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Informationen zum Dokument  BGer 1B_451/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_451/2012 vom 20.12.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_451/2012
 
Arrêt du 20 décembre 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli et Chaix.
 
Greffier: M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représentée par Mes Adrian Bachmann et Tobias Zumbach, avocats,
 
recourante,
 
contre
 
Ministère public de la Confédération, avenue des Bergières 42, 1004 Lausanne.
 
Objet
 
Séquestre pénal,
 
recours contre la décision du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 4 juillet 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Dans le cadre d'une enquête dirigée contre B.________, C.________, D.________ et autres pour blanchiment d'argent, faux dans les titres et les certificats notamment, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ordonné, le 13 janvier 2012, le séquestre et la production de la documentation d'un compte bancaire détenu par la fondation liechtensteinoise A.________ auprès d'une banque de Zurich. Les fonds déposés pourraient provenir des activités criminelles de D.________.
 
B.
 
Par décision du 4 juillet 2012, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité (l'ordre de production ne pouvant faire l'objet d'un recours), le recours formé par A.________. Après avoir écarté les griefs formels relatifs à la langue de la procédure et à la notification de la décision, la Cour des plaintes a considéré, en se référant à de précédentes décisions, que les soupçons relatifs au blanchiment d'argent et à l'infraction préalable commise par D.________ - soupçons décrits dans une plainte de la SEC - étaient suffisants. Le compte de la recourante avait, le 21 juin 2006, été débité de 4 millions d'euros en faveur d'une société appartenant à B.________, et crédité entre septembre et novembre 2009 de plus de 9 millions d'euros d'origine suspecte. Les sommes prétendument licites déposées sur le compte avant ces opérations pouvaient avoir été utilisées et remplacées par les fonds suspects. Les conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP pour renoncer au séquestre (bonne foi de l'intéressé et contreprestation adéquate) n'étaient pas réunies. L'assistance judiciaire a été refusée à la recourante.
 
C.
 
Par acte du 6 août 2012, A.________ forme un recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes. Elle conclut à l'annulation de cet arrêt, ainsi que de la décision du MPC et à la levée du séquestre, subsidiairement à une levée partielle, à hauteur d'au moins 2'038'706,80 fr. Plus subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au TPF pour nouvelle décision.
 
La Cour des plaintes se réfère à sa décision. Le MPC conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. La recourante a répliqué le 29 octobre 2012. Le TPF et le MPC ont renoncé à de nouvelles observations.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les arrêts de la Cour des plaintes qui portent sur des mesures de contrainte. Les décisions relatives au séquestre d'avoirs bancaires constituent de telles mesures (ATF 136 IV 92 consid. 2.2 p. 94).
 
1.1 La décision ordonnant un séquestre pénal constitue une décision incidente (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Selon la jurisprudence (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les références), le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, car le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131).
 
1.2 La société recourante, titulaire du compte séquestré, a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF.
 
1.3 Le présent arrêt est rendu en français, langue de l'arrêt attaqué (art. 54 al. 1 LTF).
 
1.4
 
Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation et l'application des conditions posées par le droit fédéral pour les atteintes aux droits fondamentaux (art. 95 let. a LTF; cf. ATF 128 II 259 consid. 3.3 p. 269). La décision relative aux mesures de contrainte ne constitue pas une décision sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. La limitation des griefs prévue par cette disposition, de même que le principe d'allégation au sens de l'art. 106 al. 2 LTF (qui va au-delà de l'obligation de motiver posée à l'art. 42 al. 2 LTF), ne s'appliquent donc pas. Cela vaut également pour le séquestre d'objets ou de valeurs patrimoniales (ATF 129 I 103 consid. 2 p. 105 ss). Dès lors que le sort des biens saisis n'est décidé définitivement qu'à l'issue de la procédure pénale, et dans la mesure où les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF sont réunies pour statuer à propos d'une décision incidente, le Tribunal fédéral examine librement l'admissibilité de la mesure malgré son caractère provisoire compte tenu de la gravité de l'atteinte et afin d'assurer le respect des garanties de la CEDH (art. 36 et 190 Cst.; cf. ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339; 425 consid. 6.1 p. 434 et les références). S'agissant en revanche de l'application de notions juridiques indéterminées, le Tribunal fédéral respecte la marge d'appréciation qui appartient aux autorités compétentes (cf. ATF 136 IV 97 consid. 4 p. 100 et les références).
 
