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Informationen zum Dokument  BGer 4A_520/2015  Materielle Begründung
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BGer 4A_520/2015 vom 16.12.2015
 
{T 0/2}
 
4A_520/2015
 
 
Arrêt du 16 décembre 2015
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges Kiss, présidente, Klett et Kolly.
 
Greffier: M. Carruzzo.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________ Bank, représentée par Mes Sébastien Besson et Fabrice Robert-Tissot,
 
recourante,
 
contre
 
B.________ SA, représentée par Mes Elliott Geisinger, Sebastiano Nessi et
 
Elena Trabaldo-de Mestral,
 
intimée.
 
Objet
 
arbitrage international; droit d'être entendu,
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 31 août 2015 par le Tribunal arbitral CCI.
 
 
Faits:
 
A. Au début de l'année 2012,..., B.________ SA (ci-après: B.________), société de droit... appartenant au groupe bancaire éponyme, a décidé de se séparer de sa filiale... X.________ SA (ci-après: X.________).
 
La vente de X.________ a fait l'objet d'un appel d'offres auquel ont participé trois banques..., dont A.________ Bank (ci-après: A.________) qui a vu sa candidature retenue. Cependant, la Banque de Y.________ (Bank of Y.________; ci-après Y.________) et Z._______, dont l'accord préalable était nécessaire, ont soumis leur approbation de cette opération à la condition que B.________ recapitalisât X.________ à hauteur de 3 milliards d'euros avant la clôture de la transaction. Les pourparlers contractuels ont porté notamment sur l'insertion, dans le futur contrat de vente, d'un mécanisme d'ajustement pour le cas où la recapitalisation opérée par B.________ aurait été au-delà des exigences formulées par Y.________, en particulier dans l'hypothèse où, à la date de clôture de l'opération, le  Core Tier 1 Ratio (ou CT1 Ratio) - i.e. le ratio permettant d'apprécier la solvabilité d'une banque en mettant en relation les fonds propres de celle-ci et ses actifs à risques pondérés - serait inférieur au taux de 10% anticipé au cours de ces pourparlers.
 
Le 16 octobre 2012, B.________ et A.________ ont signé un contrat d'achat d'actions (Share Purchase Agreement; ci-après: le  SPA) par lequel la première a vendu à la seconde l'intégralité des actions de X.________ pour un euro. L'une des clauses dudit contrat énonce ce qui suit:
 
"4.4  CT1 Ratio Adjustment
 
If, on or prior to 30 June 2013, the Bank of Y.________ officially sets the CT1 Ratio in effect on 30 June 2013 below 10% (or, as the case may be, does not officially set a CT1 Ratio in effect on 30 June 2013), the Purchaser shall, subject to the occurrence of the Closing, pay to B.________ the CT1 Ratio Adjustment, by wire transfer in immediately available funds to B.________'s Bank Account within fifteen (15) Business Days after 30 June 2013. For the avoidance of doubt, no CT1 Ratio Adjustment will be due by the Purchaser to B.________ if the official CT1 Ratio in effect on 30 June 2013 is 10% or more."
 
Soit, en traduction libre:
 
"4.4  Ajustement du ratio CT1
 
Si, à la date du 30 juin 2013 ou avant cette date, la Banque de Y.________ fixe officiellement le CT1 Ratio en vigueur au 30 juin 2013 en dessous de 10% (ou, le cas échéant, ne fixe pas officiellement de CT1 Ratio en vigueur au 30 juin 2013), l'acquéresse devra, sous réserve de réalisation de la clôture de l'opération, payer à B.________ l'ajustement du ratio CT1 par virement bancaire de fonds immédiatement disponibles sur le compte bancaire de B.________ dans les quinze (15) jours ouvrables suivant le 30 juin 2013. Par souci de clarté, aucun ajustement ne sera dû par l'acquéresse au cas où le ratio CT1 officiel en vigueur au 30 juin 2013 serait de 10% ou plus."
 
Le 28 mars 2013, le comité exécutif de Y.________ a fixé le ratio CT1 à 9% avec effet au 31 mars 2013.
 
En juin 2013, X.________ et A.________ ont fusionné, la première étant absorbée par la seconde.
 
B. Le 3 septembre 2013, B.________, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans le  SPA, a déposé une requête d'arbitrage, dirigée contre A.________, en vue d'obtenir le paiement de 160'913'514 euros, intérêts en sus, en application de l'art. 4.4 du  SPA.
 
Selon le dernier état de ses conclusions, A.________ a requis, en substance, le rejet de la demande au motif que l'art. 4.4 du  SPA, qui nécessitait une interprétation, n'était pas applicable aux circonstances du cas concret dès lors qu'il ne réservait un ajustement au profit de B.________ que dans l'hypothèse, non réalisée en l'espèce, où Y.________ aurait réduit ses exigences de fonds propres pour X.________. Dans l'éventualité où cette interprétation ne serait pas suivie par le Tribunal arbitral, la défenderesse a conclu à la constatation de la nullité de la clause en question.
 
