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Informationen zum Dokument  BGer 2C_123/2014  Materielle Begründung
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BGer 2C_123/2014 vom 30.09.2015
 
{T 0/2}
 
2C_123/2014, 2C_124/2014
 
 
Arrêt du 30 septembre 2015
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Seiler, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann.
 
Greffière : Mme Vuadens.
 
 
Participants à la procédure
 
A.A.________ et B.A.________, représentés par Federico Salamida, Berdat & Cie SA,
 
recourants,
 
contre
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève,
 
intimée.
 
Objet
 
Impôt cantonal et communal 2003 et 2004, impôt fédéral direct 2003 et 2004,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 10 décembre 2013.
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Les époux A.A.________ et B.A.________ étaient actionnaires, chacun à raison de 50%, de C.________, la société faîtière du groupe C.________, actif dans le domaine de l'événementiel.
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A.b. Le 3 novembre 2004, les contribuables ont déposé leur déclaration d'impôt pour la période fiscale 2003, indiquant un revenu et une fortune imposables au titre de l'impôt cantonal et communal (ci-après: ICC) de 147'745 fr., respectivement de 617'568 fr., et un revenu imposable au titre de l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) de 163'230 fr. Leur déclaration fiscale pour l'année 2004, remise le 5 octobre 2005, indiquait un revenu et une fortune imposables ICC de 133'303 fr., respectivement de 0 fr., et un revenu imposable IFD de 152'324 fr.
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B. Le 18 décembre 2008, l'Administration cantonale a " dénoncé avec effet immédiat " le ruling au motif que les exigences qu'elle avait posées à la reconnaissance d'une activité indépendante depuis un établissement stable à Guernesey n'avaient pas été respectées: D.________ Guernesey ne possédait pas de bureau, F.________ Limited se contentant de mettre à sa disposition une surface dans ses propres locaux; G.________ était employé par une structure dépendant de F.________ Limited et son revenu comptabilisé comme honoraires d'administration dans les comptes de la Société; en outre, les contribuables n'avaient été présents sur l'île que durant huit jours sur les quatorze mois de l'exercice 2003 (soit du 30 octobre 2002 au 31 décembre 2003), et les honoraires encaissés se rapportaient à des séminaires dispensés principalement en Europe, mais pas à Guernesey.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral sous suite de frais et dépens, après avoir joint les causes, (1) d'annuler l'arrêt du 10 décembre 2013 de la Cour de justice, (2) de constater que la demande de ruling du 12 septembre 2002 est toujours en vigueur à l'exclusion d'un nombre minimum de jours de présence ou de déplacement exigé le 18 mars 2004, (3) d'ordonner " la taxation selon les justifications matérielles avec un revenu imposable 2003 de CHF 43'534 au taux de CHF 55'512 et une fortune imposable 2003 de CHF 0 ainsi qu'avec un revenu imposable 2004 de CHF 30'732 ", (4) " d'ordonner la taxation selon les justifications matérielles avec un revenu imposable 2003 de CHF 51'115 au taux de CHF 63'595 ainsi qu'avec un revenu imposable 2004 de CHF 41'656 au taux de CHF 256'881 "; subsidiairement, d'acheminer les recourants à prouver les faits allégués dans leur mémoire; plus subsidiairement, de renvoyer la cause à l'Administration cantonale pour qu'elle procède à une répartition internationale tenant compte de l'activité effective déployée depuis Guernesey et depuis Londres pour le cas où la Cour de céans devait retenir l'absence de siège principal de D.________ Guernesey à l'étranger.
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Considérant en droit :
 
