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Informationen zum Dokument  BGer 1C_213/2014  Materielle Begründung
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BGer 1C_213/2014 vom 03.07.2014
 
{T 0/2}
 
1C_213/2014
 
 
Arrêt du 3 juillet 2014
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Aemisegger et Eusebio.
 
Greffier : M. Parmelin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Jean-Charles Bornet, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Service de la circulation routière et de la navigation du canton du Valais,
 
Conseil d'Etat du canton du Valais.
 
Objet
 
retrait définitif du permis de conduire, irrecevabilité d'un recours cantonal,
 
recours contre l'arrêt du Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du 24 mars 2014.
 
 
Faits :
 
Par prononcé du 19 février 2014, le Conseil d'Etat du canton du Valais a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du Service cantonal de la circulation routière et de la navigation du 28 mai 2013 ordonnant le retrait définitif de son permis de conduire.
1
Statuant comme juge unique, le Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a déclaré irrecevable le recours déposé par A.________ contre ce prononcé au terme d'un arrêt rendu le 24 mars 2014.
2
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
3
Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal cantonal et le Service de la circulation routière et de la navigation ont renoncé à se déterminer.
4
 
Considérant en droit :
 
1. La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est ouverte contre les décisions prises en dernière instance cantonale au sujet de mesures administratives de retrait du permis de conduire dans la mesure où aucun motif d'exclusion au sens de l'art. 83 LTF n'entre en considération. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué qui a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est recevable.
5
2. A.________ a recouru par acte daté du 3 mars 2014 et remis à la poste le lendemain auprès de la Cour de droit public contre la décision du Conseil d'Etat confirmant le retrait définitif de son permis de conduire prononcé par le Service cantonal de la circulation routière et de la navigation. Le Président de cette juridiction l'a informé en date du 6 mars 2014 que son écriture rédigée en italien ne satisfaisait pas aux exigences de langue et de forme auxquelles les art. 80 al. 1 let. c et 48 al. 2 de la loi valaisanne sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA) subordonnaient la recevabilité d'un recours au Tribunal cantonal. Il a rappelé qu'à teneur de ces dispositions, le recours devait être contenu dans un mémoire rédigé en français, déposé en deux exemplaires et exposant les faits invoqués par le recourant, les motifs et les conclusions du recours. Il a imparti à A.________ un délai expirant le 18 mars 2014 pour compléter son recours dans le sens précité, faute de quoi le tribunal statuera sur la base du dossier ou, si les conclusions, les motifs ou la signature manquent, il déclarera le recours irrecevable. Le 14 mars 2014, le recourant a adressé un courrier en français dans lequel il demande à l'autorité de recours d'étudier son cas de retrait du permis de conduire dans un sens positif, ne serait-ce que partiellement pour faciliter ses déplacements professionnels. Dans son arrêt du 24 mars 2014, le Président de la cour cantonale a constaté que cette écriture avait été rédigée en français et qu'elle satisfaisait sur ce point à la demande de rectification du 6 mars 2014. En revanche, elle ne comportait pas de motivation de la conclusion en retrait partiel du permis visant à exempter de cette mesure administrative le besoin qui aurait trait aux déplacements professionnels. Le recours de droit administratif n'avait pas pour objet le réexamen du cas par une nouvelle autorité, mais il permettait à l'administré de demander le contrôle des faits, des règles de procédure et de l'application du droit au vu des motifs qu'il choisit d'invoquer à l'endroit d'une décision qui lui a été notifiée. A cet égard, A.________ ne citait pas la décision qu'il a jointe à son recours du 3 mars 2014 et n'en discutait pas les motifs qui avaient conduit le Conseil d'Etat à confirmer le retrait de permis décidé le 28 mai 2013. Il y avait partant lieu de déclarer le recours irrecevable pour défaut de motivation.
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3. Le recourant s'en prend tout d'abord à la décision présidentielle du 6 mars 2014 lui impartissant un délai au 18 mars 2014 pour déposer un mémoire rédigé en français. Dans la mesure où il ne maîtrise pas le français, il considère que le Président du Tribunal cantonal aurait dû lui communiquer cette décision en langue italienne, le cas échéant en recourant à un service de traduction. En ne le faisant pas, le magistrat intimé aurait violé son droit d'être entendu. Il relève que l'art. 48 LPJA n'indique nullement que le recours de droit administratif doit être déposé dans l'une des deux langues cantonales. Il reproche à la cour cantonale d'avoir interprété de manière arbitraire cette disposition en assortissant la recevabilité du recours à une condition que la loi de procédure ne prévoit pas. La seule référence à l'art. 12 al. 1 de la Constitution valaisanne (Cst./VS), qui désigne le français et l'allemand comme langues officielles du canton, serait insuffisante pour imposer une telle condition dans une procédure judiciaire de recours. Enfin, l'obligation de traduire en français, sous peine d'irrecevabilité, un recours de trois pages rédigé en italien et aisément compréhensible serait excessive et contreviendrait aux dispositions constitutionnelles qui protègent la liberté de la langue et le droit d'être entendu.
