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Informationen zum Dokument  BGer 6B_7/2014  Materielle Begründung
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BGer 6B_7/2014 vom 21.07.2014
 
{T 0/2}
 
6B_7/2014
 
 
Arrêt du 21 juillet 2014
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
 
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
 
Greffier : M. Vallat.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représentée par Mes Florian Wick et Marcel Bosonnet, avocats,
 
recourante,
 
contre
 
Ministère public central du canton de Vaud,
 
intimé.
 
Objet
 
Ordonnance de non-entrée en matière (homicide par négligence; responsabilité subsidiaire de l'entreprise),
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 17 septembre 2013.
 
 
Faits :
 
A. A.________, ancien employé de B.________ Ltda (filiale de C.________ SA à X.________, Colombie) et dirigeant syndical (D.________) a été enlevé et tué, entre le 10 et le 11 septembre 2005, par des paramilitaires colombiens. Le 13 mars 2012, X.________, sa veuve, a déposé plainte pénale auprès du Ministère public du canton de Zoug contre E.________, F.________, G.________, H.________ et I.________, qui occupaient tous, au moment des faits, à des degrés divers, une position dirigeante au sein du groupe C.________ SA. Elle reproche en substance à ces personnes, au titre d'un homicide par négligence, de n'avoir rien entrepris pour empêcher ce décès, subsidiairement à la société C.________ SA d'en répondre en application de l'art. 102 al. 1 CP.
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Après avoir repris l'enquête (ordonnance du 12 juin 2012 confirmée par le Tribunal pénal fédéral le 14 novembre 2012; BG2012.25), le Procureur général adjoint du Ministère public central du canton de Vaud a rendu, le 1er mai 2013, une ordonnance de non-entrée en matière, en raison de la prescription de l'infraction d'homicide par négligence.
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B. Par arrêt du 17 septembre 2013, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par X.________ contre cette ordonnance.
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C. La plaignante recourt en matière pénale contre cette décision concluant à son annulation, respectivement à celle de l'ordonnance de non-entrée en matière, et au renvoi de la cause au Ministère public du canton de Vaud afin qu'il procède aux actes d'enquête nécessaires. Elle requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit :
 
