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Informationen zum Dokument  BGer 4A_124/2014  Materielle Begründung
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BGer 4A_124/2014 vom 07.07.2014
 
{T 0/2}
 
4A_124/2014
 
 
Arrêt du 7 juillet 2014
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges Klett, présidente,
 
Kolly, Hohl, Kiss et Niquille.
 
Greffier : M. Carruzzo.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________ SA,
 
représentée par Mes Nicolas C. Ulmer et
 
Lionel P. Serex, avocats,
 
recourante,
 
contre
 
B.________ SA, représentée par Me Vanessa Liborio Garrido de Sousa, avocate,
 
intimée.
 
Objet
 
arbitrage international; compétence,
 
recours en matière civile contre la  partial award rendue
 
le 21 janvier 2014 par le Tribunal arbitral CCI.
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. B.________ SA (ci-après: l'intimée) est une société de droit français spécialisée dans les travaux routiers.
1
A.b. Le 6 juin 2006, la recourante et l'intimée ont conclu deux contrats, portant les nos 5R8 et 5R9, dont l'objet était la réalisation, par l'intimée, de travaux de réhabilitation sur un tronçon de 76 km d'une route nationale ... . Les deux contrats étaient régis par le droit ... . Au nombre des documents contractuels figuraient les conditions générales de la Fédération Internationale des Ingénieurs-Conseils (ci-après: FIDIC) applicables aux contrats de construction, 1ère édition de 1999 (ci-après: les conditions générales). La FIDIC est une association de droit suisse dont le siège est à Meyrin.
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20.4 - Obtaining Dispute Adjudication Board's Decision
3
"If a dispute (of any kind whatsoever) arises between the Parties in connection with, or arising out of, the Contract or the execution of the Works, including any dispute as to any certificate, determination, instruction, opinion or valuation of the Engineer, either Party may refer the dispute in writing to the DAB for its decision, with copies to the other Party and the Engineer. Such reference shall state that it is given under this Sub-Clause.
4
For a DAB of three persons, the DAB shall be deemed to have received such reference on the date when it is received by the chairman of the DAB.
5
Both Parties shall promptly make available to the DAB all such additional information, further access to the Site, and appropriate facilities, as the DAB may require for the purposes of making a decision on such dispute. The DAB shall be deemed to be not acting as arbitrator (s).
6
Within 84 days after receiving such reference, or within such other period as may be proposed by the DAB and approved by both Parties, the DAB shall give its decision, which shall be reasoned and shall state that it is given under this Sub-Clause. The decision shall be binding on both Parties, who shall promptly give effect to it unless and until it shall be revised in an amicable settlement or an arbitral award as described below. Unless the Contract has already been abandoned, repudiated or terminated, the Contractor shall continue to proceed with the Works in accordance with the Contract.
7
If either Party is dissatisfied with the DAB's decision, then either Party may, within 28 days after receiving the decision, give notice to the other Party of its dissatisfaction. If the DAB fails to give its decision within the period of 84 days (or as otherwise approved) after receiving such reference, then either Party may, within 28 days after this period has expired, give notice to the other Party of its dissatisfaction.
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In either event, this notice of dissatisfaction shall state that it is given under this Sub-Clause, and shall set out the matter in dispute and the reason (s) for dissatisfaction. Except as stated in Sub-Clause 20.7 [Failure to Comply with Dispute Adjudication Board's Decision] and Sub-Clause 20.8 [Expiry of Dispute Adjudication Board's Appointment], neither Party shall be entitled to commence arbitration of a dispute unless a notice of dissatisfaction has been given in accordance with this Sub-Clause."
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20.5 - Amicable Settlement
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"Where notice of dissatisfaction has been given under Sub-Clause 20.4 above, both Parties shall attempt to settle the dispute amicably before the commencement of arbitration. However, unless both Parties agree otherwise, arbitration may be commenced on or after the fifty-sixth day after the day on which notice of dissatisfaction was given, even if no attempt at amicable settlement has been made."
11
20.6 - Arbitration
12
paragraphe 1:
13
"Unless settled amicably, any dispute in respect of which the DAB's decision (if any) has not become final and binding shall be finally settled by international arbitration. Unless otherwise agreed by both Parties:
14
a) the dispute shall be finally settled under the Rules of Arbitration of the International Chamber of Commerce,
15
b) the dispute shall be settled by three arbitrators appointed in accordance with these Rules, ..."
16
20.8 - Expiry of Dispute Adjudication Board's Appointment
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"If a dispute arises between the Parties in connection with, or arising out of, the Contract or the execution of the Works and there is no DAB in place, whether by reason of the expiry of the DAB's appointment or otherwise:
18
a) Sub-Clause 20.4 [Obtaining Dispute Adjudication Board's Decision ] and SubClause 20.5 [Amicable Settlement ] shall not apply, and
19
b) the dispute may be referred directly to arbitration under Sub-Clause 20.6 [Arbitration ]."
20
A.c. Le 10 mars 2011, l'intimée a signifié à la recourante son intention de dénoncer un différend au Dispute Adjudication Board (ci-après: le DAB) pour un montant de 21'086'612 euros, en proposant quatre candidats au poste de membre du DAB.
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Par courrier du 22 mars 2011, la recourante a rejeté les quatre candidatures. L'intimée a renouvelé sa demande à deux reprises. Finalement, la recourante a fait savoir, par lettre du 11 avril 2011, qu'elle acceptait la nomination de C.________ en qualité de représentant de l'intimée au sein du DAB.
22
B. Le 27 juillet 2012, l'intimée a déposé une requête d'arbitrage auprès du Secrétariat de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Cette requête a été transmise à la recourante en date du 9 août 2012. Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué et son siège fixé à Genève.
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C. Le 26 février 2014, la recourante a formé un recours en matière civile en vue d'obtenir l'annulation de la sentence partielle du 21 janvier 2014. Elle y invite le Tribunal fédéral à constater que le Tribunal arbitral n'est pas compétent pour statuer sur la demande déposée par l'intimée et à déclarer irrecevables les conclusions prises par cette dernière. La recourante conclut, en outre, à ce que tous les frais et dépens, tant de la procédure d'arbitrage que de la procédure fédérale, soient mis à la charge de l'intimée. A titre subsidiaire, elle requiert la suspension de la procédure arbitrale jusqu'à l'achèvement de la procédure initiée devant le DAB, avec fixation d'un délai aux parties pour leur permettre de réparer cette omission. Plus subsidiairement encore, la recourante propose le renvoi de la cause au Tribunal arbitral afin qu'il statue dans le sens des considérants de l'arrêt fédéral.
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Considérant en droit :
 
