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Informationen zum Dokument  BGer 5A_450/2013  Materielle Begründung
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BGer 5A_450/2013 vom 06.06.2014
 
{T 0/2}
 
5A_450/2013
 
 
Arrêt du 6 juin 2014
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges fédéraux von Werdt, Président, Escher, Hohl, Marazzi et Herrmann.
 
Greffière: Mme Achtari.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________ SA en récupération judiciaire,
 
représentée par Me Marc Joory, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Y.________,
 
représentée par Me Matteo Pedrazzini, avocat,
 
intimée,
 
Office des poursuites de Genève,
 
rue du Stand 46, 1204 Genève,
 
Office des faillites de Genève, chemin de la Marbrerie 13, 1227 Carouge GE,
 
Office du registre du commerce du canton de Genève, Mme Fabienne Lefaux Rodriguez,
 
rue du Puits-Saint-Pierre 4, 1204 Genève,
 
Registre foncier, rue des Gazomètres 5-7, 1205 Genève.
 
Objet
 
reconnaissance d'un jugement étranger,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 10 mai 2013.
 
 
Faits:
 
 
A.
 
A.a. Y.________ est une société anonyme constituée selon le droit de l'État du Delaware ayant son siège à Wilmington (Etat du Delaware/USA); elle est une filiale de A.________, compagnie aérienne active en Amérique du Sud.
 
A.b. Le 29 août 2007, Y.________ a introduit devant la Cour suprême de l'État de New York une action en paiement contre X.________, qui a abouti à deux jugements par lesquels X.________ a été condamnée à payer à Y.________:
 
A.c. En garantie de ses créances contre X.________, Y.________ a requis et obtenu en Suisse trois séquestres, qu'elle a validés par des poursuites.
 
A.c.a. Le 19 octobre 2007, invoquant l'action pendante devant la Cour suprême de New York, Y.________ a requis le séquestre, à concurrence de 20'090'891 fr. 21 plus intérêts à 2 % dès le 29 septembre 2006, des avoirs de X.________ en mains de la succursale genevoise de B.________, séquestre qui a été prononcé le même jour, puis exécuté par l'Office des poursuites de Genève (n° xxxx; ci-après: 1er séquestre), et qu'elle a validé par une poursuite (n° xxxx; ci-après: 1ère poursuite).
 
A.c.b. L'Office des poursuites ayant soutenu que le séquestre du 19 octobre 2007 était caduc, Y.________ a requis un nouveau séquestre pour sauvegarder ses droits (n° xxxx; ci-après: 2ème séquestre), qu'elle a validé par une poursuite, dont le commandement de payer a été notifié le 29 avril 2009 (n° xxxx; ci-après: 2
 
A.c.c. Le 18 juin 2010, Y.________ a requis et obtenu un troisième séquestre portant sur des avoirs additionnels de X.________ (n° xxxx; ci-après: 3
 
 
B.
 
B.a. Pendant que la créancière Y.________ séquestrait et poursuivait en Suisse le recouvrement de ses créances, X.________ a, tout d'abord, fait l'objet au Brésil d'une décision de récupération judiciaire du 13 mars 2009 du Tribunal de justice de Sao Paulo, équivalant à un sursis concordataire du droit suisse et prononçant la suspension des mesures d'exécution forcée à son encontre durant une période de 180 jours.
 
B.b. Puis, le 5 octobre 2009, la I ère Chambre des faillites et des redressements judiciaires du Tribunal de justice de Sao Paulo a octroyé à X.________ le bénéfice du redressement judiciaire et a avalisé le plan de redressement ( 
 
C. Chacune de son côté, Y.________ et X.________ ont demandé en Suisse la reconnaissance des jugements, new-yorkais pour la première (cf.  infra C.a) et brésiliens pour la seconde (cf.  infra C.b), dont les procédures s'étaient déroulées plus ou moins en parallèle.
 
C.a. Y.________ a demandé en Suisse la reconnaissance des deux jugements new-yorkais et la mainlevée définitive des oppositions dans les poursuites en validation de séquestre qu'elle avait introduites.
 
C.a.a. Le 9 décembre 2008, Y.________ a déposé une requête de reconnaissance et de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer dans la 1ère poursuite en validation de séquestre.
 
C.a.b. Le 15 juin 2010, Y.________ a demandé la reconnaissance du jugement new-yorkais du 8 juin 2010 et la mainlevée dans les deux premières poursuites à concurrence des intérêts jusqu'au 22 janvier 2009 alloués par ce jugement.
 
C.a.c. Le 18 août 2010, Y.________ a requis qu'il soit constaté que le jugement de la Cour suprême de l'Etat de New York du 8 juin 2010 a été reconnu et déclaré exécutoire et a requis la mainlevée dans la 3
 
 
C.b.
 
