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Informationen zum Dokument  BGer 2C_738/2012  Materielle Begründung
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BGer 2C_738/2012 vom 27.11.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
2C_738/2012
 
Arrêt du 27 novembre 2012
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Aubry Girardin et Stadelmann.
 
Greffière: Mme Beti.
 
 
Participants à la procédure
 
Société suisse de radiodiffusion et télévision SRG SSR, Service juridique, Giacomettistrasse 1, 3000 Berne 31,
 
recourante,
 
contre
 
1. A.________,
 
2. B.________,
 
intervenants.
 
Objet
 
TSR1, reportage sur le Festival du film fantastique de Neuchâtel diffusé dans le téléjournal de 19.30 heures
 
du 6 juillet 2011,
 
recours contre la décision de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision
 
du 24 février 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Le 6 juillet 2011, dans le cadre du téléjournal de 19.30 heures, la Télévision suisse romande a diffusé un reportage d'une durée de 2 minutes 30 intitulé "Le Festival du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) consacre une rétrospective au cinéma gore". Il s'agissait du dernier sujet, qui a passé à l'antenne à 19.50 heures.
 
B.
 
Le 25 octobre 2011, A.________ et B.________ ont déposé une plainte, cosignée par vingt autres personnes, à l'encontre de ce reportage, auprès de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio et télévision (ci-après l'Autorité indépendante). Ils estimaient que la diffusion, dans le téléjournal de 19.30 heures, d'extraits particulièrement sanglants et violents de films gore constituait une banalisation de la violence. En outre, les images diffusées étaient propres à porter préjudice à l'épanouissement psychique et moral des mineurs.
 
Par décision du 24 février 2012, l'Autorité indépendante a, par 8 voix contre 1, admis la plainte dans la mesure de sa recevabilité. Elle a constaté que le reportage litigieux violait l'art. 5 de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40) relatif à la protection de la jeunesse (ch. 1 du dispositif). La Société suisse de radiodiffusion et télévision SRG SSR (ci-après SRG SSR) était invitée à fournir des mesures propres à remédier à cette violation dans un délai de 60 jours dès la notification, respectivement de 30 jours à compter de l'entrée en force de ladite décision (ch. 2 du dispositif). Il ressort en outre des considérants de ladite décision que l'Autorité indépendante, tout en ne contestant pas la forte présence de la violence dans le sujet, a cependant considéré que celle-ci n'avait jamais été banalisée ou mise en relief de façon contraire à l'art. 4 al. 1 LRTV.
 
C.
 
A l'encontre de la décision du 24 février 2012, la SRG SSR interjette un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'il soit constaté que le reportage "Le Festival du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) consacre une rétrospective au cinéma gore" diffusé dans le téléjournal de 19.30 heures du 6 juillet 2011 sur la Télévision suisse romande n'a pas violé l'art. 5 LRTV relatif à la protection de la jeunesse. Subsidiairement, elle propose le renvoi de la cause à l'Autorité indépendante pour nouvelle décision, les frais étant mis à la charge de cette dernière.
 
A.________ et B.________ ont présenté des déterminations et conclu au rejet du recours, à l'instar de l'Autorité indépendante. La SRG SSR a maintenu sa position dans ses observations finales.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Les décisions de l'Autorité indépendante peuvent en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. c LTF et 99 LRTV). La recourante, sanctionnée pour avoir diffusé un reportage contraire à l'art. 5 LRTV, a qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF), le recours est donc recevable.
 
