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Informationen zum Dokument  BGer 6B_213/2012  Materielle Begründung
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BGer 6B_213/2012 vom 22.11.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_213/2012
 
Arrêt du 22 novembre 2012
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
 
Schneider et Denys.
 
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________, représentée par Me Michel De Palma, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
1. Ministère public du canton du Valais, case postale 2305, 1950 Sion 2,
 
2. A.________, représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat,
 
intimés.
 
Objet
 
Indemnité pour tort moral,
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I, du 20 février 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Le 10 novembre 2010, le juge Il du district de Sion a reconnu X.________ coupable de lésions corporelles par négligence et l'a condamnée à 6 mois de peine privative de liberté avec sursis pendant 2 ans. Il l'a en outre astreinte, à titre de règle de conduite, à se soumettre à un traitement psychothérapeutique pendant le délai d'épreuve ainsi qu'à payer à A.________ 100'000 fr. d'indemnité pour tort moral et 2'556 fr. 75 à titre de dommages-intérêts, l'action civile étant adjugée dans son principe et les autres prétentions en dommages-intérêts renvoyées au for civil.
 
B.
 
Les faits à l'origine de cette condamnation sont en substance les suivants.
 
Le 21 juin 2007, X.________ assurait le service dans un bar. A.________ est entré dans cet établissement vers 22h45 et X.________ lui a servi une première bière à 22h50. Dès son entrée dans le bar, A.________ a importuné tant les autres clients que X.________ en tenant des propos incohérents, affirmant notamment être l'incarnation du démon, disposer de son propre univers et déclarant que Dieu était un « pédé ». A un moment donné, il s'est adressé à la serveuse en lui affirmant qu'il ne l'aimait pas, que c'était une « grosse pute » et qu'il ne voudrait jamais d'elle. Les autres clients lui ont dans un premier temps demandé de se taire puis l'un d'entre eux s'est approché de A.________ pour le saisir à la nuque. Celui-ci a alors dit qu'il était rentier Al et que si son antagoniste le touchait il paierait toute sa vie.
 
A 23h13, A.________ a commandé deux bières, l'une pour lui et l'autre pour un tiers. X.________ l'a servi et au moment où elle s'est saisie du premier verre de A.________, ce dernier a repris ses insultes en clamant: « grosse pute, toi je t'aime pas, tu n'est qu'une salope ». Sous le coup de la colère, X.________ a effectué un mouvement circulaire, semblable à une gifle, en direction de A.________, à la hauteur de la tête de celui-ci, avec le verre qu'elle tenait à la main. Au contact de la victime, le verre s'est brisé et a perforé sa gorge; il a ainsi causé une profonde blessure, sectionnant notamment la carotide et provoquant des séquelles graves et irréversibles, savoir une aphasie globale, des troubles praxiques et gnostiques, un hémi syndrome sensitivo-moteur-facio-brachio-crural droit à prédominance motrice et brachiale et une épilepsie symptomatique. On ne peut par conséquent communiquer avec lui qu'avec difficulté et de manière très restreinte.
 
Il a été admis que X.________ n'avait pas la volonté de blesser son adversaire, mais que c'est par une maladresse ou à la suite d'un mouvement de la victime qu'elle a provoqué les lésions subies par celle-ci.
 
C.
 
Par jugement du 20 février 2012, le juge de la Cour pénale I du Tribunal cantonal valaisan a réformé le jugement de première instance en ce sens qu'il a réduit à 80'000 fr. l'indemnité pour tort moral allouée à la victime et levé l'obligation imposée à la condamnée par l'autorité de première instance de se soumettre à un traitement psychothérapeutique pendant le délai d'épreuve.
 
D.
 
X.________ forme un recours en matière pénale contre ce jugement. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que celui-ci soit modifié en ce sens que le montant de l'indemnité pour tort moral allouée à la victime est ramené à 35`000 francs.
 
Elle sollicite par ailleurs l'effet suspensif et l'assistance judiciaire.
 
E.
 