1. La Cour de justice a rendu un seul arrêt valant pour l'impôt cantonal et communal, d'une part, et pour l'impôt fédéral direct, d'autre part, ce qui est admissible, dès lors que les questions juridiques à trancher sont réglées de la même façon pour ces deux catégories d'impôts (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262). Les intéressés ont formé un recours qui contient les mêmes griefs et les mêmes conclusions pour ces deux catégories, ce qui est conforme à la jurisprudence (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.3 p. 264). Par souci d'unification par rapport à d'autres cantons dans lesquels deux arrêts sont rendus, la Cour de céans a ouvert deux dossiers, l'un concernant l'impôt cantonal et communal (2C_123/2014) et l'autre l'impôt fédéral direct (2C_124/2014). Comme l'état de fait est identique et que les questions juridiques se recoupent, les deux causes seront néanmoins jointes et il sera statué dans un seul arrêt (art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]).
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Erwägung 2
 
2.1. La décision attaquée, en tant qu'elle concerne le revenu et la fortune imposables des recourants pour les périodes fiscales 2003 et 2004, est finale (art 90 LTF) et a été rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. également l'art. 146 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 [LIFD; RS 642.11] et l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14] pour ce qui concerne l'impôt cantonal et communal).
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2.2. Dans leurs conclusions principales, les recourants demandent l'annulation de l'arrêt attaqué, l'application de la " demande de ruling du 12 septembre 2002 " et à ce qu'il soit procédé à des taxations 2003 et 2004 en conséquence.
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2.3. Les conclusions réformatoires que prennent les recourants à titre principal sont recevables également en ce qui concerne le droit cantonal harmonisé tel que l'impôt sur le revenu, car l'art. 73 al. 3 LHID doit céder le pas devant l'art. 107 al. 2 LTF (cf. ATF 134 II 207 consid. 1 p. 209). Sont aussi recevables les conditions subsidiaires des recourants, car ils les ont déjà formulées devant l'instance précédente, contrairement à ce qu'avance l'Administration cantonale.
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2.4. En revanche, les conclusions tendant à ce que les recourants soient acheminés à prouver les faits qu'ils allèguent sont irrecevables. Les recourants perdent en effet de vue que le Tribunal fédéral est un juge du droit et non du fait (cf. art. 105 al. 1 LTF et infra consid. 4). Des mesures probatoires ne sont qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (ATF 136 II 101 consid. 2 p. 104) et il n'y a pas de motif de faire exception ici.
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2.5. Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par les destinataires de la décision entreprise, qui ont un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification et qui ont de ce fait qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
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3. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), alors qu'il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (cf. art. 106 al. 2 LTF). L'acte de recours doit alors, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits et principes constitutionnels violés et préciser de manière claire et détaillée en quoi consiste la violation (cf. ATF 139 I 229 consid. 2.2 p. 232 et les références citées; 136 II 304 consid. 2.5 p. 314).
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4. L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal de céans (art. 99 al. 1 LTF). En outre, les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 II 101 consid. 3 p. 104 s.). Partant, la Cour de céans ne tiendra pas compte des faits allégués de manière appellatoire par les recourants sous le titre " En faits ", ni des offres de preuves y afférentes.