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué sous l'égide de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). En conformité avec la clause compromissoire insérée dans le  SPA, son siège a été fixé à Genève et l'anglais déclaré langue de l'arbitrage. Statuant par sentence finale du 31 août 2015, après avoir instruit la cause, les arbitres ont admis la demande de B.________ dans son intégralité.
 
C. Le 24 septembre 2015, A.________ (ci-après: la recourante), dénonçant une violation de son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP), a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de ladite sentence. Par écriture séparée du même jour, elle a requis l'octroi de l'effet suspensif à son recours, à titre superprovisoire dans un premier temps, puis selon la procédure ordinaire. La première requête a été admise par ordonnance présidentielle du 29 septembre 2015; la seconde est toujours pendante.
 
Par lettre du 12 octobre 2015, le Tribunal arbitral a indiqué qu'il n'entendait pas formuler d'observations sur le recours.
 
En tête de sa réponse du 29 octobre 2015, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
 
La recourante, dans sa réplique du 17 novembre 2015, et l'intimée, dans sa duplique du 4 décembre 2015, ont maintenu leurs précédentes conclusions.
 
 
Considérant en droit:
 
1. D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
 
2. Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 let. a LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours - une sentence finale -, de la qualité pour recourir, du délai de recours, de la conclusion prise par la recourante ou encore du motif de recours invoqué, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Ainsi, rien ne s'oppose à l'entrée en matière.
 
3. 
 
3.1. Examinant l'art. 4.4 du Les arbitres sont ensuite passés à l'examen de la seconde question soulevée par la recourante, à savoir la validité, contestée par cette dernière, de l'art. 4.4 du  SPA au regard des règles impératives - lois de police ou d'ordre public - du droit... (sentence, n. 261 à 307). A cet égard, après avoir présenté les arguments des parties, ils se sont exprimés comme il suit (sentence, n. 279) :
 
"The issues of whether the Arbitral Tribunal should consider the validity of Clause 4.4 under... [law] because the Z.________ guidelines are to be considered "lois de police", or because it is warranted by Article... of the... Code, are irrelevant in view of the approvals by the Z.________, the Y.________ (and other institutions) of the Transaction, as will be demonstrated below. The Arbitral Tribunal will thus focus on these approvals rather than proceed to a complex analysis of the law applicable to the validity of Clause 4.4, which in the instant case is not determinant to its decisions."
 
Soit, en traduction libre:
 
"Les questions de savoir si le Tribunal arbitral doit considérer la validité de la clause 4.4 au regard du [droit]... en raison du fait que les directives de Z.________ doivent être qualifiées de "lois de police", ou parce que l'article... du Code... le justifie, ne sont pas pertinentes au vu de l'approbation de la transaction par Z.________, Y.________ (et d'autres institutions), comme il sera démontré ci-dessous. Le Tribunal arbitral se concentrera dès lors sur ces approbations plutôt que de procéder à une analyse complexe du droit applicable à la validité de la clause 4.4, qui n'est pas déterminante dans la présente espèce pour ses décisions."
 
Cette remarque faite, le Tribunal arbitral s'est employé ensuite à démontrer que Z.________ ne s'était pas contenté d'approuver la transaction dans ses grandes lignes, mais avait avalisé la clause litigieuse dans sa formulation exacte (sentence, n. 280 à 297, spéc. n. 290). Il a également constaté que Y.________ avait donné son aval à ladite transaction (sentence, n. 298 à 306), ce qui l'a amené à rejeter expressément la conclusion de la recourante visant à lui faire prononcer la nullité de l'art. 4.4 du  SPA (sentence, n. 307).
 
3.2. La recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP et, plus précisément d'avoir méconnu que ce droit lui imposait un devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents.
 
A la suivre, les arbitres, par le biais d'une "esquive", auraient fait l'économie de l'examen, sans doute délicat, des arguments qu'elle avait pourtant "martelés" d'emblée et pendant toute la procédure pour démontrer que la clause 4.4 du  SPA n'était pas valable au regard des règles impératives du droit... relevant des lois de police ou de l'ordre public. Il leur aurait échappé que la question de l'approbation de la transaction par les entités... compétentes (Z.________ et Y.________) était différente de celle de la compatibilité de la clause incriminée avec ces règles-là. De même auraient-ils oublié qu'une autorisation quelconque ne peut jamais guérir un vice d'ordre public (recours, n. 62 à 71).
 
3.3. 
 
3.3.1. Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige certes pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il impose, toutefois, aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités). Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartient de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).
 
Au demeurant, le Tribunal fédéral a jugé qu'il ne lui appartient pas de décider si les arbitres auraient dû admettre ou non le moyen qui leur a échappé, à supposer qu'ils l'eussent traité. Cela reviendrait, en effet, à méconnaître la nature formelle du droit d'être entendu et la nécessité d'annuler la décision attaquée en cas de violation de ce droit, indépendamment des chances de la partie recourante d'obtenir un résultat différent (arrêt 4A_69/2015 du 26 octobre 2015 consid. 3.1).
 
