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Informationen zum Dokument  BGer 6B_133/2014  Materielle Begründung
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BGer 6B_133/2014 vom 18.09.2014
 
{T 0/2}
 
6B_133/2014
 
 
Arrêt du 18 septembre 2014
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
 
Jacquemoud-Rossari et Denys.
 
Greffière : Mme Livet.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
Y.________,
 
Z.________,
 
tous les trois représentés par Me Madalina Diaconu, avocate,
 
recourants,
 
contre
 
Ministère public de la République
 
et canton de Neuchâtel,
 
intimé.
 
Objet
 
Indemnité 429 CPP,
 
recours contre l'arrêt de l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 19 décembre 2013.
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 19 mai 2011, A.________ a été retrouvée étranglée à son domicile de B.________. La nuit même, X.________, affecté d'un sérieux handicap mental, a été interpellé par la police, puis placé en détention provisoire. Au vu des éléments techniques recueillis (absence sur les lieux du crime de traces ADN, d'empreintes digitales et de traces de pas probantes de X.________), le Procureur du Parquet régional de B.________ l'a libéré le 24 novembre 2011. Par ordonnance du 10 juillet 2012, le Procureur a classé la procédure ouverte contre X.________. Dans le cadre de cette affaire, X.________ a été successivement défendu par Me Y.________ et Me Z.________.
1
A.b. A la suite de la demande d'indemnisation déposée par X.________, le Procureur lui a alloué, par décision du 14 mai 2013, un montant total de 19'599 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 21 août 2011 à titre d'indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale et pour le tort moral. Il a fixé à 2246 fr. 40 l'indemnité pour le défenseur d'office s'agissant de l'activité déployée postérieurement à la demande d'indemnisation, exemptant X.________ de son remboursement et laissé les frais à la charge de l'Etat.
2
B. Par arrêt du 19 décembre 2013, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a partiellement admis le recours de X.________. Elle lui a alloué un montant total de 41'680 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 21 août 2011 à titre d'indemnité au sens de l'art. 429 CPP (ch. 3 du dispositif), mis à sa charge une part des frais judiciaires, arrêtée à 600 fr., sous réserve des règles de l'assistance judiciaire (ch. 4 du dispositif), et fixé l'indemnité due à son défenseur d'office, Me Z________, à 2352 fr. 25 (ch. 5 du dispositif), exemptant X.________ de son remboursement (ch. 6 du dispositif).
3
C. X.________, Y.________ et Z.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Le recours tend, avec suite de frais et dépens, à l'annulation des points 3 et 5 de l'arrêt entrepris et à leur réforme en ce sens qu'une indemnité pour tort moral de 74'060 fr. 05 avec intérêts à 5% l'an dès le 21 août 2011 est allouée en application de l'art. 429 CPP et à ce que la part de 600 fr. de frais n'est pas mise à la charge de X.________. Subsidiairement, il tend à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouveau jugement. X.________ requiert par ailleurs l'assistance judiciaire.
4
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Les prétentions en indemnisation fondées sur l'art. 429 CPP peuvent faire l'objet d'un recours en matière pénale (ATF 139 IV 206 consid. 1 p. 208). Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière sur le fond du recours s'agissant du recourant X.________.
5
1.2. Le recours devant le Tribunal fédéral est également déposé aux noms de Mes Y.________ et Z.________, avocats successifs du recourant. Toutefois, le recours déposé devant l'instance cantonale, par un troisième mandataire professionnel, n'a été formé qu'au nom du recourant X.________. Ses conclusions étaient en outre formulées de la manière suivante : « Plaise à l'Autorité de recours en matière pénale : 1. Annuler la décision du Ministère public du 14 mai 2013 concernant X.________. 2. Allouer à X.________ une indemnité pour détention injustifiée de CHF 74'060.05, avec intérêts moratoires à 5% à compter du 21 août 2012[recte 2011]. 3. Avec suite de frais et dépens. » (pièce 1 dossier cantonal). Dans la mesure où l'on devrait comprendre les conclusions formulées devant le Tribunal fédéral comme concernant également les deux avocats précités - ce qui apparaît douteux au vu de leur formulation (cf. supra let. C) - il s'agirait quoi qu'il en soit de conclusions nouvelles qui sont irrecevables (art. 99 al. 2 LTF). Contrairement à ce qu'affirme Mes Y.________ et Z.________, il ne peut pas être fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré que le recours déposé devant elle, rédigé par un avocat, était formé au seul nom du recourant X.________. En effet, la seule indication, au détour d'un paragraphe du mémoire cantonal (qui en compte 65), que le troisième avocat est également mandaté pour réclamer le montant prétendument dû à Mes Y.________ et Z.________, est insuffisante en l'absence de conclusions formelles à cet égard.