1. D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé toutes deux le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
25
 
Erwägung 2
 
2.1. Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).
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2.2. Le recours en matière d'arbitrage international reste purement cassatoire (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 107 al. 2 LTF). Toutefois, lorsque le litige porte sur la compétence d'un tribunal arbitral, le Tribunal fédéral peut constater lui-même la compétence ou l'incompétence (ATF 136 III 605 consid. 3.3.4 p. 616; 128 III 50 consid. 1 b).
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2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). En revanche, comme c'était déjà le cas sous l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2; 128 III 50 consid. 2a et les arrêts cités), le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou si des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_54/2012 du 27 juin 2012 consid. 1.6).
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3. La recourante reproche au Tribunal arbitral de s'être déclaré compétent en méconnaissance du mécanisme préalable et obligatoire de recours à un DAB prévu par la clause 20 des conditions générales insérées dans les deux contrats liant les parties. Avant d'analyser ce grief, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, il est nécessaire de résumer les motifs sur lesquels repose la sentence (cf. consid. 3.1.1) et les arguments que les parties avancent, qui pour les critiquer (cf. consid. 3.1.2), qui pour les étayer (cf. consid. 3.1.3).
29
 
Erwägung 3.1
 
3.1.1. En général, le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence par une décision incidente (art. 186 al. 3 LDIP; RS 291). Rien ne justifie, en l'espèce, de différer la décision sur la compétence jusqu'à la fin de la procédure arbitrale. La recourante s'est d'ailleurs pliée aux exigences de l'art. 186 al. 2 LDIP en soulevant l'exception d'incompétence préalablement à toute défense sur le fond.
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3.1.2. A titre liminaire, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir appliqué le droit suisse, conformément à l'art. 178 al. 2 LDIP, pour trancher la question du caractère impératif ou facultatif de la phase préalable de la médiation. A son avis, cette question ne tombe pas sous le coup de la disposition citée, mais relève du droit ..., lequel régit les deux contrats. En effet, selon ce droit, la question litigieuse intéresse la naissance même du droit d'agir tiré de ceux-ci. Quoi qu'il en soit, d'après la recourante, même au regard de l'art. 178 al. 2 LDIP, le choix du droit suisse s'avère arbitraire en l'espèce, étant donné que la fixation du siège de l'arbitrage en Suisse ne résulte pas d'un accord des parties, mais d'une décision de la CCI. Or, comme cela ressort de l'avis de droit du Professeur H.________, que les arbitres ont ignoré, l'art. 341 (2) du Code de procédure civile ..., qui prescrit le respect d'une éventuelle procédure de conciliation préalable, est une disposition impérative dont la violation entraîne l'irrecevabilité de la demande d'arbitrage.
31
3.1.3. Dans sa réponse, l'intimée s'emploie à démontrer, tout d'abord, que le choix du droit suisse, effectué par le Tribunal arbitral, n'est pas contestable. Selon elle, la faculté d'opter pour ce droit découle directement de l'art. 178 al. 2 LDIP, qui prévoit un rattachement alternatif 
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3.2. Le Tribunal fédéral envisage sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, relatif à la compétence du tribunal arbitral, le grief tiré de la violation d'un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l'arbitrage (tentative de conciliation, mise en oeuvre d'un expert, médiation, etc.). Il le fait en quelque sorte par défaut, dans l'impossibilité où il se trouve de rattacher semblable grief à un autre motif de recours, au sens de cette disposition, admettant ainsi de manière implicite que pareille violation n'est certes pas suffisamment grave pour relever de l'ordre public procédural visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (sur cette notion, cf. ATF 132 III 389 consid. 2.2.1), mais doit néanmoins être sanctionnée d'une façon ou d'une autre. Cela ne signifie pas, dans son esprit, qu'un tel rattachement dicterait nécessairement la solution à adopter pour sanctionner le fait de déposer une requête d'arbitrage sans avoir accompli la démarche préalable obligatoire convenue par les parties (arrêt 4A_46/2011 du 16 mai 2011 consid. 3.4; arrêt 4A_18/2007 du 6 juin 2007 consid. 4.2).
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3.3. II n'est pas contesté, ni contestable d'ailleurs, que la sous-clause 20.6 des conditions générales, insérée dans les deux contrats liant les parties, constitue une convention d'arbitrage valable quant à la forme (art. 178 al. 1 LDIP).
34
 
