur ce même point, à un document de la demanderesse manifestement dépourvu de pertinence, relatif à la poursuite n° 9999. Cette partie est donc fondée à dénoncer une constatation manifestement inexacte des faits et une application incorrecte de l'art. 17b al. 2 LTr.
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8. A raison de la valeur litigieuse, le procès était soumis à la procédure civile ordinaire et à la maxime des débats. Après la fin des rapports de travail, l'art. 22 LTr permet que les temps de repos légalement prévus soient remplacés par une prestation en argent s'ils n'ont pas été effectivement accordés au travailleur. Si le défendeur entendait obtenir une prestation en argent en remplacement du repos compensatoire prévu par l'art. 17b al. 2 LTr, l'art. 55 al. 1 CPC lui imposait d'alléguer en temps utile le nombre des heures accomplies entre 22h00 et 5h00, de manière que la demanderesse pût prendre position sur ce point de fait et faire valoir ses moyens. Le défendeur a omis cette allégation.
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Les dispositions d'exécution de l'art. 46 LTr exigent de tout employeur qu'il enregistre et conserve, par écrit et pour chaque travailleur, parmi d'autres données, les durées quotidienne et hebdomadaire du travail effectivement fourni, y compris le travail compensatoire et le travail supplémentaire, et les jours de repos ou de repos compensatoire accordés (art. 73 al. 1 let. c et d OLT 1; RS 822.111). Contrairement à l'argumentation développée dans la réponse au recours, ces règles ne dispensaient pas le défendeur d'alléguer et de prouver, dans le procès, les heures accomplies entre 22h00 et 5h00. Il lui était en revanche loisible de requérir dans son offre de preuves, conformément à l'art. 221 al. 1 let. e CPC, auquel renvoie l'art. 222 al. 2 CPC, la production de cette documentation par l'adverse partie. Le défendeur a également omis cette réquisition de preuve.
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Les conditions d'une allégation et d'une offre de preuves complémentaires en appel, selon l'art. 317 al. 1 CPC, ne sont manifestement pas réalisées. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la cause à la Cour civile pour complément d'instruction et nouvelle décision car à ce stade du procès, le défendeur ne peut rien obtenir sur la base de l'art. 17b al. 2 LTr. Le recours doit être admis et le jugement prud'homal doit être en principe confirmé. Le défendeur peut toutefois exiger que la poursuite n° 9999 soit continuée pour le montant alloué selon ce jugement; l'annulation complète de cette poursuite ne se justifie pas.
21
9. A titre de partie qui succombe, le défendeur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
22
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal cantonal est annulé.
 
2. La demanderesse est condamnée à payer au défendeur 1'185 fr.60 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 31 décembre 2015.
 
3. La poursuite n° 9999 de l'office de Porrentruy est annulée dans la mesure où elle porte sur des montants plus importants.
 
4. Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
 
5. Le défendeur versera une indemnité de 2'500 fr. à la demanderesse, à titre de dépens.
 
6. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour statuer à nouveau sur les frais et dépens des instances cantonales.
 
7. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'office des poursuites et des faillites de Porrentruy et au Tribunal cantonal du canton du Jura.
 
Lausanne, le 29 août 2019
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La présidente : Kiss
 
Le greffier : Thélin
 
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