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Informationen zum Dokument  BGer 1B_147/2019  Materielle Begründung
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BGer 1B_147/2019 vom 23.04.2019
 
 
1B_147/2019
 
 
Arrêt du 23 avril 2019
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
 
Fonjallaz et Muschietti.
 
Greffier : M. Tinguely.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Laurent Roulier, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public central du canton de Vaud.
 
Objet
 
Détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 5 mars 2019 (167 - PE18.017659).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.________ et B.________, qui vivent séparés depuis l'été 2017, sont les parents de C.________, une fille née en 2014.
1
A.b. Le 7 septembre 2018, B.________ a déposé plainte contre A.________. Celui-ci aurait, depuis 2017, abusé sexuellement de sa fille en la pénétrant vaginalement au moyen d'objets, de ses doigts ou de son sexe. Il l'aurait également caressée au niveau du vagin et des fesses.
2
Une enquête pénale a été ouverte le lendemain contre A.________ par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois pour actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP).
3
C.________ a été auditionnée par la police le 8 septembre 2018. Entendu pour sa part le 10 septembre 2018 par le Ministère public, le prévenu a été laissé en liberté à la condition de ne pas entrer en contact de quelque manière que ce soit avec sa fille ou son ex-compagne.
4
A.c. Selon le rapport établi le 5 octobre 2018 par la Dresse D.________, l'enfant C.________ présentait lors de son examen médical en date du 8 septembre 2018 une " modification de la morphologie de l'hymen suspecte avec présence d'une concavité [...], compatible avec une anamnèse de pénétration ou de tentative de pénétration vaginale ".
5
A.________ a été arrêté le 10 octobre 2018 et placé en détention provisoire, mesure confirmée le 12 octobre 2018 par le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), lequel a prolongé, par ordonnance du 7 janvier 2019, la détention provisoire jusqu'au 10 avril 2019, retenant alors l'existence de risques de collusion et de récidive.
6
A.d. Le 27 janvier 2019, un rapport d'expertise psychiatrique a été établi par le Dr E.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L'expert a retenu que le prévenu souffrait d'un trouble de la personnalité de type schizotypique, qui n'altérait en rien la perception de la réalité de l'intéressé. Le risque de récidive était évalué comme modéré, du fait " de l'immaturité sexuelle présentée par l'expertisé, de sa réactivité au stress et notamment de ses difficultés à réguler sa propre sexualité et ses émotions en général, de ses carences affectives avérées, du climat de permissivité sexuelle qui règne dans son quotidien et de sa propension à explorer les différents aspects de sa sexualité sans limites franches ".
7
B. Par requête du 13 février 2019, A.________ a sollicité sa libération. La demande a été rejetée par ordonnance du Tmc du 25 février 2019.
8
Le recours formé par le prévenu contre cette ordonnance a été rejeté le 5 mars 2019 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois. Cette autorité a retenu l'existence de charges suffisantes et d'un risque de récidive qu'aucune mesure de substitution ne permettait de pallier.
9
C. Par acte du 27 mars 2019, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, en concluant principalement à sa libération immédiate. A titre subsidiaire, il conclut à ce que celle-ci soit assortie de mesures de substitution, sous la forme d'une obligation de se soumettre à un suivi thérapeutique auprès du Dr F.________, psychiatre à Lausanne, selon les modalités que justice dira, à l'interdiction d'approcher le domicile de C.________ et B.________ à moins de 100 mètres et à l'interdiction d'entrer en contact avec toute personne que justice dira, mais en tous les cas sa fille, son ex-compagne ainsi que sa voisine et les trois filles de celle-ci. Plus subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
10
Invités à se déterminer, la Chambre des recours pénale et le Ministère public ont renoncé à présenter des observations, se référant aux considérants de la décision attaquée.
11
 
Considérant en droit :
 