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5. Les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus. Ils reprochent à la Cour de justice d'avoir écarté sans discussion des faits qu'ils avaient allégués devant elle, ainsi que de s'être dispensée de procéder à l'administration et à l'appréciation de preuves qu'ils avaient offertes ou apportées. Il s'en serait suivi que la Cour de justice aurait omis de motiver sa décision sur trois points, à savoir: premièrement, leur grief de violation de la bonne foi en relation avec des assurances que l'Administration cantonale leur auraient fournies le 20 août 2002 et qu'elle n'aurait pas respectées; deuxièmement, le point de savoir si les conditions de l'art. 6 LIFD sont remplies, comme ils l'allèguent, et, troisièmement, l'impact qu'aurait l'existence d'une structure à Londres " sur la détermination du siège " de D.________ Guernesey.
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5.1. Il convient de commencer par l'examen de ce grief formel, de nature à entraîner, en cas d'admission, l'annulation de l'arrêt attaqué indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (cf. ATF 139 I 189 consid. 3 p. 191; 137 I 195 consid. 2.2 p. 197).
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5.2. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités).
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5.3. En l'espèce, le grief de violation du droit d'être entendu est infondé. En relation avec le premier point soulevé par les recourants (protection de la bonne foi en relation avec des assurances prétendument fournies en août 2002), la Cour de justice a, contrairement à ce que soutiennent les recourants, motivé les raisons pour lesquelles elle a considéré que les conditions de la protection de la bonne foi n'étaient pas réunies. Il n'y a partant pas de violation du droit d'être entendu à cet égard. S'agissant des deuxième et troisième points (réalisation des conditions de l'art. 6 LIFD et impact de l'existence d'une société à Londres sur la détermination du siège de D.________ Guernesey), les recourants s'en prennent en réalité au contenu de la motivation juridique de l'arrêt attaqué, qu'ils contestent. Il s'agit donc ici d'une question de droit, qui sera examinée ci-après, et pas d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué, qui emporterait violation du droit d'être entendu.
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6. Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, les recourants se plaignent d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves.
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6.1. En vertu de cette disposition, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 135 III 127 consid. 1.5 p. 129 s.). Cela signifie que la partie recourante doit exposer, dans une motivation conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi l'état de fait retenu par l'instance précédente est arbitraire ou contraire au droit et préciser en quoi la correction du vice aurait une influence sur l'issue de la cause (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.).
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6.2. Les recourants soutiennent d'abord que les juges précédents seraient tombés dans l'arbitraire en considérant que l'Administration cantonale ne leur avait fourni aucune assurance antérieurement au 18 mars 2004 et qu'ils n'avaient ni prouvé ni même rendu vraisemblable le contraire. Le contenu de leur courrier du 12 septembre 2002 aurait dû conduire la Cour de justice à admettre que les recourants avaient apporté des éléments tendant à démontrer la véracité de leurs allégations.
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6.3. Les recourants soutiennent ensuite qu'ils auraient rempli la condition relative à une présence régulière à Guernesey telle qu'elle a été formulée le 20 août 2002 et que la Cour de justice aurait arbitrairement retenu le contraire. Ce grief repose toutefois sur la prémisse selon laquelle l'Administration cantonale leur a fourni des assurances le 20 août 2002. Dès lors que l'arrêt attaqué retient sans arbitraire le contraire (cf. ci-dessus consid. 6.2), les recourants ne sauraient se fonder sur cet élément pour en tirer des arguments en leur faveur.
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6.4. Le reproche que formulent par ailleurs les recourants en relation avec le point de savoir s'il existe une activité opérationnelle à Guernesey, qui devrait aboutir à la reconnaissance d'une entreprise à l'étranger au sens de l'art. 6 al. 1 LIFD, relève de l'application du droit et non pas de l'appréciation des preuves ou de l'établissement des faits. Il sera partant examiné ci-après sous cet angle.