2.
 
La recourante estime que les conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP pour renoncer à une confiscation seraient réalisées en l'occurrence.
 
2.1
 
Le séquestre pénal ordonné par une autorité d'instruction est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. En l'espèce, le séquestre est fondé sur l'art. 263 CPP, disposition selon laquelle les objets et les valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être séquestrés notamment (let. d) lorsqu'il est probable qu'ils devront être confisqués en application de l'art. 70 CP.
 
Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance; elle porte sur des valeurs dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront faire l'objet d'une créance compensatrice en application du droit pénal fédéral (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Tant que l'instruction n'est pas achevée, une simple probabilité suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'il résolve des questions juridiques complexes ou qu'il attende d'être renseigné de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation, respectivement de créance compensatrice (SJ 1994 p. 90 et 102).
 
2.2 La recourante ne conteste pas que les conditions posées à l'art. 263 CPP sont en principe réalisées. Les renseignements transmis par la SEC font état de transactions frauduleuses commises par D.________ entre 2005 et 2007, sous la forme de manipulations de cours boursiers au détriment d'investisseurs. Un proche de D.________ avait ordonné le transfert de 4 millions d'euros du compte de la recourante sur un compte détenu par une société gérée par B.________ en Australie. Par ailleurs, une partie des 15 millions d'euros parvenus en premier lieu auprès d'une banque suisse aurait ensuite été transférée, entre septembre et novembre 2009, sur le compte de la recourante. En particulier, 9 millions d'euros proviendraient des transactions sur les actions dont le cours aurait été manipulé.
 
La recourante relève que son conseil de fondation aurait agi de bonne foi et qu'il n'est pas non plus contesté qu'elle est sensiblement atteinte dans sa situation économique par la mesure de séquestre. Même s'il fallait tenir compte de l'identité de sa bénéficiaire (soit l'ex-épouse de D.________), la Cour des plaintes ne pouvait se contenter de reprendre les explications du MPC sans violer le principe d'instruction; il lui appartenait d'examiner ces explications à la lumière des éléments de preuve disponibles, de permettre à la recourante de se déterminer à ce propos et de motiver son appréciation des preuves.
 
2.3 La recourante perd de vue que la mesure de séquestre, de nature provisoire, est fondée sur la simple vraisemblance selon l'état du dossier au moment où la décision est prise. Dans ce cadre, la maxime de l'instruction impose certes à l'autorité pénale de rechercher d'office les faits pertinents, mais elle ne saurait s'appliquer à l'autorité de recours contre la décision de séquestre. C'est au contraire au Ministère public qu'il appartient de compléter le dossier et d'établir les faits afin de permettre au juge du fond d'appliquer, le cas échéant l'art. 70 CP. La recourante invoque en vain son droit d'être entendue: rien ne l'empêchait en effet, dans le cadre de son recours, de faire valoir les éléments qui justifieraient selon elle une application de l'art. 70 al. 2 CP, dans la mesure où ces éléments (bonne foi, contre-prestation adéquate et cas de rigueur) ne dépendaient pas de la connaissance de l'ensemble du dossier. La réponse du Ministère public contenait d'ailleurs un résumé des deux rapports du Centre de compétence économique et financier (CCEF) et la recourante ne prétend pas que ce résumé serait insuffisant au regard de son droit d'être entendue.
 
