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Informationen zum Dokument  BGer 6B_875/2013  Materielle Begründung
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BGer 6B_875/2013 vom 07.04.2014
 
{T 0/2}
 
6B_875/2013
 
 
Arrêt du 7 avril 2014
 
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
 
Denys et Rüedi.
 
Greffière: Mme Livet.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Maîtres Robert Assael
 
et Jean-François Marti, avocats,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République
 
et canton de Genève,
 
intimé.
 
Objet
 
Indemnisation, interdiction de la reformatio in pejus,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel
 
et de révision de la Cour de justice du canton de Genève du 22 juillet 2013.
 
 
Faits:
 
A. Par jugement du 12 septembre 2011, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a octroyé à A.________ le montant de 872'794 fr. 50 avec intérêt à 5 % l'an dès le 20 mai 2006 à titre d'indemnité pour ses frais de défense et de 60'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 20 mai 2006 en réparation du tort moral.
 
B. Par arrêt du 22 juillet 2013, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel de A.________ en tant qu'il portait contre le jugement rendu le 5 juillet 2012, a partiellement admis celui dirigé contre le jugement du 12 septembre 2011 et a alloué en sus à A.________ 34'905 fr. 60 avec intérêt à 5 % l'an dès le 10 mai 2012 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cet arrêt traitait également de l'indemnisation d'un autre coprévenu acquitté.
 
C. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant, avec suite de dépens, à sa réforme en ce sens que l'Etat de Genève est condamné à lui verser 2'653'345 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 20 mai 2006 à titre de dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure, et 3'746'562 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 20 mai 2006 à titre de dommage économique.
 
 
Considérant en droit:
 
1. Les prétentions en indemnisation du prévenu sont indissociables de la procédure pénale et relèvent du recours en matière pénale (ATF 139 IV 206 consid. 1 p. 208). Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF), le recours est en principe recevable.
 
2. Invoquant une violation de son droit d'être entendu, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas s'être exprimée sur le droit applicable à l'indemnisation. Le grief est dépourvu de tout fondement. La cour cantonale s'est largement exprimée sur cette problématique (cf. arrêt attaqué p. 23 à 25). Il n'existe aucune déficience de motivation.
 
3. En référence aux art. 391 al. 2, 404 al. 1, 429, 448 CPP et 2 CP, le recourant invoque une violation de l'interdiction de la reformatio in pejus et une violation de la lex mitior. Pour lui, l'ensemble de ses prétentions en indemnisation doit être traité selon le CPP.
 
3.1. La cour cantonale a exposé que, sous réserve des frais de défense, lesquels étaient intégralement soumis au CPP, les autres prétentions en indemnisation invoquées par le recourant, en particulier en réparation du tort moral et du dommage économique, relevaient du droit applicable au moment où les actes de procédure litigieux avaient eu lieu. A la différence de l'autorité de première instance qui avait uniquement fixé l'indemnisation sur la base du CPP, la cour cantonale a dès lors appliqué l'ancien droit pour les prétentions relatives aux actes de procédure jusqu'au 31 décembre 2010 et le CPP pour les actes postérieurs, soit ceux relatifs à la procédure de jugement et d'appel.
 
 
3.2.
 
3.2.1. Le Tribunal fédéral s'est penché à plusieurs reprises sur la problématique du droit transitoire en matière d'indemnité. Il a jugé que les frais de défense relevaient directement de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Pour les autres prétentions en indemnisation, en particulier le tort moral et le dommage économique, il a privilégié l'approche selon laquelle les prétentions en indemnisation sont régies par le droit matériel applicable au moment du déroulement des actes de procédure litigieux. Il a uniquement réservé la situation où un enchevêtrement d'actes de procédure opérés sous l'ancien et le nouveau droit pourrait justifier d'appliquer uniquement le nouveau droit par simplification (cf. arrêt 6B_668/2012 du 11 avril 2013 consid. 2.4.1 et 2.4.2 et les références citées).
 
