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Informationen zum Dokument  BGer 1C_32/2015  Materielle Begründung
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BGer 1C_32/2015 vom 18.06.2015
 
{T 0/2}
 
1C_32/2015
 
 
Arrêt du 18 juin 2015
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Karlen et Chaix.
 
Greffier : M. Alvarez.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représentée par Me Frédéric Wuest, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion.
 
Objet
 
retrait définitif du permis de conduire,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 11 novembre 2014.
 
 
Faits :
 
A. Par décision du 25 juillet 2013, le Service de la circulation routière et de la navigation du canton du Valais (ci-après: le SCN) a retiré, avec effet au 1 er juillet 2013, le permis de conduire de A.________ pour une durée indéterminée, mais pour vingt-quatre mois au moins, pour avoir, le 1 er juillet 2013, circulé au volant d'un véhicule automobile tout en faisant usage d'un téléphone portable alors qu'elle se trouvait sous le coup d'un retrait du permis de conduire d'une durée de douze mois, prononcé le 8 juin 2012 à la suite d'une faute grave.
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B. Le 11 juin 2014, statuant sur recours, le Conseil d'Etat du canton du Valais a confirmé le retrait définitif du permis de conduire de A.________. Cette dernière a porté la cause devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal du Valais qui, par arrêt du 11 novembre 2014, a rejeté son recours. Le Tribunal cantonal a en substance considéré qu'au regard des antécédents de la conductrice recourante la mesure administrative prise à son endroit était conforme à l'art. 16c al. 2 let. e LCR. Il a par ailleurs jugé que le principe ne bis in idem n'était pas violé par la décision litigieuse du SCN prise sur la base des mêmes faits que la sanction pénale (système de la double procédure pénale et administrative). La cour cantonale a enfin mis à la charge de A.________ les frais judiciaires, lui refusant ainsi l'assistance judiciaire, au motif que les chances de gagner le procès étaient notablement plus faibles que les risques de le perdre.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 11 novembre 2014, subsidiairement, de renvoyer la cause au SCN pour nouvelle décision. Elle sollicite également la restitution du délai de recours et de l'effet suspensif. Elle demande par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit :
 
1. La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est en principe ouverte contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) au sujet d'une mesure administrative de retrait du permis de conduire (art. 82 let. a LTF), aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante est particulièrement atteinte par la décision attaquée, qui confirme le retrait définitif de son permis de conduire; elle a un intérêt digne de protection à son annulation. Elle a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Au bénéfice d'une restitution de délai, le recours est déposé en temps utile; les autres conditions de recevabilité du recours étant également réunies, il convient d'entrer en matière.
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2. Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, la partie recourante doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi elle estime que l'autorité précédente a méconnu le droit. Il faut qu'à la lecture de son exposé, on comprenne clairement quelles règles de droit auraient été, selon elle, transgressées par l'autorité cantonale (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 89 s. et les références). Les griefs de violation des droits fondamentaux et des dispositions de droit cantonal sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit alors indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du droit cantonal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8 p. 494; 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).
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3. La recourante soutient que l'art. 16c al. 2 let. e LCR consacrerait un retrait d'admonestation, auquel s'appliqueraient par conséquent les garanties procédurales découlant de l'art. 6 CEDH; en refusant sa comparution personnelle, le Tribunal cantonal aurait violé cette disposition ainsi que son droit d'être entendue ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. Elle estime que son audition aurait permis de constater qu'elle se trouvait dans un état psychologique de "grande détresse" et totalement "désorientée" au moment des faits.
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Erwägung 3.1
 
