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Informationen zum Dokument  BGer 4A_235/2013  Materielle Begründung
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BGer 4A_235/2013 vom 27.05.2014
 
{T 0/2}
 
4A_235/2013
 
 
Arrêt du 27 mai 2014
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Kolly, Hohl, Kiss et Niquille.
 
Greffier: M. Piaget.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par
 
Me Alessandro De Lucia,
 
recourant,
 
contre
 
1. B.________ SA,
 
représentée par son commissaire, Me Peter Pirkl,
 
2.  Hoirie de feu C.________, soit:
 
3. A.C.________, représentée par Me Jean-Philippe Rochat et Me Edgar Philippin, avocats, place
 
St-François 1, 1003 Lausanne,
 
4. B.C.________, représentée par Me Mike Hornung,
 
intimées.
 
Objet
 
carences dans l'organisation d'une société anonyme,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 22 mars 2013.
 
 
Faits:
 
A. B.________ S, société anonyme sise à X.________ (Genève), active notamment dans les produits haut de gamme de l'horlogerie, possède un capital-actions de 1'400'000 fr., composé de 1'400 actions nominatives de 1'000 fr.
 
 
B.
 
B.a. Faisant valoir que la société se trouvait dans une situation de carence dans son organisation au sens de l'art. 731b CO, C.________ a déposé auprès du Tribunal de première instance de Genève, le 4 novembre 2011, une requête dirigée contre la société, concluant à la nomination d'un commissaire pour celle-ci. Il s'est opposé à ce que A.________ et D.________ représentent B.________ SA.
 
B.b. La question de la représentation de B.________ SA dans la procédure étant tranchée, les parties ont alors discuté la question de fond, soit la nécessité de prendre des mesures sur la base de l'art. 731b CO (cf. infra).
 
C. A.________ exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal genevois. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et il reprend ses conclusions prises devant l'instance précédente. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause devant celle-ci.
 
D. Le 27 mai 2014, la présente cause a fait l'objet d'une délibération publique.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
1.1. Le recours est interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions touchant ses intérêts pécuniaires et qui a donc qualité pour recourir (cf. art. 76 al. 1 LTF). Il est dirigé contre une décision partielle (art. 91 let. a LTF) rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 LTF).
 
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant en principe aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584).
 
1.3. Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). La juridiction fédérale peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62), ou établies en violation du droit comme l'entend l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il lui incombe alors d'indiquer de façon précise en quoi les constatations critiquées sont contraires au droit ou entachées d'une erreur indiscutable, à défaut de quoi le grief est irrecevable (ATF 137 I 58 ibidem).
 
1.4. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).
 
 
2.
 
2.1. Il est de jurisprudence qu'en vertu de l'art. 731b al. 1 CO, il y a carence dans l'organisation de la société notamment lorsqu'un blocage persistant au sein de l'actionnariat empêche l'élection d'un organe (arrêt 4A_630/2011 du 7 mars 2012 consid. 2.3 non publié in ATF 138 III 166; ATF 138 III 294 consid. 3.1.5 p. 299; cf. Chenaux/Hänni, Carence dans l'organisation de la société: étude des aspects matériels et procéduraux de l'art. 731b CO, JdT 2013 II p. 101 s., et les arrêts cités).
 
2.2. Le recourant objecte que la situation au sein de l'actionnariat ne fait en l'espèce pas obstacle au fonctionnement du conseil d'administration, ce cas de figure étant précisément réglementé par une clause statutaire. Il s'appuie sur l'art. 15 des statuts de la société intimée, selon lequel " le Conseil d'administration se compose d'un ou de plusieurs membres. En règle générale, il est élu lors de l'assemblée générale ordinaire et pour la durée d'une année. Les membres du Conseil d'administration restent en fonction jusqu'à ce que l'assemblée générale ait procédé à une nouvelle élection ou qu'elle les ait reconduits dans leur fonction (...) ".
 
2.3. Lorsqu'il s'agit d'interpréter des statuts, les méthodes d'interprétation peuvent varier en fonction du type de société. Pour l'interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d'interprétation de la loi. Pour celle de statuts de petites sociétés, on se réfère plutôt aux méthodes d'interprétation des contrats, à savoir une interprétation selon le principe de la confiance, l'interprétation subjective n'entrant en considération que si les sociétaires étaient, comme en l'espèce, très peu nombreux (arrêt 4C.350/2002 du 25 février 2003 consid. 3.2 publié in SJ 2003 I p. 577; ATF 107 II 179 consid. 4c p. 186).
 