Erwägung 3.4
 
3.4.1. En droit suisse, l'interprétation d'une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. Le juge s'attachera, tout d'abord, à mettre au jour la réelle et commune intention des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir. S'il n'y parvient pas, il recherchera alors, en appliquant le principe de la confiance, le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances. Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte souscrit par les parties n'est pas forcément déterminant, l'interprétation purement littérale étant prohibée (art. 18 al. 1 CO). Lorsque la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants s'il n'existe aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne correspond pas à leur volonté (ATF 140 III 134 consid. 3.2; 135 III 295 consid. 5.2 p. 302 et les arrêts cités).
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3.4.2. Sous l'influence des milieux économiques et juridiques américains et anglais, des méthodes alternatives de règlement des litiges 
36
3.4.3. Confrontés aux critiques formulées par la recourante (cf. consid. 3.1.2, 2
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3.4.3.1. Pour ce qui est de la terminologie, il n'est pas douteux que le verbe anglais 
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3.4.3.2. Contrairement à l'avis des arbitres majoritaires, l'interprétation systématique des dispositions utilisant les termes 
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3.4.3.3. L'interprétation large, faite par la majorité du Tribunal arbitral, de la sous-clause 20.8 des conditions générales ne convainc pas davantage. A la suivre et autant qu'elle revête effectivement une telle signification, il suffirait qu'un DAB ne soit pas opérationnel au moment de l'ouverture de la procédure d'arbitrage, quelle qu'en soit la raison, pour que l'on puisse se passer d'une décision de cet organe. Semblable conclusion, poussée dans ses extrémités, reviendrait à faire du mode alternatif de règlement des litiges élaboré par la FIDIC une coquille vide. Les motifs qui l'étayent n'ont du reste guère de poids.
40
3.4.3.4. Dans l'arrêt 4A_18/2007 du 6 juin 2007, le Tribunal fédéral, confirmant l'interprétation du Tribunal arbitral voulant que la clause contractuelle litigieuse ne prévît pas un préalable obligatoire de conciliation, avait ajouté ceci (consid. 4.3.2, 3e par.) :
41
3.4.4. Les auteurs qui se sont penchés sur la question considèrent que la procédure de règlement des différends par le DAB, telle que prévue à l'art. 20 des conditions générales, est impérative en ce sens qu'elle doit avoir été terminée pour qu'une procédure d'arbitrage puisse commencer ( AHRENS, op. cit., p. 192 s.; BROWN-BERSET/SCHERER, op. cit., p. 283; BAKER/MELLORS/CHALMERS/LAVERS, op. cit., p. 552 s., n. 9.222 et 9.224 i.f.; GLOVER/HUGUES QC, op. cit., p. 388, n. 20-026, p. 394, n. 20-041, p. 399, n. 20-053 et p. 405, n. 20-068). Il convient de leur emboîter le pas pour les motifs sus-indiqués.
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3.5. Appliqués aux circonstances spécifiques de la présente espèce, les principes énoncés plus haut conduisent la Cour de céans à confirmer, sinon dans tous les motifs qui la sous-tendent, du moins dans son résultat, la décision du Tribunal arbitral de se déclarer compétent 
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4. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et indemniser son adverse partie (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3. La recourante versera à l'intimée une indemnité de 22'000 fr. à titre de dépens.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Président du Tribunal arbitral CCI.
 
Lausanne, le 7 juillet 2014
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente :  Le Greffier :
 
Klett  Carruzzo
 
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