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6.5. Finalement, toujours sous le titre " Établissement des faits et appréciation des preuves ", les recourants formulent un grief en relation avec l'existence de E.________ Londres. Ils reprochent à la Cour de justice d'avoir établi un fait " de manière contraire aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve " en tant qu'elle aurait exigé d'eux la fourniture d'une preuve portant sur un fait qui ne serait pas contesté. Ce grief repose toutefois sur l'affirmation erronée selon laquelle il serait incontesté que le centre de gestion administrative de D.________ Guernesey a été déplacé de Guernesey à Londres. Or, la Cour de justice a au contraire retenu que les recourants n'avaient pas démontré le caractère opérationnel de la structure à Guernesey ni l'ampleur de la gestion intervenant dans la capitale britannique de E.________ Londres. Par ailleurs, ce grief relève avant tout de la question de la répartition du fardeau de la preuve, ce qui est une question de droit. Au demeurant, les recourants se contredisent quant à l'existence d'une gestion administrative à Londres, puisqu'ils soutiennent eux-mêmes plus loin dans leur mémoire que c'est à Guernesey - et donc pas à Londres - qu'a été centralisée l'activité d'administration et de coordination de leur entreprise.
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6.6. Au vu de ce qui précède, le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves doit être rejeté. La Cour de céans statuera exclusivement sur les faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.
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7. Sur le fond, les recourants ne contestent pas qu'ils n'ont pas rempli la condition de présence effective à Guernesey telle qu'elle a été libellée par l'Administration cantonale le 18 mars 2004, à savoir que chacun des recourants devrait travailler au moins trente jours ou se déplacer au moins dix fois par an sur Guernesey pour y exercer des activités professionnelles. Ils invoquent toutefois une violation du principe de la bonne foi, faisant valoir en substance que leur demande de ruling du 12 septembre 2002 reflétait ce qui avait été convenu oralement le 20 août 2002, que la " prise de position " de l'Administration cantonale du 18 mars 2004 concernant le nombre de jours de présence requis à Guernesey aurait relevé d'un " accord fiscal " s'ils avaient été d'accord de le conclure, mais qu'ils n'avaient pas accepté cette nouvelle condition, de sorte que cette exigence de l'Administration cantonale serait inopérante. Par ailleurs, les assurances que cette autorité leur auraient fournies oralement le 20 août 2002 étaient suffisamment claires pour que les recourants y accordent foi, qu'ils commencent à organiser leurs activités en 2002 et à procéder à des investissements en 2003 et 2004. Partant, l'Administration cantonale aurait violé le principe de bonne foi en formulant une exigence nouvelle le 18 mars 2004. Seraient également contraires à la bonne foi le fait de ne pas avoir adapté les conditions d'application du ruling alors que l'état de fait avait changé, ainsi que l'annulation avec effet rétroactif du ruling en 2008.
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7.1. L'Administration fiscale et un contribuable peuvent exceptionnellement, lorsque des circonstances spécifiques le justifient, se mettre d'accord sur des éléments de fait lorsque leur détermination nécessiterait des efforts considérables (par exemple, lorsque la valeur vénale d'un immeuble n'est connue ni du contribuable ni de l'autorité fiscale et que le calcul ou l'estimation de celle-ci ne peut avoir lieu que moyennant des frais disproportionnés). De tels accords relèvent de la procédure et sont conclus dans la phase de la taxation, de sorte que l'on admet qu'ils ne nécessitent pas de base légale (arrêts 2C_977/2013 du 1