1. L'arrêt attaqué confirme la décision de non-entrée en matière dans la présente procédure pénale. Le recours en matière pénale au sens de l'art. 78 LTF est ouvert. Rendu par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), l'arrêt attaqué a un caractère final (art. 90 LTF). La recourante a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).
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1.1. En l'espèce, la recourante a pris part à la procédure devant la cour cantonale. Au stade où se trouve la procédure, on ne saurait lui reprocher de n'avoir pas encore pris formellement des conclusions et, comme elle l'allègue, elle peut élever, en qualité de proche de la victime, des prétentions civiles, notamment pour tort moral et perte de soutien. Elle a dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (ATF 138 IV 186 consid. 1.4 p. 189 s.) en relation avec le classement de sa plainte pour homicide par négligence.
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1.2. On peut encore se demander si la recourante est également légitimée pour recourir en tant que le classement a trait à la responsabilité subsidiaire de l'entreprise (art. 102 al. 1 CP). Tel pourrait éventuellement être le cas si cette disposition devait être interprétée comme une norme d'imputation à l'entreprise d'une infraction de base (in casu un homicide) dont les personnes physiques qui en sont les auteurs ne peuvent être identifiées au sein de l'entreprise. On peut, en revanche, sérieusement douter qu'une telle légitimation puisse être admise si la norme devait être appréhendée comme une contravention ou un délit contre l'administration de la justice (sur ces questions de qualification, v. infra consid. 3.4). En effet, la recourante n'est pas titulaire de ce bien juridique dont elle ne peut invoquer l'atteinte pour prétendre être lésée et fonder sa qualité pour recourir (ATF 138 IV 258 consid. 2 p. 262 ss; 129 IV 95 consid. 3.1 p. 98 s.; arrêt 6B_28/2012 du 11 décembre 2012 consid. 1.4.1). Cette question, qui ne peut être entièrement séparée du fond de la cause, souffre toutefois de demeurer indécise en l'espèce pour les motifs qui suivent.
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2. La recourante invoque la violation du principe de la légalité en corrélation avec la maxime in dubio pro duriore (art. 7 al. 1 et 310 al. 1 CPP).
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2.1. Selon la jurisprudence l'adage 
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2.2. La recourante reproche aux autorités cantonales de n'avoir pas envisagé l'éventualité d'un homicide par dol éventuel, qui ne serait pas prescrit, mais, en partant uniquement de l'intitulé de la plainte, de n'avoir considéré que l'hypothèse d'un homicide par négligence.
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2.2.1. On renvoie sur la distinction entre dol éventuel et négligence, ainsi que sur l'établissement des faits déterminants, aux principes maintes fois répétés dans la jurisprudence (v. notamment: ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.4, p. 28 s.; 133 IV 9 consid. 4.1 p. 16 s.).
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2.2.2. Rien n'indique, tout d'abord, que la cour cantonale se serait fondée exclusivement sur l'intitulé de la plainte. Cela ne ressort, en tous les cas, pas des motifs de la décision querellée cependant que, outre l'intitulé, le contenu de la plainte indiquait très clairement la nature de l'infraction que la plaignante reprochait aux personnes dénoncées. Sur près de 100 pages, la recourante y faisait presqu'exclusivement état de reproches consistant en négligences, respectivement en imprudences, tant dans la description des faits qu'en ce qui concerne les qualifications juridiques. Ainsi, même s'il incombait au juge d'opérer ces qualifications, le contenu de la plainte ne constituait pas moins un indice important quant aux infractions susceptibles d'entrer en ligne de compte.
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Bien plus, la plaignante alléguait nombre d'éléments de fait relatifs au positionnement adopté par les dénoncés en relation avec la question des risques encourus par les syndicalistes en Colombie. Ainsi, dans le cadre de négociations visant la réintégration de syndicalistes licenciés, l'entreprise avait proposé des indemnités et de l'aide pour l'obtention de visas (plainte, p. 18). H.________ avait, à plusieurs reprises, déclaré vouloir assurer la protection des syndicalistes. Il avait notamment voyagé en Colombie en mars 2003, où il avait visité les usines C.________ et les travailleurs à X.________ et Y.________. Il y avait parlé avec le président de D.________. Selon la recourante, C.________ SA se sentait directement responsable des problèmes de sécurité, qu'elle n'entendait pas déléguer à la direction locale colombienne (plainte, p. 55). E.________ avait montré qu'il entendait prendre en main lui-même la gestion de la situation sécuritaire des sites en Colombie. Il s'y était notamment rendu en novembre 2003 et considérait qu'un dialogue constructif avait été entamé (plainte, ibidem). Par lettre du 15 janvier 2004, il avait informé l'ASK [Groupe de travail Suisse-Colombie] que C.________ SA avait pris, par l'intermédiaire de sa filiale locale, des mesures afin d'assurer la sécurité de syndicalistes menacés à Y.