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Informationen zum Dokument  BGer 2C_533/2013  Materielle Begründung
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BGer 2C_533/2013 vom 21.03.2014
 
{T 0/2}
 
2C_533/2013
 
 
Arrêt du 21 mars 2014
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Aubry Girardin, Donzallaz, Stadelmann et Kneubühler.
 
Greffier: M. Dubey.
 
 
Participants à la procédure
 
Service des contributions du canton de Neuchâtel,
 
recourant,
 
contre
 
A.________,
 
représenté par Me Philippe Bauer, avocat,
 
intimé.
 
Objet
 
Impôt cantonal et communal 2001 à 2005,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 14 mai 2013.
 
 
Faits:
 
A. Par acte notarié du 16 avril 1998, A.________, domicilié dans le canton de Neuchâtel, a constitué la " Fondation B.________ " (ci-après: la Fondation) avec siège à C.________ (FR). Le but de la Fondation est de subvenir aux frais d'éducation, d'instruction, d'établissement, de traitement, de convalescence ou d'hospitalisation des membres de sa famille. A.________ ou le conseil de fondation peuvent en désigner librement les bénéficiaires. La Fondation n'a été inscrite ni au registre du commerce ni au rôle de l'impôt dans le canton de Fribourg pour les années 2001 à 2005.
 
B. Par arrêt du 14 mai 2013, le Tribunal cantonal a admis le recours et annulé le jugement du 14 décembre 2010 ainsi que les décisions sur réclamation et de rappel d'impôt cantonal et communal des 28 avril 2009 et 7 juillet 2009 et renvoyé la cause au Service cantonal des contributions pour nouvelles décisions de taxation en tant qu'elles concernaient l'impôt cantonal et communal des périodes fiscales 2001 à 2005. Il ressortait de la comptabilité de la Fondation que, hormis son activité immobilière, elle n'avait de relations avec son fondateur ou avec des proches de ce dernier que dans une mesure marginale et à des conditions semblables à celles convenues avec des tiers. Il n'y avait par conséquent pas identité entre les patrimoines de l'intéressé et celui de la Fondation.
 
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Service des contributions du canton de Neuchâtel demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 14 mai 2013 par le Tribunal cantonal et de confirmer la décision du Tribunal fiscal du 14 décembre 2010. Il se plaint de la constatation manifeste-ment inexacte des faits et de la violation du droit fédéral.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision d'une autorité judiciaire supérieure ayant statué en dernière instance cantonale, rendue dans une cause de droit public et qui ne tombe pas sous le coup d'une clause d'exception de l'art. 83 LTF (art. 86 al. 1 let. a et al. 2 LTF). Le recours en matière de droit public est ouvert (cf. art. 82 let. a LTF en relation avec l'art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; loi sur l'harmonisation fiscale RS 642.14]; ATF 130 II 202 consid. 1 p. 204). La loi sur l'harmonisation fiscale assujettit à l'impôt les fondations conformément à l'art. 20 al. 1 LHID qui entre dans les matières harmonisées (art. 73 al. 1 LHID). Le Service cantonal des contributions du canton de Neuchâtel a qualité pour recourir (art. 73 al. 2 LHID).
 
1.2. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF) ou contre les décisions partielles (art. 91 LTF). En revanche, en vertu de l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément qui ne portent pas sur la compétence ou sur une demande de récusation ne peuvent faire l'objet d'un recours en matière de droit public que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). A moins que ces conditions ne sautent aux yeux, il appartient au recourant d'en démontrer la réalisation sous peine d'irrecevabilité (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95; 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632; arrêt 2C_111/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1.1.1).
 
2. Invoquant l'art. 97 al. 1 LTF, le recourant se plaint de la constatation inexacte des faits par l'instance précédente.
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. (art. 97 al. 2 LTF), ce que la partie recourante doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.). La notion de " manifestement inexacte " correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 136 II 447 consid. 2.1 p. 450). La partie recourante doit ainsi expliquer de manière circonstanciée en quoi les deux conditions de l'art. 97 al. 1 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué.
 
