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Informationen zum Dokument  BGer 6B_1045/2013  Materielle Begründung
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BGer 6B_1045/2013 vom 14.04.2014
 
{T 0/2}
 
6B_1045/2013
 
 
Arrêt du 14 avril 2014
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
 
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
 
Greffière: Mme Kistler Vianin.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Yann Arnold, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République
 
et canton de Genève,
 
intimé.
 
Objet
 
Traitement institutionnel en milieu fermé,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
 
du canton de Genève, Chambre pénale d'appel
 
et de révision, du 16 septembre 2013.
 
 
Faits:
 
A. Par jugement du 27 septembre 2012, le Tribunal d'application des peines et des mesures du canton de Genève (ci-après: TAPEM) a ordonné la poursuite du traitement institutionnel en milieu fermé (art. 59 al. 3 CP) de A.________.
 
B. Par arrêt du 16 septembre 2013, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.________ et confirmé le jugement de première instance.
 
B.a. Par ordonnance de non-lieu du 26 mars 2004, la Chambre d'accusation de Genève a reconnu l'irresponsabilité de A.________, prévenu de meurtre, et ordonné son internement, en application de l'ancien art. 43 CP.
 
B.b. Par jugement du 17 mars 2011, le Tribunal d'application des peines et des mesures du canton de Genève a libéré conditionnellement A.________ de la mesure d'internement et a ordonné, en lieu et place, une mesure institutionnelle en milieu fermé (art. 59 al. 3 CP).
 
B.c. Dans le cadre de l'examen annuel de la mesure au sens de l'art. 62d al. 2 CP, la Commission d'évaluation de la dangerosité du canton de Genève (ci-après: CED) a précisé le 30 avril 2012 que A.________ présentait toujours un caractère dangereux pour la collectivité. Elle a constaté que le recourant souffrait toujours d'une psychose chronique sans rémission à aucun moment malgré le traitement psychotrope majoré et la psychothérapie entrepris. Selon elle, le trouble mental dont souffrait le recourant restait chronique et décompensé, notamment en raison du fait que le recourant avait plusieurs fois interrompu son traitement, et il ne pouvait pas garantir qu'il s'abstiendrait de le faire à l'avenir. La CED a ajouté que la dangerosité du recourant restait élevée, notamment au vu de sa consommation épisodique de stupéfiants depuis son incarcération en 2006, même en milieu protégé. En outre, il avait déjà fugué d'un milieu psychiatrique hospitalier à réitérées reprises, et avait même tenté de prendre la fuite depuis la prison de F.________ en septembre 2011. La CED a conclu que, compte tenu de son état clinique et de son parcours, le risque de récidive restait majeur et qu'un changement de mesure était manifestement prématuré et représenterait un danger pour la sécurité collective.
 
B.d. Selon le préavis du 8 août 2012 du Service de l'application des peines et mesures genevois (ci-après: SAPEM), la poursuite d'un traitement institutionnel en milieu fermé, conformément à l'art. 59 al. 3 CP, restait nécessaire en raison de la pathologie dont souffrait A.________, avec des conduites depuis l'Union carcérale psychiatrique (ci-après: UCP). L'intéressé était demandeur d'entretiens réguliers et n'avait pas présenté de trouble de comportement mais des angoisses quant à son avenir et au flou de sa situation. Il collaborait à son traite-ment et faisait confiance à l'équipe soignante.
 
B.e. Selon le certificat du 12 mars 2013 du Service de psychiatrie pénitentiaire de F.________, A.________ se présentait volontairement et régulièrement à ses entretiens hebdomadaires. Il acceptait le traitement mis en place (Haldol decanoas intramusculaire 350 mg toutes les trois semaines) ainsi que la médication per os (Depakine et Tranxilium). Son état clinique était globalement meilleur, mais restait fluctuant. Le travail psychothérapeutique continuait à être axé sur l'acceptation et la compréhension de sa maladie et la gestion de ses symptômes (idées délirantes de persécution, hallucinations). Le patient arrivait à identifier les symptômes précurseurs d'une crise et pouvait demander une médication supplémentaire lorsqu'il se sentait trop envahi par des pensées intrusives. Il poursuivait ses activités aux ateliers de la prison, aucun trouble de comportement n'ayant été rapporté, et continuait à nouer des contacts à l'extérieur. L'intéressé avait bénéficié de six sorties accompagnées depuis le 31 juillet 2012 sur le domaine de G.________ depuis l'UCP d'une durée d'une à deux heures qui s'étaient bien déroulées, A.________ ayant respecté le cadre proposé. Ces sorties lui avaient permis dans un premier temps de retrouver une certaine énergie puis elles avaient fait place à une certaine frustration et à l'incompréhension qu'elles ne soient pas accompagnées d'un projet concret de passage en milieu ouvert. Le patient exprimait un sentiment de lassitude et de tristesse face à la prolongation de son incarcération à F.________. Ces sorties étaient toutefois pratiquement difficiles à organiser et l'équipe médicale n'arrivait pas toujours à honorer ses engagements, ce qui était source de frustration supplémentaire compréhensible. Les thérapeutes suggéraient d'organiser une nouvelle réunion en réseau pour effectuer un bilan de la situation.
 
