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Informationen zum Dokument  BGer 2C_889/2013  Materielle Begründung
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BGer 2C_889/2013 vom 20.10.2014
 
2C_889/2013
 
{T 0/2}
 
 
Arrêt du 20 octobre 2014
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Seiler, Aubry Girardin, Donzallaz et Kneubühler.
 
Greffier: M. Tissot-Daguette.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Me Vincent Kleiner, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Direction de l'instruction publique du Canton de Berne.
 
Objet
 
Retrait du droit d'enseigner ainsi que des brevet et diplôme d'enseignant,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 26 août 2013.
 
 
Faits:
 
A. X.________, né en 1957, a obtenu le brevet pour l'enseignement dans les écoles primaires du canton de Berne en xxxx. En xxxx le canton de Neuchâtel lui a délivré un diplôme de maître de l'enseignement spécialisé. Après avoir enseigné à l'école primaire de A.________, il a été engagé fin xxxx comme enseignant par la Commission d'école de la commune de B.________, en dernier lieu pour une durée indéterminée, puis en tant qu'enseignant spécialisé par la Commission des écoles de C.________ et la Commission de l'école secondaire de D.________, pour une durée déterminée jusqu'au xxxx.
 
B. Par décision du 5 septembre 2012, la Direction a retiré à X.________ son droit d'enseigner jusqu'à l'aboutissement de la thérapie, mais au moins durant trois ans. Elle a par ailleurs requis de celui-ci qu'il lui remette les originaux de son brevet d'instituteur et de son diplôme de maître de l'enseignement spécialisé dans les 30 jours suivant la notification de la décision. Elle a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours. L'intéressé a contesté ce prononcé devant le Tribunal administratif.
 
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande en substance du Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 26 août 2013 et de renvoyer la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision. Il se plaint d'une violation des art. 5, 27 et 36 Cst.
 
 
Considérant en droit:
 
1. Le jugement attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par le destinataire de l'acte attaqué qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), le recours en matière de droit public est recevable.
 
2. 
 
2.1. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté (cf. art. 99 al. 1 LTF). Les documents postérieurs au jugement entrepris, remis le 31 janvier 2014 par le recourant, sont des moyens de preuve nouveaux et par conséquent irrecevables. Quant aux autres documents, relatifs à des faits non retenus par l'instance précédente, ceux-ci sont irrecevables (cf. consid. 2.2 ci-dessous).
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). La notion de "manifestement inexacte" correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 136 II 447 consid. 2.1 p. 450).
 
3. Le recourant invoque une violation des art. 5, 27 et 36 Cst. Il estime que la persistance du suivi psychothérapeutique ne signifie pas qu'un risque de récidive existe et qu'il soit nécessaire de lui retirer son droit d'enseigner. Il se plaint donc de violation de sa liberté économique, puisque l'accès à une activité d'enseignant dans le secteur public n'est plus possible, alors que l'enseignement dans le secteur privé est rendu très difficile, voire impossible. S'il ne conteste pas l'existence d'une base légale et d'un intérêt public prépondérant pour permettre une restriction de sa liberté, il estime toutefois que la mesure prononcée par la Direction, confirmée par le Tribunal administratif, viole le principe de la proportionnalité. En effet, dès lors que les experts ont évalué la durée de la thérapie nécessaire de six mois à une année et que sa psychiatre traitante a considéré que le risque de récidive était nul depuis l'automne 2012, l'interdiction d'enseigner est disproportionnée puisqu'elle sera levée au plus tôt en septembre 2015. Il est d'avis qu'une mesure portant moins atteinte à ses intérêts pourrait être prononcée. En outre, il soutient que l'obligation qui lui a été faite de remettre les originaux de ses diplômes viole non seulement sa liberté économique, mais également le principe de la légalité. Le recourant relève à ce propos que la base légale sur laquelle le Tribunal administratif s'est fondé ne prévoit pas le retrait du diplôme en tant que tel, mais uniquement le retrait du droit d'enseigner.
 
4. Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 p. 172; 135 I 130 consid. 4.2 p. 135; 134 I 214 consid. 3 p. 215 s.). Aux termes de l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves doivent être prévues par une loi (ATF 139 I 280 consid. 5.1 p. 284 et les références citées); les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 137 I 167 consid. 3.6 p. 175 s.; 135 I 233 consid. 3.1 p. 245 s.; 134 I 221 consid. 3.3 p. 227).
 
 
5.
 
Le recourant se plaint d'une violation de sa liberté économique. Il est d'avis que c'est de manière disproportionnée que son droit d'enseigner lui a été retiré.
 
5.1. Il explique d'abord que sa liberté économique est restreinte puisque l'accès à une activité d'enseignant 
 
5.2. Le recourant fait également valoir que son activité d'enseignant est rendue difficile, voire impossible, 
 
5.3. Le recourant a également dénoncé une violation de l'art. 5 al. 2 Cst., qui dispose que l'activité de l'Etat doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé. Lors de l'application du droit cantonal en-dehors du domaine de protection d'un droit fondamental particulier, la violation de cette disposition constitutionnelle, de portée générale, peut être invoquée de manière indépendante dans un recours en matière de droit public. Toutefois, dans ce cas, l'examen est limité à l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4.3 p. 158).
 
