VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 5A_278/2014  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 5A_278/2014 vom 29.01.2015
 
{T 0/2}
 
5A_278/2014
 
 
Arrêt du 29 janvier 2015
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
 
Marazzi, Herrmann, Schöbi et Bovey.
 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
 
 
Participants à la procédure
 
A.A.________,
 
représenté par Me Eric C. Stampfli, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
B.A.________,
 
représentée par Me Laurent Nephtali, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
divorce (liquidation du régime matrimonial),
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 13 février 2014.
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.A.________, né en 1954, et B.B.________ née en 1964, se sont mariés à Cologny (Genève) le 7 août 1998.
1
A.b. Le 22 mars 2002, les époux ont acquis un appartement en triplex de 300 m
2
 
B.
 
B.a. Par jugement du 30 janvier 2013, le Tribunal de première instance du canton de Genève a notamment dissous par le divorce le mariage contracté par A.A.________ et B.A.________, attribué à l'époux la propriété exclusive de l'appartement sis à X.________, ordonné la modification des inscriptions du Registre foncier en conséquence, et condamné le mari à verser à l'épouse, à titre de liquidation du régime matrimonial, la somme de 696'939 fr.
3
B.b. A.A.________ a appelé de ce jugement devant la Cour de justice du canton de Genève, concluant notamment à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de verser 138'609 fr. 75 à B.A.________ à titre de liquidation du régime matrimonial.
4
C. Par acte du 4 avril 2014, A.A._______ exerce un recours en matière civile contre cet arrêt. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'il est condamné à verser à B.A.________, à titre de liquidation du régime matrimonial, la somme de 400'302 fr. 40. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à la juridiction précédente ou de première instance pour nouvelle décision. Il se plaint de la violation des art. 206 et 209 CC.
5
D. Par ordonnance du 3 juin 2014, le Président de la Cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours.
6
E. Le 29 janvier 2015, le Tribunal fédéral a délibéré sur le recours en séance publique. Le dispositif du présent arrêt a été lu à l'issue de la séance.
7
 
Considérant en droit :
 