1.2 L'Autorité indépendante avait été saisie d'une plainte pour violation des art. 4 et 5 LRTV. Dans la décision entreprise, elle a refusé d'admettre une violation de la première des dispositions, mais constaté que la recourante avait contrevenu à la seconde. Dans leur détermination, les intervenants, tout en concluant au rejet du recours, reprochent à l'Autorité indépendante de ne pas avoir retenu que le reportage litigieux était contraire à l'art. 4 LRTV. Un tel grief n'est pas admissible, car il revient à remettre en cause le bien-fondé de l'arrêt attaqué. Or, le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint, de sorte que la partie qui entend contester une décision doit le faire elle-même dans le délai de recours de l'art. 100 LTF. A défaut, elle ne peut, dans sa détermination sur le recours formé par l'autre partie, que proposer de rejeter celui-ci; elle n'est pas admise à reprendre les conclusions formulées devant l'autorité précédente (cf. ATF 138 V 106 consid. 2.1 p. 110; arrêt 2C_77/2012 du 31 août 2012 consid. 1.3). Le fait que, selon l'art. 99 LRTV, les décisions de l'autorité de plainte puissent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral ne signifie pas que les exigences procédurales figurant dans la LTF ne doivent pas être respectées. En revanche, la partie intimée peut fonder ses conclusions en rejet du recours sur des motifs que l'instance inférieure n'a pas retenus, dans l'hypothèse où la motivation figurant dans l'arrêt attaqué ne devrait pas résister devant le Tribunal fédéral (cf. arrêt 2C_693/2009 du 4 mai 2010 consid. 1.4 non publié aux ATF 136 II 441). En l'occurrence, tel n'est pas le cas, dès lors que le dispositif de la décision attaquée constate exclusivement une violation de l'art. 5 LRTV. Partant, les critiques des intimés quant au refus de retenir une violation de l'art. 4 LRTV sont de nature à influencer le résultat même de cette décision et ne se limitent pas à une argumentation tendant au seul rejet du recours. Il s'en suit qu'il ne sera pas entré en matière sur les critiques liées à l'art. 4 LRTV.
 
On peut du reste se demander si les intervenants, qui ont saisi l'Autorité indépendante d'une plainte populaire au sens de l'art. 94 al. 2 LRTV, auraient même eu qualité pour recourir au Tribunal fédéral au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et, partant, s'ils auraient pu se plaindre d'une violation de l'art. 4 LRTV (cf. ATF 137 II 40 consid. 2.2 et 2.3).
 
1.3 Les rapports économiques qui existeraient entre la recourante et le NIFFF (Festival du film fantastique de Neuchâtel) ne sont pas pertinents pour se prononcer sur la question litigieuse, qui est de savoir si le reportage en cause porte atteinte au développement des mineurs. L'Autorité indépendante n'a du reste pas approfondi la question. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux remarques et demande d'instruction formées par les intervenants à ce sujet.
 
2.
 
Le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314 s.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 135 II 313 consid. 5.2.2 p. 322 s.). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356 et les arrêts cités).
 
Savoir quel est le contenu du reportage litigieux et s'il comprend des scènes de violence ou empreintes de brutalité relève de l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves. Dans son recours, la SRG SSR présente sa propre interprétation du reportage diffusé le 6 juillet 2011 en minimisant la violence des scènes constatées dans la décision entreprise. Ce faisant, la recourante se contente d'opposer sa propre appréciation de l'émission à la description retenue par l'autorité de première instance, mais sans invoquer l'arbitraire ni démontrer le caractère manifestement inexact des éléments violents mis en évidence dans la décision attaquée, par rapport au reportage diffusé. Une telle argumentation n'est pas admissible sous l'angle de l'art. 97 al. 1 LTF.
 
3.
 
Le litige porte sur le point de savoir si l'Autorité indépendante a, comme le soutient la recourante, violé le droit fédéral, en particulier les art. 5 et 6 LRTV ainsi que 4 al. 1 de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur la radio et la télévision (ORTV; RS 784.401), et contrevenu à la liberté d'expression des médias au sens des art. 17 et 93 al. 3 Cst., ainsi que 10 CEDH, en constatant que la SRG SSR avait violé l'art. 5 LRTV.
 
3.1 Selon l'art. 5 LRTV, les diffuseurs veillent à ce que les mineurs ne soient pas exposés à des émissions susceptibles de porter préjudice à leur épanouissement physique, psychique, moral ou social, en fixant l'horaire de diffusion de manière adéquate ou en prenant d'autres mesures. L'art. 4 al. 1 ORTV prévoit que les diffuseurs de programmes télévisés à libre accès sont tenus de signaler les émissions susceptibles de porter préjudice aux mineurs au moyen d'un signal acoustique ou d'un symbole optique visible pendant toute la durée des émissions en question.
 
Savoir si une émission est susceptible de porter préjudice à l'épanouissement des mineurs est une question d'appréciation qui dépend étroitement du contenu de celle-ci. Lors de cet examen, il faut tenir compte de la Constitution, en particulier son art. 11 s'agissant de la protection de la jeunesse, de la CEDH, et d'autres traités internationaux, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant du 2 novembre 1989 (CDE; RS 0.107). Pour déterminer si une émission est conforme aux exigences légales applicables au contenu des programmes, les aspects garantis par les textes précités doivent être mis en balance avec les dispositions constitutionnelles et conventionnelles garantissant la liberté des médias et l'autonomie du diffuseur, ainsi que la liberté d'information. Celles-ci ne sont pas absolues, mais peuvent être limitées aux conditions des art. 36 Cst. et 10 al. 2 CEDH (cf. ATF 133 II 136 consid. 5.1 p. 142).
 
