VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 6B_403/2015  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 6B_403/2015 vom 25.02.2016
 
{T 0/2}
 
6B_403/2015
 
 
Arrêt du 25 février 2016
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
 
Greffier : M. Vallat.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________, représenté par
 
Me Inès Feldmann, avocate,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
 
intimé.
 
Objet
 
Ordonnance de classement (indemnité),
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 19 mars 2015.
 
 
Faits :
 
A. Par ordonnance du 25 novembre 2014, le Ministère public du canton de Genève a classé la plainte pénale dirigée par A.________ contre son époux X.________ pour des menaces et refusé d'allouer à ce dernier une indemnité.
1
B. Par arrêt du 19 mars 2015, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de Genève a rejeté le recours formé par X.________ contre le refus de l'indemniser.
2
C. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'une indemnité de 9943 fr. lui est allouée pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et que sa condamnation " à supporter les frais de la procédure du recours cantonale est annulée et réformée en ce sens qu'un émolument de CHF 3'000.- pour la procédure cantonale lui est allouée ".
3
Invités à répondre au recours, la cour cantonale s'est référée aux considérants de sa décision, cependant que le Ministère public a conclu à son rejet, par acte du 5 février 2016. X.________ s'est exprimé sur cette dernière écriture par courrier du 22 février 2016.
4
 
Considérant en droit :
 