________. Les autorités avaient été appelées à ouvrir une enquête, les mesures de sécurité avaient été augmentées dans les installations de l'usine et une assistance juridique avait été proposée aux personnes concernées. C.________ SA affirmait sa volonté de soutenir et coopérer avec tout travailleur ou syndicaliste subissant des difficultés de ce fait. Une rencontre avait été organisée avec le vice-président colombien, J.________, et le directeur du « service secret » DAS (Departamento administrativo de Seguridad), K.________, avec la participation du directeur de C.________ Colombie, afin de faire avancer les enquêtes au plus haut niveau (plainte, p. 56). De même, G.________, Chef du marché pour la région bolivarienne chez C.________ SA et directeur général de B.________ Ltda, avait eu la possibilité de prendre des mesures de protection en faveur des syndicalistes menacés. L.________, directeur général de C.________ SA depuis mai 2000 avait écrit en juin 2002 que C.________ SA cherchait toujours la coopération avec les organisations syndicales afin d'assurer la sécurité de son personnel, y compris les dirigeants syndicaux et que ceci s'appliquait également à des situations aussi difficiles que celles de l'usine de X.________. Enfin, A.________ avait bénéficié de mesures de protection de la part de l'Etat colombien (plainte p. 65). La plaignante juge certes les mesures prises ou envisagées insuffisantes, respectivement inadaptées, notamment en raison de liens allégués entre les groupes paramilitaires et les services secrets colombiens chargés de la protection. Il n'en demeure pas moins que l'ensemble de ces éléments allégués par la recourante permettaient raisonnablement d'exclure d'emblée, au stade de la vraisemblance, que les personnes, responsables de C.________ Suisse SA, que la recourante visait dans sa plainte, se seraient accommodées de l'éventualité que se réalise le risque d'une atteinte à la personne de A.________, lors même que ce dernier aurait dû, à une date de peu postérieure à son décès, intervenir « comme témoin à charge contre C.________ » (plainte, p. 20) devant le Tribunal Permanent des Peuples à Berne. Sous cet angle, le classement de la procédure n'apparaît pas critiquable.
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3. La recourante invoque ensuite la violation de l'art. 102 al. 1 CP.
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3.1. Conformément à cette norme, un crime ou un délit qui est commis au sein d'une entreprise dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts est imputé à l'entreprise s'il ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise. Dans ce cas, l'entreprise est punie d'une amende de cinq millions de francs au plus.
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3.2. La cour cantonale a examiné si la prescription d'une éventuelle infraction d'homicide par négligence susceptible d'être reprochée à des personnes physiques au sein de l'entreprise, faisait obstacle à la poursuite pénale de cette dernière sur la base de l'art. 102 al. 1 CP. Après avoir exposé que diverses théories s'opposaient en doctrine quant à la nature juridique de cette norme (infraction indépendante sanctionnant le défaut d'organisation au sein de l'entreprise; règle d'imputation à l'entreprise de l'infraction de base; norme mixte), elle a retenu que, quelle que soit la théorie retenue, la prescription de l'infraction initiale excluait, dans tous les cas, la responsabilité subsidiaire de l'entreprise. En effet, même pour les auteurs considérant que l'art. 102 al. 1 CP érige en infraction l'omission de l'entreprise de se doter d'une organisation adéquate, lorsque l'infraction de base est prescrite et que les personnes physiques qui l'ont commise ne peuvent plus être recherchées pénalement, l'impossibilité de leur imputer cette infraction ne résulte pas du manque d'organisation, ce qui exclut aussi la responsabilité subsidiaire de l'entreprise.
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3.3. La recourante objecte, en substance, que si la prescription de l'action pénale empêche les poursuites contre les personnes physiques puis le jugement de celles-ci, elle ne s'opposerait, en revanche, pas, dans une procédure continuée contre la seule entreprise, à rechercher si un manque d'organisation engagerait la responsabilité de l'entité collective au regard de l'art. 102 al. 1 CP. En d'autres termes, deux causes pourraient, en apparence, concourir à la non-imputabilité de l'infraction à une ou plusieurs personnes physiques, mais la prescription ne ferait qu'occulter la cause réelle résidant dans la désorganisation. Sur ce point précis, les principaux auteurs affirmant que cette disposition constitue une infraction pénale partiraient d'une conception erronée de l' « impossibilité d'imputer à une personne physique » en admettant qu'il s'agirait déjà de l'impossibilité d'enquêter (à laquelle fait obstacle la prescription). Selon la recourante, il faudrait considérer plus généralement l'impossibilité de constater, fût-ce abstraitement, qu'une personne physique au moins remplit toutes les conditions objectives et subjectives de l'infraction. On ne pourrait, en l'espèce, au stade du classement, exclure un tel manque d'organisation et son caractère causal par rapport à l'impossibilité d'imputer l'infraction à une personne physique déterminée.