3.2.2. Le recourant est d'avis que le CPP doit s'appliquer par simplification. Il se réfère à l'arrêt précité ainsi qu'à l'arrêt 6B_77/2013 du 4 mars 2013. Il ne saurait cependant déduire quoi que ce soit de ce dernier arrêt, puisque l'application du CPP n'était en elle-même pas l'objet de la contestation. Il ressort de la jurisprudence que l'application du CPP par simplification reste l'exception, ce que le recourant perd de vue. L'avis de NIKLAUS SCHMID qu'il invoque (Übergangsrecht der Schweizerischen Strafprozessordnung, 2010, n° 
 
3.2.3. Pour le recourant, dès lors que l'autorité de première instance s'est entièrement fondée sur le CPP, l'application de l'ancien droit par la cour d'appel relèverait de l'interdiction de la reformatio in pejus. L'argument tombe à faux. L'interdiction de la reformatio in pejus, consacrée par l'art. 391 al. 2 CPP, prohibe la pénalisation de la situation d'une partie par une décision défavorable rendue à la suite d'un recours émanant uniquement de celle-ci. L'interdiction s'attache au dispositif de la décision (cf. VIKTOR LIEBER, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, Donatsch/Hansjakob/Lieber [éd.], 2010, n° 10 ad art. 391 CPP). Pour ce qui a trait à des prétentions pécuniaires, l'autorité de recours peut modifier la qualification juridique qui les sous-tend, mais en revanche ne saurait réduire le montant fixé dans le dispositif de première instance au détriment de la partie qui a seule interjeté un recours. En l'espèce, la situation du recourant ne s'est pas détériorée dans la procédure de deuxième instance mais s'est, au contraire, améliorée, puisque la cour cantonale lui a alloué un montant supplémentaire par rapport à ce qu'il avait obtenu en première instance. Aucune violation de l'interdiction de la reformatio in pejus n'est réalisée.
 
3.2.4. C'est également en vain que le recourant se réfère à l'art. 2 al. 2 CP. Le principe de la lex mitior que cette norme concrétise n'a de portée qu'en ce qui concerne les dispositions légales qui définissent les conditions de la répression pénale et les sanctions y relatives (cf. DUPUIS ET AL., Petit Commentaire du Code pénal, 2012, n° 
 
3.2.5. Il résulte de ce qui précède que les différentes critiques du recourant quant au droit applicable à ses prétentions sont infondées.
 
4. Invoquant une violation des art. 6 CEDH, 14 Pacte ONU II, 29 Cst. et 429 al. 1 let. a CPP, le recourant se plaint du refus de lui allouer une indemnité pour ses frais de défense prenant en compte l'intervention de deux avocats.
 
4.1. Pour ce qui concerne la désignation de plusieurs avocats de choix, le Tribunal fédéral a jugé il y a plus de dix ans que le droit conventionnel, en particulier l'art. 6 par. 3 let. c CEDH, ne donne pas droit à être assisté de plusieurs défenseurs et que le droit national peut limiter leur nombre (cf. arrêt 6P.113/1999 du 24 février 2000 consid. 5). Plus récemment, s'agissant de la désignation de plusieurs avocats d'office au bénéfice de l'assistance judiciaire, le Tribunal fédéral a admis, en considération de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, que la désignation d'un second avocat d'office n'était pas exclue lorsque cette mesure était nécessaire pour assurer au prévenu une défense adéquate de ses intérêts tout au long de la procédure, compte tenu de la durée possible de celle-ci, de l'objet du procès, de la complexité des questions de fait et de droit en jeu et de la personnalité du prévenu (arrêt 1B_46/2013 du 12 mars 2013 consid. 2.1 et les références citées).
 
4.2. L'art. 127 al. 2 CPP prévoit qu'"une partie peut se faire assister de plusieurs conseils juridiques pour autant que la procédure n'en soit pas retardée de manière indue. En pareil cas, elle désigne parmi eux un représentant principal qui est habilité à accomplir les actes de représentation devant les autorités pénales et dont l'adresse est désignée comme unique domicile de notification". Le Message du Conseil fédéral spécifie que, dans les affaires complexes, les parties peuvent avoir un intérêt légitime à disposer de plusieurs avocats, étant chacun spécialisé dans une matière déterminée (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure, FF 2005 1057, p. 1155; ci-après: Message CPP).
 
4.3. Au vu de ce qui précède, le CPP n'exclut pas en soi la participation de plusieurs défenseurs. Autre est néanmoins la question de savoir si le prévenu acquitté peut requérir une indemnisation pour ses frais de défense qui couvre l'intervention de ses différents défenseurs.
 
Savoir si le recours à un avocat procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure et si, par conséquent, une indemnité pour frais de défense selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP peut être allouée au prévenu, est une question de droit fédéral que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.6 p. 206). Dans le même sens, constitue une question de droit celle de savoir si le recours à plusieurs avocats, en particulier à deux, procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure.
 