3.2 L'obligation figurant à l'art. 5 LRTV de veiller à ce que les mineurs ne soient pas exposés à des émissions susceptibles de porter préjudice à leur épanouissement physique, psychique, moral ou social correspond aux règles internationales. Ainsi, l'art. 7 ch. 2 de la Convention européenne sur la télévision transfrontière, conclue à Strasbourg le 5 mai 1989 et entrée en vigueur pour la Suisse le 1er mai 2003 (RS 0.784.405), prévoit que les éléments des services de programmes qui sont susceptibles de porter préjudice à l'épanouissement physique, psychique et moral des enfants ou des adolescents ne doivent pas être transmis lorsque ces derniers sont susceptibles, en raison de l'horaire de transmission et de réception, de les regarder. L'Union européenne prévoit une règle similaire (cf. art. 22 de la Directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle [JO L 298/23 du 17 octobre 1989], modifiée par la Directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 [JO L 332/27 du 18 décembre 2007]).
 
3.3 En l'espèce, le reportage en cause a été diffusé dans le journal télévisé de 19.30 heures, en fin d'émission. Immédiatement avant sa diffusion, la journaliste a adressé un avertissement aux téléspectateurs en indiquant: "les images du sujet pourraient choquer certaines sensibilités". Le reportage a commencé par une présentation et un court portrait de Heschell Gordon Lewis, un "parrain du gore". Puis, une scène de son film "Blood Feast" de 1963 a été diffusée: on y voit une femme apeurée, hurlant dans sa baignoire et un homme, un couteau ensanglanté à la main, suivi d'une image de jambe grossièrement mutilée. Ensuite, le reportage dresse l'historique du cinéma d'horreur, en illustrant son évolution par plusieurs extraits de films diffusés en plein écran, à savoir : "Un chien andalou" de Buñuel (1927), dans lequel on voit un nuage effilé passer à travers de la lune au moment où une lame de rasoir s'apprête à trancher l'?il d'une femme; "La Mouche" de Cronenberg (1986) et "Braindead" de Jackson (1992), qui exhibent deux créatures surnaturelles, l'une hideuse, l'autre burlesque; pour finir par "Hostel" de Roth (2005), dont le commentaire indique l'apparition d'un genre nouveau, plus brutal, combinant sexe, sadisme et torture; le premier tableau montre des jeunes gens dénudés entamant une conversation dans un sauna, alors que le second tableau révèle une scène laissant deviner la mutilation sexuelle infligée à un jeune homme ligoté dans une cave et à une jeune femme dont on ne voit que le pied au moyen d'outils divers tels que perceuse électrique et tenaille; ces extraits ont été diffusés en écran partagé avec une interview du réalisateur. Le sujet se termine sur une question récurrente depuis les origines du cinéma de savoir s'il faut "montrer ou ne pas montrer".
 
3.4 Comme l'a constaté l'Autorité indépendante, la violence, le sadisme et la perversion étaient présents tout au long du reportage. Certes, ces images n'ont pas été diffusées dans le but de prôner la violence, mais afin de comprendre le genre cinématographique gore qui se caractérise par une brutalité et une violence extrêmes. C'est du reste la raison pour laquelle aucune violation de l'art. 4 al. 1 LRTV n'a été retenue. Il n'en demeure pas moins que les films gore, et a fortiori les scènes présentées, sont issues d'un genre cinématographique qui n'est pas destiné à un jeune public. Les images montrées (jambe mutilée, membres ensanglantés) ou suggérées de manière très explicite (?il transpercé par une lame de rasoir; mutilations sexuelles au moyen d'outils divers), sont indéniablement de nature à perturber de jeunes enfants, par définition plus influençables que les adultes à qui le reportage était exclusivement destiné. On ne peut donc reprocher à l'Autorité indépendante d'avoir considéré qu'un tel reportage tombait sous le coup de l'art. 5 LRTV. Comme déjà indiqué, la position de la recourante, qui revient à systématiquement minimiser le caractère violent des extraits de films du reportage, en opposant sa propre appréciation à celle de l'Autorité indépendante, n'est pas admissible (cf. supra consid. 2).
 
