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Informationen zum Dokument  BGer 1C_618/2014  Materielle Begründung
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BGer 1C_618/2014 vom 29.07.2015
 
{T 0/2}
 
1C_618/2014
 
 
Arrêt du 29 juillet 2015
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
 
Karlen et Chaix.
 
Greffier : M. Alvarez.
 
 
Participants à la procédure
 
Me Beatrice Pilloud, avocate,
 
recourante,
 
contre
 
Ville de Sion, rue du Grand-Pont 12, 1950 Sion,
 
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion.
 
Objet
 
nettoyage de murs de vigne par sablage, remise en état des lieux,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 13 novembre 2014.
 
 
Faits :
 
A. A.________ S.A, société active dans le commerce du vin, est propriétaire, depuis 1958, de la parcelle n° 6'790, folio n° 77, du cadastre de la Commune de Sion. Situé au lieu-dit "Cochetta", sur le coteau entre Champlan et le bisse de Clavau, ce bien-fonds est planté de vignes aménagées en terrasses soutenues par des murs en pierres sèches; ces derniers sont visibles depuis la plaine du Rhône. Le secteur est affecté à la zone agricole protégée, selon le plan d'affectation des zones (PAZ) et le règlement communal de construction et des zones (ci-après: le RCCZ) adoptés le 21 juin 1988 et approuvés par le Conseil d'Etat du canton du Valais le 28 juin 1989.
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B. Par ordre de remise en état du 30 septembre 2013, la CCC a ordonné la suppression des inscriptions publicitaires sur les murs de la parcelle n° 6'790.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision de remise en état, subsidiairement de lui octroyer l'autorisation de construire.
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Considérant en droit :
 
