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Informationen zum Dokument  BGer 5A_817/2014  Materielle Begründung
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BGer 5A_817/2014 vom 16.03.2015
 
{T 0/2}
 
5A_817/2014
 
 
Arrêt du 16 mars 2015
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
 
Marazzi et Herrmann.
 
Greffière : Mme Gauron-Carlin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.A.________,
 
recourant,
 
contre
 
B.A.________,
 
représentée par Me Jérôme Bénédict, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
reconnaissance et exequatur d'un jugement de mesures protectrices de l'union conjugale,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 juin 2014.
 
 
Faits :
 
A. A.A.________ et B.A.________, tous deux de nationalité française, se sont mariés en 1996 en France. Deux enfants sont issus de cette union, nés en 2000 et 2003.
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A.a. Les époux vivent séparés depuis le mois de mai 2011 et les modalités de leur séparation sont organisées depuis le 23 mai 2011 par diverses décisions suisses rendues au titre de mesures protectrices de l'union conjugale.
2
A.b. Suite à plusieurs requêtes des époux, la Présidente du Tribunal d'arrondissement a, par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 3 août 2012, astreint l'époux à contribuer à l'entretien de sa famille par le versement d'une pension mensuelle de 19'000 fr., allocations familiales en sus, dès le 1
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A.c. Dans l'intervalle, le 18 novembre 2011, l'époux a engagé une procédure en divorce en France, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris (ci-après : TGI).
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A.d. Le 22 février 2013, l'épouse a déposé une nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale devant les juridictions suisses. Par procédé écrit du 16 avril 2013, le mari a pris des conclusions reconventionnelles tendant au paiement d'une contribution d'entretien de 3'000 fr. en faveur de son épouse et de 900 fr. pour chacun de ses enfants, dès le 30 mars 2012.
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B. Le 16 avril 2013, l'époux a déposé une requête tendant à ce que soit reconnu et déclaré exécutoire en Suisse l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'appel de Paris et a produit une attestation confirmant le caractère exécutoire de l'arrêt français.
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B.a. Par jugement du 21 février 2014, la Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne a rejeté la requête en exequatur présentée par l'époux.
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B.b. Statuant par arrêt du 5 juin 2014, envoyé aux parties le 17 septembre 2014, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé le 6 mars 2014 par le mari.
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C. Par acte du 20 octobre 2014, A.A.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à ce que l'arrêt attaqué soit réformé en ce sens que l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'appel de Paris est reconnu et déclaré exécutoire en Suisse, subsidiairement, à ce que cet arrêt soit annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente.
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Considérant en droit :
 