3.5 Encore faut-il se demander si de telles images étaient indispensables à l'illustration de la réalité, puisqu'elles ont été diffusées dans une émission d'information. La tenue de la rétrospective du film gore dans le cadre du festival du film fantastique appartenant à l'actualité, il faisait partie de l'autonomie du diffuseur lors de la conception du journal télévisé de traiter de cet événement. Cependant, s'agissant d'un genre cinématographique à l'évidence non destiné aux jeunes enfants, le diffuseur devait veiller à ne pas l'assortir de scènes de violence susceptibles de perturber ceux-ci. Or, la description précitée des extraits de films choisis démontre que le diffuseur ne s'en est pas tenu à une présentation modérée, qui seule aurait été admissible sous l'angle de l'art. 5 LRTV.
 
La recourante souligne qu'il faut tenir compte du public visé par l'émission. Il est exact que les exigences quant au degré de violence supportable des images peut varier selon le public. En l'occurrence, le fait que le reportage ait été diffusé dans le téléjournal de 19.30 heures, soit à une heure de grande écoute où de jeunes enfants ne sont pas forcément couchés, est précisément un facteur qui justifie pour le diffuseur d'être particulièrement attentif au respect de l'art. 5 LRTV. Sur ce point, on peine à comprendre la position de la recourante, qui soutient que le public visé par le journal télévisé de 19.30 heures est un public adulte, avisé et informé, alors qu'il est notoire que les familles en Suisse suivent fréquemment cette émission. En outre, comme le sujet concerne un public adulte, il n'y a rien de choquant à retenir, à l'instar de l'Autorité indépendante, que le sujet aurait pu être diffusé à une heure plus tardive.
 
3.6 Comme le relève la recourante, il convient d'évaluer le reportage dans son ensemble (cf. ATF 132 II 290 consid. 2.2 p. 293; arrêt 2C_862/2008 du 1er mai 2009 consid. 5 in fine). Sous l'angle de l'art. 5 LRTV, il faut cependant se placer du point de vue des mineurs. Or, contrairement à ce qu'affirme la recourante, le reportage en cause ne comporte pas exclusivement de brefs extraits de films qui n'occuperaient qu'une place accessoire. Il se compose pour l'essentiel d'une succession de scènes de meurtre, d'horreur et de torture, qui dégagent une impression générale de violence de nature à perturber de jeunes enfants, qui ne sont pas capables, comme des adultes, de relativiser la portée des images en fonction de la façon dont les extraits sont présentés.
 
Des extraits plus longs des mêmes films peuvent certes être consultés librement sur internet, sans contrôle et par conséquent également par des mineurs (cf. ATF 133 II 136 consid. 6.5.2 p. 149). A la différence de la télévision, cette consultation implique cependant une démarche active, afin de rechercher et de visionner l'extrait souhaité. Elles n'enlèvent donc rien au fait que les images diffusées par la télévision, en particulier dans le cadre du journal télévisé, atteignent les téléspectateurs de façon non sollicitée.
 
3.7 Il convient enfin de se demander si l'avertissement figurant juste avant la diffusion du reportage, comme le préconise l'art. 4 al. 1 ORTV, était suffisant.
 
Il appartient en première ligne aux parents de contrôler le contenu des émissions qui pourraient nuire à l'épanouissement de leurs enfants (cf. ATF 133 II 136 consid. 6.5.2 p. 149). Toutefois, ceux-ci doivent être en mesure de discerner que l'émission en cause va comprendre des séquences choquantes, afin de prendre des dispositions pour éviter que les enfants soient confrontés à de telles scènes. L'art. 4 al. 1 ORTV vise précisément à leur permettre d'effectuer ce contrôle en imposant au diffuseur de transmettre un avertissement adéquat. Il se trouve que le téléjournal de 19.30 heures, même s'il peut parfois impliquer la diffusion de reportages comportant certaines scènes de violence ou de guerre liées à l'actualité immédiate, ne fait pas partie des émissions faisant l'objet d'un avertissement au sens de l'art. 4 al. 1 ORTV. Le reportage en cause ne comprenait aucun logo, mais a seulement été précédé d'une information selon laquelle les images de ce sujet pourraient choquer certaines sensibilités, qui a été dispensée par la journaliste dans les secondes qui ont précédé sa diffusion. Un tel avertissement général ne visait qu'implicitement les enfants, de sorte que l'on peut déjà se demander s'il était suffisant en regard de l'art. 4 al. 1 ORTV, qui vise uniquement la protection des mineurs. La question, contestée par la recourante, peut cependant demeurer indécise, car, compte tenu du caractère imprévisible et immédiat de l'avertissement dispensé, il n'était pas propre à permettre aux parents de prendre, dans les secondes suivant l'avertissement, les mesures adéquates pour éviter que les jeunes enfants soient confrontés aux scènes de violence figurant dans le reportage.
 
