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Informationen zum Dokument  BGer 8C_318/2016  Materielle Begründung
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BGer 8C_318/2016 vom 09.12.2016
 
{T 0/2}
 
8C_318/2016
 
 
Arrêt du 9 décembre 2016
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Maillard, Président,
 
Ursprung et Frésard.
 
Greffière : Mme Fretz Perrin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Romain Jordan, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Commune de B.________,
 
représentée par Me François Bellanger, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
Droit de la fonction publique (publicité des débats),
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 8 mars 2016.
 
 
Faits :
 
A. A.________ a été engagé par la commune de B.________ en qualité de cantonnier à partir du 3 février 1992. Dès le 1 er janvier 1996, il est devenu secrétaire de la commune. Le 1 er septembre 2007, il a été nommé chef du secteur voirie du service Transport, Voirie et Espaces verts (STVE). A partir du 1 er octobre 2012, parallèlement à son activité de chef de secteur, il a occupé la fonction de suppléant du chef de service du STVE.
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Au mois d'octobre 2013, le conseil administratif de la Ville a informé A.________ de l'ouverture à son encontre d'une enquête administrative. L'enquête a été confiée au juge C.________, qui a rendu son rapport le 5 mars 2014. Le 15 septembre 2014, la commune a résilié les rapports de service de A.________ pour le 31 décembre 2014. L'intéressé était libéré, avec effet immédiat, de l'obligation de travailler. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.
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B. Par écriture du 21 octobre 2014, A.________ a recouru contre cette décision devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Il a conclu à la nullité de la décision attaquée et à sa réintégration immédiate dans ses fonctions. Il a demandé au tribunal d'ordonner "l'audition des parties, en audience publique (art. 6 CEDH) ".
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Statuant sans audience, la Chambre administrative a rejeté son recours par arrêt du 8 mars 2016.
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C. A.________ forme un recours en matière de droit public dans lequel il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
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La Ville de B.________ conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit :
 
1. Le jugement entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public au sens de l'art. 83 let. g LTF. Dans la mesure où la contestation porte sur la résiliation de ces rapports, il s'agit d'une contestation de nature pécuniaire, de sorte que le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF n'entre pas en considération (p. ex.: arrêts 8C_869/2015 du 12 août 2016 consid. 1.1; 8C_176/2015 du 9 février 2016 consid. 1.1 et la référence). La valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (art. 51 al. 2 et 85 al. 1 let. b LTF).
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2. Dans un premier grief, le recourant reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas donné suite à sa demande de débats publics. Il invoque, notamment, une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH.
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2.1. L'art. 6 par. 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), il y a une présomption que l'art. 6 par. 1 CEDH s'applique dans les contestations relatives aux employés publics. Pour que ces litiges soient soustraits à la protection offerte par cette norme, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, le droit interne de l'Etat concerné doit avoir expressément exclu l'accès à un tribunal s'agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question. En second lieu, cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l'intérêt de l'Etat. Le simple fait que l'intéressé relève d'un secteur ou d'un service qui participe à l'exercice de la puissance publique n'est pas en soi déterminant. Il faut encore que l'objet du litige soit lié à l'exercice de l'autorité étatique, de sorte que les conflits ordinaires du travail - tels ceux portant sur un salaire, une indemnité ou d'autres droits de ce type - ne sont en principe pas soustraits aux garanties de l'article 6 CEDH (arrêt 
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2.2. La tenue de débats publics doit, sauf circonstances exceptionnelles non réunies en l'espèce, avoir lieu devant les instances judiciaires précédentes. Il appartient à ce titre au recourant, sous peine de forclusion, de présenter une demande formulée de manière claire et indiscutable. Saisi d'une telle demande, le juge doit en principe y donner suite. Il peut cependant s'en abstenir dans les cas prévus par l'art. 6 par. 1, 2
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2.3. En l'espèce, il n'apparaît pas que l'une de ces exceptions soit réalisée. On ignore d'ailleurs les motifs pour lesquels les premiers juges n'ont pas donné suite à la requête du recourant. Sur ce point, le jugement attaqué ne contient aucune motivation. Dans ses déterminations sur le recours, la juridiction cantonale n'en dit pas davantage mot.
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L'intimée soutient que la requête d'audition des parties en audience publique était abusive, parce qu'elle avait pour but, de l'aveu même du recourant, d'y faire venir des tiers, à savoir les médias. Cet argument n'est pas fondé. La publicité de la procédure des organes judiciaires visés à l'art. 6 par. 1 CEDH tend précisément à protéger les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public, grâce notamment à la présence de la presse, laquelle est expressément mentionnée par cette disposition de la convention (cf., parmi d'autre références, arrêts de la CourEDH Hurter contre Suisse du 15 mai 2012, résumé dans plaidoyer 2012/5 p. 56 et  Schlumpf contre Suisse du 8 janvier 2009 § 62 ss).
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C'est en vain, également, que l'intimée se prévaut de l'arrêt 6B_ 594/2015 du 29 février 2016. Cette affaire concernait une demande d'audience publique émanant de l'avocat d'office qui contestait le montant de sa rémunération dans le cadre d'une procédure pénale. Le Tribunal fédéral a tout d'abord laissé ouverte la question de savoir si le défenseur d'office pouvait se prévaloir de l'art. 6 par. 1 CEDH dans ses rapports avec l'Etat s'agissant de la procédure visant à fixer son indemnisation. Il a ensuite constaté, pour les motifs énoncés au considérant 2 de cet arrêt, auxquels on peut renvoyer, que la demande apparaissait chicanière et que l'impératif d'économie de procédure plaidait également en faveur de son refus. Ces motifs ne sont aucunement transposables en l'espèce. Tout litige sinon pourrait pratiquement être exclu de la garantie de publicité offerte par la convention.
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3. En l'absence d'un motif qui s'opposait à la tenue d'une audience publique devant la juridiction cantonale et compte tenu de la demande non équivoque formulée devant celle-ci par le recourant, il y a lieu d'admettre que la procédure cantonale est entachée d'un vice de procédure qui entraîne d'emblée l'annulation du jugement entrepris, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 134 I 331 consid.3.1 p. 335 sv.). Il convient, en conséquence, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle donne suite à la requête de débats publics du recourant et statue à nouveau.
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4. L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera au recourant une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
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 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis en ce sens que l'arrêt attaqué est annulé, la cause étant renvoyée à la Chambre administrative pour qu'elle procède conformément aux considérants.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3. L'intimée versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
 
Lucerne, le 9 décembre 2016
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
La Greffière : Fretz Perrin
 
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