Invité à présenter des observations, l'intimé fait valoir que le montant qui lui a été alloué est conforme à la loi, à l'équité et à la jurisprudence. Il conclut au rejet de la requête d'effet suspensif dans la mesure où elle est recevable et au rejet du recours, les frais étant mis à la charge de la recourante. Il demande que des dépens lui soient alloués pour la procédure devant le Tribunal fédéral et sollicite l'assistance judiciaire.
 
Pour sa part, la cour cantonale n'a pas d'observation à formuler. Elle se réfère aux considérants de son arrêt.
 
Le Ministère public n'a pas répondu à l'invitation à présenter des observations.
 
La recourante a déposé des déterminations sur l'écriture de l'intimé.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
La dernière instance cantonale a statué aussi bien sur l'aspect pénal que sur les prétentions civiles. Dans cette configuration et quand bien même les conclusions prises par la recourante devant le Tribunal fédéral portent uniquement sur les conclusions civiles (cf. infra consid. 2), c'est la voie du recours en matière pénale qui est ouverte (art. 78 al. 2 let. a LTF; ATF 133 III 701 consid. 2.1 p. 702 s.).
 
2.
 
La recourante reproche en premier lieu à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 47 CP en omettant de prendre en considération pour déterminer la durée de la peine certains éléments prévus par cette disposition. Comme ses conclusions tendent exclusivement à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens d'une réduction du montant alloué à la victime à titre d'indemnité pour tort moral et que le Tribunal fédéral est, conformément à l'art. 107 al. 1 LTF, lié par les conclusions, ce grief est irrecevable faute de satisfaire aux exigences de l'art. 42 al. 1 LTF.
 
3.
 
La recourante allègue que l'indemnité allouée à la victime à titre de réparation du tort moral subi par celle-ci n'est pas équitable eu égard aux circonstances qui ont déclenché sa réaction et compte tenu d'exemples tirés de la jurisprudence.
 
3.1 En vertu de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Ces circonstances particulières consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants (arrêt 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.2, non publié in ATF 134 III 97; 132 II 117 consid. 2.2.2 p. 119; arrêt 6B_970/2010 du 23 mai 2011 consid. 1.1.2).
 
En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704/705 et les arrêts cités). Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral ne substitue qu'avec retenue sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale. Il n'intervient que si la décision s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence, repose sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore ne tient pas compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération. En outre, il redresse un résultat manifestement injuste ou une iniquité choquante (ATF 135 III 121 consid. 2 p. 123; 132 II 117 consid. 2.2.3 p. 120 et 2.2.5 p. 121; 125 III 412 consid. 2a p. 417).
 
La possibilité de réduire une indemnité pour tenir compte d'une faute concomitante, résultant de l'art. 44 al. 1 CO, existe également dans le cas d'une indemnité pour tort moral (ATF 131 III 12 consid. 8 p. 21; 128 1149 consid. 4.2 p. 54).
 
3.2 La cour cantonale considère que le montant de base, fixé à 150'000 fr. par le juge de première instance avant que ne soit pris en compte le facteur de réduction, est exagéré. Elle se réfère à deux cas tranchés en 1995 et 2003 (arrêts 4C.479/1994 [recte: 4C.379/1994] du 21 août 1995 et 6S.470/2002 du 5 mai 2003) dans lesquels des indemnités de 100'000 fr. respectivement 75'000 fr. ont été allouées et en conclut que l'indemnité de base doit être ramenée à 120'000 fr. eu égard d'une part aux lourdes conséquences qu'ont eu pour la victime les actes imputés à la recourante et d'autre part à l'état de santé de la victime avant les faits. La cour cantonale a ensuite réduit cette indemnité de base d'un tiers en application de l'art. 44 CO en raison de la faute concomitante de la victime et a ainsi arrêté l'indemnité pour tort moral à 80'000 francs.
 
La recourante soutient que les arrêts pris en considération à titre de comparaison par la cour cantonale ne sont pas pertinents parce que la victime, qui était invalide à 100 % avant les faits, n'avait déjà aucune perspective d'emploi et que des montants supérieurs à 50'000 fr. n'ont été accordés, entre 2003 et 2005, qu'à des personnes devenues totalement invalides à la suite des lésions subies.
 
