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Informationen zum Dokument  BGer 4A_499/2014  Materielle Begründung
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BGer 4A_499/2014 vom 28.01.2015
 
{T 0/2}
 
4A_499/2014
 
 
Arrêt du 28 janvier 2015
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Kolly et Hohl.
 
Greffier : M. Piaget.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Gilles-Antoine Hofstetter,
 
recourant,
 
contre
 
B.________ SA, représentée
 
par Me Jean-Michel Duc,
 
intimée.
 
Objet
 
responsabilité du détenteur de véhicule automobile, prescription,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 2 mai 2014.
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 18 octobre 1991, A.________ (ci-après: le lésé ou l'assuré), peintre de profession, a été victime d'un accident de la circulation. C.________, au volant d'un véhicule de la Société D.________ à Vouvry assuré auprès de B.________ SA (ci-après: l'assureur), est responsable de l'accident, ce qui n'est pas contesté.
1
A.b. Le lésé a subi diverses lésions et plusieurs spécialistes de différentes disciplines sont intervenus; un grand nombre d'interventions ont été entreprises pour identifier les atteintes dont il souffrait.
2
A.c. Dans un rapport du 17 octobre 1995, le Prof. N.________ a indiqué que le lésé souffrait de céphalées et cervicalgies gauches apparaissant à l'effort ainsi que d'une névralgie après lésion du nerf sus-orbitaire gauche avec probable développement d'un névrome de ce nerf, ces deux formes de douleurs devant être considérées comme des séquelles de l'accident de 1991. Il a en outre estimé que la capacité de travail du lésé n'était pas réduite et (dans une projection non exempte de contradictions) que l'on pouvait envisager une reprise progressive du travail pour arriver à une capacité de travail de 100% vers la fin 1995 ou au début 1996.
3
A.d. Par décision du 12 janvier 2006, résultant d'une transaction judiciaire conclue entre le lésé et la CNA, celle-ci a reconnu à celui-là un taux d'incapacité de gain de 70% et lui a versé, dès le 1er avril 1993, une rente mensuelle de 1'680 fr., plus les allocations de renchérissement.
4
A.e. Par courrier du 8 octobre 1996, l'assureur a renoncé à se prévaloir de la prescription, pour autant qu'elle n'ait pas déjà été acquise, jusqu'au 17 octobre 1998. Ayant changé de conseil, le lésé a écrit le 28 octobre 1998 à l'assureur pour obtenir une nouvelle renonciation jusqu'au 17 octobre 1999. Par courrier du 2 novembre 1998, l'assureur lui a fait savoir qu'il considérait que la prescription était acquise. Sur requête renouvelée du conseil du lésé, l'assureur a renoncé à se prévaloir de la prescription, pour autant qu'elle ne soit pas acquise, jusqu'au 30 novembre 2000, puis chaque année, jusqu'au 30 novembre 2006.
5
 
B.
 