3.1.1. Le principe de publicité de la procédure judiciaire énoncé à l'art. 6 par. 1 CEDH confère aux parties le droit d'être entendues oralement devant un tribunal lors d'une séance publique (cf. ATF 127 II 306 consid. 5 p. 309; 121 I 30 consid. 5 p. 35), sauf renonciation explicite ou implicite des parties (cf. ATF 125 II 417 consid. 4f p. 426). Seules relèvent du champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH les contestations portant sur des droits ou des obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.
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3.1.2. Dans un arrêt de principe du 12 décembre 2012 (ATF 139 II 95 consid. 3.4.2 p. 103 s.), tout en soulignant que l'art. 16c al. 2 let. d et e LCR pose la présomption irréfragable d'une inaptitude caractérielle à la conduite, le Tribunal fédéral a jugé que les mesures fondées sur cette disposition constituent des retraits de sécurité dès lors qu'elles tendent à exclure de la circulation routière un conducteur multirécidiviste considéré comme un danger public.
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3.2. Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), la recourante soutient que sa comparution personnelle lui aurait permis de faire valoir ses arguments et décrire complétement sa situation. Elle explique dans ce cadre éprouver des difficultés à présenter ses griefs par écrit. A cet égard, on doit, avec la cour cantonale, retenir que ses écritures se révèlent dûment motivées, ne laissant aucunement présager les difficultés alléguées. La recourante ne remet d'ailleurs pas directement en cause cette appréciation; elle soutient plutôt que son audition s'imposait comme moyen de preuve portant sur son état psychologique au moment des faits, état en raison duquel elle n'a pas réalisé la gravité de son acte. Cette audition aurait, selon elle, conduit à la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique "qui aurait permis de déterminer si une responsabilité atténuée pouvait être retenue".
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3.3. Sur le vu de ce qui précède, ces griefs s'avèrent mal fondés et doivent être rejetés.
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4. La recourante prétend que les autorités précédentes auraient ignoré sa demande d'assistance judiciaire formulée dans le cadre de son recours au Conseil d'Etat. Elle estime qu'en ne lui désignant pas un défenseur d'office, les autorités cantonales auraient violé l'art. 29 al. 3 Cst. En outre et pour autant qu'on la comprenne, elle soutient que la cour cantonale aurait enfreint l'art. 2 al. 1 let. b de la loi cantonale sur l'assistance judiciaire du 11 février 2009 (LAJ; RS/VS 177.7) en mettant à sa charge les frais judiciaires au motif que le recours cantonal ne présentait que de faibles chances du succès.
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4.1. D'après l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause ne paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. L'art. 29 al. 3 Cst. confère au justiciable une garantie minimale, dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (cf. arrêts 2C_835/2014 du 22 janvier 2015 consid. 6.2 et les références citées et 2D_46/2012 du 16 janvier 2013 consid. 4.1).
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Dans les causes administratives, le droit valaisan reprend ces mêmes critères à l'art. 2 al. 1 LAJ, selon lequel une personne a droit à l'assistance judiciaire lorsqu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et que sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b). Le bénéfice d'un conseil juridique commis d'office n'est de surcroît accordé que s'il est nécessaire à la défense des intérêts de la partie requérante (art. 2 al. 2 LAJ).
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4.2. Ne bénéficiant d'aucune formation juridique, la recourante soutient ne pas avoir été en mesure, faute d'être assistée par un avocat, d'identifier les faits pertinents et de s'en prévaloir; la désignation d'un conseil d'office s'imposait selon elle pour ce motif. Cet argument tombe toutefois à faux dans la mesure où les faits auxquels se réfère la recourante portent sur la question de son état psychique au moment des faits, dont on a vu qu'ils n'influaient pas sur l'issue de la procédure administrative de retrait du permis de conduire (cf. 
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4.3. S'agissant des frais judiciaires mis à sa charge à hauteur de 800 fr., la recourante affirme que sa demande de dispense d'avance de frais - formulée téléphoniquement, dans un premier temps - devait être comprise comme une demande portant sur une dispense des frais de la procédure; il s'imposait à tout le moins à l'autorité de l'informer de la possibilité de solliciter une telle exonération. La recourante feint ainsi d'ignorer que le Tribunal cantonal a examiné cette hypothèse, mais qu'il a jugé qu'en raison des faibles chances de succès de la cause le droit à l'assistance judiciaire n'était pas ouvert (art. 2 al. 1 let. b LAJ). Elle perd également de vue que l'art. 29 al. 3 Cst. n'impose pas au juge ou à l'autorité - hormis dans l'hypothèse de l'accusé au pénal - l'obligation d'informer le justiciable de son droit de demander l'assistance judiciaire (cf. Bernard Corboz, Le droit constitutionnel de l'assistance judiciaire, in SJ 2003 II 67 p. 68).