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7.2. Ces accords sont à distinguer du ruling, qui peut se définir comme l'approbation anticipée par l'autorité fiscale compétente d'un traitement proposé par le contribuable en référence à une opération envisagée à l'avenir (cf. arrêt 2C_842/2013 du 18 février 2014 consid. 7.1). En effet, compte tenu de la complexité du droit fiscal et de certains états de fait, le contribuable peut, avant de réaliser une opération, s'adresser au fisc par le biais d'une demande de ruling, afin de déterminer la façon dont cette opération sera traitée fiscalement. Le fisc renseigne alors le contribuable sur cette issue ou, plus généralement, confirme que l'opération envisagée sera imposée de la façon décrite dans la demande de ruling. Comme il s'agit d'une procédure informelle (certains cantons ont émis des notices), elle peut prendre différentes formes; dans la majorité des cas, dont le canton de Genève, le contribuable soumet à l'autorité concernée un document décrivant l'opération prévue de façon circonstanciée et les conséquences fiscales devant en découler; le fisc signe ce document " pour accord ", s'il estime que le traitement fiscal requis correspond au droit applicable (arrêt 2C_664/2013 précité consid. 4.2 et les références citées, notamment à RAPHAËL GANI, Ruling fiscal: un contrat de confiance?, in Risque (s) et droit, 2010, p. 123; RENÉ SCHREIBER/ROGER JAUN/MARLENE KOBIERSKI, Steuerruling - Eine systematische Auslegeordnung unter Berücksichtigung der Praxis, Archives 80, pp. 293 ss; GABRIELE MASSETTI/ANDREA PEDROLI, Il ruling nel diritto tributario svizzero: situazione attuale e prospettive di evoluzione alla luce dell'esperienza italiana, RdiT 2006 pp. 579 ss).
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7.3. En l'espèce, l'argumentation des recourants repose sur l'affirmation selon laquelle des assurances leur ont été fournies en 2002. Or, comme déjà souligné, l'arrêt attaqué retient sans arbitraire que tel n'a pas été le cas. Leur grief doit être rejeté pour ce seul motif. On relèvera encore que les recourants ne peuvent de toute manière pas se prévaloir de leur bonne foi. Ils ont créé D.________ Guernesey quelques semaines seulement après le dépôt de leur demande, sans attendre le bon pour accord de l'Administration cantonale. Par ailleurs, quand ils ont créé E.________ Londres, ils n'ont pas contacté l'autorité fiscale pour modifier leur demande de ruling en conséquence. Ils ont ainsi sciemment mis en place une structure différente de celle annoncée et ont même tenté de se prévaloir du ruling du 18 mars 2004 lorsqu'ils ont rempli leur déclaration fiscale 2003 et 2004 les 3 novembre 2004 et 5 octobre 2005, alors qu'ils ne pouvaient ignorer, à ces dates, qu'ils n'en remplissaient pas les conditions du seul fait que la structure réalisée ne correspondait même pas à celle qu'ils avaient présentée le 12 septembre 2002. Au demeurant, les recourants sont malvenus de se plaindre de la tardiveté du ruling obtenu, alors que l'arrêt attaqué ne mentionne pas - et les contribuables ne l'allèguent pas non plus - qu'ils auraient relancé l'administration en 2003 ou 2004 pour recevoir l'approbation sollicitée; finalement, ils ne sauraient se plaindre du fait que l'Administration cantonale a dénoncé le ruling " avec effet rétroactif ", dès lors que ce ruling n'a en réalité jamais déployé d'effet puisque les recourants n'en ont jamais respecté les conditions. Le grief de violation du principe de la bonne foi, mal fondé, doit donc être rejeté.
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8. Si le ruling du 18 mars 2004 n'est pas applicable aux recourants, sans que cela n'emporte violation du principe de protection de la bonne foi, il n'en demeure pas moins qu'une limited partnership a été créée à Guernesey en octobre 2002 et que les recourants - dont il n'est pas contesté qu'ils étaient, au moment des faits litigieux, domiciliés en Suisse et, partant, qu'ils y étaient assujettis à l'impôt de manière illimitée en raison de ce critère de rattachement personnel (cf. art. 3 al. 1 et 6 al. 1 LIFD) - soutiennent que leur assujettissement illimité ne s'étendait pas aux revenus de D.________ Guernesey dont ils étaient les associés (art. 6 al. 1 LIFD en relation avec l'art. 10 al. 1 LIFD).
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9. S'agissant de D.________ Guernesey, l'art. 11 LIFD pourrait entrer en considération.