B.a. Par demande du 7 août 2006, le lésé (ci-après également: le demandeur) a entrepris une action contre l'assureur du responsable de l'accident auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Il a conclu à ce que celui-ci lui verse le montant de 2'451'985 fr. 10, intérêts en sus.
6
B.b. Par arrêt du 2 mai 2014, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par le demandeur et confirmé le jugement entrepris.
7
C. Le demandeur exerce un " recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire " contre l'arrêt de la Cour d'appel civile. Il conclut à l'admission du recours et à ce que l'arrêt entrepris soit réformé dans le sens des conclusions de sa demande, subsidiairement, à ce que l'arrêt soit annulé et le dossier renvoyé à l'instance précédente pour complément d'instruction et nouvelle décision.
8
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Le recourant, bien que qualifiant son acte de " recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire ", a formé en réalité un seul recours contre l'arrêt cantonal (cf. les conclusions prises p. 28 de son mémoire) (cf. arrêt 4A_180/2013 du 6 janvier 2014 consid. 1.1).
9
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc également être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).
10
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
11
2. Les premiers juges ont considéré que l'action en paiement était prescrite, tant sous l'angle de la prescription pénale (cf. art. 60 al. 2 CO) que dans la perspective de la prescription civile au sens de l'art. 83 al. 1 LCR.
12
La Cour d'appel civile juge que les premiers magistrats ont considéré à bon droit que l'action du lésé était prescrite. Sous l'angle de la prescription civile (cf. art. 83 al. 1 LCR), elle observe que les céphalées mentionnées dans le rapport U.________ (2001) et détaillées dans les rapports O.________ (1999) et N.________ (1995) ont déjà été décrites (comme étant " typiques d'un syndrome post-commotionnel ") dans le rapport du Dr S.________ (2 septembre 1993). Selon la cour cantonale, on ne peut que constater que la présence de troubles persistants quelque deux ans après l'accident était établie médicalement et connue du lésé, à tout le moins dès le mois de septembre 1993, et que les avis médicaux ultérieurs, notamment le rapport de 2001, n'ont rien apporté à ce sujet. Les juges cantonaux relèvent qu'à compter de 1993, il n'y a eu ni changement dans la situation médicale du lésé, ni traitements, ni empêchement de travailler. Ils soulignent que le fait que la SUVA ait mandaté le Prof. U.________ plusieurs années après l'accident n'ôte rien au fait que le lésé connaissait son état et disposait d'avis médicaux circonstanciés dès le mois de septembre 1993. Ils laissent ainsi entendre que, selon leur appréciation, les expertises ultérieures, notamment celle de 2001, ne remettent pas en question le contenu des avis déjà exprimés jusqu'en 1993. L'autorité précédente insiste sur le fait que l'issue de la procédure conduite par l'AI ou la CNA n'est pas déterminante pour la connaissance du dommage.
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S'agissant de la prescription pénale (cf. art. 60 al. 2 CO), la cour cantonale, en se basant sur l'ATF 137 III 481, applique l'ancien droit (art. 70 aCP) prévoyant un délai de prescription relatif de cinq ans. Le dies a quo correspondant au jour où l'auteur a agi, le délai de prescription est venu à échéance le 18 octobre 1996. Le 8 octobre 1996, l'assureur a renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu'au 17 octobre 1998. Le lésé n'ayant ensuite sollicité l'assureur que le 28 octobre 1998 afin d'obtenir une nouvelle renonciation, il n'était plus au bénéfice d'un acte susceptible de modifier le cours de la prescription, de sorte que celle-ci était acquise le 18 octobre 1998.
14
 