5.4. En conséquence, le recours, en ce qu'il concerne le retrait du droit d'enseigner, doit être rejeté.
 
6. Le recourant soutient que le retrait de ses brevet et diplôme constitue aussi une restriction de sa liberté économique. Selon lui, c'est sans base légale que la mesure a été prononcée, le Tribunal administratif ne pouvant pas se fonder sur l'ancien art. 22a al. 1 de la loi bernoise du 20 janvier 1993 sur le statut du corps enseignant (LSE/BE; RSB 430.250; dans sa version en vigueur jusqu'au 31 juillet 2014 et applicable au cas d'espèce; ROB 07-53) pour confirmer la décision de la Direction.
 
6.1. Pour les mêmes raisons que précédemment (cf. consid. 5.1 ci-dessus), le recourant ne peut faire valoir une restriction de sa liberté économique que dans la mesure où elle concerne une éventuelle activité économique privée.
 
6.2. L'instance précédente a jugé que les buts poursuivis par le retrait des documents du recourant étaient les mêmes que ceux visés par l'ancien art. 22a al. 1 LSE/BE. Elle a ainsi considéré que cette base légale était suffisante pour ordonner ce retrait. Elle a toutefois relevé que cela n'était pas d'emblée évident, mais que le retrait de ces documents pouvait de toute manière intervenir d'après les principes qui régissent la révocation des décisions administratives.
 
6.2.1. En l'occurrence, les documents en cause sont des décisions (secondaires; cf. ATF 137 I 69 consid. 2.1 p. 70 s.) qui reposent sur l'évaluation des capacités du recourant et attestent que celui-ci a terminé avec succès sa formation. Par conséquent, en l'absence de ses diplômes, il devient très difficile au recourant de démontrer qu'il a effectué sa formation avec succès et qu'il maîtrise les domaines enseignés. En ne pouvant plus apporter une telle preuve directe, le recourant est restreint dans sa liberté économique s'agissant de trouver un travail dans le secteur privé, dès lors qu'il est attendu d'une personne qui dépose sa candidature à un poste qu'elle présente ses certificats de capacité.
 
6.2.2. Pour rappel, il découle de l'art. 36 al. 1 Cst. que toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, les restrictions graves devant être prévues par une loi au sens formel (cf. consid. 4 ci-dessus). La gravité de l'atteinte doit être appréciée objectivement et non pas en fonction de l'impression subjective du destinataire (ATF 137 II 371 consid. 6.2 p. 381 s.). En plus de cela, il convient de vérifier si la base légale présente les garanties de clarté et de transparence exigées par le droit constitutionnel, au titre de la "densité normative" (cf. ATF 139 I 280 précité; 136 I 1 consid. 5.3.1 p. 13; 123 I 112 consid. 7a p. 124 s. et les références citées).
 
6.2.3. En l'espèce, la restriction en cause doit être considérée comme grave puisqu'elle limite de manière très importante les possibilités pour le recourant de trouver un travail durant une période incompressible de trois ans. L'existence même d'une base légale formelle n'est toutefois pas en cause ici, puisque la LSE/BE est un acte juridique adopté par le législateur bernois conformément à la procédure législative ordinaire. En revanche, se pose la question de savoir si l'ancien art. 22a al. 1 LSE/BE respecte les exigences de précision nécessaires pour restreindre la liberté économique du recourant en lui retirant ses diplômes.
 
6.2.4. Les juges cantonaux ont encore estimé que le retrait des brevet et diplôme du recourant pouvaient intervenir d'après les principes qui régissent la révocation des décisions administratives. Un tel raisonnement ne peut être suivi, dès lors que la restriction grave de la liberté économique du recourant ne peut être prévue que par une base légale contenue dans une loi au sens formel et suffisamment précise, ce qui n'est pas la cas en l'espèce.
 
6.3. Comme la mesure a été prononcée sans base légale suffisante, il n'est pas nécessaire de traiter des autres conditions de l'art. 36 Cst. Cela conduit à admettre le recours en tant qu'il concerne le retrait des brevet et diplôme du recourant.
 
7. 
 
7.1. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours, dans la mesure où il est recevable. Le jugement entrepris doit être annulé en tant qu'il concerne le retrait du brevet pour l'enseignement dans les écoles primaires obtenu en xxxx et le retrait du diplôme de maître de l'enseignement spécialisé délivré en xxxx. Il est confirmé pour le surplus.
 
7.2. Le recourant n'obtenant que partiellement gain de cause devant le Tribunal fédéral, il conviendra de lui faire supporter des frais judiciaires réduits (art. 66 al. 1 LTF). En tant qu'il succombe partiellement, le canton de Berne sera condamné à verser au recourant des dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF), aucun frais n'étant mis à la charge de ce canton et aucun dépens ne lui étant alloué (art. 66 al. 4 et 68 al. 3 LTF). Le recourant ayant été considéré comme succombant entièrement devant l'instance précédente, il y a lieu de renvoyer la cause à cette dernière pour qu'elle procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle (art. 67 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable et le jugement du Tribunal administratif du 26 août 2013 annulé en ce qu'il concerne le retrait du brevet pour l'enseignement dans les écoles primaires et le diplôme de maître de l'enseignement spécialisé du recourant. Le recours est rejeté pour le surplus.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le canton de Berne versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens.
 
4. La cause est renvoyée au Tribunal administratif pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
 
5. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à la Direction de l'instruction publique du canton de Berne, et au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française.
 
Lausanne, le 20 octobre 2014
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
Le Greffier: Tissot-Daguette
 
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