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9.1. Selon cette disposition, les sociétés commerciales étrangères et autres communautés étrangères de personnes sans personnalité juridique qui sont assujetties à l'impôt en raison d'un rattachement économique sont imposables conformément aux dispositions applicables aux personnes morales.
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9.2. L'art. 11 LIFD ne prévoit pas de critères de rattachement économique. La doctrine se réfère de manière générale aux art. 4 et 5 LIFD à cet égard ( XAVIER OBERSON, Droit fiscal international, p. 72 n° 210; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, 2001, n° 15 ad art. 11 DBG). Ce dernier auteur ajoute toutefois que, concrètement, n'entrent en considération que les critères de l'art. 4 al. 1 let. a (propriété ou usufruit d'une entreprise en Suisse), b (établissement stable) et c (immeuble). Selon PETER AGNER/ANGELO DIGERONIMO/HANS-JÜRG NEUHAUS/GOTTHARD STEINMANN (C ommentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Complément, 2001, n° 17 ad art. 49 LIFD), sont applicables, dans le contexte de l'art. 11 LIFD, les critères de rattachement économique liés à l'existence d'un établissement stable ou d'un immeuble (soit l'art. 4 let. b et c LIFD), mais également celui qui figure à l'art. 5 al. 1 let. c LIFD (titularité d'une créance garantie par un gage immobilier sur un immeuble en Suisse).
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9.3. Sur le principe, le renvoi aux art. 4 et 5 LIFD est correct d'un point de vue systématique. En effet, dans la mesure où l'art. 11 LIFD se trouve dans la deuxième partie de la LIFD, consacré aux personnes physiques, ce sont les critères de rattachement économiques prévus dans cette partie, à savoir les art. 4 et 5 LIFD, qui entrent en considération (cf. arrêt 2C_894/2013 du 18 septembre 2015 consid. 2.5.2). On ne peut toutefois faire abstraction du contexte particulier de l'art. 11 LIFD et de la conséquence qu'a cette disposition sur l'entité concernée, à savoir le fait que celle-ci sera imposée conformément aux dispositions applicables aux personnes morales (cf. art. 49 al. 3 LIFD, selon lequel une société commerciale ou une communauté étrangère de personnes imposable selon l'art. 11 LIFD est assimilée à la personne morale suisse dont elles se rapproche le plus par sa forme juridique ou sa structure effective). Dès lors que l'art. 11 LIFD a pour conséquence une imposition selon les dispositions applicables aux personnes morales, il est nécessaire que les critères de rattachement économiques qui entrent en ligne de compte dans le cadre de l'art. 11 LIFD puissent être appliqués à une personne morale. En d'autres termes, les critères de rattachement économique des art. 4 et 5 LIFD n'entrent en considération, en lien avec l'art. 11 LIFD, que dans la mesure où ils se retrouvent dans la liste des critères de rattachement économique à l'impôt en Suisse d'une personne morale tels qu'ils sont définis à l'art. 51 LIFD. Considérer sans distinction que tous les critères de rattachement économiques des art. 4 et 5 LIFD entrent en ligne de compte en lien avec l'art. 11 LIFD aboutirait à des incohérences. Ainsi, par exemple, si l'on considérait que l'art. 5 al. 1 let. a LIFD (exercice d'une activité lucrative en Suisse) constitue un critère de rattachement économique au sens de l'art. 11 LIFD (ce qu'aucun auteur ne soutient toutefois), alors l'entité étrangère concernée deviendrait de ce fait imposable selon les dispositions applicables à une personne morale (art. 11 et 49 al. 3 LIFD). Or, comme on ne retrouve pas ce critère de rattachement économique dans la liste de l'art. 51 LIFD (ce qui est au demeurant logique, une personne physique ne pouvant constituer par elle-même un critère de rattachement économique d'une personne morale, sauf dans le cas particulier des agents répondant aux critères de l'art. 5 par. 5 du Modèle OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune), cette entité étrangère ne pourrait finalement pas être imposée en Suisse, faute de rattachement économique au sens de l'art. 51 LIFD, quand bien même elle est censée être imposable en Suisse en raison de l'art. 11 LIFD. En conclusion, le renvoi aux critères de rattachement économique énumérés aux art. 4 et 5 LIFD qui figure à l'art. 11 LIFD n'a de portée pratique que s'il se recoupe avec les critères de rattachement qui figurent à l'art. 51 LIFD.