En sanctionnant la recourante, l'Autorité indépendante n'a ainsi violé ni l'art. 5 LRTV ni l'art. 4 al. 1 ORTV, pas plus qu'elle n'a porté atteinte à l'indépendance et l'autonomie du diffuseur d'une façon contraire à l'art. 6 LRTV.
 
4.
 
Sous l'angle des droits constitutionnels, la recourante invoque une violation des art. 17 et 93 al. 3 Cst., ainsi que de l'art. 10 CEDH.
 
4.1 Les dispositions dont se prévaut la recourante visent à garantir la liberté des médias, qui comprend la liberté de la radio et de la télévision de rechercher et de diffuser librement des opinions et informations et qui a pour corolaire la liberté de l'auditeur et du spectateur de recevoir les émissions qui lui sont destinées (cf. DENIS BARRELET/STÉPHANE WERLY, Droit de la communication, 2e éd. 2011, n° 239, p. 72). Comme toutes les libertés, celles qui sont garanties par les art. 17 et 93 al. 3 Cst. peuvent être limitées à condition que les restrictions soient fondées sur une base légale suffisante, qu'elles répondent à un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité (cf. art. 36 Cst.). De même, des restrictions à la liberté d'expression consacrée par l'art. 10 CEDH sont admissibles si elles sont prévues par la loi, fondées sur un but légitime au regard de l'art. 10 par. 2 CEDH et nécessaires, dans une société démocratique, pour atteindre ce but (arrêt 2A.12/2000 du 21 novembre 2000 consid. 8b). Dans un arrêt récent du 21 juillet 2011 (cause Sigma Radio Television Ltd c. Chypre), par ailleurs cité par l'Autorité indépendante, la CourEDH a considéré qu'une limitation à la liberté d'expression garantie par l'art. 10 CEDH était légitime lorsqu'il s'agissait notamment de protéger les enfants contre des émissions contenant des scènes de violence ou d'autres sujets propres à porter atteinte à leur développement physique, mental ou moral (cf. arrêt précité § 200 s.). L'interprétation donnée à cet arrêt par la recourante, qui affirme que l'on ne peut rien en déduire, n'est à cet égard pas convaincante.
 
4.2 En l'espèce, le reportage en cause comportait des scènes de violence choquantes de nature à porter préjudice à l'épanouissement physique, psychique, moral ou social des mineurs. En constatant une violation de l'art. 5 LRTV et en invitant la recourante à ce qu'elle prenne les mesures prévues à l'art. 89 al. 1 let. a LRTV, à savoir qu'elle remédie au manquement constaté et qu'elle fasse en sorte de prévenir toute nouvelle violation, l'Autorité indépendante a pris une mesure prévue par la loi et proportionnée. En outre, une telle mesure est admissible en regard de l'art. 10 CEDH. Enfin, la décision attaquée, qui tend à la protection des enfants et des jeunes, poursuit un intérêt public indéniable, la Suisse ayant exprimé sa volonté de protéger spécialement la jeunesse en adoptant l'art. 11 Cst. et en ratifiant, le 24 février 1997, la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (RS 0.107; cf. PASCAL MAHON, in JEAN-FRANÇOIS AUBERT/PASCAL MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale, 2003, n° 2 ad art. 11 Cst.).
 
Le grief lié à une violation des art. 17 et 93 al. 3 Cst., ainsi que l'art. 10 CEDH est donc infondé.
 
Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté.
 
5.
 
Selon l'art. 66 al. 4 LTF, les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent en règle générale se voir imposer des frais judiciaires, lorsqu'elles s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause. La recourante remplit, dans le cadre de ses activités d'information, une tâche prévue par la loi, de sorte qu'il sera statué sans frais (cf. arrêt 2C_335/2007 du 25 octobre 2007 consid. 5 non publié aux ATF 134 I 2). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intervenants, qui ne sont pas représentés par un avocat (cf. art. 68 al. 1 LTF; cf. arrêt 2C_291/2009 du 12 octobre 2009 consid. 6.2).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, aux intervenants et à l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision.
 
Lausanne, le 27 novembre 2012
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
La Greffière: Beti
 
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