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3.4. La question de la prescription dans le cadre de l'art. 102 al. 1 CP est discutée en doctrine. Sa solution dépend notamment de l'analyse faite de la nature de la norme, elle-même objet de débats nourris.
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3.4.1. Selon un premier courant, cette disposition constituerait une norme d'imputation à l'entreprise de l'infraction commise par une personne physique (dite infraction « de base »; 
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3.4.2. Selon le dernier courant de doctrine, la norme instituerait une infraction pénale propre à l'entreprise. L'infraction de base constituerait une condition objective de punissabilité. L'état de fait punissable résiderait dans le déficit organisationnel de l'entité collective, qui aurait pour conséquence l'impossibilité d'imputer l'infraction de base à des personnes physiques, que celles-ci ne puissent être identifiées au sein de l'entreprise ou que l'organisation mise en place, en raison du partage des responsabilités et compétences, ne permette pas de réunir sur une seule tête les conditions objectives et subjectives de l'infraction de base (Niggli/Gfeller, op. cit., art. 102 CP nos 18 ss et les références citées sous n° 19; Stefan Trechsel et al., Praxiskommentar, 2e éd. 2013, art. 102 CP n° 7b). Selon ces auteurs, l'infraction constituerait une contravention (Niggli/Gfeller, op. cit., art. 102 CP n° 51; Trechsel et al., loc. cit.) voire un délit (Matthias Heiniger, Der Konzern im Unternehmensstrafrecht gemäss Art. 102 StGB, 2011, nos 290 ss p. 117 s., n° 307 p. 124 et n° 316 p. 128). Le comportement visé par la norme procéderait, en règle générale, de l'omission de prendre les mesures organisationnelles nécessaires (un comportement actif étant envisageable dans de rares cas) permettant d'identifier les personnes physiques responsables au sein de l'entreprise. L'infraction devrait être appréhendée comme une infraction continue 
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3.4.3. Quels que soient ses mérites sur un plan général, cette théorie occulte, dans le contexte de la prescription, que le législateur ne s'est pas limité à prescrire aux entreprises de pourvoir adéquatement à leur organisation interne et à sanctionner d'une amende l'omission de ces mesures. Il a soumis l'application de l'art. 102 al. 1 CP à la triple condition de la réalisation d'une infraction de base, de l'existence de carences d'organisation et que celles-ci empêchent d'imputer celle-là à une personne physique déterminée au sein de l'entreprise. Du reste, Niggli et Gfeller qualifient, dans un autre contexte, l'état de fait visé par l'art. 102 al. 1 CP comme infraction de résultat 
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En prenant en considération cette exigence légale d'un résultat concret, il apparaît d'emblée que l'art. 102 al. 1 CP ne peut être appréhendé comme une infraction continue. En effet, une fois l'infraction de base commise dans des conditions d'organisation internes à l'entreprise ne permettant pas l'identification de son auteur (ou la réunion sur une seule tête de toutes les conditions de punissabilité de l'infraction de base), les correctifs susceptibles d'être mis en place postérieurement (définition claire des postes, compétences et responsabilités; tenue de plans de travail nominatifs précis; instauration de carnets de course pour les véhicules d'entreprise, etc.) ne seraient jamais de nature à supprimer le résultat (impossibilité d'imputer l'infraction de base à une personne physique). La prescription ne commencerait donc jamais à courir. Aussi, dans la conception selon laquelle l'art. 102 al. 1 CP constituerait une infraction (par opposition à une norme d'imputation), il faudrait logiquement, pour tenir compte de l'ensemble des conditions posées par la loi, considérer que cette infraction de résultat est réalisée dès la commission de l'infraction de base dans le cadre d'une organisation déficiente de l'entreprise ne permettant pas d'en identifier la personne physique responsable et que cette condition demeure (et demeurera) réalisée indépendamment de toute action ou omission de l'entreprise. Il s'agirait, partant, typiquement d'une infraction de situation (Zustandsdelikt), pour laquelle le délai de prescription courrait aussitôt l'ensemble des éléments constitutifs réalisés, soit au moment déjà de la commission de l'infraction de base dans des conditions n'en permettant pas d'identifier l'auteur (v. sur la prescription des infractions de situation, parmi d'autres: Gilbert Kolly, in Commentaire romand, Code pénal, 2009, art. 98 CP n° 11; Trechsel et al., op. cit., art. 98 CP n° 6; v. aussi en relation avec l'art. 102 al. 1 CP: Trechsel et al., op. cit., art. 102 CP n° 7c).
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3.4.4. En conclusion, si l'on ne devait pas admettre, avec ce courant de doctrine, que les conditions de l'art. 102 al. 1 CP (considéré comme une contravention ou un délit), ne peuvent plus être réalisées une fois l'infraction de base prescrite, il faudrait en tous les cas retenir, avec Trechsel et al., que le délai de prescription de l'infraction réprimée par l'art. 102 al. 1 CP courrait, lorsque la désorganisation préexiste à l'infraction de base, au plus tard du jour de la commission de celle-ci. Sous réserve de la question de la durée du délai de prescription, on aboutit ainsi à la même solution que celle préconisée par les auteurs soutenant qu'il s'agit d'une norme d'imputation ou d'une norme mixte. Il s'ensuit, en l'espèce, que la recourante ne peut rien déduire non plus en sa faveur de l'argumentation qu'elle développe à propos de la notion d'imputation retenue par les auteurs qualifiant la norme comme une contravention ou un délit.