1. En raison de l'effet dévolutif complet du recours au Tribunal cantonal (cf. ATF 136 II 101 consid. 1.2 p. 104 et les arrêts cités), et en tant qu'elle est dirigée contre la décision de remise en état, dont elle demande l'annulation, la recevabilité de la conclusion principale de la recourante est douteuse. On comprend néanmoins des motifs développés dans son écriture (cf. ATF 127 IV 101 consid. 1 p. 102) qu'elle demande l'annulation de l'arrêt de la cour cantonale; dans cette mesure, le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), et apparaît recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que destinataire de l'ordre de remise en état et propriétaire des murs sur lesquels ont été réalisées les inscriptions litigieuses, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation. Elle a donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
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2. Dans une première partie de son écriture, la recourante présente sa propre version des faits, laquelle diverge partiellement des constatations des juges cantonaux. Une telle argumentation, dans la mesure où elle s'écarte des faits établis dans l'arrêt attaqué ou les complète, sans qu'il soit indiqué que ceux-ci seraient manifestement inexacts ou arbitraires, est irrecevable (cf. ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 s.; 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322). Par ailleurs, à l'appui de son grief portant sur la question de l'impact visuel, la recourante remet en cause la hauteur des réalisations litigieuses retenue par le Tribunal cantonal (six mètres; cf. consid. 3.2 ci-dessous); là encore elle ne fournit aucun élément commandant de s'écarter des constatations de l'instance précédente. Le Tribunal fédéral demeure parant lié par l'état de fait de l'arrêt cantonal (art. 105 al. 1 LTF).
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3. Reprenant l'argumentation développée devant le Tribunal cantonal, la recourante estime que les réalisations litigieuses ne seraient pas soumises à autorisation de construire selon l'art. 22 LAT, dans la mesure où il n'y aurait pas de modification du sol et où il ne s'agirait que d'une opération d'entretien du patrimoine sans caractère durable.
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3.1. Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 119 Ib 222 consid. 3a p. 227; voir aussi ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 p. 479 s.). La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, il entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 119 Ib 222 consid. 3a p. 227; voir aussi ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259; arrêt 1C_107/2011 du 5 septembre 2011 consid. 3.2).
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3.2. En l'espèce, il est constant que les inscriptions en cause résultent du nettoyage partiel par sablage des murs de vigne et qu'elles ont été réalisées sans ajout de matériel tangible. On ne peut toutefois en déduire que cette réalisation ne serait pas soumise à l'exigence d'un permis de construire.
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4. A ce stade, il convient d'examiner si, comme le prétend la recourante, les réalisations litigieuses sont conformes à la zone agricole protégée et si elles peuvent, à ce titre, bénéficier d'une autorisation ordinaire au sens de l'art. 22 LAT (cf. consid. 4.2) ou, à tout le moins, d'une autorisation exceptionnelle selon l'art. 24 LAT (cf. consid. 4.3).
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4.1. Aux termes de l'art. 22 al. 2 let. a LAT, une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation projetée est conforme à l'affectation de la zone; tel est le cas lorsque sa fonction concorde avec celle de la zone concernée (DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, n. 29 ad art. 22 LAT). Hors de la zone à bâtir, de façon générale, la conformité est liée à la nécessité: la construction doit être adaptée, par ses dimensions et son implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant (ATF 132 II 10 consid. 2.4 p. 17). Cette clause du besoin est clairement exprimée pour les zones agricoles à l'art. 16a al. 1 LAT. Elle vaut également pour les constructions et installations sises en zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT (ATF 132 II 10 consid. 2.4 p. 17).
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4.2. La recourante soutient que la mise en valeur publicitaire du "Clos Cochetta" servirait directement à la vente de produits viticoles qui en sont issus et permettrait de prendre en compte les difficultés de production induites par la culture d'un vignoble en terrasse; la clause du besoin agricole prévue à l'art. 16a LAT devrait dès lors être reconnue (consid. 4.2.1). Elle estime par ailleurs que les réalisations litigieuses ne heurtent aucun intérêt prépondérant (consid. 4.2.2), de sorte qu'une autorisation ordinaire au sens de l'art. 22 LAT devrait lui être accordée.
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4.2.1. La cour cantonale a tout d'abord jugé que les épigraphes réalisées n'apparaissent, d'un point de vue matériel, pas nécessaires à l'exploitation agricole, ce que la recourante ne remet d'ailleurs pas en cause devant le Tribunal fédéral. Ensuite, sous l'angle économique, l'instance précédente a estimé que l'exploitation de la partie du domaine concerné n'était pas mise en péril par l'absence de ces inscriptions, observant que ce secteur était cultivé depuis de très nombreuses années sans ces dernières.
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4.2.2. Le Tribunal cantonal a par ailleurs jugé que les inscriptions litigieuses ne répondent pas à l' exigence de l'art. 34 al. 4 let. b OAT, considérant qu'il existe un intérêt prépondérant à la préservation du paysage du site. Il a dans ce cadre précisé que l'art. 32 al. 1 de la loi valaisanne concernant l'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 23 janvier 1987 (LcAT; RS/VS 701.1) autorise les communes à créer des zones agricoles protégées. Ces zones comprennent les terres agricoles qu'il y a lieu de préserver pour leur qualité particulière (art. 16 LAT) ou leur cachet (art. 17 LAT); aucune construction ne peut être érigée hormis les installations et les équipements indispensables à leur exploitation (al. 2). Usant de cette faculté, la Commune de Sion a adopté l'art. 74 RCCZ instituant, au sein de la zone agricole, une telle zone protégée (cf. consid. 3.2 ci-dessus), englobant en l'occurrence le vignoble concerné. Cette disposition renvoie en outre aux prescriptions de l'art. 44 RCCZ relatives à l'esthétique des constructions et à leur intégration dans le site.
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4.3. Dans son recours au Tribunal fédéral, la recourante prétend de façon confuse, mélangeant ce grief à celui lié à la délivrance d'un permis de construire ordinaire, qu'une autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 24 LAT aurait à tout le moins dû lui être accordée, l'implantation des inscriptions publicitaires étant imposée par leur destination (art. 24 al. 1 LAT). Cette argumentation ne lui est toutefois d'aucun secours dès lors que l'octroi d'une autorisation dérogatoire au sens de cette dispositions exige également qu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (art. 24 let. b LAT). Or, comme on l'a vu, l'intérêt public à la protection du paysage viticole concerné fait obstacle aux réalisations litigieuses (cf. consid. 4.2.2). Les conditions posées par l'art. 24 LAT étant cumulatives (cf. ATF 124 II 252 consid. 4 p. 255), il est superflu d'examiner si l'implantation des épigraphes publicitaires est imposée par leur destination, ce qui, quoi qu'il en soit, paraît douteux.
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4.4. En définitive, le refus d'autorisation de construire - ordinaire ou exceptionnelle - se révèle conforme au droit fédéral.
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5. La réalisation litigieuse ne pouvant faire l'objet d'une autorisation postérieure, il convient d'examiner si l'ordre de remise en état est disproportionné, comme le soutient la recourante.
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5.1. Selon une jurisprudence bien établie, lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. L'autorité renonce à une telle mesure, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6 p. 35; 123 II 248 consid. 3a/bb p. 252). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224).
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5.2. La cour cantonale a jugé que l'intérêt public à un rétablissement de l'état antérieur était primordial, eu égard à la nature et à l'ampleur de l'atteinte au paysage, reléguant au second plan les inconvénients de nature économique évoqués par la recourante. Elle a en outre relevé que les travaux avaient été entrepris sans que la recourante prenne préalablement contact avec une autorité afin d'éclaircir la question de la nécessité d'un permis de construire. Le Tribunal cantonal a enfin estimé que le rétablissement de l'état antérieur - à tout le moins d'un état approchant - n'apparaissait techniquement pas impossible.
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6. La recourante soutient enfin que d'autres caves utiliseraient les murs de vigne comme espace promotionnel et prétend devoir de ce fait être mise au bénéfice du principe de l'égalité dans l'illégalité.
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6.1. Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 126 V 390 consid. 6a p. 392 et les références citées). Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 136 I 65 consid. 5.6 p. 78 et les références). Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés (ATF 132 II 485 consid. 8.6 p. 510; 127 I 1 consid. 3a p. 2; 126 V 390 consid. 6a p. 392 et les arrêts cités), et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 123 II 248 consid. 3c p. 254; 115 Ia 81 consid. 2 p. 83 et les références).
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7. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 65 et 66 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
 
3. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à la Ville de Sion, au Conseil d'Etat du canton du Valais, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et à l'Office fédéral du développement territorial.
 
Lausanne, le 29 juillet 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présidant : Merkli
 
Le Greffier : Alvarez
 
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