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2. Invoquant l'égalité de traitement, le recourant soutient qu'il aurait droit à une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP en remboursement de la différence entre le tarif d'office et le tarif usuellement pratiqué par ses avocats.
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2.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité susmentionnée concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix. Le prévenu acquitté qui est au bénéfice de l'assistance judiciaire ne saurait prétendre à une indemnité pour frais de défense (ATF 138 IV 205 consid. 1 p. 206). Il en va ainsi dans la présente cause. Le recourant n'a subi aucune dépense relative à l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et n'a droit à aucune indemnité de ce fait. La jurisprudence citée par le recourant ne lui est d'aucun secours dès lors qu'elle a été rendue sous l'empire de l'ancien droit cantonal dans un cas bernois. Mal fondé, son grief doit être rejeté.
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2.2. Le recourant se plaint d'arbitraire. Il n'étaye cependant pas ce grief par une argumentation distincte de celle qu'il présente à l'appui des griefs susmentionnés, se bornant à reprendre les mêmes critiques en qualifiant la décision attaquée d'arbitraire. Le grief d'arbitraire se confond avec celles-ci et il peut être renvoyé à la solution susmentionnée (cf. supra consid. 2.1).
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3. Le recourant se plaint du montant de l'indemnité pour tort moral qui lui a été allouée en application de l'art. 429 al. 1 let. c CPP.
10
3.1. Les pièces produites par le recourant à cet égard (articles de journaux) sont des pièces nouvelles, partant irrecevables (art. 99 al. 1 LTF).
11
3.2. En application de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si, du fait de la procédure, le prévenu a subi une atteinte particulièrement grave à ses intérêts personnels au sens des art. 28 al. 3 CC ou 49 CO, il aura droit à la réparation de son tort moral (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1313). Selon la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur du CPP, le montant de l'indemnité en matière de détention injustifiée doit être fixé en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la personnalité (art. 49 al. 1 CO; ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47; 113 IV 93 consid. 3a p. 98). Il faut tenir compte de toutes les circonstances, notamment des effets négatifs de la détention sur l'intégrité physique, psychique ou encore sur la réputation (ATF 112 Ib 446 consid. 5b/aa p. 458). L'activité professionnelle du lésé doit également être prise en compte dans cette appréciation (ATF 113 IV 93 consid. 3a p. 98). Il appartient au demandeur d'invoquer et de prouver les atteintes subies (ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47; 117 IV 209 consid. 4b p. 218). Le Tribunal fédéral considère en principe qu'un montant de 200 fr. par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (arrêts 6B_53/2013 du 8 juillet 2013 consid. 3.2 non publié in ATF 139 IV 243; 6B_745/2009 du 12 novembre 2009 consid. 7.1; 8G.12/2001 du 19 septembre 2001 consid. 6b/bb). Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, la jurisprudence a précisé qu'une augmentation linéaire du montant accordé dans les cas de détention plus courte n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée (cf. ATF 113 Ib 155 consid. 3b p. 156). La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral ne la revoit qu'avec retenue (cf. ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 p. 309 s.; arrêt 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2). Il n'y a pas lieu de s'écarter de ces principes qui peuvent être repris s'agissant de l'application de l'art. 429 al. 1 let. c CPP (arrêt 6B_53/2013 précité consid. 3.2).