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3.1. Le Président de la Cour de droit public a déclaré le recours de A.________ irrecevable non pas parce que celui-ci n'avait pas été rédigé dans l'une des deux langues officielles du canton, mais parce que le complément au recours du 14 mars 2014 était insuffisamment motivé. Le recourant soutient toutefois que la recevabilité formelle de son recours aurait dû être examinée au regard non pas seulement de cette écriture mais aussi de celle du 3 mars 2014 qui comportait une motivation suffisante dans la mesure où l'exigence d'un recours rédigé en français était excessive et arbitraire. Cela étant, on peut admettre qu'il peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que la Cour de céans entre en matière sur ces griefs puisque, en cas d'admission, ils pourraient entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué. En revanche, on peut sérieusement se demander si leur invocation à ce stade de la procédure n'est pas contraire aux règles de la bonne foi et si le recourant n'aurait pas dû contester immédiatement la décision incidente du Président de la Cour de droit public du 6 mars 2014 s'il la considérait comme excessivement formaliste, contraire à la liberté de la langue ou d'une autre manière insoutenable parce qu'il ne maîtrisait pas le français (cf. arrêt 9C_37/2011 du 20 juin 2011 consid. 5.2). Cette question peut demeurer indécise car la décision attaquée échappe à la critique.
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3.2. La liberté de la langue garantie par l'art. 18 Cst. n'est pas absolue. Dans les rapports avec les autorités cantonales, elle est notamment limitée par le principe de la langue officielle (ATF 138 I 123 consid. 5.2 p. 126). Ainsi sous réserve de dispositions particulières, telles que les art. 5 par. 2 et 6 par. 3 let. a CEDH, le justiciable n'a en principe aucun droit de communiquer avec les autorités dans une autre langue que la langue officielle, fût-elle sa langue maternelle ou une autre langue nationale (ATF 136 I 149 consid. 4.3 p. 153; 127 V 219 consid. 2b/aa p. 225; 122 I 236 consid. 2c p. 239). L'obligation faite au recourant de déposer un mémoire de recours en français ne constitue ainsi pas une restriction inadmissible à la liberté de la langue qui tomberait sous le coup des art. 18 et 29 al. 2 Cst. En revanche, pour éviter tout formalisme excessif, l'autorité judiciaire qui reçoit dans le délai légal un mémoire rédigé dans une autre langue que la langue officielle de la procédure doit, si elle n'entend pas se contenter de ce document ou le traduire elle-même, impartir à son auteur un délai supplémentaire pour en produire la traduction (ATF 128 V 34 consid. 2b/bb p. 38; 124 III 205 consid. 4 p. 207; arrêt 1P.441/1995 du 22 août 1995 consid. 2, qui a fait l'objet d'une requête auprès de la Cour européenne des droits de l'homme déclarée irrecevable le 16 janvier 1997, cf. JAAC 1997 n° 105 p. 950). Le Président de la Cour de droit public s'est conformé à cette règle en impartissant au recourant un délai de douze jours pour produire un mémoire de recours en français qui satisfasse aux exigences de forme et de motivation requises par le droit cantonal de procédure. Cela étant, sa décision ne saurait en principe être tenue pour excessivement formaliste ou contraire à la liberté de la langue. Elle ne consacre pas davantage une discrimination du recourant en raison de sa nationalité prohibée par l'Accord sur la libre circulation des personnes dès lors que l'obligation de saisir l'autorité de recours dans une des deux langues officielles cantonales s'impose également aux ressortissants de nationalité suisse.
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3.3. La critique relative à l'absence de base légale n'est pas mieux fondée. Chaque canton est en effet en principe libre de prévoir une réglementation propre en matière de langues officielles (art. 70 al. 2, première phrase Cst.). Cet aspect de l'autonomie linguistique des cantons n'est pas limité par la Confédération, sous réserve de l'art. 70 al. 2 in fine Cst., qui enjoint les cantons de prendre en considération les minorités linguistiques autochtones. Au-delà de la reconnaissance des langues officielles, l'autonomie cantonale en matière linguistique implique la compétence de prendre des mesures complémentaires prescrivant l'emploi d'une langue déterminée dans les rapports entre les particuliers et l'Etat et, en particulier, devant les tribunaux (cf. ATF 136 I 149 consid. 5 p. 153; 128 V 34 consid. 2b/bb p. 38; voir aussi AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2013, vol. 2, ch. 659, p. 318). La question de la langue judiciaire relève ainsi exclusivement du droit cantonal de procédure dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application que sous l'angle de l'arbitraire (cf. ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209).
10
Il est exact que l'art. 48 LPJA ne contient pas expressément la règle selon laquelle le mémoire de recours doit être rédigé en français. Cette exigence, expressément prévue en matière pénale et civile (cf. art. 17 al. 1 de la loi valaisanne d'application du code de procédure pénale suisse et 84 al. 1 de la loi valaisanne d'application du code civil suisse), pouvait toutefois de manière soutenable être déduite de l'art. 12 al. 1 Cst./VS, à teneur duquel la langue française et la langue allemande sont déclarées nationales, et du principe de la territorialité des langues qui découle de l'art. 70 al. 2 Cst. (cf. ATF 136 I 149 consid. 4.3 p. 153)..