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9.4. En l'espèce, l'état de fait présenté dans l'arrêt attaqué ne fournit aucun élément propre à établir que l'on serait en présence d'un critère de rattachement économique figurant aux art. 4 et 5 LIFD qui permettrait une imposition limité de D.________ Guernesey en application de l'art. 51 LIFD. L'art. 11 LIFD n'entre partant pas en ligne de compte.
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10. Se pose ensuite la question de savoir si les revenus de D.________ Guernesey doivent, comme le soutient la Cour de justice, être ajoutés aux propres éléments imposables des recourants en application de l'art. 10 al. 1 LIFD.
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10.1. Aux termes de cette disposition, chacun des héritiers ou des associés ajoute à ses propres éléments imposables sa part du revenu de l'hoirie, de la société simple, de la société en nom collectif ou de la société en commandite.
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10.2. En l'espèce, D.________ Guernesey est une limited partnership régie parla Limited Partnerships (Guernesey) Law, 1995. Si, à l'origine, cette loi ne prévoyait pas qu'une telle entité puisse acquérir la personnalité juridique, c'est le cas depuis le 1
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11. Reste à déterminer si ces derniers peuvent, comme ils le soutiennent, se prévaloir de l'art. 6 al. 1 in fine LIFD pour obtenir l'exonération des revenus réalisés au travers de D.________ Guernesey.
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11.1. Selon cette disposition, l'assujettissement illimité ne s'étend pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l'étranger. En présence d'une entreprise, d'un établissement stable ou d'un immeuble situé à l'étranger, les revenus qui en découlent sont ainsi inconditionnellement - à savoir indépendamment d'une imposition à l'étranger - exemptés de l'impôt en Suisse, sous réserve de progressivité ( JEAN-BLAISE PASCHOUD, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2008, n° 5 ad art. 6 LIFD; LOCHER, op. cit., n° 7 ad art. 6 DBG; XAVIER OBERSON, Précis de droit fiscal international, 4e éd. 2014, p. 97 n° 310 et p. 98 n° 312).
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11.2. La notion d'établissement stable de l'art. 6 al. 1 LIFD recouvre, selon la définition qu'en donne l'art. 4 al. 2 LIFD, toute installation fixe dans laquelle s'exerce tout ou partie de l'activité d'une entreprise ou d'une personne exerçant une profession libérale. Un établissement stable suppose qu'une activité commerciale y soit exercée. Si une entreprise sise en Suisse n'apporte pas la preuve que son établissement stable à l'étranger exerce une activité commerciale suffisamment substantielle, celui-ci ne sera pas reconnu (cf., en relation avec l'art. 51 al. 2 LIFD, ATF 139 II 78 consid. 3.2 p. 88 ss). En cas de doute sur l'existence d'un établissement stable à l'étranger, l'on tend à soumettre les activités exercées à l'étranger à l'impôt en Suisse, en raison de l'assujettissement illimité dans ce pays, l'éventuelle convention de double imposition applicable étant à même de limiter, le cas échéant, la compétence d'imposer prévue par la Suisse selon son droit interne (ATF précité consid. 3.1.2 p. 87).
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11.3. Quant à la notion d'entreprise au sens de l'art. 6 al. 1 LIFD, elle est large et comprend toute activité lucrative indépendante au sens de l'art. 18 al. 1 LIFD ( PASCHOUD, in op. cit., n° 13 s. ad art. 4 LIFD; LOCHER, op. cit., n° 3 ad art. 4 DBG). Constitue ainsi une entreprise toute activité entrepreneuriale effectuée par une personne à ses propres risques, avec la mise en oeuvre de travail et de capital, dans un organisation librement choisie et reconnaissable de l'extérieur (cf. ATF 125 II 113 consid. 5a p. 120; arrêts 2C_664/2013 précité consid. 6.3; 2C_948/2010 du 31 octobre 2011 consid. 2.2, in StE 2012 B 23.2 Nr. 23; 2A.46/2005 du 31 août 2005 consid. 2.2.1, in StE 2006 B 23.1 Nr. 59). Elle peut être exploitée sous la forme de l'entreprise individuelle ou d'une société de personnes ( PASCHOUD, in op. cit., n° 22 s. ad art. 4 LIFD). Si le contribuable n'apporte pas la preuve de l'existence d'une entreprise à l'étranger ou en cas de doute sur ce point, il convient de soumettre le revenu y afférent à l'impôt en Suisse, en raison de l'assujettissement illimité dans ce pays de l'entrepreneur, respectivement de l'associé. Pareille solution se justifie pour des question de cohérence avec la jurisprudence rendue en matière d'établissement stable à l'étranger, rappelée ci-dessus.