4.4. La cour cantonale a relevé que le recourant ne saurait prétendre à l'indemnisation des honoraires de deux avocats, ce qui sortait du cadre d'une défense nécessaire. Son obligation de limiter son dommage ne lui permettait pas d'exiger de l'Etat des honoraires qu'il n'aurait pas été en mesure de payer. Le professionnalisme des avocats avait certes permis d'éviter qu'ils ne fonctionnent "à double" mais plusieurs des activités se recoupaient. Le recourant était lui-même avocat de profession et avait indiqué avoir participé activement à sa défense. La cour cantonale a, en fin de compte, globalement estimé le nombre d'heures d'activité qui correspondait à un exercice raisonnable des droits de procédure pour l'entier de celle-ci (cf. arrêt attaqué p. 28 ss).
 
4.5. En résumé, la procédure s'est déroulée de la manière suivante. L'enquête s'est ouverte en 2000 et les réquisitions du Ministère publique ont été établies en 2009. Une expertise comptable a été ordonnée à fin 2003 et le rapport déposé à fin 2006. Il comporte 294 pages auxquelles sont annexés sept classeurs fédéraux. De très nombreux témoins ont été entendus. De juin 2000 à mars 2001, le juge d'instruction a tenu 46 audiences. De juin 2001 à 2007 se sont ensuite tenues 194 audiences réparties sur 147 jours et totalisant 735 heures. Des premiers débats ont eu lieu en octobre 2010 pendant une quinzaine de jours. A la suite de la récusation du président, de nouveaux débats de première instance ont été fixés et ont duré 26 jours. Les débats d'appel ont duré 9 jours. Les parties plaignantes étaient chacune assistées de deux défenseurs. La cour cantonale a elle-même relevé que la procédure dite "de la BCGE" n'avait pas connu de précédent dans les annales judiciaires genevoises (cf. arrêt attaqué p. 28). C'est donc dire qu'il s'agit d'une procédure hors du commun. Son ampleur et sa longueur sont exceptionnelles. Les problèmes abordés relatifs à la gestion des intérêts pécuniaires d'une banque sont complexes. S'il ne fallait pas considérer l'intervention de deux avocats comme raisonnable au sens de l'art. 429 CPP dans une telle affaire, on ne perçoit pas dans quelle hypothèse cela pourrait être le cas. C'est donc en violation de l'art. 429 al. 1 let. a CPP que la cour cantonale n'a pas admis comme raisonnable l'intervention de deux avocats, mis en oeuvre comme avocats de choix. Le recours doit être admis sur ce point. Il incombera à l'autorité cantonale de reprendre l'analyse complète et de déterminer quelles interventions étaient adéquates, en considération d'une défense assumée par deux avocats.
 
5. Le recourant se plaint du retranchement par la cour cantonale de certains postes importants du relevé d'activité déposé. Il critique l'estimation globale à laquelle s'est livrée la cour cantonale.
 
6. Toujours par rapport à l'indemnisation des frais de défense selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le recourant conteste le taux horaire de 400 fr. pratiqué par la cour cantonale. Selon lui, le taux horaire habituel est d'au moins 450 francs.
 
6.1. Dans le cadre d'une affaire vaudoise, le Tribunal fédéral a récemment jugé que la fixation d'un taux horaire correspondant à un taux réduit par rapport au taux usuel n'était pas compatible avec l'art. 429 al. 1 let. a CPP en l'absence dans le canton d'une réglementation adoptant un tarif spécifique (cf. arrêt 6B_392/2013 du 4 novembre 2013).
 
6.2. La cour cantonale a relevé que le taux horaire de 400 fr. correspondait à celui moyen pratiqué à Genève (cf. arrêt attaqué p. 32). Le recourant conteste ce taux, qu'il considère comme arbitrairement fixé au regard de la jurisprudence et de la doctrine.
 
7. Invoquant une violation des art. 9 Cst. et 429 al. 1 let. b CPP, le recourant prétend qu'un dommage économique de 3'746'562 fr. doit lui être accordé.
 
8. Le recours doit être partiellement admis. Le recourant succombant sur plusieurs aspects déterminants, il doit supporter une partie des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il a droit à des dépens réduits, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il concerne A.________ et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 7 avril 2014
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Mathys
 
La Greffière: Livet
 
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