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention pour des motifs de sûreté. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant - actuellement détenu - a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
12
2. Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP), condition qui n'est pas remise en cause en l'espèce, quand bien même le recourant nie avoir accompli les actes qui lui sont reprochés.
13
3. Le recourant conteste l'existence d'un risque de récidive justifiant son maintien en détention.
14
3.1. En vertu de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu "compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre". Cette disposition pose trois conditions pour admettre un risque de récidive. En premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre et il doit s'agir de crimes ou de délits graves. Deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre (ATF 143 IV 9 consid. 2.5 p. 14).
15
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 12).
16
La gravité de l'infraction dépend, outre de la peine menace prévue par la loi, de la nature du bien juridique menacé et du contexte, notamment la dangerosité présentée concrètement par le prévenu, respectivement son potentiel de violence. La mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves peut en principe concerner tous types de biens juridiquement protégés. Ce sont en premier lieu les délits contre l'intégrité corporelle et sexuelle qui sont visés. Dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte du besoin de protection spécifique propre à certains groupes de personnes, tels que les enfants (ATF 143 IV 9 consid. 2.7 p. 15).
17
Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 3.2 p. 13; 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86; arrêt 1B_455/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1).
18
En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9 p. 17; arrêt 1B_3/2019 du 17 janvier 2019 consid. 3.1).
19
3.2. En l'espèce, le recourant est accusé de s'en être pris à plusieurs reprises à l'intégrité sexuelle de sa propre fille, âgée de moins de 4 ans au moment des faits. Si son casier judiciaire ne comporte certes aucune inscription, il doit être tenu compte, ainsi que l'a considéré la cour cantonale, de la gravité particulière des actes reprochés au moment d'examiner concrètement l'existence d'un risque de récidive, qui doit ainsi être apprécié selon des exigences moins élevées.
20
En l'occurrence, la cour cantonale a retenu l'existence d'un risque de récidive en se fondant essentiellement sur les conclusions du rapport d'expertise, aux termes duquel ce risque devait être qualifié de modéré. Cela étant, en tant que, selon l'expert, le risque pouvait être atténué moyennant une prise en charge thérapeutique (cf. rapport d'expertise, p. 12), il n'apparaît pas que le recourant a débuté le traitement qu'il envisage d'effectuer auprès d'un psychiatre spécialisé, de sorte qu'il ne saurait en l'état s'en prévaloir pour dénier ou atténuer l'existence d'un risque modéré de récidive. En outre, s'il ressort certes du rapport d'expertise que l'intéressé ne présente pas les caractéristiques propres d'une personne souffrant de pédophilie, ni les critères d'une addiction sexuelle (cf. rapport d'expertise, p. 11), ce même rapport permet également de déduire que le recourant ne dispose que de peu de maîtrise sur sa sexualité. Ainsi, selon l'expert, l'intéressé vit une " sexualité désorganisée ", tendant à " reproduire un climat de permissivité ", et " peine à réfréner ses pulsions " (cf. rapport d'expertise, p. 10). A cet égard, le recourant ne conteste pas avoir eu des érections alors que sa fille lui faisait des câlins, minimisant alors ces faits (" mais c'est comme avec une jolie fille, je trouve "; cf. rapport d'expertise, p. 6), et présentant l'intéressée, malgré son très jeune âge, comme " avide sexuellement " (cf. rapport d'expertise, p. 5), et " hyper développée ", dès lors qu'elle s'adonnerait déjà à la masturbation (rapport d'expertise, p. 10). Par ailleurs, il ne conteste pas non plus avoir déclaré en cours de procédure qu'il lui était déjà arrivé d'aborder spontanément des jeunes filles mineures (cf. ordonnance du 25 février 2019, consid. 4 p. 2).
21
On déduit de ce qui précède qu'en l'absence d'un traitement initié, le recourant présente encore, sur le plan de sa sexualité, une instabilité significative, laquelle est caractérisée en l'occurrence par le trouble schizotypique diagnostiqué par l'expert ainsi que par les affirmations pour le moins ambiguës de l'intéressé au sujet du lien entretenu avec sa fille et des prétendus désirs de cette dernière. Il s'agit là de facteurs qui ne permettent pas en l'état d'exclure de manière suffisante pour la sécurité d'autrui - en particulier celle de sa fille - tout risque de commission d'infraction.
22
Au surplus, il importe peu que le recourant allègue s'être bien comporté entre sa première audition en date du 10 septembre 2018 et sa mise en détention, survenue le 10 octobre 2018. Cette circonstance ne saurait en effet à elle seule écarter un risque de récidive. Au demeurant, la détention provisoire a apparemment été ordonnée après que le médecin de sa fille avait décrit, dans son rapport du 5 octobre 2018, les causes possibles de la modification morphologique de l'hymen de l'enfant, ce qui rendait ainsi plus concrets les soupçons portés sur le recourant. On ne voit dès lors pas que c'est la seule appréciation de la nouvelle Procureure en charge du dossier, différente de celle la précédente magistrate, qui a conduit à sa mise en détention.
23
3.3. A teneur de l'art. 237 al. 1 CPP, le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Cette disposition est une concrétisation du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) qui impose d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (ATF 142 IV 367 consid. 2.1 p. 370).
24
En l'absence d'un traitement médical concrètement mis en oeuvre et débuté par le recourant, il n'apparaît pas que l'obligation de se soumettre à un tel traitement puisse en l'espèce être suffisante à prévenir tout risque de récidive, étant observé de surcroît que l'expert considère que le lien thérapeutique avec le recourant est " fragile, incertain et susceptible de se rompre s'il est contrarié ou frustré " (cf. rapport d'expertise, p. 6). Il en va de même d'interdictions de périmètre ou de contact - que ce soit avec sa fille ou avec les filles de sa voisine, qu'il avait parfois gardées -, en particulier dès lors qu'on ignore à ce stade les possibilités concrètes pour le recourant de savoir où se trouve sa fille et d'entrer en contact avec elle, de même qu'avec les filles de sa voisine. Enfin, du point de vue temporel, au vu de la gravité des infractions pour lesquelles le recourant a été mis en prévention et de la durée de la détention provisoire déjà subie, le principe de la proportionnalité demeure respecté.
25
3.4. Au regard de ces éléments, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, maintenir le placement en détention provisoire du recourant en raison de l'existence d'un risque de réitération qu'aucune mesure de substitution ne permet en l'état de réduire.
26
4. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
27
Le recourant a demandé l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Les conditions y relatives paraissant réunies, il y a lieu d'admettre cette requête et de désigner Me Laurent Roulier en tant qu'avocat d'office du recourant et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
28
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Laurent Roulier est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public central du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, et à B.________.
 
Lausanne, le 23 avril 2019
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présidant : Merkli
 
Le Greffier : Tinguely
 
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