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Informationen zum Dokument  BGer 1B_360/2013  Materielle Begründung
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BGer 1B_360/2013 vom 24.03.2014
 
{T 0/2}
 
1B_360/2013
 
 
Arrêt du 24 mars 2014
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Aemisegger et Karlen.
 
Greffière: Mme Kropf.
 
 
Participants à la procédure
 
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet régional de La Chaux-de-Fonds,
 
recourant,
 
contre
 
A.________et B.________,
 
représentés par Me Yves Burnand, avocat,
 
intimés.
 
Objet
 
Procédure pénale; mandat d'investigation et
 
demande d'entraide pénale,
 
recours contre l'arrêt de l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 10 septembre 2013.
 
 
Faits:
 
A. A la suite de la plainte pénale déposée le 19 juillet 2013 par C.________, professeur, le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel - Parquet régional de La Chaux-de-Fonds - a ouvert le 7 août 2013 une instruction notamment contre A.________, journaliste, pour calomnie, subsidiairement diffamation, et pour instigation, subsidiairement complicité, de violation du secret de fonction.
 
Le 13 août 2013, sur mandat d'investigation du Procureur neuchâtelois du 8 août 2013, la police a procédé à la perquisition du domicile de A.________; si ce dernier était absent, son épouse a assisté à la mesure. Différents objets ont été séquestrés (dont un ordinateur, cinq carnets de notes, des disques durs et quatre clés USB). Ce même jour, donnant suite à la demande d'entraide du Ministère public de Neuchâtel, la police cantonale tessinoise a procédé à la perquisition de la chambre d'hôtel où logeait A.________ à E.________. Son ordinateur portable ayant été séquestré, le journaliste a immédiatement demandé la mise sous scellés de celui-ci, ainsi que, par l'intermédiaire de son mandataire, des objets saisis à son domicile. Le 29 août 2013, le magistrat pénal a requis auprès du Tribunal des mesures de contrainte des Montagnes et du Val-de-Ruz (Tmc) la levée des scellés.
 
B. Par arrêt du 10 septembre 2013, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (ci-après : ARMP) a admis le recours déposé le 23 août 2013 par A.________ et B.________ contre le mandat d'investigation, ainsi que contre la demande d'entraide, annulé les deux décisions précitées et ordonné la restitution - immédiate et sans levée des scellés - des objets saisis.
 
C. Le 11 octobre 2013, le Ministère public forme un recours en matière pénale contre ce jugement, concluant à son annulation.
 
Invitée à se déterminer, l'ARMP a renoncé à déposer une réponse formelle. Quant aux intimés, ils ont conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet; dans tous les cas, ils ont demandé l'annulation de l'arrêt attaqué en ce sens que leur indemnité de partie pour la procédure cantonale soit fixée à 8'000 fr. Le 28 novembre 2013, le Procureur a persisté dans ses conclusions et les intimés ont déposé des observations complémentaires le 17 décembre suivant.
 
Par ordonnance du 23 octobre 2013 adressée en copie au Tribunal fédéral, le Tmc a suspendu la procédure de levée des scellés.
 
 
Considérant en droit:
 
1. L'arrêt entrepris, relatif à la contestation de mesures de contrainte (perquisitions), est une décision en matière pénale et a été rendu par une autorité statuant en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF). Le recours en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF est donc ouvert.
 
1.1. Le Ministère public a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision attaquée qui a retenu que les perquisitions qu'il avait ordonnées, respectivement demandées aux autorités tessinoises, seraient contraires au droit (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 3 LTF). Il subit en outre un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF dès lors que l'arrêt entrepris ordonne la restitution des objets séquestrés; or, vu les éléments saisis (ordinateurs, disques durs, carnets de notes), le magistrat pourrait ne pas être à même, cas échéant, de réitérer ultérieurement les actes d'instruction contestés. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et la conclusion qui y est prise est recevable, l'annulation de l'arrêt entrepris entraînant la confirmation des décisions du magistrat à l'origine de cette procédure (art. 107 al. 2 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
 
1.2. La loi sur le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint, de sorte que si les intimés entendaient contester le montant qui leur a été alloué à titre de dépens pour la procédure cantonale, ils devaient agir dans le délai de recours de l'art. 100 LTF. A défaut, ils ne peuvent, dans leurs déterminations sur le recours formé par le Procureur, que proposer l'irrecevabilité et/ou le rejet de celui-ci (ATF 138 V 106 consid. 2.1 p. 110). Il s'ensuit que leur conclusion tendant à une modification des dépens alloués par l'ARMP est irrecevable.
 