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11.4. En l'espèce les recourants n'ont pas apporté d'éléments prouvantque D.________ Guernesey présenterait les caractéristiques d'une entreprise ou d'un établissement stable à l'étranger, soit qu'une activité commerciale substantielle y ait été exercée.Ainsi, ils insistent sur le fait que D.________ Guernesey effectuait à Guernesey sur place des tâches administratives, de planification des rendez-vous avec les clients et de préparation des assemblées générales. Or, eu égard au but de la société, de telles activités ne sauraient être assimilées à une activité commerciale exercée sur place. Par ailleurs, le fait que les recourants se soient rendus huit fois, mais au maximum quinze jours, à Guernesey durant l'exercice 2003, lequel s'étendait sur quatorze mois, ne saurait constituer un indice qu'ils y ont exercé une activité commerciale. Les recourants ne l'allèguent même pas, admettant en revanche qu'ils n'ont pas même rempli les conditions de présence qui étaient prévues par le ruling du 18 mars 2004 (cf. supra consid. 7). Il apparaît dès lors clairement que D.________ Guernesey n'a pas exercé d'activité commerciale substantielle sur place, que les conditions d'application de l'art. 6 al. 1 LIFD en relation avec D.________ Guernesey ne sont pas remplies et que les recourants ne peuvent partant se prévaloir de cette disposition pour obtenir l'exonération des revenus de cette entité en matière d'impôt fédéral direct.
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12. Au vu de ce qui précède, la Cour de justice n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les revenus réalisés par l'intermédiaire de D.________ Guernesey étaient attribuables aux recourants (art. 10 al. 1 LIFD) et que ceux-ci ne pouvaient se prévaloir de l'art. 6 al. 1 LIFD pour en obtenir l'exonération, étant précisé qu'aucune convention de double imposition n'est applicable entre la Suisse et Guernesey, qui viendrait limiter le droit de la Suisse d'imposer ces revenus.
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VI.  Impôt cantonal et communal
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13. En application de la loi cantonale genevoise sur l'imposition des personnes physiques - Objet de l'impôt - Assujettissement à l'impôt, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 et applicable aux périodes fiscales 2003 et 2004 (aLIPP-I, cf. aussi art. 72 al. 1 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques; RSGE D 3 08), les personnes physiques sont assujetties à l'impôt (revenu et fortune) à raison de leur rattachement personnel lorsqu'elles sont domiciliées ou séjournent dans le canton (cf. art. 2 al. 1 aLIPP-I). Les sociétés n'ayant pas la personnalité juridique ne sont pas imposées comme telles, chacun des associés paie des impôts sur la part de capital et de revenu à laquelle il a droit (cf. art. 9 aLIPP-I). L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s'étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles hors du canton (art. 5 al. 1 aLIPP-I).
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14. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Les causes 2C_123/2014 et 2C_124/2014 sont jointes.
 
2. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct des périodes fiscales 2003 et 2004.
 
3. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, en tant qu'il concerne l'impôt cantonal et communal des périodes fiscales 2003 et 2004.
 
4. Les frais judiciaires, d'un montant de 12'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
 
5. Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, à l'Administration fiscale cantonale genevoise et à l'Administration fédérale des contributions.
 
Lausanne, le 30 septembre 2015
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Zünd
 
La Greffière : Vuadens
 
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