Dans sa réplique, la recourante complète sa motivation sur la portée qu'il conviendrait d'attribuer aux principes posés par le Tribunal fédéral en ce qui concerne cet élément de la garantie du droit d'être entendu prévue par l'art. 190 al. 2 let. d LDIP (n. 72/73). Elle pense, notamment, avoir mis au jour un assouplissement de cette jurisprudence dans le sens d'une volonté du Tribunal fédéral "d'élargir le contrôle fondé sur le déni de justice formel en lien avec l'omission de traiter un argument dans la sentence" (n. 72). Hormis le fait qu'une telle écriture ne doit pas servir au complètement du recours (arrêt 4A_709/2014 du 21 mai 2015 consid. 2.1), l'affirmation de la recourante est erronée, tant il est vrai que la jurisprudence en la matière n'a pas bougé d'un iota depuis l'arrêt Ca ñas (ATF 133 III 235 consid. 5.2). Du reste, l'élargissement de ce contrôle n'est pas d'actualité, d'autant moins que le Tribunal fédéral est confronté à une tendance, qui ne cesse de s'accentuer, consistant pour nombre de recourants à invoquer cet aspect de la garantie du droit d'être entendu dans l'espoir d'obtenir indirectement un examen du fond de la sentence attaquée. C'est le lieu de rappeler que le Tribunal fédéral n'est pas une juridiction d'appel et que le législateur a consciemment et volontairement restreint son pouvoir d'examen lorsqu'il l'a chargé de statuer sur les recours en matière d'arbitrage international.
 
3.3.2. Le Tribunal arbitral n'a pas esquivé la question de l'incidence éventuelle de la violation de normes impératives... sur la validité de l'art. 4.4 du Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de vérifier la pertinence du motif sur la base duquel le Tribunal arbitral a estimé pouvoir faire l'économie de l'examen préconisé par la recourante. Autrement dit, la Cour de céans ne recherchera pas si c'est à tort ou à raison que les arbitres ont admis, à tout le moins implicitement, que l'autorisation délivrée par les entités... compétentes en matière de supervision bancaire guérissait une éventuelle violation des lois de police ou d'ordre public... commise par les cocontractantes ou, pour reprendre les termes utilisés par la recourante, si pareil vice ne pouvait pas être guéri par une autorisation quelconque. La suivre sur ce terrain reviendrait, en effet, à entrer en matière sur le fond ou, du moins, à étendre la portée du pouvoir d'examen que le Tribunal fédéral se reconnaît en la matière. Dans le même ordre d'idées et pour prendre un exemple plus parlant, si un Tribunal arbitral, saisi d'une action en responsabilité contractuelle, considère, dans sa sentence finale, qu'il peut se dispenser d'examiner les conditions de cette responsabilité (violation du contrat, faute, dommage et causalité) parce qu'il juge la prétention litigieuse prescrite, la partie demanderesse ne pourra pas demander au Tribunal fédéral, dans le cadre d'un recours où elle ferait valoir une violation de son droit d'être entendue pour cause de non-examen de ces conditions-là, de constater que le Tribunal arbitral a erré en admettant l'exception de prescription soulevée par la partie défenderesse. Tout au plus pourra-t-elle faire valoir, afin d'obtenir l'annulation de la sentence, ce que la recourante ne fait pas en l'espèce, que le motif retenu par le Tribunal arbitral pour faire l'économie d'un tel examen - là, la prescription; ici, l'effet guérisseur de la ratification - l'a été en violation de l'un des différents griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP.
 
Sans doute cette solution peut-elle paraître assez sévère pour une partie devant s'accommoder d'un refus, par hypothèse injustifié, d'examiner des moyens qu'elle a valablement soumis au Tribunal arbitral. Il s'agit là, toutefois, d'une conséquence inhérente au système des voies de droit mis en place dans le domaine de l'arbitrage international, caractérisé par la volonté de restreindre sensiblement l'intervention de la juridiction étatique de recours. Au demeurant, le sort de cette partie ne sera  in fine pas moins enviable que celui qui eût été réservé à cette même partie si ces moyens-là, dûment examinés, avaient été écartés par le Tribunal arbitral sur la base de motifs insoutenables, puisqu'aussi bien le grief d'arbitraire ne figure pas dans la liste exhaustive de l'art. 190 al. 2 LDIP.
 
Cela étant, il y a lieu de rejeter le recours. La requête de la recourante visant à obtenir l'effet suspensif, lequel lui a été accordé à titre superprovisoire, devient ainsi sans objet.
 
4. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 100'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3. La recourante versera à l'intimée une indemnité de 150'000 fr. à titre de dépens.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral CCI.
 
Lausanne, le 16 décembre 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: Kiss
 
Le Greffier: Carruzzo
 
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