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Informationen zum Dokument  BGer 1C_38/2015  Materielle Begründung
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BGer 1C_38/2015 vom 13.05.2015
 
{T 0/2}
 
1C_38/2015
 
 
Arrêt du 13 mai 2015
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Merkli et Chaix.
 
Greffier : M. Alvarez.
 
 
Participants à la procédure
 
Fondation A.________, représentée par
 
Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
B.________, représentée par
 
Me Julien Blanc, avocat,
 
intimée,
 
Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8.
 
Objet
 
autorisation de construire ; qualité pour recourir,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 25 novembre 2014.
 
 
Faits :
 
A. L'association B.________ est propriétaire de la parcelle n° 4'152, feuille 7 de la commune de Genève-Cité. Sur ce terrain a été édifiée, entre 1862 et 1866, l'église orthodoxe russe de Genève. Ce monument historique a été classé par le Conseil d'Etat du canton de Genève le 24 janvier 1979.
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B. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la fondation demande au Tribunal fédéral de reconnaître sa qualité pour agir, d'annuler l'arrêt attaqué ainsi que le jugement du TAPI et de renvoyer la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision sur le fond. Elle conclut également à ce que la portée de l'autorisation de construire litigieuse soit limitée aux seuls travaux urgents nécessaires au remplacement de la toiture de l'édifice. La fondation a par ailleurs sollicité l'effet suspensif ainsi que des mesures provisionnelles tendant à l'interruption des travaux.
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Considérant en droit :
 