1. Les prétentions en indemnisation fondées sur l'art. 429 CPP peuvent faire l'objet d'un recours en matière pénale (ATF 139 IV 206 consid. 1 p. 208).
5
2. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 429 al. 1 let. a et b CPP. Il prétend au paiement de 4860 fr. correspondant à une dizaine d'heures d'activité d'avocat au tarif horaire de 450 fr. plus TVA (let. a) ainsi qu'à 4083 fr. 82 et 1000 fr. correspondant respectivement au dommage économique résultant de la perte d'un lundi-matin de son travail de chirurgien et d'un mercredi après-midi consacré à des travaux scientifiques.
6
2.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu, acquitté totalement ou en partie ou qui bénéficie d'une ordonnance de classement, a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité ici visée correspond en particulier aux dépenses assumées par le prévenu libéré pour un avocat de choix (ATF 139 IV 241 consid. 1 p. 242). L'allocation d'une indemnité pour frais de défense selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l'art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Il faut garder à l'esprit que le droit pénal matériel et le droit de procédure sont complexes et représentent, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés. Celui qui se défend seul est susceptible d'être moins bien loti. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l'infraction en cause. Dans le cadre de l'examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu. Par rapport à un délit ou à un crime, ce n'est qu'exceptionnellement que l'assistance d'un avocat peut être considérée comme ne constituant pas un exercice raisonnable des droits de la défense. Cela pourrait par exemple être le cas lorsque la procédure fait immédiatement l'objet d'un classement après une première audition (cf. ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 p. 203 s.; arrêt 6B_387/2013 du 8 juillet 2013 consid. 2.1 non publié aux ATF 139 IV 241). Déterminer si l'assistance d'un avocat procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure et si, par conséquent, une indemnité pour frais de défense selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP peut être allouée au prévenu, est une question de droit fédéral que le Tribunal fédéral revoit librement. Il s'impose toutefois une certaine retenue lors de l'examen de l'évaluation faite par l'autorité précédente, particulièrement de la détermination, dans le cas concret, des dépenses qui apparaissent raisonnables (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.6 p. 204; arrêt 6B_387/2013 du 8 juillet 2013 consid. 2.1 non publié aux ATF 139 IV 241).
7
En l'espèce, la plainte dirigée contre le recourant reposait sur l'allégation de menaces (art. 180 CP) de mort qu'il aurait proférées dans le contexte d'une séparation conflictuelle (" Si je dois te donner ce à quoi tu as droit, je te tuerai ainsi que toute la famille "). Le recourant a été ainsi poursuivi pénalement pour une infraction passible d'une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d'une peine pécuniaire, soit un délit d'une certaine gravité, eu égard, en particulier, au contenu des propos qu'il lui était reproché d'avoir tenus. Le recourant a été entendu par la police le 15 janvier 2014 en qualité de prévenu puis, contradictoirement, par le Ministère public le 25 août 2014, audience à l'occasion de laquelle il a été mis en prévention pour avoir réitéré ses menaces en décembre 2013. A.________ était elle-même assistée d'un conseil durant la procédure cantonale (arrêt entrepris, consid. B.g p. 3). De surcroît, cette procédure pénale était en relation avec une séparation conflictuelle et pouvait, dans cette mesure, ne pas demeurer sans incidence sur le plan civil. Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que l'on se trouve dans un cas exceptionnel où malgré l'accusation d'avoir commis un délit, l'assistance d'un avocat ne constituait pas un exercice raisonnable des droits de la défense. Que, comme l'a relevé la cour cantonale en se référant, pour comparaison, à l'arrêt 6B_384/2014 du 6 février 2015, un mandat d'amener n'ait pas été délivré en l'espèce n'y change rien.
8
Il y a, dès lors, lieu d'annuler la décision entreprise sur ce point et de renvoyer la cause à la cour cantonale afin qu'elle se prononce sur l'étendue des opérations nécessaires et le tarif horaire du conseil du recourant, puis, cas échéant, qu'elle réexamine la question des frais et dépens de la procédure cantonale. Cela rend prématuré l'examen des griefs développés par le recourant quant au montant des frais mis à sa charge.
9
2.2. Quant au dommage économique (art. 429 al. 1 let. b CPP), la cour cantonale a jugé, d'une part, que le recourant n'avait établi ni le montant de 60'000 fr. qu'il déclarait payer mensuellement pour l'exploitation de son cabinet ni sa perte de revenus en soulignant qu'il aurait pu produire des pièces établissant qu'il avait dû annuler des rendez-vous. Rien n'indiquait qu'il n'avait pas pu s'occuper à un autre moment des patients qu'il avait dû, par hypothèse, refuser à cause des auditions. Rien n'indiquait que l'un ou l'autre de ses confrères n'avaient pas été en mesure de s'occuper des urgences. La cour cantonale en a conclu que l'absence de preuves tangibles du dommage permettait déjà au Ministère public de refuser toute indemnisation.
10
La cour cantonale a, d'autre part, souligné que le recourant s'était déclaré salarié touchant 30'000 fr. par mois lors de son audition par la police, cependant qu'il alléguait, à l'appui de sa demande d'indemnisation percevoir - lui-même ou par le biais d'une société - 100'000 fr. par mois. Persistant, dans son recours, à se décrire comme salarié, il n'alléguait pas avoir subi une diminution de salaire durant les deux demi-journées litigieuses mais uniquement avoir pu traiter moins de patients, sans produire ni fiche de salaire établissant ce fait ni prétendre avoir été rémunéré à l'heure ou à la tâche. La cour cantonale en a conclu qu'il invoquait, à concurrence de 100'000 fr., les gains d'une société, personne morale indépendante, laquelle n'avait formé aucune demande d'indemnisation, soit qu'il n'avait pas établi avoir subi lui-même de perte de revenus en raison de ses absences.
11
Sur ce dernier point, le recourant se limite, devant le Tribunal fédéral, à affirmer qu'il serait " patent qu'un chirurgien qui doit s'absenter deux demi-journées de son lieu de travail a, en tous les cas, perdu au moins deux demi-journées sur ses vacances, sans tenir compte du temps qu'il a dû consacrer à des entretiens avec son avocat et à l'examen du dossier pénal de son affaire (mémoire de recours, p. 13).
12
Ce faisant, le recourant ne remet pas en question le constat relatif à son statut de salarié. Il suffit de rappeler que conformément à l'art. 324a al. 1 CO, si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, telles que maladie, accident, accomplissement d'une obligation légale ou d'une fonction publique, l'employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois. On ne voit, dès lors, pas que le recourant ait pu subir une perte de salaire en raison d'absences résultant de mandats de comparution, soit d'obligations légales (art. 205 al. 1 CPP). Pour le surplus, le recourant n'a pas d'intérêt juridique (art. 81 al. 1 let. b LTF) à invoquer la perte éventuellement subie par la société qui l'emploie dont ne pourrait, au mieux, résulter pour lui qu'un dommage indirect. Il s'ensuit, dans la mesure de la recevabilité du recours, que les motifs invoqués, ne remettent pas sérieusement en question l'une des deux motivations indépendantes retenues par la cour cantonale, ce qui conduit au rejet du recours sur ce point.
13
3. Le recourant obtient partiellement gain de cause. Il supporte des frais réduits (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 et al. 4 LTF) et peut prétendre des dépens, réduits eux aussi (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
14
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis partiellement. L'arrêt entrepris est annulé en tant qu'il refuse toute indemnisation pour l'activité du conseil du recourant et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle complète l'instruction et rende une nouvelle décision sur ce point, cas échéant également sur la question des frais et dépens de la procédure cantonale. Le recours est rejeté pour le surplus dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires réduits, arrêtés 1000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. L'Etat de Genève versera au recourant la somme de 1500 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 25 février 2016
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Denys
 
Le Greffier : Vallat
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).