2.2. Le recourant soutient que l'instance précédente a constaté de façon manifestement inexacte le contenu du jugement pénal du 21 avril 2010 du Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel prononcé à l'encontre de A.________ en retenant en substance que ce jugement ne faisait rien d'autre que de relater l'existence de la Fondation B.________ et le transfert en sa faveur de plusieurs immeubles appartenant à A.________ ou à l'une de ces sociétés.
 
2.3. Le recourant soutient aussi que l'instance précédente a ignoré un élément capital des faits qui avait pourtant été retenu par l'arrêt rendu le 14 décembre 2010 par le Tribunal fiscal du canton de Neuchâtel sous chiffre B des faits et qui ressort également de l'acte de fondation du 16 avril 1998. Selon lui, l'instance précédente a ignoré que " A.________ 
 
3. D'après l'art. 2 al. 1 let. b LHID, les cantons prélèvent un impôt sur le bénéfice et un impôt sur le capital des personnes morales. Selon l'art. 20 al. 1 LHID, les fondations, notamment, sont assujetties à l'impôt lorsqu'elles ont leur siège ou leur administration effective dans le canton.
 
 
4.
 
4.1. La fondation est une institution du droit civil. Elle a pour objet l'affectation de biens en faveur d'un but spécial (art. 80 al. 1 CC). Cette définition légale met l'accent sur le fait que les biens ainsi affectés sortent du pouvoir de disposer du fondateur et reçoivent une personnalité juridique propre et indépendante (cf. PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, IIe partie, n° 4 ad art. 49 LIFD et les références citées). Cette caractéristique essentielle de la fondation résulte également des règles relatives à sa dissolution et à sa radiation, en ce que seule l'autorité fédérale ou cantonale compétente ou un tribunal, pour les fondations de famille et les fondations ecclésiastiques, peuvent la prononcer (art. 88 CC). C'est aussi la raison pour laquelle une dissolution de la fondation par décision du conseil de fondation ou par décision du fondateur ou des ayants-droit est inadmissible, hormis des rares exceptions soumises à des conditions strictes, qu'il n'est pas nécessaire d'examiner ici ( RIEMER, Berner Kommentar, Die Stiftungen, 1975, nos 63 et 64 ad art. 88 s. CC; E. GYGAX, Familienstiftungen und ihre Steuerprobleme, in StR 1956, p. 462 s.).
 
4.2. Selon l'art. 335 CC, des fondations de famille peuvent être créées conformément aux règles du droit des personnes ou des successions; elles seront destinées au paiement des frais d'éducation, d'établissement et d'assistance des membres de la famille ou à des buts analogues (al. 1). La constitution de fidéicommis de famille est prohibée (al. 2). Les fondations de famille qui s'écartent des buts de l'art. 335 CC constituent en général des fondations dites d'entretien contraires au droit civil ( RIEMER, op. cit., n° 33 ad art. 88 s. CC), lorsqu'elles ne sont pas des fidéicommis de famille. Par ailleurs, les fondations de famille sont également soumises aux art. 80 ss CC ( H. GRÜNINGER, Basler Kommentar, ZGB I, 4e éd. 2010, n° s 4 et 8 ss ad art. 335 CC).
 
 
5.
 
5.1. En vertu de l'art. 52 al. 1 CC, les sociétés organisées corporativement, de même que les établissements ayant un but spécial et une existence propre, acquièrent la personnalité en se faisant inscrire au registre du commerce. Sont dispensés de cette formalité les corporations et les établissements de droit public, les associations qui n'ont pas un but économique, les fondations ecclésiastiques et les fondations de famille (art. 52 al. 2 CC), à l'instar de la fondation en cause en l'espèce.
 
5.2. Selon l'art. 52 al. 3 CC, les sociétés et les établissements qui ont un but illicite ou contraire aux moeurs ne peuvent acquérir la personnalité. Elles sont d'emblée nulles. Tel est le cas des fondations qui, dès leur création, ne respectent l'art. 80 al. 1 CC, en ce qu'elles n'ont pas le pouvoir de disposer de leur patrimoine, ce dernier étant resté dans les mains du fondateur ( RIEMER, op. cit., n° s 63 et 64 ad art. 88 s. CC). Hormis cette hypothèse, les cas les plus fréquents de fondations illicites concernent les fondations de famille dont les buts ne respectent pas strictement ceux énoncés par l'art. 335 al. 1 CC, c'est-à-dire les fondations dites d'entretien.
 