1. Dirigé contre un arrêt d'irrecevabilité rendu en dernière instance cantonale dans le cadre d'une contestation portant au fond sur l'octroi d'une autorisation de construire, le recours est recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF.
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1.1. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit être motivé. Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient à la recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par l'arrêt attaqué (ATF 133 IV 119 consid. 6.4 p. 121). Lorsque, comme en l'espèce, il s'agit d'un arrêt d'irrecevabilité, les motifs développés dans le mémoire de recours doivent porter sur la question de la recevabilité traitée par l'instance précédente à l'exclusion du fond du différend (ATF 123 V 335 consid. 1b p. 336; 118 Ib 134 consid. 2 p. 135). Les chefs de conclusions étrangers à l'objet du litige ainsi délimité sont irrecevables (art. 99 al. 2 LTF).
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1.2. La recourante peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à se voir reconnaître la légitimation active (cf. ATF 129 II 297 consid. 2.3 p. 301; 124 II 124 consid. 1b p. 126). Elle a donc la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur la question de la recevabilité du recours au niveau cantonal.
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2. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante reproche à la Cour de justice d'avoir établi les faits de façon manifestement inexacte et d'avoir violé l'art. 112 al. 1 let. b LTF.
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3. La recourante estime qu'en lui niant la qualité pour agir au regard de l'art. 60 LPA, la Cour de justice aurait violé les art. 89 et 111 LTF définissant les exigences minimales en matière de qualité pour recourir.
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3.1. Aux termes de l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. L'alinéa 3 précise que l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF. Il en résulte que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (cf. ATF 135 II 145 consid. 5 p. 149 et les références). Il n'est pas établi que tel serait le cas en l'espèce - la recourante ne le prétend au demeurant pas -, sous réserve de l'hypothèse prévue par l'art. 145 al. 3 LCI (cf. consid. 4 ci-dessous). Lorsque le recours est formé par une personne morale de droit privé qui ne peut se prévaloir d'un droit de recours fondé sur une disposition spécifique du droit fédéral, sa qualité pour recourir doit être analysée à l'aune de l'art. 89 al. 1 LTF (cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Commentaire de la LTF, 2014, n. 11 et 14 ad art. 89). Il convient dès lors, dans un premier temps, d'analyser la qualité pour agir de la recourante sous l'angle de cette disposition. S'agissant de droit fédéral (art. 111 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral examine cette question librement.
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3.2. Analysant la condition de l'intérêt digne de protection contenue à l'art. 60 al. 1 let. b LPA - notion correspondant à celle de l'art. 89 al. 1 let. c LTF - la Chambre administrative a jugé que la recourante ne pouvait faire valoir aucune prérogative à l'égard de l'église russe dès lors qu'elle n'entretient aucun lien de proximité ou de nature contractuelle avec cet édifice ou son propriétaire. Elle a par ailleurs estimé que le fait que l'autorisation de construire entrave prétendument la réalisation de ses buts statutaires ne lui porte pas une atteinte directe justifiant sa qualité pour agir.
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3.3. La fondation recourante prétend bénéficier d'un intérêt spécial et particulier à pouvoir s'opposer à l'autorisation de construire portant sur la rénovation de l'église orthodoxe de Genève dès lors qu'il s'agit de l'un de ses buts statutaires. Comme celle-ci le reconnaît au demeurant, l'intérêt qu'elle invoque est d'ordre idéal. D'après la jurisprudence, l'existence d'un intérêt de cette nature ne saurait toutefois à lui seul fonder la qualité pour recourir d'une partie; il est à cet égard insuffisant de s'intéresser spécialement à une question ou à un projet pour des motifs idéaux ou par conviction personnelle (cf. ATF 123 II 376 consid. 4a p. 380) - le mode d'expression de cet intérêt, le cas échéant par le biais de buts statutaires, est à cet égard sans influence -, encore faut-il se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation, ce qui sous-entend notamment l'existence d'un intérêt pratique ou juridique à l'annulation de la décision litigieuse (cf. ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164).
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3.4. Les éléments de fait que l'arrêt attaqué aurait prétendument passés sous silence (cf. consid. 2 ci-dessus) n'y changent rien. En effet, que l'un des fondateurs de la recourante officie au sein de l'Eglise russe ou encore que la fondation lui apporte un soutien financier n'enlève pas aux objectifs poursuivis leur caractère public, tout comme l'exonération fiscale alléguée qui tend, à l'inverse, à le confirmer (cf. art. 56 let. g et h de la loi fédérale sur l'impôt direct du 14 décembre 1990 [LIFD; RS 642.11]); admettre le contraire reviendrait à reconnaître à tout administré un intérêt propre et personnel à la protection de ce patrimoine, pour peu qu'il s'y intéresse ou lui apporte un soutien financier altruiste, et ouvrirait la voie de l'action populaire prohibée par l'art. 89 al. 1 LTF.
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4. Selon la recourante, la Chambre administrative aurait versé dans l'arbitraire en jugeant que ses buts statutaires ne revêtent pas l'intérêt général que doivent représenter les associations de sauvegarde de patrimoine tel que défini par l'art. 145 al. 3 LCI (respectivement de l'art. 63 LPMNS, dont la teneur est voisine), au motif que ces buts seraient, en pratique, limités à la seule église russe, le canton n'abritant pas d'autres bâtiments d'architecture orthodoxe.
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4.1. Appelé à revoir l'application ou l'interprétation d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain (ATF 139 I 57 consid. 5.2 p. 61). En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale n'est pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 138 I 305 consid. 4.3 p. 319; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5).
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4.2. Selon l'art. 145 al. 3 LCI, les associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de 3 ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites ont qualité pour recourir. La législation genevoise ne prévoit pas l'établissement, par l'autorité exécutive, d'une liste des associations d'importance cantonale habilitées à recourir en application de cette disposition. Il appartient dès lors aux autorités de recours de définir cette notion (cf. arrêt 1P.595/2003 du 11 février 2004 consid. 2.2).
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4.3. La recourante affirme que le canton de Genève abriterait d'autres bâtiments d'architecture orthodoxe; elle admet toutefois que ces derniers ne sont pas classés et ne présentent pas un intérêt comparable à celui de l'église russe. Elle ne prétend toutefois pas que l'instance précédente aurait fait preuve d'arbitraire en retenant que cet édifice constituait l'unique objet sis sur le territoire cantonal visé par ses buts statutaires. Au contraire, elle soutient que ce caractère unique (et rare) apporterait du crédit à sa démarche et fonderait ainsi sa légitimité, respectivement sa légitimation. Elle perd toutefois de vue que la question de la crédibilité de son action - qui n'est pas ici remise en cause - n'est pas relevante pour l'examen de sa qualité pour recourir, pour laquelle seule entre en ligne de compte l'existence d'un intérêt général au sens où l'entend l'art. 145 al. 3 LCI (et l'art. 63 LPMNS).
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5. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours aux frais de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre une indemnité de dépens à l'intimée, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3. Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à l'intimée à titre de dépens, à la charge de la recourante.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie de la République et canton de Genève, et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2 ème section.
 
Lausanne, le 13 mai 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Fonjallaz
 
Le Greffier : Alvarez
 
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