2.4. Le recourant considère que la volonté (réelle) des parties était de maintenir les administrateurs en place tant que de nouvelles élections n'auraient pas abouti (le mandat des administrateurs alors en place étant confirmé ou de nouveaux administrateurs étant élus). Il soutient que la cour cantonale a sombré dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) en n'établissant pas la réelle et commune intention des parties, examen qu'il considère comme indispensable pour établir la signification de la clause litigieuse.
 
2.5. Il faut remarquer, à titre liminaire, que la situation diffère du cas de figure dans lequel la réélection des membres du conseil d'administration (dont la durée du mandat a expiré) n'a pas été soumise à l'assemblée générale, celle-ci n'ayant pas été convoquée, ou la question ne lui ayant pas été présentée (sur les diverses positions doctrinales quant à l'admissibilité d'une prolongation tacite du mandat dans cette situation: TRAUTTMANN/VON DER CRONE, Organisationsmängel und Pattsituationen in der Aktiengesellschaft, RSDA 5/2012, p. 465; MEINRAD VETTER, Der Verantwortlichkeitsrechtliche Organbegriff gemäss Art. 754 Abs. 1 OR, thèse St-Gall 2007, p. 146 s.). En effet, il résulte en l'espèce des constatations cantonales qu'une assemblée générale ordinaire de la société intimée a été convoquée et formellement tenue. L'élection du conseil d'administration était à l'ordre du jour et il a été procédé au vote. Les voix nécessaires n'étant pas réunies, les trois administrateurs n'ont pas été réélus.
 
2.6. Lorsque l'assemblée générale se prononce sur le renouvellement du mandat d'un administrateur et que celui-ci n'obtient pas les voix nécessaires à sa réélection, son mandat prend fin. L'assemblée générale a ainsi, par sa décision, exprimé une volonté en matière de composition des organes (qui est celle de ne pas réélire les membres du conseil d'administration proposés à l'élection). Si l'on admettait la validité d'une clause statutaire prévoyant dans ce cas de figure une réélection automatique des administrateurs, elle n'aurait pas seulement pour effet de prolonger tacitement le mandat des administrateurs, mais bien de faire obstacle à la volonté exprimée par l'assemblée générale. Autrement dit, elle restreindrait le droit (inaliénable) de l'assemblée générale de nommer les membres du conseil d'administration, ce qui n'est pas admissible (cf. art. 698 al. 2 ch. 2 CO; WERNLI/RIZZI, in Basler Kommentar, Obligationenrecht II, 4e éd. 2012, no 3 ad art. 710 CO; ADRIAN PLÜSS, Die Rechtsstellung des Verwaltungsratsmitgliedes, thèse Zurich 1990 p. 90 note de pied 470). La validité d'une telle clause, qui néglige les structures de base de la société anonyme, doit être niée (cf. art. 706b ch. 3 CO; KATJA ROTH PELLANDA, Organisation des Verwaltungsrates, thèse Zurich 2007, p. 89 s., 196 s. et 202).
 
2.7. Le recourant ne conteste pas vraiment les considérations qui précèdent, mais il soutient que l'art. 15 des statuts ne contient pas de " clause tacite de réélection au sens de ce qu'entend la doctrine ". Il en veut pour preuve que la clause litigieuse ne vise pas simplement l'oubli ou le manque de volonté de tenir une assemblée générale (cas de figure abondamment traité par la doctrine), mais qu'elle reflète une autre situation, soit la volonté expresse des parties de maintenir les administrateurs en place en cas d'échec d'une nouvelle élection. Le recourant, pour autant qu'on comprenne bien son argumentation, ne fait pas de distinction selon que l'assemblée générale a (cf. supra consid. 2.6), ou non (cf. supra consid. 2.5), pu se prononcer sur l'élection des membres du conseil d'administration. Or, en l'espèce, seul le premier cas de figure doit être examiné et c'est en partant de cette prémisse que la validité de la clause litigieuse doit être tranchée.
 
2.8. En conséquence, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que l'impossibilité pour l'assemblée générale de procéder à l'élection (ou à la réélection) du conseil d'administration, faute du nombre de voix nécessaires, constitue un blocage (pat) au sens de la jurisprudence et que l'art. 731b al. 1 CO impose donc au juge de prendre des mesures.
 
3. Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le recourant versera à la société intimée (B.________ SA) une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
 
4. Il versera aux intimées (A.C.________ et B.C.________), créancières solidaires, une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
 
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile.
 
Lausanne, le 27 mai 2014
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: Klett
 
Le Greffier: Piaget
 
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