C. Contre l'arrêt du 16 septembre 2013, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le traitement institutionnel en milieu fermé est levé au profit d'un traitement institutionnel en milieu ouvert, qu'il est ordonnée des règles de conduites strictes, un traitement ambulatoire et une assistance de probation et qu'il est constaté que le principe de la célérité est violé. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
 
 
Considérant en droit:
 
1. Le recourant soutient que la cour cantonale a apprécié les faits de manière arbitraire. En particulier, il lui reproche d'avoir retenu que la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après: CED) et le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) avaient relevé dans leur préavis des mois d'avril et août 2012 que le recourant présentait toujours un caractère dangereux pour la collectivité.
 
1.1. Le Tribunal fédéral est un juge du droit. Il ne peut revoir les faits établis par l'autorité précédente que s'ils l'ont été de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). On peut renvoyer, sur la notion d'arbitraire, aux principes maintes fois exposés par le Tribunal fédéral (voir par ex: ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 379; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560 ; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). En bref, pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat.
 
1.2. Le recourant soutient que la cour cantonale est tombée dans l'arbitraire en retenant que le SAPEM avait considéré qu'il présentait " toujours un caractère dangereux pour la collectivité ". En effet, ce service n'aurait que résumé la position de la CED.
 
1.3. Le recourant fait valoir que le préavis de la CED se base sur des prémisses inexactes, ôtant tout caractère probant aux conclusions y relatives. Premièrement, elle aurait retenu, de manière erronée, une " consommation épisodique de stupéfiants depuis son incarcération en 2006 "; il aurait au contraire cessé complètement toute consommation, tant de stupéfiants que d'alcool et conteste avoir consommé de la cocaïne, comme cela est relevé dans l'arrêt attaqué, en 2010. En second lieu, les fugues mentionnées par la CED se rapportent à la période avant la commission des faits ayant conduit la Chambre d'accusation à ordonner une mesure (à savoir il y a plus de dix ans) et surtout datent d'avant sa prise de conscience de sa maladie.
 
La CED a constaté que le trouble mental dont souffre le recourant restait chronique et décompensé et qu'il ne pouvait garantir qu'il n'interromprait pas son traitement. Elle a qualifié le recourant de dangereux, notamment au vu de sa consommation épisodique de stupéfiants depuis son incarcération en 2006, même en milieu protégé. Le recourant conteste cette affirmation qu'il qualifie d'arbitraire, soutenant qu'il est abstinent. Purement appellatoire, cette argumentation est toutefois irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). La CED a noté que le risque de fuite était élevé, dès lors que le recourant avait déjà fugué d'un milieu psychiatrique hospitalier à réitérées reprises, et avait même tenté de prendre la fuite depuis la prison de F.________ en septembre 2011. Le recourant relève que ces fugues se rapportent à la période avant la commission des faits ayant conduit la Chambre d'accusation à ordonner une mesure (à savoir il y a plus de dix ans) et surtout datent d'avant sa prise de conscience de sa maladie. S'il est vrai que le contexte a changé, il n'en reste pas moins que le recourant a fugué alors qu'il était placé dans un milieu ouvert. Pour le surplus, l'UCP est une division de F.________. Les faits retenus par la CED ne sont donc pas inexacts. Le grief soulevé doit être rejeté.
 
2. Le recourant conclut principalement à la levée conditionnelle de la mesure de traitement institutionnel en milieu fermé et au prononcé d'un traitement institutionnel en milieu ouvert. Il explique qu'il se conforme aux traitements proposés, en particulier aux injections depuis 25 mois, sans interruption, sans décompensation et sans avoir présenté de trouble du comportement. Il a opéré une prise de conscience et accepte sa maladie. Il a en outre appris à identifier les premiers symptômes précurseurs d'une crise et à développer des stratégies qui lui permettent de se recentrer et de ne pas se laisser entièrement submerger par des idées délirantes.
 
 
2.1.
 
2.1.1. En règle générale, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). L'art. 59 al. 3 CP prévoit que, tant qu'il existe un risque de fuite ou de récidive, le traitement doit être exécuté dans un établissement fermé ; il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 2e phrase CP).
 
Le risque de récidive doit être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Il vise cette fois la dangerosité interne du prévenu. Au regard du principe de la proportionnalité, le placement dans un établissement fermé ne peut être ordonné que lorsque le comportement ou l'état du condamné représente une grave mise en danger pour la sécurité et l'ordre dans l'établissement (arrêts 6B_205/2012 du 27 juillet 2012, consid. 3.2.2; 6B_384/2010 du 15 septembre 2010, consid. 2.1.2 ; 6B_629/2009 du 21 décembre 2009, consid. 1.2.2.2).
 