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4. La recourante invoque encore la violation de son droit à une enquête effective découlant du droit à la vie garanti par les art. 10 Cst. et 2 CEDH. En se référant à diverses décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, elle reproche à la cour cantonale d'avoir jugé que ce droit pourrait être mis en échec par la seule prescription de l'infraction en droit interne. Elle objecte que l'obligation d'enquête effective déduite de l'art. 2 CEDH, qui existerait même lorsque le décès est survenu à l'étranger (arrêt CEDH Rantsev c. Chypre et Russie du 7 janvier 2010; Requête n° 25965/04), perdurerait pendant toute la période où l'on peut raisonnablement attendre des autorités qu'elles prennent des mesures pour élucider les circonstances d'un décès et établir les responsabilités éventuelles (arrêts CEDH  Janowiec et autres c. Russie du 16 avril 2012 [5 e Section], Requêtes nos 55508/07 et 29520/09, § 130; S  ilih c. Slovénie du 9 avril 2009, Requête n° 71463/01, § 157). Elle relève également que, dans l'affaire  El-Masri c. l'ex-République Yougoslave de Macédoine (arrêt du 13 décembre 2012; Requête n°39630/09), il aurait été jugé que le fait qu'une plainte avait été déposée peu avant l'échéance de la prescription de l'action pénale n'aurait pas fait obstacle au droit d'exiger une telle enquête des autorités compétentes.
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4.1. La recourante n'expose pas le contenu de l'art. 10 Cst., moins encore ce qu'elle entend déduire, au plan procédural, de cette norme qui garantit le droit à la vie et la liberté personnelle. Elle ne tente pas, en particulier, de démontrer que cette disposition lui offrirait, sur ce plan, des garanties plus étendues que les règles conventionnelles qu'elle invoque également. Faute de toute motivation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'y a pas lieu d'examiner la cause sous cet angle.
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4.2. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, combinée avec le devoir général incombant à l'Etat en vertu de l'art. 1 CEDH de « reconnaître à toute personne relevant de sa juridiction les droits et libertés définis dans la Convention », l'obligation de protéger le droit à la vie qu'impose l'art. 2 CEDH, comporte un volet procédural, comprenant le droit à une enquête effective lorsque le recours à la force a entraîné la mort d'une personne, même dans des circonstances non imputables à l'Etat. Ce droit tend à rendre effective l'application des dispositions du droit interne protégeant le droit à la vie (parmi d'autres: v. arrêt 
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4.2.1. Etant tout d'abord rappelé que A.________ est décédé en Colombie, dont il était ressortissant, il ne va pas de soi que la recourante puisse se prévaloir des droits que « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne 
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4.2.2. Quoi qu'il en soit, la recourante ne tente pas de démontrer qu'il aurait incombé aux autorités suisses d'entreprendre d' 
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4.2.3. Le décès de l'époux de la recourante est survenu au plus tard le 11 septembre 2005. Les plaintes pour homicide par négligence n'ont été adressées aux autorités suisses que quelque 6 ans et demi plus tard, respectivement 6 mois avant l'échéance du délai de prescription, lequel n'est interrompu que par un jugement de première instance (ancien art. 70 al. 1 let. c et al. 3 CP en vigueur du 1
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4.2.4. Sous cet angle, il convient, tout d'abord, de relever que, selon la jurisprudence, la prescription de l'action pénale, qui trouve sa justification dans les effets de l'écoulement du temps sur la disponibilité des preuves et sur le besoin de sanctionner ainsi que dans des impératifs d'économie de la procédure (ATF 134 IV 297 consid. 4.3.4 p. 304 s.), constitue un motif objectif permettant de ne pas entrer en matière sur une plainte ou une dénonciation. Les obligations déduites des art. 2, 3 et 8 CEDH, notamment l'obligation de poursuivre les auteurs d'atteintes aux droits protégés par cette convention, ne sont pas violés dans cette hypothèse. Ces obligations conventionnelles connaissent, en effet, des exceptions et la CEDH n'impose pas nécessairement que la protection des droits qu'elle consacre intervienne dans le cadre d'une procédure pénale (en relation avec l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants: arrêt 6B_479/2013 du 30 janvier 2014 consid. 3). Dans cette perspective, on peut, ensuite, souligner que le délai de prescription de l'action pénale pour un homicide par négligence (7 ans en l'espèce; désormais 10 ans: art. 97 al. 1 let. c dans sa teneur en vigueur depuis le 1