C.b.a. De son côté, le 6 juillet 2009, X.________ a demandé au Tribunal de première instance de Genève tout d'abord la reconnaissance en Suisse de la décision de sursis concordataire brésilienne du 13 mars 2009, par laquelle avaient été ordonnées l'ouverture d'une procédure de " récupération judiciaire " en sa faveur et la suspension des mesures d'exécution forcée à son encontre pendant une durée de 180 jours.
 
C.b.b. Parallèlement à la procédure de reconnaissance du sursis concordataire, le 28 janvier 2010, X.________ a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles de droit cantonal tendant à la suspension des poursuites diligentées contre elle et à la saisie conservatoire des avoirs sous séquestre.
 
 
D.
 
D.a. Le 27 décembre 2010, X.________ a demandé au Tribunal de première instance de Genève la reconnaissance en Suisse de l'homologation du concordat du 5 octobre 2009, et des arrêts confirmant celle-ci des 1
 
D.b. Parallèlement à la procédure de reconnaissance de l'homologation, X.________ a requis, par requête de mesures provisionnelles du 29 décembre 2010, la suspension des trois poursuites, la suspension de la saisie dans la première de celle-ci, la saisie conservatoire des biens faisant l'objet des trois séquestres, et l'interdiction à l'Office de distribuer les avoirs saisis dans la première poursuite jusqu'à droit connu sur la requête de reconnaissance, mesures auxquelles le tribunal a fait droit, d'abord par ordonnance superprovisionnelle du 30 décembre 2010, puis par ordonnance du 12 septembre 2011.
 
 
E.
 
E.a. Contre l'arrêt d'irrecevabilité de la Cour de justice du 10 mai 2013, qui a pour conséquence le maintien du jugement de première instance refusant la reconnaissance de l'homologation du concordat, X.________ interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 14 juin 2013. Elle conclut à son annulation, à ce que la reconnaissance et l'exécution des décisions brésiliennes des 5 octobre 2009, 1 er juin 2010 et ( 
 
E.b. Par ordonnance du 15 juillet 2013, la requête de mesures provisionnelles de la recourante a été admise, afin de maintenir les choses en l'état durant la procédure fédérale et d'éviter de rendre illusoire le recours en matière civile.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
1.1. La décision relative à la reconnaissance en Suisse d'un jugement étranger qui ordonne l'équivalent d'une homologation d'un concordat judiciaire du droit suisse est une décision sur l'entraide judiciaire en matière civile, qui est susceptible d'un recours en matière civile en vertu de l'art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF. En tant qu'il est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et selon les formes prévues par la loi (art. 42 al. 2 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue sur recours par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF), le recours est en principe recevable, et ce indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF; arrêt 5A_293/2011 du 10 octobre 2011 consid. 1.1 et les arrêts cités, non publié 
 
1.2. L'état de fait de l'arrêt attaqué a été complété d'office sur la base des arrêts du Tribunal fédéral déjà rendus entre les parties et du dossier cantonal (art. 105 al. 2 LTF).
 
2. Selon l'arrêt attaqué, le recours est irrecevable, la requérante n'ayant pas d'intérêt à la reconnaissance en Suisse de l'homologation du concordat brésilien.
 
3. L'intimée soutient que la recourante n'a pas d'intérêt au présent recours pour plusieurs raisons.
 
3.1. Tout d'abord, l'intimée est d'avis que, puisque X.________ n'avait pas d'intérêt au recours cantonal, cette absence de qualité pour recourir persiste devant le Tribunal fédéral (p. 3 n. 3).
 
3.1.1. Conformément à l'art. 76 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière civile quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et est particulièrement touché par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (let. b).
 
3.1.2. La cour cantonale a examiné sous l'angle de l'intérêt juridique au recours la question de savoir si la créancière séquestrante avait un droit sur les avoirs consignés en vertu de l'art. 199 al. 2 LP et a déclaré le recours de X.________ irrecevable. Or, comme elle le soutient, la recourante avait déjà un intérêt au recours cantonal. En effet, la cour cantonale a en réalité tranché une question de fond, à savoir l'intérêt de X.________ à la demande de reconnaissance de l'homologation de son concordat qu'elle avait déposée, et celle-ci avait un intérêt à pouvoir faire contrôler cette question de fond par la Cour de justice. L'intimée admet d'ailleurs que la question de l'art. 199 al. 2 LP se confond avec le fond et précise qu'elle fera valoir ses arguments sous l'angle du caractère infondé du recours. La dénomination inexacte du dispositif de l'arrêt de la Cour de justice (irrecevabilité au lieu de rejet) est toutefois sans conséquence.
 