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3.4. Le recourant reproche en vain au Président de la Cour de droit public de ne pas avoir traduit en italien sa décision du 6 mars 2014. Il perd en effet de vue que l'autorité judiciaire est également soumise au principe de la territorialité des langues et qu'elle est tenue d'utiliser la langue officielle de la procédure lorsqu'elle accomplit des actes relevant de sa fonction (ATF 131 V 35 consid. 4.1 p. 40; 128 V 34 consid. 2b/aa p. 37; 108 V 208 consid. 1; arrêt 5P.63/1997 du 25 avril 1997 consid. 3 in SJ 1998 p. 312). L'administré ne peut dès lors se prévaloir d'aucun droit découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. à ce que l'autorité traduise dans une autre langue que celle de la procédure les écrits qu'elle adresse aux parties (arrêt 1A.37/2001 du 12 juillet 2001 consid. 3b; voir aussi ATF 131 V 35 consid. 3.3 p. 39 et les arrêts cités). Le Président de la Cour de droit public n'avait ainsi aucune obligation de communiquer sa décision du 6 mars 2014 au recourant en italien. Au demeurant, celui-ci a parfaitement compris ce qui lui était demandé puisqu'il a déposé dans le délai qui lui avait été imparti pour ce faire une écriture rédigée en français.
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4. Le recourant soutient que son recours du 3 mars 2014, rédigé dans une langue officielle de la Confédération, ne comportait que trois pages et était aisément compréhensible. Le Président de la Cour de droit public aurait ainsi fait preuve d'un formalisme excessif prohibé en refusant de se référer à ce document pour comprendre les conclusions et la motivation de son recours.
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Etant donné qu'il était en droit d'exiger une traduction en français du mémoire de recours rédigé en italien, le Président de la Cour de droit public n'avait aucune obligation de prendre en considération cette écriture pour apprécier la recevabilité du recours au regard des exigences de motivation et il pouvait, pour ce faire, sans arbitraire ni faire preuve de formalisme excessif s'en tenir au mémoire corrigé rédigé en français. Au demeurant, le recourant perd de vue qu'en vertu de l'art. 62 al. 2 Cst./VS, les membres du Tribunal cantonal doivent connaître les deux langues nationales et qu'ils ne sont ainsi pas tenus de comprendre et, partant, d'instruire les recours dans une autre langue que celles officielles du canton ni de prendre en considération une écriture qui n'est pas rédigée dans la langue de la procédure. L'exigence de traduction des recours qui sont rédigés dans une autre langue que l'une des deux langues officielles du canton s'applique même si le juge comprend également cette langue (cf. arrêt 5P.63/1997 du 25 avril 1997 consid. 3 in SJ 1998 p. 312; voir aussi, arrêt 1B_17/2012 du 14 février 2012 consid. 3 in SJ 2012 I p. 341).
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5. Le recourant estime enfin que son écriture du 14 mars 2014 contenait une motivation en lien avec ses besoins professionnels ainsi que des conclusions suffisamment claires et compréhensibles pour que la Cour de droit public entre en matière. Il reproche au Président de cette juridiction d'avoir appliqué de manière arbitraire les dispositions de l'art. 48 al. 2 LPJA et violé l'art. 9 Cst. en retenant qu'il n'avait pas motivé son recours de manière suffisante et en déclarant son recours irrecevable pour cette raison.
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Le Président de la cour cantonale a rappelé que le recours de droit administratif ne constituait pas une voie d'appel, mais que l'administré devait s'employer à motiver son recours et à démontrer en quoi le Conseil d'Etat avait rendu une décision contraire au droit. Il pouvait de manière soutenable considérer que l'écriture du 14 mars 2014 ne satisfaisait pas à cette exigence parce que le recourant ne discutait pas les motifs qui ont conduit le Conseil d'Etat à confirmer le retrait de permis décidé le 28 mai 2013, la nécessité professionnelle alléguée ne constituant pas une motivation topique qui permettait de conduire à l'annulation de la décision. La question du besoin professionnel du permis de conduire ne se pose en effet pas en présence d'un retrait définitif du permis de conduire prononcé en application de l'art. 16c al. 2 let. e LCR, s'agissant d'un retrait de sécurité destiné à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs incapables de conduire sans mettre en danger le public ou l'incommoder (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.2 p. 104; arrêt 6A.4/2004 du 22 mars 2004 consid. 3.3). Il appartenait dès lors au recourant d'expliquer en quoi un tel retrait était injustifié et consacrait une violation du droit fédéral. On cherche en vain une telle argumentation que ce soit dans le mémoire de recours rédigé en italien le 3 mars 2014 ou dans le recours en français du 14 mars 2014.
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6. Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service de la circulation routière et de la navigation, au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, ainsi que, pour information, à l'Office fédéral des routes.
 
Lausanne, le 3 juillet 2014
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président :  Le Greffier :
 
Fonjallaz  Parmelin
 
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