2. Le recourant soutient que la question soulevée devant l'ARMP aurait été de la compétence du Tmc dans le cadre de la procédure de levée des scellés. A titre d'argumentation, il mentionne l'apparente contradiction entre la motivation retenue par la juridiction précédente pour établir sa compétence et la jurisprudence citée à cet effet; il laisse pour le surplus le soin au Tribunal fédéral de se saisir d'office de cette question.
 
2.1. Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), hormis les droits fondamentaux qui doivent être invoqués et motivés de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF). Il n'est pas lié par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente; il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 139 II 404 consid. 3 p. 415; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400 s.). Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584).
 
Si en l'espèce, la motivation donnée par le recourant est fort succincte, cela ne suffit pas pour en déduire qu'il aurait renoncé à faire examiner cette question. Dès lors que la compétence de l'autorité de recours découle du droit fédéral (notamment l'art. 393 CPP) et que selon le recourant, celui-ci aurait été violé, il y a lieu d'examiner ce grief.
 
2.2. Selon la jurisprudence, il ressort de la nature même de certaines mesures de contrainte - dont font partie l'ordre de perquisition et la demande d'entraide contestés en l'espèce - qu'elles ne peuvent être soumises à un contrôle judiciaire que postérieurement à leur exécution, étant donné que la personne concernée n'en a connaissance qu'à ce moment-là et ne peut donc remettre en cause ces actes de procédure préalablement. Cependant, l'intéressé n'est pas dénué de tout droit contre ce type de mesure et il dispose dans la suite de la procédure d'une protection judiciaire complète (arrêts 1B_310/2012 du 22 août 2012 consid. 2; 1B_109/2010 du 14 septembre 2010 consid. 2.3).
 
En effet, lorsque les autorités pénales ont séquestré des objets qui pourraient être utilisés comme moyen de preuve, les éléments saisis peuvent être placés sous scellés à la demande de la personne concernée (art. 248 al. 1 CPP). Une telle requête peut être déposée tant à la suite d'une perquisition au cours de laquelle des objets et/ou documents sont séquestrés que lors de l'exécution d'une ordonnance de dépôt au sens de l'art. 265 CPP (arrêts 1B_477/2012 du 13 février 2013 consid. 2.2; 1B_320/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3.2 publié in RtiD 2013 II 275; 1B_136/2012 du 25 septembre 2012 consid. 3.2). Il appartient alors à l'autorité pénale d'en requérir la levée (art. 248 al. 2 CPP). Au cours de cette procédure - devant le Tmc (art. 248 al. 3 let. a CPP) et non l'autorité de recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP -, celui qui se prévaut de son droit de refuser de déposer ou de témoigner ou d'autres motifs (art. 248 al. 1 CPP) peut soulever des arguments en lien avec le motif allégué pour l'apposition des scellés, mais il peut également y invoquer des objections accessoires, telles notamment l'insuffisance des soupçons laissant présumer une infraction, l'absence de pertinence des objets et/ou documents séquestrés pour la procédure pénale, la violation du principe de proportionnalité de la mesure (arrêts 1B_477/2012 du 13 février 2013 consid. 2.1 in fine et 2.3; 1B_320/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3.3 publié in RtiD 2013 II 275; 1B_136/2012 du 25 septembre 2012 consid. 4.4 et les références citées), ainsi que l'illicéité de l'ordre de perquisition, puisqu'il n'est en principe pas admissible de pouvoir présenter au cours d'une procédure pénale des preuves obtenues de manière illicite (cf. art. 139 et 141 CPP; arrêts 1B_310/2012 du 22 août 2012 consid. 2; 1B_109/2010 du 14 septembre 2010 consid. 2.3).
 