3.2. L'intimée fait ensuite valoir que X.________ est désormais en faillite au Brésil, comme celle-ci l'admet dans son recours. Elle expose qu'elle a déjà soumis ce point à la Cour de justice, qui ne l'a pas traité, et elle le reprend donc devant le Tribunal fédéral. Selon elle, la survenance de cette faillite en cours de procédure revêt une importance capitale, tant sous l'angle de l'intérêt à poursuivre la procédure de reconnaissance de l'homologation du concordat, que sous l'angle de la qualité de partie de la recourante (p. 4 n. 8) : la recourante n'aurait plus la capacité d'être partie et donc plus qualité pour recourir au Tribunal fédéral (cf. 
 
3.2.1. Quant à la capacité d'être partie et à la qualité pour recourir au Tribunal fédéral, l'intimée soutient que la société recourante n'existe plus, vu qu'elle est tombée en faillite au Brésil, qu'elle n'a par conséquent pas la qualité pour recourir et qu'il n'y a pas non plus de substitution par la masse en faillite puisque le jugement de faillite brésilien n'a pas encore été valablement reconnu en Suisse (p. 5 ch. 19 ss).
 
3.2.2. Quant à l'intérêt juridique à la reconnaissance d'un concordat, l'intimée soutient que la recourante n'en a plus et commet un abus de droit, puisque, étant en faillite, elle n'a plus d'intérêt à la reconnaissance de l'homologation de son propre concordat qui a avorté (p. 4 ch. 10 ss), les décisions de concordat étant réduites à néant par la décision d'ouverture de la faillite.
 
4. Au fond, la question litigieuse est de savoir si la reconnaissance de l'homologation du concordat doit être prononcée ou si des motifs s'y opposent.
 
4.1. En substance, la cour cantonale a estimé que la reconnaissance n'a pas à être prononcée parce que, en vertu de l'art. 199 al. 2 LP, la créancière séquestrante a la préférence sur les avoirs saisis: le premier séquestre obtenu par la créancière a été converti en saisie définitive et les délais de participation sont échus, de sorte que celle-ci a acquis le droit d'être désintéressée sur les biens saisis. Implicitement, il n'y a donc pas de biens en Suisse qu'il faudrait inventorier dans un concordat ancillaire ou qui devraient revenir à la masse concordataire étrangère.
 
4.2. Un concordat, ou une procédure analogue, homologué par une juridiction étrangère est reconnu en Suisse conformément aux règles des art. 166 à 170 LDIP, applicables par analogie (art. 175 al. 1 LDIP).
 
4.2.1. La reconnaissance a pour effet d'étendre en Suisse l'effet obligatoire du concordat étranger pour tous les créanciers (à l'exception des créanciers gagistes dont le gage se trouve en Suisse et des créanciers privilégiés domiciliés en Suisse; art. 172 al. 1 LDIP), de façon à les empêcher de tenter de recouvrer en Suisse le solde de leurs créances non couvert par le dividende ou le produit de la réalisation des actifs abandonnés, et ce alors qu'ils ont auparavant, à l'étranger, approuvé le concordat (Message du Conseil fédéral concernant une loi fédérale sur le droit international privé du 10 novembre 1982, 
 
4.2.2. Le concordat, ou une procédure analogue, étranger est reconnu en Suisse aux conditions de l'art. 166 al. 1 LDIP (par renvoi de l'art. 175 LDIP), à savoir lorsque la décision étrangère a été rendue par une autorité compétente (compétence indirecte; art. 166 al. 1 in initio LDIP), qu'elle est exécutoire (art. 166 al. 1 let. a LDIP) et qu'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP, parce qu'elle respecte l'ordre public matériel et l'ordre public formel (let. b) et que la réciprocité est accordée par l'État où la décision a été rendue (let. c; cf. BRACONI, 
 
4.3. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il n'y a pas de créanciers gagistes ou de créanciers privilégiés en Suisse. Il n'y a donc pas à ouvrir de procédure de concordat ancillaire.
 
4.4. En conclusion, c'est à tort que la Cour de justice a rejeté la demande de reconnaissance déposée par la recourante pour le motif retenu. Le recours doit donc être admis et l'arrêt attaqué annulé. La cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour examen des autres conditions de la reconnaissance.
 
5. Les frais de la procédure doivent être mis à la charge de l'intimée qui succombe et une indemnité de dépens, à verser à la recourante doit être mise à sa charge (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
2. Les frais de la procédure, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3. L'intimée versera à la recourante une indemnité de dépens de 15'000 fr.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office des poursuites de Genève, à l'Office des faillites de Genève, à l'Office du registre du commerce du canton de Genève, au Registre foncier et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 6 juin 2014
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: von Werdt
 
La Greffière: Achtari
 
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