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Informationen zum Dokument  BGer 1B_42/2015  Materielle Begründung
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BGer 1B_42/2015 vom 16.02.2015
 
{T 0/2}
 
1B_42/2015
 
 
Arrêt du 16 février 2015
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Eusebio et Kneubühler.
 
Greffier : M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
Ministère public du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens,
 
recourant,
 
contre
 
A.________, représentée par Me Nicole Diserens, avocate,
 
intimée.
 
Objet
 
détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 30 janvier 2015.
 
 
Faits :
 
A. A.________, ressortissante du Cameroun et domiciliée à Strasbourg, a été arrêtée à Bâle le 3 janvier 2015. Il lui est reproché d'avoir effectué, de janvier à avril 2008, huit transports de un kilo de cocaïne entre les Pays-Bas et la Suisse, dans le cadre d'un important réseau dirigé depuis Rotterdam. Par ordonnance du 7 janvier 2015, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc) a ordonné le placement en détention provisoire pour trois mois.
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Par arrêt du 30 janvier 2015, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis le recours de la prévenue et réformé l'ordonnance du Tmc en ce sens que la libération a été ordonnée moyennant le dépôt du passeport et le versement de 2'000 fr. à titre de sûretés. Les charges étaient suffisantes, la prévenue étant mise en cause par trois personnes déjà condamnées ainsi que par l'écoute rétroactive de divers raccordements téléphoniques utilisés par le réseau. Le risque de fuite était concret, vu la nationalité et le domicile de la prévenue, l'absence de toute attache avec la Suisse ainsi que la gravité des charges. Toutefois, le dépôt du passeport et d'une caution de 2'000 fr. étaient, compte tenu de la situation financière précaire de la prévenue, susceptibles de l'empêcher de quitter la France.
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B. Par acte du 6 février 2015, le Procureur général du canton de Vaud forme un recours en matière pénale par lequel il demande la réforme de l'arrêt du 30 janvier 2015 en ce sens que l'ordonnance du Tmc est confirmée. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. Il demande le maintien en détention par voie d'effet suspensif, ce qui a été admis par ordonnance du 9 février 2015.
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A.________ s'est opposée en vain à l'effet suspensif, le 9 février 2015. Par acte du 10 février 2015, elle conclut au rejet du recours et demande l'assistance judiciaire. Il n'a pas été demandé d'autres réponses au recours.
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Le dossier de la cause a été produit.
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Considérant en droit :
 
1. Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale. En font partie les décisions rendues en matière de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a en principe qualité pour agir contre une décision de mise en liberté sous conditions (cf. ATF 137 IV 22; 134 IV 36) et les conclusions du recours sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
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2. Le Ministère public relève que l'existence de charges suffisantes ainsi qu'un risque de fuite ont été reconnus par la cour cantonale. La prévenue étant exposée à une peine privative de liberté de plusieurs années, le dépôt du passeport ne permettrait pas d'éviter une fuite de la France vers l'étranger, ou un passage dans la clandestinité en France ou dans l'espace Schengen. Le montant des sûretés serait lui aussi insuffisant.
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2.1. Selon la jurisprudence, le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 ; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70).
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2.2. En l'occurrence, l'intimée est de nationalité camerounaise et domiciliée à Strasbourg où elle s'occupe de ses deux enfants, travaille (pour un salaire de 926 euros par mois) et perçoit des allocations familiales (460 euros par mois). L'arrêt cantonal retient que la prévenue ne dispose d'aucune attache avec la Suisse, ce qui n'est pas contesté. Même si elle ne revient pas sur l'existence de charges suffisantes, l'intimée relativise les accusations dont elle fait l'objet. Elle relève que les faits datent de plus de sept ans et que les personnes qui l'impliquent - également mises en cause - pourraient avoir des intérêts à le faire. L'arrêt cantonal relève toutefois que l'implication de l'intimée se trouve confirmée par l'analyse rétroactive de conversations téléphoniques. Il n'y a dès lors pas de raison de remettre en cause les charges retenues à ce stade, qui portent sur un trafic de huit kilos de cocaïne commis durant quelques mois, et sont dès lors susceptible de tomber sous le coup de l'art. 19 al. 2 LStup. En dépit du temps écoulé depuis les faits et de l'absence d'inscription au casier judiciaire, l'intimée se trouve exposée à une peine privative de liberté nettement supérieure à une année. Le risque de fuite apparaît ainsi particulièrement évident.
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2.3. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûretés (let. a) et la saisie des documents d'identité (let. b). La libération moyennant sûretés implique un examen approfondi, qui demande une certaine collaboration de la part du prévenu, dès lors que le caractère approprié de la garantie doit être apprécié notamment au regard des ressources du prévenu, de ses liens avec des personnes pouvant lui servir de caution et de la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perdre le montant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite (arrêts 1B_274 2014 du 26 août 2014, consid. 3.3; 1P.165/2006 du 19 avril 2006 consid. 3.2.1, in SJ 2006 I p. 395). Il convient également de faire preuve de prudence quant à l'origine des fonds proposés comme sûretés (arrêt 1B_576/2012 du 19 octobre 2012 consid. 5.3 et les références citées).
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2.4. En l'occurrence, le dépôt du passeport de la prévenue présente d'emblée une efficacité limitée dès lors que celle-ci a son domicile à l'étranger et pourrait ainsi être tentée d'entrer dans la clandestinité, en France ou dans un autre pays de l'espace Schengen. En outre, de nationalité camerounaise, ses déplacements entre la Suisse et la France seront, cas échéant, administrativement problématiques. S'agissant du montant des sûretés (qui correspond à moins de deux mois de revenus tels que déclarés par l'intimée), il est en soi insuffisant compte tenu de la gravité de l'infraction et de la lourde peine privative de liberté susceptible d'être prononcée. L'intimée relève qu'elle est mère de deux enfants nés en 2005 et 2012, et qu'il n'y aurait aucun risque de la voir les abandonner pour tomber dans la clandestinité et la précarité. Le risque de séparation n'est toutefois pas moindre si la recourante devait être condamnée en Suisse à plusieurs années de privation de liberté. Compte tenu de la nationalité de l'intimée, de son domicile en France et de la gravité des charges, le montant de la caution apparaît manifestement insuffisant pour prévenir un risque de fuite. La motivation de l'arrêt cantonal, lapidaire sur ce point, ne permet pas de comprendre les raisons de la fixation d'un montant aussi modeste.
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3. Le recours doit par conséquent être admis pour ce motif. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre des recours pénale. Statuant à nouveau, celle-ci devra tenter de cerner plus précisément, avec la collaboration de l'intimée, l'ensemble de sa situation personnelle et patrimoniale ainsi que ses liens éventuels avec des personnes susceptibles de fournir cas échéant des sûretés en sa faveur. Au demeurant, dans l'hypothèse où l'intimée devrait être maintenue en détention, le Ministère public devra instruire cette cause avec une célérité particulière (art. 5 CPP) compte tenu des circonstances (ancienneté des éventuelles infractions et situation familiale de l'intimée).
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L'intimée, qui succombe, a demandé l'assistance judiciaire; celle-ci peut lui être accordée. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF) et Me Diserens est désignée comme avocate d'office, rémunérée par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre des recours pénale pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Nicole Diserens est désignée comme avocate d'office de l'intimée et une indemnité de 2'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral; il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 16 février 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Fonjallaz
 
Le Greffier : Kurz
 
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