1. L'arrêt entrepris est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), par une autorité cantonale supérieure statuant sur recours (art. 75 LTF), dans une contestation pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF, art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 138 III 193 consid. 1). Le recourant, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), a agi dans le délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF), de sorte que le recours en matière civile est en principe recevable.
8
2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été invoqués et le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 134 III 102 consid. 1.1; 130 III 297 consid. 3.1).
9
3. Le recourant invoque la violation des art. 206 al. 1 et 209 al. 3 CC en lien avec le sort de la plus-value conjoncturelle engendrée par l'immeuble des époux.
10
3.1. La cour cantonale a tout d'abord constaté que les parties s'accordaient sur la valeur vénale actuelle de l'immeuble de 2'600'000 fr. et que cet immeuble avait été financé à hauteur de 1'010'000 fr. par un emprunt hypothécaire et de 310'950 fr. par un versement anticipé de l'institution de prévoyance professionnelle de l'époux; la plus-value engendrée par l'immeuble était donc de 1'279'050 fr. ([2'600'000 fr. - 1'010'000 fr. - 310'950 fr.]). Elle a ensuite jugé que cette somme devait être partagée par moitié entre les époux, compte tenu de leur qualité de copropriétaires pour moitié chacun et de la jurisprudence (ATF 138 III 150); l'époux devait ainsi à l'intimée la somme de 639'525 fr.
11
3.2. Le recourant fait valoir que la plus-value afférente à la part du versement anticipé de ses avoirs de prévoyance professionnelle constitués au moyen de ses revenus accumulés avant le mariage doit profiter à ses biens propres et non pas, comme l'a retenu la Cour de justice, à ses acquêts et à ceux de son ex-épouse. Ses biens propres aurait ainsi une créance - ascendant à 280'623 fr. 60 [21,94 % de la plus-value de 1'279'050 fr.] - contre ses acquêts et ceux de son épouse. Il y aurait lieu de retrancher cette créance du montant alloué à l'épouse par la Cour de justice au titre de la liquidation du régime matrimonial.
12
4. La question qui se pose porte sur le sort de la plus-value conjoncturelle d'un immeuble afférente à un versement anticipé de la prestation de libre passage lors de la dissolution du régime avant la survenance d'un cas de prévoyance.
13
4.1. Pour déterminer le bénéfice de chaque époux (cf. art. 210 CC), les patrimoines des époux sont dissociés (art. 205 s. CC), et les acquêts (art. 197 CC) et les biens propres (art. 198 CC) de chaque époux disjoints (art. 207 al. 1 CC). Tous les biens qui constituent la fortune des époux doivent être attribués à l'une ou à l'autre masse. Chaque bien d'un époux est rattaché exclusivement à une seule masse (ATF 132 III 145 consid. 2.2.1; cf. également arrêt 5A_621/2013 du 20 novembre 2014 consid. 5.4 destiné à la publication).
14
4.2. En vertu des art. 30c s. LPP (pour le deuxième pilier A) et 331e CO (pour le deuxième pilier B), l'assuré peut faire valoir auprès de son institution de prévoyance le droit au versement d'un montant pour la propriété d'un logement pour ses propres besoins. Lorsqu'il est marié, il doit obtenir le consentement écrit de son conjoint. En cas de vente du logement, il doit rembourser le produit réalisé.
15
4.2.1. Au sujet de l'encouragement à l'accession à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle, le Message du Conseil fédéral mentionne uniquement que, du point de vue des régimes matrimoniaux, le logement doit être traité comme s'il avait été acquis au moyen d'un prêt. Lorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu avant le divorce pour le preneur d'assurance, l'argent n'est plus bloqué et les fonds investis dans le logement doivent être traités dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, comme en cas de versement en espèces (Message concernant la révision du Code civil suisse du 15 novembre 1995, 
16
4.2.2. Dans sa majorité, la doctrine s'accorde aussi à considérer que, jusqu'à la survenance d'un cas de prévoyance, le versement anticipé doit être considéré comme un prêt de l'institution de prévoyance. Elle avance comme argument principal que le versement anticipé se rapporte à une expectative, que l'assuré n'est pas sûr de pouvoir conserver, de sorte qu'il ne doit pas être comptabilisé dans le régime, ce contrairement aux prestations effectives faites à un époux suite à un cas de prévoyance, qui, elles, entrent dans les acquêts, quelle que soit la masse qui a payé les cotisations et même si celles-ci ont été payées avant le régime (art. 197 al. 2 ch. 2 CC); la réglementation des effets du divorce confirme indirectement que le droit à des rentes futures n'est pas pris en compte lors de la liquidation du régime puisque, dans ce cas, un partage des prestations de sortie acquises pendant le mariage est spécialement réglé par les art. 122 ss CC. (cf. art. 197 ss CC; cf. surtout, BADDELEY, La plus-value du logement acquis par des époux: répartition en cas d'utilisation des avoirs de la prévoyance professionnelle, 
