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Informationen zum Dokument  BGer 1C_56/2015  Materielle Begründung
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BGer 1C_56/2015 vom 18.09.2015
 
{T 1/2}
 
1C_56/2015
 
 
Arrêt du 18 septembre 2015
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Merkli, Eusebio, Chaix et Kneubühler.
 
Greffier : M. Alvarez.
 
 
Participants à la procédure
 
Association Elisa-Asile,
 
représentée par Maîtres Philippe Currat et Arnaud Moutinot, avocats,
 
recourante,
 
contre
 
Aéroport International de Genève,
 
représenté par Maîtres David Lachat et Delphine Zarb, avocats,
 
intimé,
 
Département fédéral de l'environnement,
 
des transports, de l'énergie et de la communication.
 
Objet
 
Approbation des plans d'un nouveau bâtiment destiné à l'hébergement des requérants d'asile et de passagers jugés non admissibles; qualité pour agir,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 2 décembre 2014.
 
 
Faits :
 
A. Le 7 février 2012, l'Aéroport International de Genève (ci-après: l'AIG ou l'aéroport), établissement de droit public et concessionnaire exploitant l'aéroport de Genève, a annoncé à l'Office fédéral de l'aviation civile (ci-après: l'OFAC) un projet portant sur la construction d'un nouveau bâtiment destiné à accueillir les structures d'hébergement pour les passagers déclarés inadmissibles (ci-après: INAD) ainsi que pour les requérants d'asile. Ce projet vise à remplacer les locaux d'hébergement actuels sis dans la zone de transit du terminal principal de l'aéroport.
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B. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'association ELISA-ASILE demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 2 décembre 2014 et de lui renvoyer la cause pour nouvelle décision sur le fond. Elle conclut également à ce que le droit à l'assistance judiciaire lui soit reconnu par l'instance précédente; subsidiairement, elle sollicite l'annulation de cet arrêt ainsi que de la décision rendue par le DETEC le 11 novembre 2013. Elle requiert par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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Considérant en droit :
 
1. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour agir est habilité à contester l'arrêt d'irrecevabilité par un recours en matière de droit public lorsque, comme en l'espèce (cf. art. 82 al. 1 let. a et 86 al. 1 let. a LTF), l'arrêt au fond de l'autorité intimée aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie (ATF 135 II 145 consid. 3.2 p. 149).
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2. A titre préliminaire, il convient de rappeler que le Tribunal administratif fédéral a retenu, sans que cela ne soit contesté, que le projet de construction d'un bâtiment destiné à l'accueil des INAD et des requérants d'asile sur le site de l'aéroport international de Genève doit être qualifié d'installation d'aéroport et, par conséquent, faire l'objet d'une procédure d'approbation des plans devant le DETEC (cf. art. 37 al. 2 let. a LA).
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3. Sur le fond, l'association recourante considère que sa qualité pour recourir contre la décision du DETEC du 11 novembre 2013 lui aurait été niée à tort. Devant le Tribunal fédéral, elle ne prétend pas que les conditions du recours corporatif seraient réalisées ni qu'elle ferait partie du cercle des personnes autorisées à recourir par une autre loi fédérale (cf. art. 48 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA; RS 172.021]). Elle prétend en revanche bénéficier d'un intérêt propre au recours, au sens de l'art. 48 al. 1 PA.
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3.1. Selon l'art. 48 al. 1 PA, applicable à la procédure devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 de la loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 [LTAF; RS 173.32]), a qualité pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité inférieure ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est spécialement atteint par la décision attaquée (let. b), et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). Cette disposition, qui correspond à l'art. 89 al. 1 LTF, doit être interprétée de la même manière (cf. ATF 139 III 504 consid. 3.3 p. 508; 139 II 328 consid. 3.2 p. 332 s. et les arrêts cités; 139 II 279 consid. 2.2 p. 282). Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 89 al. 1 LTF, l'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que la recourante soit touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de manière à exclure l'action populaire (cf. ATF 139 II 499 consid. 2.2 p. 504; 137 II 30 consid. 2.2.3 p. 33 s.). L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (ATF 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 et les arrêts cités). S'agissant de droit fédéral, le Tribunal fédéral examine cette question librement (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF).
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4. A l'appui de son recours devant le Tribunal administratif fédéral, la recourante a notamment soutenu que le bâtiment projeté en remplacement des locaux d'hébergement actuellement situés dans la zone de transit du terminal principal de l'aéroport contrevenait à l'ordonnance du DFJP relative à l'exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l'asile (RS 142.311.23; ci-après: l'ordonnance du DFJP), plus particulièrement à ses articles 14 et 15. Ces dispositions prévoient notamment que les logements situés dans les aéroports internationaux restent ouverts en permanence (art. 14 al. 1) et que les requérants d'asile et les personnes à protéger peuvent se déplacer librement dans la partie de l'aéroport interdite au public (zone de transit) (art. 15 al. 1).
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5. Devant le Tribunal fédéral, l'association recourante soutient que la poursuite de ses buts statutaires se trouverait entravée par le déplacement des requérants d'asile dans le centre d'hébergement projeté. Elle affirme qu'en raison de la distance rendant ce centre inaccessible autrement que par le biais de navettes, l'accès n'en sera plus garanti 24 heures sur 24, alors que la zone de transit - actuellement assignée aux requérants comme lieu de séjour - lui est ouverte sans restriction d'horaire. Elle estime qu'en raison des délais de recours extrêmement brefs prévus dans le domaine de l'asile, mais également de la vulnérabilité des requérants mineurs dont elle assure la défense (en tant que personne de confiance au sens de l'art. 17 al. 3 LAsi), il est impératif qu'elle puisse accéder librement et sans délai à ces personnes afin de leur assurer une défense adéquate et lui permettre de réunir rapidement les éventuels moyens de preuve nécessaires.
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5.1. L'arrêt attaqué retient de manière à lier le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF) que le centre d'hébergement actuel se trouve dans la zone de transit, pour laquelle la recourante bénéficie d'un accès, et dans laquelle elle occupe un bureau où elle entretient une permanence. Comme le reconnaît le DETEC devant le Tribunal fédéral, le bâtiment projeté sera situé "plus loin (à environ 1 km en ligne droite) " du lieu d'hébergement actuel. A l'examen des plans du dossier d'approbation, on constate que la nouvelle infrastructure est séparée du bâtiment principal par le tarmac, mais également par les pistes de décollage. Selon le plan du 13 février 2012 intitulé "état des flux - état projet", les déplacements véhiculés pour accéder à cette construction devront contourner cette zone sensible par le sud-ouest en empruntant le tarmac et les voies de circulation à l'intérieur du périmètre de l'aéroport, soit une distance supérieure à 4 km - selon les mesures de la recourante. A cet égard, l'annexe III (Gestion des locaux et logistique) du "Dossier Sécurité: conception et exploitation du bâtiment", soumis à l'autorité d'approbation, précise que l'AIG mettra à disposition un système de navettes sur demande pour les avocats, les médecins et les interprètes, depuis la porte d'embarquement C1 ou C2 pour se rendre au nouveau bâtiment INAD.
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5.2. Au regard de ces circonstances, il apparaît que le projet litigieux est susceptible d'influer sur l'activité de la recourante dès lors qu'une bonne partie de celle-ci s'effectue - comme l'a retenu le Tribunal administratif fédéral - auprès des personnes qui pourront être hébergées dans le nouveau bâtiment. La réalisation de ce projet contraindra la recourante à emprunter les navettes mises à disposition par l'AIG pour contourner la zone de décollage et se rendre auprès des INAD et des requérants d'asile, alors qu'elle bénéficie aujourd'hui d'un accès direct et indépendant à la zone de transit.
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5.3. Au vu de ce qui précède, force est de constater que le droit fédéral pose des exigences de célérité particulières en matière de traitement des demandes d'asile; les personnes engagées dans la défense juridique des requérants d'asile doivent ainsi être disponibles et atteignables de manière quasi constante. Dans ce contexte-là, se pose la question de savoir si la délocalisation des structures d'accueil hors de la zone de transit est susceptible d'influer sur la diligence et l'efficacité avec laquelle l'association recourante pourra à l'avenir exercer son activité.
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6. Dès lors que la recourante peut se prévaloir d'un intérêt pratique à une implantation géographique du centre d'accueil lui permettant d'exercer son mandat conformément à son devoir de diligence, on ne saurait tirer argument des griefs de fonds qu'elle invoque pour lui dénier la qualité pour agir; ses griefs sont au demeurant susceptibles de conduire à une modification de la décision d'approbation du DETEC et par conséquent d'influer directement sur sa situation concrète.
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7. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 2 décembre 2014. Il y a lieu, conformément aux art. 67 et 68 al. 5 LTF, de fixer les frais et dépens pour les procédures devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral; l'indemnité de dépens est arrêtée à 4'000 fr. pour l'ensemble de ces procédures. Par voie de conséquence, le grief de la recourante portant sur l'omission du Tribunal administratif fédéral de statuer sur sa requête d'assistance judiciaire devient sans objet, au stade de la recevabilité.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure devant le Tribunal fédéral; les frais de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, soit 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
 
3. Une indemnité de 4'000 fr. est allouée à la recourante à titre de dépens pour les procédures devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral, à la charge de l'intimé.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, ainsi qu'au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
 
Lausanne, le 18 septembre 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Fonjallaz
 
Le Greffier : Alvarez
 
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