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Informationen zum Dokument  BGer 1B_75/2015  Materielle Begründung
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BGer 1B_75/2015 vom 07.04.2015
 
{T 0/2}
 
1B_75/2015
 
 
Arrêt du 7 avril 2015
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Chaix et Kneubühler.
 
Greffière : Mme Tornay Schaller.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Maîtres Florian Baier et Giorgio Campà, avocats,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public du canton de Genève.
 
Objet
 
Détention pour des motifs de sûreté,
 
recours contre l'ordonnance de la Présidente
 
de la Chambre pénale d'appel et de révision
 
de la Cour de justice du canton de Genève
 
du 6 février 2015.
 
 
Faits :
 
A. Par jugement du 6 juin 2014, le Tribunal criminel du canton de Genève a reconnu A.________ coupable de plusieurs assassinats et l'a condamné à une peine privative de liberté à vie. Par décision séparée, il a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté.
1
Le 24 janvier 2015, A.________ a requis sa mise en liberté immédiate, en invoquant une violation du principe de la célérité et une insuffisance des charges retenues à son encontre. La Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision, en tant que direction de la procédure de la juridiction d'appel, a rejeté la demande de libération, par ordonnance du 6 février 2015. Elle a considéré en substance que le caractère suffisant des charges n'avait pas à être discuté, qu'il existait un risque de fuite et que les principes de la proportionnalité et de la célérité étaient respectés. Elle a en outre écarté de la procédure les pages 3 à 105 de la requête de mise en liberté, "les extraits exclus étant toutefois conservés dans une cote séparée, afin de permettre un éventuel contrôle ultérieur de la présente décision".
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B. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du 6 février 2015, de dire que les pages 3 à 105 de la requête de mise en liberté du 24 janvier 2015 sont recevables et doivent être réintégrées dans la procédure ainsi que de renvoyer la cause à l'instance précédente pour qu'elle statue sur le fond. Il requiert aussi l'assistance judiciaire.
3
 
Considérant en droit :
 
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu - actuellement détenu - a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
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2. Le recourant se plaint d'un déni de justice formel et fait valoir une violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 CEDH.
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2.1. Chaque personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et dans un délai raisonnable; elle a le droit d'être entendue (art. 29 al. 1 et 2 Cst.).
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Selon la jurisprudence, commet un déni de justice formel et viole par conséquent l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur un recours ou un grief qui lui est soumis dans les formes et délais légaux, alors qu'elle était compétente pour le faire (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9; 134 I 229 consid. 2.3).
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2.2. Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP).
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2.3. En l'espèce, le recourant reproche à l'instance précédente de ne pas être entrée en matière sur le grief de l'absence de charges suffisantes au sens de l'art. 221 CPP, alors qu'il avait développé une réfutation des principaux arguments retenus par le Tribunal criminel dans son jugement du 6 juin 2014. Il lui fait aussi grief d'avoir écarté de la procédure les pages 3 à 105 de sa requête de mise en liberté.
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L'instance précédente a retenu qu' "en l'occurrence, il n'y a pas lieu de discuter du caractère suffisant des charges dès lors que, même s'il conteste les faits qui lui sont reprochés, le requérant a été reconnu coupable d'assassinat en première instance, d'autant que ses arguments se recoupent en grande partie avec ceux qui ont déjà été examinés ou écartés par les autorités de contrôle de la détention, soit en dernier lieu par l'arrêt de la Chambre pénale de recours du 26 avril 2013, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1B_197/2013". Plus loin, la Cour de justice a exposé que "le recourant ne pouvait ignorer que sa demande de libération était vouée à l'échec, ce qui permet effectivement de retenir qu'elle avait pour unique but de verser à la procédure d'appel la partie de sa déclaration d'appel qui en avait été écartée par ordonnance présidentielle du 18 décembre 2014 et de contourner ainsi cette décision, manoeuvre qui est effectivement constitutive d'un abus de droit". En conséquence, la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision a écarté de la procédure le chapitre intitulé "B. Insuffisance manifeste des charges" figurant sous pages 3 à 105 de la demande de mise en liberté du 23 janvier 2015, "les extraits exclus étant toutefois conservés dans une cote séparée, afin de permettre un éventuel contrôle ultérieur de la présente décision".
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2.4. Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure de mise en détention n'a pas satisfait aux garanties constitutionnelles ou conventionnelles en cause, il n'en résulte pas obligatoirement que le prévenu doive être remis en liberté (ATF 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308). C'est dès lors à bon droit que le recourant ne demande pas au Tribunal de céans sa mise en liberté immédiate.
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3. Pour le reste, le recourant fait encore valoir brièvement une violation de l'art. 233 CPP, au motif que la magistrate qui a statué sur sa demande de libération n'est pas investie de la "direction de la procédure" au sens de cette disposition.
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4. Il s'ensuit que le recours doit être admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis et l'ordonnance attaquée est annulée. La cause est renvoyée à la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3. Une indemnité de 2'000 francs est allouée au recourant, à titre de dépens, à la charge de l'Etat de Genève.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public du canton de Genève et à la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 7 avril 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Fonjallaz
 
La Greffière : Tornay Schaller
 
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