17
4.2.3. En revanche, la doctrine est plus divisée sur la question du sort de la plus-value conjoncturelle afférente au versement anticipé. On peut distinguer principalement quatre courants (pour une présentation complète, cf. not. BÄDER FEDERSPIEL, thèse, n° 153 ss; IDEM, Vorbezüge für Wohneigentum in der güterrechtlichen Auseinandersetzung bei Scheidung, 
18
4.3. La doctrine majoritaire doit être suivie tant en ce qui concerne le statut matrimonial de l'immeuble financé par un versement anticipé (infra consid. 4.3.1) qu'en ce qui concerne le sort de la plus-value conjoncturelle de l'immeuble afférente à ce versement (infra consid. 4.3.2).
19
4.3.1. Ainsi, jusqu'à la survenance d'un cas de prévoyance, le versement anticipé, qui se rapporte à une expectative (consid. 4.3.2.1 infra), doit être considéré comme un prêt de l'institution de prévoyance (supra consid. 4.2.1 et 4.2.2). Il n'exerce donc pas d'influence sur le rattachement de l'immeuble à l'actif d'une des masses de l'acquéreur; ce rattachement obéit aux règles ordinaires (art. 197 ss CC). L'immeuble est intégré à la masse de l'époux propriétaire qui, lors de l'acquisition, a apporté la contribution au comptant la plus importante ou, en cas d'égalité, aux acquêts (art. 200 al. 3 CC); l'immeuble acquis entièrement à crédit pendant le mariage entre dans les acquêts (arrêt 5A_111/2007 du 8 janvier 2008 consid. 4.2.3, publié 
20
4.3.2. Lorsque le régime matrimonial est dissous avant la survenance d'un cas de prévoyance, les règles valant pour les dettes hypothécaires (ATF 132 III 145) s'appliquent, la plus-value afférente au versement anticipé étant ainsi répartie selon la contribution effective de chacune des masses de l'acquéreur au financement de l'immeuble.
21
4.3.2.1. Cette conclusion se justifie principalement du fait qu'aussi longtemps qu'un cas de prévoyance n'est pas survenu, le versement anticipé se rapporte à une expectative et, dès lors qu'il n'est pas certain que celle-ci s'actualisera un jour, il n'est pas sûr que ce versement puisse être conservé. Dans ces conditions, une application analogique de l'art. 197 al. 2 ch. 2 CC et l'attribution de la plus-value exclusivement aux acquêts (quatrième courant doctrinal) ou selon l'origine des fonds qui ont permis de constituer le versement anticipé (deuxième et troisième courants doctrinaux) ne peut être approuvée. Une telle solution reviendrait en effet à considérer la survenance d'un cas de prévoyance comme acquise alors que ce point est encore indécis au moment où se pose la question de la répartition ( STEINAUER, 
22
4.3.2.2. Il faut également opposer aux propositions doctrinales qui prennent en considération l'origine des fonds prêtés que le principe de la subrogation patrimoniale, que l'on retrouve en matière de régimes matrimoniaux, ne s'applique pas dans le cadre de la prévoyance professionnelle: le versement anticipé se substitue en effet à l'expectative dont dispose l'assuré contre l'institution de prévoyance, mais non aux versements effectués par l'intéressé en faveur de dite institution ( BÄDER FEDERSPIEL, thèse, n° 179). Prendre en considération l'origine des fonds constituant le versement anticipé serait au demeurant paradoxal dans la mesure où, même lorsqu'un cas de prévoyance se produit, l'art. 197 al. 2 ch. 2 CC ignore cette origine, le versement de l'institution de prévoyance entrant entièrement dans les acquêts ( STEINAUER, 
23
4.4. En l'espèce, l'arrêt cantonal ne viole donc pas le droit fédéral sur le point objet du grief soulevé par le recourant: le régime matrimonial du couple est celui de la participation aux acquêts, l'immeuble en cause a été acquis entièrement à crédit durant l'union conjugale en copropriété au moyen d'un emprunt bancaire contracté par les époux de manière solidaire ainsi que d'un versement anticipé du fonds de prévoyance du recourant, et la liquidation du régime matrimonial intervient avant qu'un cas de prévoyance ne soit survenu. Attribué au recourant, l'immeuble entre dans ses acquêts et la plus-value conjoncturelle intègre également cette masse de biens, sans qu'il y ait lieu à récompense en faveur de ses propres. La question d'une éventuelle créance variable envers l'épouse au sens de l'art. 206 CC n'a pas d'objet vu ces circonstances: les fonds de tiers investis dans l'immeuble sont totalement remboursés et toute valeur de l'immeuble constitue un acquêt, de sorte que la réalisation d'un bénéfice pour l'un des époux plutôt que par l'autre est sans importance sur le montant final revenant à chacun (cf. Deschenaux/Steinauer/Baddeley, 
24
5. En conclusion, le recours doit être rejeté, aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle se soit déterminée sur le fond du litige sans y avoir été invitée, l'intimée a cependant droit à des dépens.
25
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 29 janvier 2015
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : von Werdt
 
La Greffière : de Poret Bortolaso
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).