1. Le présent recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) ainsi que dans la forme légale (art. 42 LTF), par la partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) dans une contestation civile (art. 72 al. 1 LTF; arrêt 5A_220/2008 du 12 juin 2008 consid. 1, non publié à l'ATF 134 III 661) de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 et art. 74 al. 1 let. b LTF), rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Le présent recours en matière civile est en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent.
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2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié ou complété après examen des griefs du recours). Compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine pas, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 133 III 545 consid. 2.2; 133 IV 150 consid. 1.2 p. 152; 133 V 515 consid. 1.3 p. 519; 134 II 244 consid. 2.1 p. 245 s.; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104 s.; 137 III 241 consid. 5; 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). Il n'est en effet saisi que des questions qui sont soulevées devant lui et ne traite donc pas les questions qui ne sont plus discutées par les parties. Le principe de l'application du droit d'office est en effet limité dans la procédure devant le Tribunal fédéral (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 88 ss avec les références). Pour satisfaire à son obligation de motiver, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit; il suffit qu'à la lecture de son exposé, on comprenne clairement quelles règles de droit auraient été, selon lui, transgressées par l'autorité cantonale (arrêt 5A_129/2007 du 28 juin 2008 consid. 1.4; ATF 133 IV 286 consid. 1.4; cf. à propos de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, les ATF 121 III 397 consid. 2a p. 400; ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748 et les arrêts cités). Les mêmes exigences de motivation pèsent sur l'intimé, qui doit reprendre les motifs qu'il avait invoqués précédemment et qui ont été écartés, pour le cas où les motifs retenus par l'autorité précédente ne devraient pas être suivis par le Tribunal fédéral (ATF 131 III 334 consid. 4.3 p. 339). En ce qui concerne la violation des droits fondamentaux, le Tribunal fédéral n'en connaît que si le grief a été expressément soulevé et motivé de façon claire et détaillée par le recourant (ATF 133 III 638 consid. 2 p. 639 s.), en indiquant précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et en démontrant, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 II 305 consid. 3.3 p. 310 s.; 135 III 232 consid. 1.2 p. 234).
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3. Le recours a pour objet la reconnaissance et l'exequatur en Suisse de l'arrêt du 28 mars 2013 de la Cour d'appel de Paris, condamnant le recourant à verser à son épouse le montant mensuel de 2'500 euros, à titre de pension alimentaire, dès le 30 mars 2012.
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4. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir mal appliqué l'art. 34 para. 3 et 4 CL, rappelant qu'une décision rendue dans un autre Etat partie ne peut être refusée, sauf pour des motifs exceptionnels, singulièrement si la décision est inconciliable avec une autre décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat requis (art. 34 para. 3 CL). Le recourant expose qu'en l'espèce les deux décisions statuent en matière d'obligations alimentaires dues en raison du mariage et ont des conséquences juridiques compatibles. Il soutient que l'incompatibilité opposée à l'exequatur " ne l'est qu'en apparence ", car elle découle de la fausse application du droit par le juge suisse qui a fixé une contribution d'entretien globale, en lieu et place de fixer d'office le montant de l'entretien en faveur des enfants et d'entériner la contribution d'entretien fixée par le juge du divorce en France pour son épouse. Le recourant affirme que, dès l'instant où la pension alimentaire de l'épouse a été arrêtée en France, avec effet au 30 mars 2012, les mesures protectrices de l'union conjugale étaient caduques en Suisse s'agissant de sa conjointe, en sorte qu'il incombait au juge vaudois de constater d'office la caducité partielle de la pension globale et de fixer une contribution d'entretien pour les seuls enfants. Quant à la référence à l'art. 34 para. 4 CL dans l'arrêt entrepris, le recourant constate que l'hypothèse visée par cette exception ne s'applique pas au cas d'espèce.
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4.1. La Chambre des recours civile a constaté que la dernière décision suisse rendue le 21 novembre 2012 par le Juge délégué de la Cour d'appel civile porte sur l'entretien de la famille du débirentier, à savoir celui de son épouse et de leurs deux enfants mineurs et qu'il n'existe pas d'autres décisions suisses ou françaises statuant sur la contribution d'entretien pour les enfants, en sorte que cette réglementation est toujours en vigueur. L'autorité précédente a en outre retenu que les mesures protectrices de l'union conjugale sont maintenues jusqu'à ce que le tribunal du divorce les révoque ou les modifie, en sorte que la procédure de divorce ouverte en France n'a aucune incidence sur la contribution d'entretien des enfants. La cour cantonale a considéré que la contribution d'entretien de l'épouse selon l'arrêt français ne pouvait pas être simplement déduite de celle fixée pour l'entretien de l'ensemble de la famille selon l'arrêt suisse, partant elle a jugé que les décisions suisses et françaises étaient objectivement inconciliables au sens de l'art. 34 para. 3 et 4 CL pour déterminer les obligations alimentaires du recourant.