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4.4. Enfin, que le Tribunal fédéral ait accordé à la recourante le bénéfice de l'assistance judiciaire au terme d'une ordonnance préjudicielle ne rend pas pour autant l'arrêt cantonal contraire au droit sur ce point. La recourante ne saurait en effet déduire mécaniquement de la comparaison de deux situations procédurales différentes son droit à l'assistance judiciaire. Or, en l'espèce, la situation lors du dépôt du présent recours - examinée de manière indépendante par le Tribunal fédéral - diverge de celle ayant prévalu lors du dépôt de la requête à la cour cantonale, tout particulièrement en raison des motifs médicaux ayant empêché la recourante d'agir par elle-même dans le délai imparti, mais également en raison de l'existence de griefs nouveaux.
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4.5. En définitive, les griefs liés au refus de l'assistance judiciaire s'avèrent mal fondés et doivent être rejetés. Il devient ainsi superflu d'examiner si les autorités cantonales ont, comme le prétend la recourante, ignoré sa demande d'assistance judiciaire, ce qui, quoi qu'il en soit, paraît en l'espèce douteux.
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5. La recourante estime que le retrait du permis de conduire prononcé sur la base des mêmes faits que la sanction pénale infligée le 15 octobre 2013 violerait le principe de la double incrimination. Selon elle, cette dualité entre les procédures pénale et administrative ne permettrait pas aux autorités de se livrer à une appréciation globale de la situation. La recourante se réfère à cet égard à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Zolotoukhine contre Russie du 10 février 2009.
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5.1. Selon les art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH (RS 0.101.07) et 14 par. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (RS 0.103.2), nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce droit, exprimé par l'adage 
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5.2. Dans son arrêt du 26 septembre 2011, publié aux ATF 137 I 363, le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que le système de la double procédure pénale et administrative était conforme à l'interprétation de l'art. 4 ch. 1 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH, telle qu'elle ressortait de l'arrêt Zolotoukhine, après avoir examiné les avis divergents exprimés à ce propos par la doctrine (cf. Yvan Jeanneret, L'arrêt Zolotoukhine contre Russie ou la fin du retrait administratif du permis de conduire, in RDAF 2010 I p. 263 ss; Hanspeter Mock, Ne bis in idem: Strasbourg tranche en faveur de l'identité des faits, in RTDH 2009 p. 879; Cédric Mizel, Ne bis in idem: l'arrêt Zolotoukhine contre Russie ne s'applique pas au retrait du permis de conduire suisse, in Revue interdisciplinaire de la Circulation routière 2011, p. 30).
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6. La recourante reproche à la cour cantonale la violation du principe de l'égalité de traitement, ainsi que des art. 16 ss LCR. Elle se plaint également d'arbitraire.
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6.1. Le Tribunal cantonal a considéré que la conduite sans autorisation du 14 août 2013 constituait une faute grave (art. 16c al. 1 let. f LCR); le permis de conduire ayant été retiré pour une durée indéterminée, par décision du 25 juillet 2013, en application de l'art. 16c al. 2 let. d LCR, il en découlait un retrait définitif du permis de conduire (art. 16c al. 2 let. e LCR). Dans ce cadre, la cour cantonale a rappelé que cette sanction légale était incompressible (art. 16 al. 3 2
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7. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La demande d'assistance judiciaire ayant été admise et Me Frédéric Wuest ayant été désigné en qualité d'avocat d'office, il y a lieu de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). La recourante est en outre dispensée des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à Me Frédéric Wuest à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
 
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Conseil d'Etat du canton du Valais, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des routes.
 
Lausanne, le 18 juin 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Fonjallaz
 
Le Greffier : Alvarez
 
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