Quant à la voie du recours de l'art. 393 CPP, elle n'entre en ligne de compte que si les griefs soulevés ne concernent aucun intérêt juridiquement protégé au maintien du secret protégé par les scellés (arrêts 1B_477/2012 du 13 février 2013 consid. 2.3 in fine; 1B_320/2012 du 14 décembre 2012 consid. 3.3 in fine publié in RtiD 2013 II 275; 1B_136/2012 du 25 septembre 2012 consid. 4.4 in fine). Cette voie de droit doit également être ouverte lorsque la perquisition n'a abouti à aucune saisie, puisqu'alors l'intéressé ne peut défendre ses droits au cours d'une procédure de levée de scellés.
 
2.3. En l'occurrence, il ressort du mémoire de recours des intimés déposé devant l'ARMP que les moyens invoqués par ceux-ci sont des violations des art. 10 CEDH, 17 al. 2 Cst., 28a CP et 172 CPP - soit les dispositions relatives à la liberté de la presse et des mesures de protection dont cette dernière peut, cas échéant, se prévaloir -, ainsi que des art. 197, 200, 241, 263 CPP et 36 al. 3 Cst., règles légales définissant les conditions à respecter pour le prononcé de mesures de contrainte (en particulier dans les cas de perquisition et de séquestre). Ces différentes questions relèvent manifestement du droit de refuser de déposer ou de témoigner, voire de celui d'invoquer d'autres motifs, au sens de l'art. 248 al. 1 CPP. Dès lors que les intimés ont requis la mise sous scellés des objets séquestrés le 13 août 2013 et qu'une procédure de levée de ceux-ci a été ouverte par le Procureur le 29 août 2013, le Tmc était compétent pour examiner ces griefs; les intimés ne se trouvent en effet pas dans une situation sans possibilité de contrôle judiciaire des actes des autorités pénales d'instruction et ne font pas valoir des arguments sans lien avec la protection invoquée pour l'apposition des scellés.
 
Force est d'ailleurs de constater que dans les observations adressées au Tmc, les intimés ont déposé une écriture quasiment similaire à leur recours à l'ARMP; ils y ont notamment pris une conclusion en constatation de l'illicéité et de l'inconstitutionnalité des perquisitions et séquestres opérés le 13 août 2013, ainsi que développé une argumentation y relative.
 
Par conséquent, l'ARMP n'était en l'occurrence pas compétente pour entrer en matière sur le recours déposé devant elle par les intimés contre les deux décisions du Procureur neuchâtelois.
 
3. Il en découle que le recours doit être admis et l'arrêt cantonal entrepris annulé. Le recours cantonal déposé le 23 août 2013 par les intimés contre le mandat d'investigation du 8 août 2013 et la demande d'entraide du 13 août 2013 du Ministère public neuchâtelois est déclaré irrecevable. Le Tmc, en tant qu'autorité compétente, pourra dès lors reprendre la procédure de levée des scellés ouverte devant lui par le Procureur, sa décision, définitive au sens de l'art. 248 al. 3 CPP, pouvant être contestée directement devant le Tribunal fédéral (arrêt 1B_397/2012 du 10 octobre 2012 consid. 1.4).
 
Vu les circonstances, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour les procédures cantonale et fédérale (art. 66 al. 1 et 107 al. 2 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est admis et la décision du 10 septembre 2013 de l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel est annulée. Le recours cantonal formé par les intimés le 23 août 2013 à l'encontre du mandat d'investigation du 8 août 2013 et de la demande d'entraide du 13 août 2013 du Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet régional de La Chaux-de-Fonds, est irrecevable.
 
2. Il n'est pas alloué de dépens.
 
3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour les procédures cantonale et fédérale.
 
4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire des intimés, au Ministère public de la République et canton de Neuchâtel - Parquet régional de La Chaux-de-Fonds -, à l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel et au Tribunal des mesures de contrainte des Montagnes et du Val-de-Ruz.
 
Lausanne, le 24 mars 2014
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
La Greffière: Kropf
 
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