2.4 La recourante conteste également le séquestre en tant qu'il porte sur la somme de 2'038'706 fr. déjà présente sur son compte au 31 décembre 2004, soit avant la commission des infractions par D.________. La Cour des plaintes a considéré que cette somme pouvait avoir été utilisée depuis lors et ne plus se trouver sur le compte et qu'elle se trouvait en nette disproportion avec les montants suspects, de 9 millions d'euros. La recourante insiste sur le fait que le séquestre doit demeurer proportionné (art. 197 al. 2 CPP) en particulier à l'égard des fonds appartenant à un tiers et dont l'origine criminelle est exclue. Le remplacement des valeurs licites par le produit des infractions reprochées à D.________ reposerait sur de simples suppositions du MPC, reprises du rapport du CCEF. La recourante se plaint de ne pas avoir pu prendre connaissance de ce document ni se déterminer à son propos, ce qui constituerait une violation de son droit d'être entendue, le CPP ne prévoyant pas de restriction au droit de consulter le dossier analogue à celle de l'art. 27 PA. Le MPC n'aurait au demeurant pas invoqué d'intérêt opposé à la consultation du dossier. Les faits n'ayant pas été établis correctement, la cause devrait être renvoyée à l'instance précédente.
 
2.4.1 La Cour des plaintes a estimé que l'argent versé avant 2005 pouvait avoir été utilisé depuis lors et ne plus se trouver sur le compte séquestré. Selon les propres affirmations de la recourante, les avoirs n'avaient en effet pas seulement été accumulés, mais seraient "activement utilisés pour l'entretien de la première bénéficiaire et de sa famille". La Cour des plaintes relève que cette thèse serait accréditée par les rapports du CCEF.
 
2.4.2 Ces derniers documents n'ont certes pas pu être consultés par le recourante; ils n'ont toutefois pas été produits dans le cadre de la procédure relative au séquestre, et ont fait l'objet d'un simple résumé dans la réponse au recours du MPC. Le TPF s'est fondé sur ces seules indications, auxquelles la recourante a eu accès dans le cadre de la procédure de recours. La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme que le droit d'accès au dossier, tel qu'il découle du droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494; 129 I 85 consid. 4.1 p. 88/89; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504/505; 127 I 54 consid. 2b p. 56, et les arrêts cités), serait absolu. Il peut au contraire être restreint aux conditions fixées à l'art. 36 Cst., soit en présence d'un intérêt prépondérant; cette restriction doit en outre demeurer proportionnée. En procédure pénale, l'accès au dossier est garanti aux parties de manière générale par l'art. 101 al. 1 let. a CPP. Il peut lui aussi être restreint aux conditions fixées à l'art. 108 CPP, soit notamment lorsque cela est nécessaire pour protéger des intérêts publics ou privés au maintien du secret. En tant que personne touchée par un acte de procédure au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP, la recourante ne peut se voir reconnaître la qualité de partie que dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de [ses] intérêts (art. 105 al. 2 CPP). A ce titre, elle ne saurait prétendre à un droit à la consultation de l'intégralité du dossier de la procédure pénale, mais uniquement aux éléments du dossier pertinents pour l'exercice de ses droits de défense (KÜFFER, Basler Kommentar StPO, n° 29 ad art. 105).
 
2.4.3 En l'occurrence, la recourante a pu prendre connaissance des éléments de fait sur lesquels le MPC s'est fondé pour ordonner et maintenir le séquestre. En tant que titulaire du compte, il lui appartenait de produire les pièces propres à démontrer la licéité des fonds déposés avant 2005, et de s'expliquer sur les détails de la gestion du compte afin de démontrer que ces fonds s'y trouvaient encore. Il n'y a donc ni violation du droit d'être entendu, ni établissement inexact des faits au sens de l'art. 105 al. 2 LTF.
 
2.4.4 En réplique, la recourante fournit de nombreuses explications sur les accords et versements consécutifs au divorce intervenu entre les époux D.________. Elle se fonde toutefois sur un mémorandum du 26 octobre 2012, soit une pièce nouvelle, irrecevable selon l'art. 99 LTF. Il en va de même des faits nouveaux dont la recourante a pu avoir connaissance après que le MPC lui a donné accès au dossier, postérieurement à l'arrêt attaqué. L'ensemble de ces éléments de fait devront dès lors être invoqués en premier lieu auprès de l'autorité d'instruction.
 
3.
 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, au Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes.
 
Lausanne, le 20 décembre 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Kurz
 
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