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4.2. S'agissant de l'exception de non-reconnaissance prévue à l'art. 34 para. 4 CL, elle doit d'emblée être exclue dans le cas présent, dès lors qu'elle vise l'inconciliabilité de jugements rendus dans des Etats parties à la Convention autres que dans l'Etat requis ( ANDREA BUCHER, Commentaire romand de la loi sur le droit international privé et la Convention de Lugano, Bâle, 2011, n° 50
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4.3. Pour admettre le caractère inconciliable de deux décisions au sens de l'art. 34 para. 3 CL, il faut qu'une question soit tranchée, avec autorité de la chose jugée, d'une manière différente dans la décision rendue en Suisse et dans la décision étrangère. L'incompatibilité doit apparaître dans les effets des décisions (ATF 138 III 261 consid. 1.1 p. 263), à savoir, dans leurs conséquences juridiques. Il n'est cependant pas nécessaire que les décisions en conflit portent sur le même objet, il suffit qu'elles soient contradictoires ( KROPHOLLER/ VON HEIN, op. cit., n° 49
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4.4. En l'occurrence, le jugement dont la reconnaissance et l'exequatur ont été requises en Suisse est un arrêt du 28 mars 2013 de la Cour d'appel de Paris astreignant le mari à verser à son épouse le montant mensuel de 2'500 euros, à titre de pension alimentaire, dès le 30 mars 2012. Cette décision s'opposerait à la décision rendue par les autorités suisses entre les mêmes parties, à savoir le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du 21 novembre 2012, lequel a été remplacé par l'ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 4 juillet 2013, elle-même réformée par l'arrêt du 14 novembre 2013, prévoyant, dans les deux derniers prononcés, que l'époux est condamné à contribuer à l'entretien des siens, sous déduction de 2'500 euros, dès le paiement effectif de cette somme à son épouse. Il s'ensuit que la nouvelle réglementation de la séparation des parties prononcée en Suisse, bien qu'elle ne porte pas exactement sur le même objet que l'arrêt français - la première statue sur la contribution due par le recourant pour l'entretien de la famille et l'autre uniquement sur le montant de l'entretien de l'épouse - tient manifestement compte de la solution arrêtée par l'arrêt de la Cour d'appel française du 28 mars 2013 en prévoyant expressément la déduction de 2'500 euros que le recourant peut opérer s'il paie effectivement cette somme. Contrairement à ce que soutient l'autorité précédente ( 
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4.5. Vu ce qui précède, la réglementation de la séparation des parties fixée en Suisse tient compte du dispositif de l'arrêt français du 28 mars 2013, en sorte que les décisions en cause ne sont pas absolument inconciliables. Certes, l'on ignore depuis quelle date la nouvelle réglementation suisse - qui ne tient en compte la pension fixée par les autorités françaises que dans la mesure de son paiement effectif - prend effet, en sorte qu'il n'est pas absolument exclu que les décisions aient été temporairement inconciliables. Toutefois, aucune des parties ne soulève le problème d'une incompatibilité antérieure. Aussi, le Tribunal fédéral, saisi uniquement de la question du principe de l'incompatibilité, n'a pas à examiner cet aspect qui ne lui a pas été soumis ( 
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4.6. Vu l'admission du grief fondé sur la CL, il n'est pas nécessaire d'examiner la critique du recourant portant sur la violation de l'art. 276 al. 2 CPC, en ce sens que, dans l'hypothèse d'une inconciliabilité, la décision de la Cour d'appel de Paris du 28 mars 2013 remplacerait la décision de mesures protectrices de l'union conjugale du 21 novembre 2012. Il en va de même de la critique relative aux frais de l'instance cantonale, autant qu'elle est suffisamment motivée (art. 42 al. 2 LTF
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5. En définitive, le recours en matière civile doit être admis. La décision attaquée est annulée et réformée en ce sens que l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'appel de Paris est reconnu et déclaré exécutoire en Suisse. Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre des dépens au recourant (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et réformé en ce sens que l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'appel de Paris est reconnu et déclaré exécutoire en Suisse.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3. Une indemnité de 2'500 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
 
Lausanne, le 16 mars 2015
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : von Werdt
 
La Greffière : Gauron-Carlin
 
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