5.3. Sans aller jusqu'à la constatation de la nullité de la fondation, la jurisprudence a également refusé de reconnaître comme sujet distinct de droit fiscal les fondations de famille sur le patrimoine desquelles le fondateur avait conservé le pouvoir de disposition. La fondation était en effet un pur instrument d'évasion fiscale (cf. PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, IIe partie, n° 26 ad art. 49 LIFD et les références citées; RIEMER, op. cit., n° 34 ad art. 88 s. CC; P. MÄUSLI-ALLENSPACH, Steuerliche Überlegungen bei der Widmung von Vermögenswerten an ausländische Stiftungen, StR 96, 115, p. 119 et les références, notamment à l'arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 1959 in Archives 29, 332 consid. 2 p. 333 s.).
 
5.4. Selon la jurisprudence, les autorités de la juridiction administrative peuvent examiner de manière préjudicielle si les fondations respectent les règles du droit civil. En principe, leur pouvoir d'examen se limite à la constatation de lacunes manifestes et graves conduisant à la constatation de la nullité de la fondation (arrêt 2C_157/2010 du 12 décembre 2010, consid. 10.2 in Archives 79 1015; arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 1959, in Archives 29 p. 333 ss). A défaut, c'est au juge civil qu'il appartient de connaître du sort de la fondation (art. 88 CC; arrêt 2A.668/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.4.2 in Archives 76 675), notamment en raison d'une possible conversion qui permettrait néanmoins de reconnaître sous condition l'existence de la fondation ( H GRÜNINGER, op. cit., n° 13 ad art. 335 CC; ATF 93 II 444, 89 II 437; arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 1959 in Archives 29, 332 consid. 6 p. 337 s.). Hormis les cas de lacunes manifestes et graves conduisant à la constatation de la nullité de la fondation, tant qu'une fondation illicite ou contraire aux moeurs n'a pas été formellement dissoute par un tribunal civil, elle demeure un sujet de droit fiscal au regard des autorités fiscales, que rien n'empêche d'intenter une requête ou une action en dissolution (art. 89 al. 1 CC; cf. RIEMER, op. cit., n° 34 ad art. 88 s. CC).
 
6. Le Service cantonal des contributions soutient que la Fondation dont l'intimé est le fondateur est nulle dès l'origine.
 
6.1. Les statuts de la fondation accordent au conseil de fondation, et au fondateur lui-même, tout pouvoir de disposition sur la fortune de la Fondation B.________. Ce dernier a notamment le droit d'autoriser des prélèvements sur le capital de la fondation (art. 4 des statuts). Il peut également, en tout temps, apporter aux statuts de la Fondation, hormis l'art. 3 relatif aux buts, tels modifications ou compléments de forme ou de fond qui lui conviendront au moyen de règlements spéciaux ou de toute autre manifestation de volonté (art. 7 des statuts). Enfin, selon l'art. 9 des statuts, le conseil de fondation peut, en tout temps, décider la dissolution de la Fondation auquel cas il décide librement l'affectation des biens de celle-ci.
 
6.2. Il convient par conséquent de constater à titre préjudiciel la nullité civile de la Fondation. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de se demander, à l'instar de l'instance précédente, si la création par A.________ de la Fondation B.________ poursuivait un but d'évasion fiscale (cf. consid. 5.3 ci-dessus). Le recours est admis.
 
7. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours dans la mesure où il est recevable. L'arrêt rendu le 14 mai 2013 est annulé. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure. Succombant, l'intimé doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. Partant l'arrêt rendu le 14 mai 2013 par le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel est annulé et le jugement du Tribunal fiscal du 14 décembre 2010 est confirmé.
 
2. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.
 
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de A.________.
 
4. Le présent arrêt est communiqué au Service cantonal des contributions du canton de Neuchâtel, au mandataire de l'intimé, au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de l'impôt fédéral direct, ainsi qu'au Service cantonal des contributions du canton de Fribourg, pour information.
 
Lausanne, le 21 mars 2014
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
Le Greffier: Dubey
 
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