Dans les deux exemples auxquels se réfère la cour cantonale, les montants de base sont inférieurs à celui qu'elle a retenu. Par ailleurs, dans aucun de ces deux cas la victime ne présentait avant les faits un état de santé propre à restreindre son insertion professionnelle, voire sociale. De surcroît, le second précédent cité, qui est le plus récent, concerne une infraction intentionnelle qui a eu des conséquences d'une gravité pour le moins comparable à celles subies par l'intimé puisque la victime a dû effectuer un long séjour en institution et qu'aucune réintégration dans le monde du travail n'était envisageable. Il est évident en l'espèce que le dommage subi par la victime est important puisqu'elle souffre notamment d'aphasie, d'une paralysie de la partie droite du corps et qu'il n'est plus possible de communiquer avec elle qu'avec difficulté et de manière très restreinte. Toutefois, il faut tenir compte du fait que sa situation personnelle a connu une modification moindre que dans les cas auxquels se réfère la cour cantonale puisque la victime souffrait déjà d'une invalidité complète avant les actes. Dans ces circonstances, eu égard aux lésions subies, la cour cantonale ne pouvait pas sans abuser de son large pouvoir d'appréciation partir d'un montant de base proche du double de celui alloué en 2003 et ce même compte tenu de la dépréciation de la monnaie. En prenant en considération l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, une somme comprise entre 70'000 et 80'000 fr. apparaît équitable et peut servir de base à la fixation de l'indemnité.
 
3.3 Contrairement à ce que soutient la recourante, la cour cantonale a dûment tenu compte de la faute concomitante de la victime puisqu'elle a réduit d'un tiers le montant de l'indemnité en raison de son comportement. Il y a lieu de réduire dans la même proportion le montant de base déterminé ci-dessus et de fixer à 50'000 fr. l'indemnité due à l'intimé.
 
3.4 La recourante conclut à ce que l'indemnité allouée à l'intimé porte intérêt à 5% dès le 21 juin 2007, date des faits à l'origine de la procédure. Cela correspond à ce qui a été admis par la cour cantonale. Il n'y a pas lieu de modifier l'arrêt attaqué sur ce point.
 
4.
 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que la recourante est condamnée à verser à l'intimé une indemnité pour tort moral de 50'000 francs. L'arrêt est confirmé pour le surplus.
 
La recourante a sollicité l'assistance judiciaire. Cette demande est sans objet dans la mesure où elle obtient gain de cause sur la question du montant de l'indemnité pour tort moral et peut, à ce titre, prétendre à des dépens réduits (art. 64 al. 2 et 68 al. 1 LTF). Le recours était pour le surplus dénué de chances de succès, si bien que l'assistance judiciaire doit être refusée dans cette mesure (art. 64 al. 1 LTF). Vu le sort du recours, il est statué sans frais à charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Des dépens sont mis à la charge de l'intimé en faveur de la recourante. Pour le cas où celle-ci ne parviendrait pas à les recouvrer, ils seront pris en charge par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Comme l'intimé a suffisamment démontré qu'il est dans le besoin et que ses conclusions n'étaient pas vouées à l'échec, l'assistance judiciaire lui est accordée (art. 64 al. 1 LTF). En conséquence, il n'est pas perçu de frais et une indemnité est allouée à son mandataire.
 
Enfin, la cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que l'indemnité pour tort moral allouée à l'intimé est fixée à 50'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 21 juin 2007.
 
3.
 
Il est statué sans frais.
 
4.
 
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
 
5.
 
Pour le cas où les dépens dus par l'intimé ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Michel De Palma une indemnité de 2'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
 
6.
 
La demande d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée dans la mesure où elle n'est pas sans objet.
 
7.
 
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Jean-Luc Addor une indemnité de 2'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.
 
8.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale I.
 
Lausanne, le 22 novembre 2012
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Mathys
 
La Greffière: Paquier-Boinay
 
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