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4.2.5. La question est, dès lors, plutôt de savoir si la recourante, qui a dénoncé les faits 6 mois avant l'échéance du délai de prescription, peut se prévaloir de son droit à une enquête effective nonobstant la survenance de cet obstacle de droit interne à la poursuite pénale au motif qu'une telle obligation perdurerait pendant toute la période où l'on peut raisonnablement attendre des autorités qu'elles prennent des mesures pour élucider les circonstances d'un décès et établir les responsabilités éventuelles.
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4.2.6. La recourante invoque, tout d'abord, en vain, dans ce contexte, l'affaire 
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4.2.7. Au demeurant, compte tenu de la nature de la présente affaire, du nombre des personnes dénoncées et des reproches élevés à leur encontre, portant sur leur implication, au sein d'une société multinationale, dans des faits survenus en corrélation avec l'exploitation d'une filiale en Colombie, dans un contexte politique complexe, il est manifeste qu'aucun jugement au fond n'aurait pu être rendu avant l'échéance du délai de prescription. Rien n'indique, en revanche, que tel eût aussi été le cas si les autorités judiciaires avaient été saisies plus tôt de la plainte et que la recourante n'aurait, alors, pas pu bénéficier d'un recours effectif. Or, eu égard à la situation de la victime, à son rôle de responsable syndical en particulier, aux conflits ayant existé avec B.________ Ltda et aux liens de celle-ci avec C.________ SA, dans le contexte politique existant en Colombie, la recourante a nécessairement dû disposer assez tôt de l'ensemble des éléments de fait sur lesquels elle a fondé sa plainte adressée aux autorités suisses. Elle allègue, du reste, dans cet écrit, que « Le juge colombien M.________, qui a condamné les auteurs directs de l'assassinat de A.________ [...] par un arrêt du 26 novembre 2007, [avait exigé] du ministère public dans cette même décision [...] d'examiner spécialement le rôle de la société C.________» (plainte, p. 2). Ainsi, même en tenant compte des difficultés liées à l'éloignement géographique, au fait de devoir agir dans un autre Etat, dans une langue étrangère, et à la complexité des faits, la recourante doit se laisser opposer qu'elle n'a pas agi en temps utile pour permettre aux autorités suisses de mener à bien une instruction pénale en conformité du droit national.
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S'agissant des seules responsabilités qui entrent en ligne de compte en Suisse, il faut admettre que, plus de six années après les faits, dans la mesure où les responsabilités quant à l'usage de la force qui a conduit à l'homicide ont été clarifiées en Colombie ou y font encore l'objet de procédures, on ne pouvait raisonnablement attendre des autorités suisses qu'elles entreprennent de vastes mesures d'instruction afin d'élucider les seules responsabilités subsidiaires, procédant d'omissions par négligence, susceptibles d'être imputées aux personnes dénoncées en Suisse, sans aucune perspective d'aboutir à un jugement pénal.
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4.3. Il résulte de ce qui précède que les développements de la recourante, dans la mesure où ils sont recevables, ne démontrent pas que son droit à une enquête effective déduit des art. 1 et 2 CEDH aurait été violé.
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5. La recourante invoque encore la violation du principe de célérité des poursuites. Elle reproche au ministère public de n'avoir pas rendu « immédiatement » une ordonnance de non-entrée en matière, respectivement de ne pas avoir entrepris sans attendre les investigations nécessaires, puis d'avoir, après que la question du for eut été réglée, exigé la traduction en français de la plainte, ce qui, dans l'ensemble donnerait l'impression que les autorités pénales auraient souhaité attendre de pouvoir invoquer la prescription.
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Au demeurant, il ressort de l'arrêt du Tribunal pénal fédéral du 14 novembre 2012 que la compétence des autorités pénales vaudoises est donnée. La recourante, qui avait saisi les autorités zougoises doit ainsi se laisser opposer qu'elle a elle-même recouru s'agissant de la fixation intercantonale du for et que le temps écoulé durant la procédure de recours n'est, partant, pas imputable à une inaction ou un manque de diligence des autorités pénales. A ce moment de la procédure, la prescription étant déjà acquise (10 ou 11 septembre 2012), la recourante ne saurait, pour le surplus, reprocher aux autorités vaudoises d'avoir pris prétexte de la langue dans laquelle était rédigée la plainte pour reporter encore le début des investigations. Supposé recevable, le grief devrait, de toute manière, être rejeté.
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6. Les conclusions de la recourante étaient dénuées de chances de succès. L'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Succombant, la recourante supporte les frais de la procédure qui seront fixés en tenant compte de sa situation économique qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 21 juillet 2014
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président :  Le Greffier :
 
Mathys  Vallat
 
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