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Informationen zum Dokument  BGer 8C_623/2014  Materielle Begründung
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BGer 8C_623/2014 vom 03.11.2015
 
{T 0/2}
 
8C_623/2014
 
 
Arrêt du 3 novembre 2015
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Maillard.
 
Greffière : Mme von Zwehl.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représentée par Me Sébastien Dorthe, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Entente sociale intercommunale,
 
représentée par Me Anne-Laure Simonet, avocate,
 
intimée.
 
Objet
 
Aide sociale (obligation de renseigner),
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois du 25 juin 2014.
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.________, mariée mais séparée de son mari, a bénéficié de l'aide sociale vaudoise. Après le déménagement de la prénommée dans le canton de Fribourg, l'Entente sociale intercommunale a repris le versement de l'aide sociale dès le 1
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A.b. En novembre 2013, A.________ a sollicité à nouveau l'aide sociale. Questionnée sur sa situation financière lors d'un entretien avec l'assistante sociale, la prénommée a notamment admis avoir exercé de petites activités. Par décision du 17 décembre 2013, l'Entente sociale intercommunale a refusé d'entrer en matière sur la demande, considérant que la situation d'indigence de la requérante n'avait pas pu être établie, tout en invitant celle-ci à fournir les justificatifs de ses revenus obtenus de main à main en 2013 dans un délai fixé au 15 janvier 2014. Par courrier daté du 14 janvier 2014, A.________ a contesté la décision et indiqué avoir réalisé 2'500 fr. pour des repas préparés à domicile et 4'000 fr. pour une activité dans un restaurant. Elle précisait ne plus avoir de revenu et vivre de la gentillesse de ses amis, ce qui ne pouvait plus continuer. Le 24 janvier 2014, l'Entente sociale intercommunale a rejeté la réclamation et confirmé sa décision précédente.
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B. Saisie d'un recours contre cette décision et d'une demande d'assistance judiciaire, la Ie Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté l'un et l'autre, par jugement du 25 juin 2014.
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C. A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut à l'octroi de l'aide sociale, respectivement de l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale. Elle a également présenté une requête d'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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L'Entente sociale intercommunale conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit :
 
1. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF) contre une décision rendue dans une cause de droit public par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, le présent recours en matière de droit public est recevable.
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2. L'aide sociale fribourgeoise est régie par la loi sur l'aide sociale du 14 novembre 1991 (LASoc; RS/FR 831. 0.1).
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2.1. Selon l'art. 3 LASoc, une personne est dans le besoin lorsqu'elle éprouve des difficultés sociales ou lorsqu'elle ne peut subvenir à son entretien, d'une manière suffisante ou à temps, par ses propres moyens.
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2.2. L'art. 5 LASoc prévoit que l'aide sociale ne peut être accordée que dans la mesure où la personne dans le besoin ne peut pas être entretenue par sa famille ou ses proches conformément aux dispositions du code civil suisse ou ne peut pas faire valoir d'autres prestations légales auxquelles elle a droit (principe de la subsidiarité de l'aide sociale).
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2.3. Par ailleurs, la personne qui sollicite une aide matérielle est tenue d'informer le service social de sa situation personnelle et financière de manière complète et de produire les documents nécessaires à l'enquête (cf. art. 24 al. 1 LASoc). L'aide matérielle peut être refusée si le requérant ne produit pas les documents nécessaires à l'enquête; cependant, elle ne peut être refusée à une personne dans le besoin, même si celle-ci est personnellement responsable de son état (cf. art. 24 al. 2 LASoc).
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3. En substance, les juges cantonaux ont considéré que la recourante n'avait pas rendu vraisemblable sa situation d'indigence. Il n'était pas clair comment elle avait pu subvenir à ses besoins de mai 2012 à décembre 2013 alors que le versement de l'aide sociale avait été suspendu durant cette période, qu'il ressortait du dossier qu'elle avait honoré toutes ses factures courantes en 2012 sans que son compte postal où lui avait été versé l'aide sociale n'ait été débité des sommes correspondantes, et qu'elle avait déclaré avoir réalisé en tout durant l'année 2013 des revenus à hauteur de 6'500 fr. En outre, des doutes subsistaient sur le point de savoir si elle vivait effectivement séparée de son époux, qui était retraité depuis janvier 2013 et avait été vu à B.________ où elle venait de s'installer début janvier 2014. Enfin, il apparaissait, au vu du dossier AI, qu'une capacité de travail au moins de 50 % lui avait été reconnue dès le mois de novembre 2012. Sur tous ces points, la recourante n'avait pas fait preuve de toute la collaboration qu'on était en droit d'attendre d'elle. En ce qui concernait plus particulièrement les revenus obtenus en 2013, il n'était certes pas question d'exiger de sa part qu'elle apporte la preuve négative que leur somme ne dépassait pas 6'500 fr., mais elle aurait pu présenter des témoignages écrits ou oraux pour étayer ses déclarations, ce dont elle s'était abstenue. De l'ensemble de ces éléments, les juges cantonaux ont déduit que la recourante devait forcément pouvoir compter sur un soutien financier de tiers ou de son conjoint, ou disposer d'autres ressources non déclarées ou encore réaliser des revenus plus importants que ceux qu'elle avait indiqués. Ainsi, son indigence n'était pas démontrée.
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4. En l'espèce, la recourante se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal, plus précisément de l'art. 24 LASoc, et invoque une violation du droit à des conditions minimales d'existence garanti par l'art. 12 Cst. Elle fait valoir qu'elle a fourni à l'intimée les informations nécessaires sur sa situation financière, en particulier concernant les revenus qu'elle avait perçus de main à main en 2013. Vu son état psychique précaire, elle avait collaboré dans la mesure de ses possibilités, d'autant que l'intimée ne lui avait pas précisé de quelle sorte de justificatif elle avait besoin. Il n'était pas raisonnable de lui reprocher de n'avoir pas pensé à des témoignages. Cela étant, au moment du dépôt de sa demande, elle ne disposait d'aucun revenu et d'aucune fortune, de sorte qu'elle n'était pas en mesure de couvrir ses besoins vitaux. Les prétendues aides évoquées par les premiers juges ne reposaient sur aucun élément factuel. En tout état de cause, vu la poursuite des investigations menées par l'intimée, celle-ci avait statué prématurément en sa défaveur.
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5. Le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). La recourante ne peut critiquer ceux-ci que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62), ce qu'il lui appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée. La correction du vice soulevé doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).
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6. En l'occurrence, par son argumentation, la recourante ne conteste pas tant l'application du droit par les premiers juges que leur appréciation des preuves et constatation des faits. Ceux-ci ont retenu, sur la base d'éléments tirés du dossier et vu le manque d'explications concrètes de la recourante sur ses moyens financiers, qu'elle devait disposer de ressources tierces qui lui avaient permis de faire face à ses besoins. En se contentant d'affirmer le contraire, la recourante ne fait qu'opposer sa version des faits et son appréciation des preuves à celle des juges cantonaux sans démontrer en quoi cette dernière serait arbitraire. Si l'on se réfère aux allégations contenues dans la réponse de l'intimée au recours cantonal, la recourante avait admis avoir régulièrement payé son loyer (sauf en novembre 2013) au moyen de sommes d'argent qui ne figuraient pas sur son compte postal mais ne voulait pas s'expliquer sur ce point, et se dérobait aux questions à propos du domicile de son mari et des revenus de celui-ci. Or force est de constater que tout au long de la procédure, la recourante n'a jamais pris position à cet égard, ni démontré d'une quelconque manière qu'elle avait épuisé ses ressources au moment de sa demande d'aide sociale (au moyen par exemple d'une mise en demeure pour le paiement du loyer).
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Par conséquent, les premiers juges pouvaient considérer que la recourante n'avait pas satisfait à son obligation de renseigner au sens de l'art. 24 LASoc et qu'en l'état du dossier, elle n'avait pas non plus rendu vraisemblable son indigence (art. 3 LASoc). Dans un tel cas de figure, l'art. 12 Cst. ne saurait trouver application.
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7. La recourante conteste également le jugement attaqué en tant que celui-ci rejette sa demande d'assistance judiciaire pour la procédure cantonale. Dans ce contexte, elle se plaint d'une violation de l'art. 29 al. 2 et 3 Cst. (droit d'être entendue et droit d'obtenir l'assistance judiciaire).
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7.1. Le grief d'une violation du droit d'être entendue est manifestement mal fondé. La juridiction cantonale s'est expressément référée à sa motivation au fond pour nier la condition des chances de succès du recours cantonal. Quoi qu'en dise la recourante, cela constitue une motivation suffisante pour qu'elle comprenne ce qui a conduit au rejet de sa demande d'assistance judiciaire.
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7.2. Aux termes de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. Selon la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque la situation juridique de celui-ci est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'indigent, il faut en outre que l'affaire présente des difficultés en fait et en droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 130 I 180 consid. 2.2 p. 182 et les arrêts cités). On peut ajouter que dans le domaine de l'aide sociale, où il s'agit généralement de prendre en considération avant tout des situations personnelles, la nécessité de désigner un avocat d'office doit être examinée avec retenue (cf. arrêt 8C_376/2014 du 14 août 2014 consid. 4.2.1).
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Il est vrai, comme le fait valoir la recourante, que la décision du 24 janvier 2014 apparaît lacunaire et que les juges cantonaux en ont complété la motivation en fait et en droit avant d'en confirmer le résultat. Il n'en demeure pas moins que la recourante a été largement questionnée par l'assistante sociale en charge de son dossier sur sa situation personnelle et financière et qu'elle a été rendue attentive à son obligation de collaborer si elle entendait bénéficier des prestations. Elle pouvait donc comprendre que les motifs du refus résidaient dans le fait qu'elle n'avait pas suffisamment collaboré à établir sa prétendue indigence, tant à raison de la non production de justificatifs sur les revenus réalisés en 2013 que parce qu'elle refusait d'expliquer comment elle avait subvenu à ses besoins entre mai 2012 et décembre 2013. Tout bien considéré, vu les arguments figurant dans son acte de recours et vu le pouvoir d'examen entier de l'instance cantonale, elle ne pouvait pas s'attendre à ce que son recours soit admis pour des motifs d'ordre formel. Sur le fond également, les chances que la recourante obtienne gain de cause apparaissaient nettement inférieures au risque de succomber dès lors que le litige reposait essentiellement sur des questions de fait, à savoir quelles sont les ressources économiques dont dispose l'intéressée, et qu'à cet égard, celle-ci ne voulait pas fournir tous les éclaircissements demandés par l'intimée.
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8. Il s'ensuit que le recours est mal fondé.
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Les conclusions du recours étaient dénuées de chance de succès, ce qui entraîne le rejet de la requête d'assistance judiciaire pour la procédure fédérale (art. 64 al. 1 LTF). La recourante doit supporter les frais judiciaires qui seront fixés à 300 fr. (art. 65 al. 2 et art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, bien qu'obtenant gain de cause, l'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 66 al. 3 LTF).
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 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
 
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 300 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois.
 
Lucerne, le 3 novembre 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Leuzinger
 
La Greffière : von Zwehl
 
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