2.1.2. La commission visée à l'art. 62d al. 2 CP apprécie, lorsqu'il est question d'un placement dans un établissement d'exécution des peines ouvert ou de l'octroi d'allégements dans l'exécution, le caractère dangereux du détenu pour la collectivité si le détenu a commis un crime visé à l'art. 64 al. 1 CP et que l'autorité d'exécution ne peut se prononcer d'une manière catégorique sur le caractère dangereux du détenu pour la collectivité. Le caractère dangereux du détenu pour la collectivité est admis s'il y a lieu de craindre que le détenu ne s'enfuie et ne commette une autre infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui (art. 75a al. 3 CP).
 
 
2.2.
 
2.2.1. Il convient de noter qu'en l'espèce, la CED a qualifié le recourant de dangereux et préconisé son maintien dans un établissement fermé. Contrairement à ce que soutient le recourant, ce préavis ne repose pas sur des prémisses inexactes.
 
2.2.2. Le recourant souffre d'un grave trouble psychotique sous la for-me d'un trouble schizo-affectif ainsi que d'une personnalité dyssociale. Ce trouble mental l'a conduit à adopter des comportements dangereux et, en l'absence d'une médication spécifique, il est sérieusement à craindre qu'il ne commette de nouvelles infractions pouvant porter atteinte à l'intégrité physique et psychique d'autrui, voire de lui-même. Les actes qu'il a commis relèvent d'une grande violence puisqu'il a tué son amie, en 2003, meurtre pour lequel il a été reconnu irresponsable, et qu'en février 2011, à la suite de la rupture du traitement en cours, il s'est planté deux stylos dans la gorge.
 
2.2.3. Depuis la fin de l'année 2010, le recourant suit un nouveau traitement médicamenteux et le cours de sa maladie mentale a évolué de façon positive. A teneur des certificats médicaux des 4 avril 2012, actualisés en juillet 2012 et le 12 mars 2013, du Service de l'unité psychiatrique de F.________, le recourant suit régulièrement une psychothérapie axée sur l'acceptation et la compréhension de sa maladie ainsi que la gestion de ses symptômes. Il a accepté le traitement médicamenteux ainsi que la médication 
 
2.3. Le recourant sollicite un complément d'instruction. Il fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir complété l'instruction, compte tenu de l'écoulement du temps depuis l'établissement des premiers rapports (avril 2012). Selon lui, elle aurait dû requérir un plan d'exécution de la mesure, un rapport médical et explicatif sur le déroulement des sorties, les modalités et la suite envisagée, ainsi que l'établissement d'une expertise.
 
3. Le recourant dénonce une violation du principe de la célérité (art. 62d CP et art. 5 CPP).
 
3.1. Selon l'art. 62d al. 1 CP, l'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, si l'auteur peut être libéré conditionnellement de l'exécution de la mesure ou si la mesure peut être levée et, si tel est le cas, quand elle peut l'être. Elle prend une décision à ce sujet au moins une fois par an.
 
3.2. En l'espèce, le TAPEM a ordonné un traitement institutionnel en milieu fermé par jugement du 17 mars 2011. Ce jugement n'a pas été attaqué. En vue de l'examen annuel de cette mesure, le Ministère public a saisi le TAPEM d'une requête en poursuite du traitement institutionnel en milieu fermé en date du 10 août 2012, à savoir plus de 17 mois plus tard. Ce tribunal a refusé la libération du recourant, par jugement du 27 septembre 2012, qui a fait l'objet d'un appel à la cour cantonale. Celle-ci a rendu son jugement le 16 septembre 2013.
 
Il apparaît que la durée globale pour statuer, à savoir 30 mois entre mars 2011 et septembre 2013 et, en particulier, 12 mois uniquement pour la procédure d'appel, consacre une violation de l'art. 62d al. 1 CP. Si l'on ne peut reprocher au TAPEM un manque de diligence, il en va différemment de la procédure par-devant la cour cantonale. Cette violation du principe de la célérité ne conduit pas en elle-même à l'annulation de l'arrêt attaqué ni ne constitue un motif de prononcer la levée de la mesure et le placement dans un milieu ouvert. Toutefois, elle est constatée dans le présent considérant et le recourant bénéficiera d'une dispense de frais de justice et obtiendra une indemnité pour ses frais de défense (cf. ATF 137 IV 118 consid. 2.2 p. 121).
 
4. Le recours doit être admis partiellement en ce sens que la violation du principe de la célérité est constatée, l'Etat de Genève supportant les frais de la procédure cantonale ainsi qu'une indemnité allouée au recourant à titre de dépens.
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est partiellement admis en ce sens qu'il est constaté que le principe de la célérité a été violé, les frais de la procédure cantonale d'appel étant laissés à la charge de l'Etat de Genève, qui versera au recourant une indemnité à titre de dépens.
 
2. Le recours est, pour le surplus, rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4. Une indemnité de 2'000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge du canton de Genève.
 
5. La requête d'assistance judiciaire est sans objet.
 
6. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
 
Lausanne, le 14 avril 2014
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Mathys
 
La Greffière: Kistler Vianin
 
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