Erwägung 3
 
3.1. Le recourant estime qu'en 1993 son état de santé n'était manifestement pas stabilisé, à tout le moins n'était-il pas en mesure de circonscrire son dommage à cette période. Selon lui, l'arrêt cantonal est arrivé à la conclusion inverse en effectuant une appréciation arbitraire de l'état de fait résultant de son dossier médical complexe et pluridisciplinaire.
15
3.2. D'après l'art. 83 al. 1 LCR, les actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral qui découlent d'accidents causés par des véhicules automobiles se prescrivent par deux ans à partir du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en est responsable, mais en tout cas par dix ans dès le jour de l'accident.
16
3.3. En l'espèce, à la suite des premiers juges, l'autorité précédente a retenu que le lésé " connaissait son état et disposait d'avis médicaux circonstanciés à ce sujet à tout le moins dès septembre 1993 " et que " les avis médicaux ultérieurs, notamment le rapport du 5 septembre 2001, n'ont rien apporté à ce sujet ". Selon les constatations cantonales, " à compter de 1993, il n'y a eu ni changement dans la situation médicale de l'appelant, ni traitements, ni empêchement de travailler ".
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3.4. Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, 263 consid. 3.1 p. 265 s.).
18
3.5. D'emblée, on voit mal comment on pourrait reprocher à la cour cantonale d'avoir sombré dans l'arbitraire en retenant la stabilisation de l'état de santé du lésé depuis la communication du rapport du Dr S.________ (2 septembre 1993). D'une part, ce constat a été confirmé par le demandeur, par son conseil de l'époque, dans un courrier adressé à la CNA le 1er décembre 1993 (arrêt entrepris p. 14; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 84/97 du 6 novembre 1998 consid. 5). D'autre part, l'existence d'un état de santé stabilisé a encore été reconnue par le lésé qui a signé une transaction avec la SUVA. Dans ce cadre, les parties ont prévu de fixer le début du droit à la rente d'invalidité du demandeur au 1er avril 1993 (arrêt entrepris p. 24 s.), ce qui signifie que le cas était stabilisé sur le plan médical (cf. art. 19 al. 1 LAA).
19
3.5.1. Premièrement, le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir fait état que des céphalées. Il observe qu'il fallait également tenir compte d'autres troubles, notamment la présence de cervicalgies dont l'aggravation a débuté en 1993 et 1994. Il insiste sur le fait que ces troubles évolutifs, consécutifs à l'accident, ont été constatés dans un rapport du Prof. N.________ du 17 octobre 1995.
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3.5.2. Deuxièmement, le recourant insiste sur le rapport établi le 5 septembre 2001 par le Prof. U.________ et le Dr V.________, dans lequel ces spécialistes constatent notamment que les cervicalgies ont débuté en 1993 et qu'elles se trouvent en relation certaine avec l'accident. Le lésé insiste sur le fait que ce rapport (et de manière plus générale, les autres rapports rendus à cette époque) démontre (nt) que des changements importants ont eu lieu quant à son état de santé.
21
3.5.3. En ce qui concerne, troisièmement, le rapport de juin 1999 de la Dresse T.________ qui spécifie les troubles de la vision du demandeur, il ne lui est d'aucune aide. En effet, il avait déjà été question de ce problème dans le rapport du Dr F.________ en 1991. Si le diagnostic du scotome n'a été posé qu'en 2002 et que le demandeur a subi deux interventions chirurgicales, en 1999 et 2003, dans le but de réséquer un névrome cicatriciel sur la plaie frontale gauche, il n'est pas établi que son état de santé se serait péjoré à la suite de ces diagnostics et opérations (cf. jugement de première instance p. 50).
22
3.6. Sur la base des constatations cantonales, exemptes d'arbitraire, on ne voit en outre pas que la cour précédente ait violé le droit fédéral dans sa décision.
23
3.7. La prescription étant acquise le 18 octobre 1998, l'action déposée par le demandeur le 7 août 2006 était prescrite eu égard au délai de deux ans de l'art. 83 al. 1 LCR.
24
4. Il reste à déterminer si le demandeur peut se prévaloir de la prescription pénale de plus longue durée applicable en matière civile (art. 60 al. 2 CO).
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4.1. La cour cantonale, se fondant sur l'ATF 137 III 481, considère que le délai de prescription de cinq ans de l'art. 70 aCP est applicable et elle observe qu'il est venu à échéance le 18 octobre 1996 (sur l'argumentation cf. arrêt entrepris consid. 5 p. 42 ss). L'assureur ayant renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu'au 17 octobre 1998 et le lésé n'ayant sollicité celui-ci afin d'obtenir une nouvelle renonciation que le 28 octobre 1998, le lésé n'était, durant cette brève période, plus au bénéfice d'un acte susceptible de modifier le cours de la prescription, de sorte que celle-ci était acquise le 18 octobre 1998.
26
4.2. Selon la jurisprudence, pour dire si le délai de prescription est plus long au pénal qu'au civil, il faut prendre en considération la prescription relative du droit pénal, et non pas la prescription absolue (ATF 137 III 481 consid. 2.5 p. 484; 100 II 339 consid. 1b p. 342).
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4.3. L'argumentation du recourant repose sur une mauvaise compréhension de l'ATF 137 III 481. Celui-ci indique, sans aucune ambiguïté, que, pour dire si le délai de prescription est plus long au pénal qu'au civil, il faut prendre en considération la prescription relative du droit pénal, et non pas la prescription absolue (sous l'angle de l'art. 70 aCP: ATF 137 III 418 consid. 2.5 p. 484; ATF 100 II 339 consid. 1b p. 342; CHRISTOPH MÜLLER, La responsabilité civile extracontractuelle, 2013, n. 778 p. 244 note de pied 1522).
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5. Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être rejeté.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3. Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 5'000 fr.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile.
 
Lausanne, le 28 janvier 2015
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Kiss
 
Le Greffier : Piaget
 
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