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3.3. En substance, la cour cantonale a retenu que le recourant avait été détenu durant 189 jours. Il ressortait de l'expertise psychiatrique qu'il était atteint d'un trouble psychotique polymorphe (bouffée délirante) avec symptômes schizophréniques dans le cadre d'un retard mental moyen et d'une probable schizophrénie greffée au retard mental (Pfropfschizophrenie). Son âge mental était estimé à huit ans en ce qui concerne le raisonnement verbal, la logique, la capacité d'abstraction, les connaissances en calcul et en écriture et la connaissance du français au niveau lexical. Il présentait en outre un trouble orthophonique qui dénaturait la production verbale et la diction. Son développement affectif correspondait à celui d'un enfant de deuxième primaire. Concernant le contrôle pulsionnel et la proprioception, il se situait plutôt au niveau de l'école enfantine. Selon le rapport d'expertise complémentaire du 12 décembre 2011, lors d'un entretien avec l'expert le jour même de sa mise en liberté, le recourant lui avait dit être stressé par sa sortie de prison. Il se montrait ambivalent car il ressentait une forme de nostalgie par rapport à des liens affectifs établis avec le personnel de la prison.
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3.4. Invoquant son droit d'être entendu, le recourant fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir indiqué expressément pour quels motifs elle ne retenait pas la majoration de 20% de l'indemnité requise par le recourant, calculée sur un montant de base de 200 fr. par jour. De plus, la motivation ne permettrait pas au recourant de savoir dans quelle mesure les circonstances particulières de son cas avaient ou non été prises en compte dans le calcul de l'indemnité pour tort moral.
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3.5. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir suffisamment tenu compte des facteurs d'aggravation du tort moral, qu'elle a pourtant exposés, en fixant le montant de l'indemnité à 150 fr. par jour. Celui-ci devrait être fixé à 200 fr., majoré de 20% en raison des circonstances du cas d'espèce.
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3.6. Au vu de ce qui précède, le recours de X.________ doit être partiellement admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens qu'une indemnité de 37'800 fr. est allouée à X.________ à titre d'indemnité pour le tort moral, à laquelle viennent s'ajouter les montants relatifs aux autres postes du dommage retenus en instance cantonale de 12'999 fr. et 331 fr., soit un total de 51'130 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 21 août 2011. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant a requis l'assistance judiciaire. Cette requête est sans objet dans la mesure où il obtient gain de cause et peut, à ce titre, prétendre à des dépens réduits de la part du canton (art. 64 al. 2 et 68 al. 1 LTF). Le recours était, pour le surplus, dénué de chance de succès, si bien que l'assistance judiciaire doit être refusée dans cette mesure (art. 64 al. 1 LTF). Une partie des frais sera ainsi supportée par le recourant (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière.
16
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours de X.________ est partiellement admis et l'arrêt de l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 19 décembre 2013 est réformé en ce sens qu'une indemnité de 37'800 fr. est allouée à X.________ à titre d'indemnité pour le tort moral au sens de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, à laquelle viennent s'ajouter les montants de 12'999 fr. et 331 fr., soit un total de 51'130 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 21 août 2011. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Le recours en tant qu'il est déposé aux noms de Y.________ et Z.________ est irrecevable.
 
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2500 fr., sont mis pour 2000 fr. à la charge de Y.________ et Z.________, par moitié chacun, et pour 500 fr. à la charge de X.________.
 
4. Une indemnité de 2000 fr., à verser au conseil du recourant X.________ à titre de dépens, est mise à la charge de la République et canton de Neuchâtel.
 
5. La demande d'assistance judiciaire de X.________ est rejetée dans la mesure où elle n'est pas sans objet.
 
6. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel.
 
Lausanne, le 18 septembre 2014
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Mathys
 
La Greffière : Livet
 
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