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Informationen zum Dokument  BGer 1B_384/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_384/2012 vom 04.10.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_384/2012
 
Arrêt du 4 octobre 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli
 
et Chaix.
 
Greffier: M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Alain Ribordy, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 156, 1702 Fribourg.
 
Objet
 
procédure pénale, récusation du Procureur général,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 4 juin 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Le 10 avril 2012, le Ministère public de l'Etat de Fribourg a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. Le matin, celui-ci avait téléphoné au Ministère public en déclarant qu'il refusait de payer une facture, qu'il allait mettre fin à ses jours après avoir tué un Président de tribunal ainsi que le responsable du décès de son frère. Il avait aussi menacé de tirer dans l'espace public. Des mandats d'amener et de perquisition ont été délivrés et exécutés le même jour. Par la suite, une plainte pénale a été déposée par A.________ contre les policiers ayant participé à cette opération.
 
Le 2 mai 2012, l'avocat du prévenu a demandé la récusation du Procureur B.________. Celui-ci s'était exprimé dans deux journaux, en faveur des agents impliqués. Il demandait par ailleurs la nomination d'un avocat d'office. Le Procureur ayant refusé de se récuser, le requérant a demandé, le 15 mai 2012, la transmission de la cause à la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois, en complétant ses motifs: si le Procureur s'estimait prêt à se récuser en cas de plainte contre l'intervention policière, il devait en aller de même dans la présente procédure. Le libellé des mandats d'amener et de perquisition étaient la cause de l'interpellation violente dont il avait été victime. En outre, divers vices de procédure (transmission d'un dossier incomplet, refus de statuer sur l'assistance judiciaire notamment) renforçaient l'apparence de prévention. Le requérant a persisté dans ses griefs le 24 mai 2012.
 
B.
 
Par arrêt du 4 juin 2012, la Chambre pénale a rejeté la demande de récusation. Le dépôt annoncé d'une plainte contre la police et le Procureur ne justifiait pas la récusation de ce dernier; rien n'imposait que cette plainte et la procédure dirigée contre le requérant soient instruites par le même magistrat. Les informations données par le Procureur à la police, puis à la presse, correspondaient aux menaces proférées par l'intéressé. Le refus de statuer sur la demande d'assistance judiciaire se justifiait par la nécessité de déterminer préalablement la situation financière des intéressés, soit en l'occurrence A.________ et son père. La remise prétendument tardive d'un procès-verbal, ainsi que l'absence d'un procès-verbal de perquisition, ne constituaient pas des vices de procédure justifiant une récusation.
 
C.
 
Agissant par la voie d'un recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et d'admettre sa demande de récusation.
 
La Chambre pénale n'a pas formulé d'observations. Le Procureur général conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente relative à la récusation d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. L'auteur de la demande de récusation a qualité pour agir (art. 81 al. 1 LTF). La décision attaquée est rendue en dernière instance cantonale, au sens de l'art. 80 LTF. Le recours a été déposé dans le délai de trente jours prescrit à l'art. 100 al. 1 LTF et les conclusions présentées (y compris l'admission de la demande de récusation) sont recevables au regard de l'art. 107 LTF.
 
2.
 
Reprenant ses motifs de récusation, le recourant estime qu'en soutenant l'action de la police, le Procureur aurait manifesté une conviction nettement défavorable au recourant, contrairement à l'impartialité dont ce magistrat devrait faire preuve au stade de l'instruction. Il y aurait un rapport évident entre l'intervention controversée de la police et la procédure ouverte contre le recourant, qui est à l'origine de cette intervention. Le Procureur aurait par ailleurs omis de réclamer les procès-verbaux et le rapport de la police, et aurait indûment tardé à statuer sur la demande d'assistance judiciaire formée le 2 mai 2012, en affirmant qu'il ne disposait pas des renseignements nécessaires, mais sans préciser lesquels. Les informations données à la police dans les mandats d'amener et de perquisition - notamment la possibilité de l'usage d'une arme - démontrerait le parti pris en défaveur du recourant. Enfin, le Procureur n'aurait donné aucune suite à la demande du recourant tendant à récuser les policiers qui avaient participé à l'intervention du 10 avril 2012.
 
2.1 Selon l'art. 56 let. f CPP, un magistrat est récusable "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 3; 137 I 227 consid. 2.1 p. 229; 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; 134 I 20 consid. 4.2 p. 21; 131 I 24 consid. 1.1 p. 25).
 
2.2 Dans la phase de l'enquête préliminaire et de l'instruction, les principes applicables à la récusation du ministère public sont ceux qui ont été dégagés à l'égard des juges d'instruction avant l'introduction du CPP. Selon l'art. 61 CPP, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure jusqu'à la mise en accusation. A ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 ss CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuves et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle (ATF 124 I 76 consid. 2; 112 Ia 142 consid. 2b p. 144 ss). Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 1B_263/2012 du 8 juin 2012, consid. 2.2.1).
 
2.3 Le Procureur est en l'espèce chargé de l'instruction de la procédure dirigée contre le recourant, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. Selon la décision d'ouverture d'instruction, le recourant avait appelé le service comptable du Ministère public pour faire savoir qu'il ne paierait pas une amende, qu'il allait mettre fin à ses jours après avoir tué un président de Tribunal et le responsable du décès de son frère, et que si les policiers venaient chez lui "il saurait comment les accueillir". A une autre collaboratrice du même service, il aurait déclaré vouloir "venir à la Place Notre-Dame pour tirer". Le recourant ne conteste pas avoir tenu de tels propos. Le mandat d'amener précise que les policiers chargés de l'exécution sont autorisés à user de la force si nécessaire; le mandat de perquisition fait état des menaces proférées par l'intéressé, relevant que celui-ci dispose d'armes à feu et se tient prêt à accueillir la police avec ces armes. Ce faisant, le Procureur n'a fait que reprendre les propos, tels qu'ils lui avaient été rapportés, et on ne saurait lui reprocher d'avoir pris ces menaces au sérieux et d'en avoir fait part aux policiers appelés à intervenir. Il n'y a pas non plus de violation du devoir de réserve dans les articles de presse mentionnés par le recourant, dans lesquels le Procureur estime avoir appliqué un principe de précaution face à des menaces considérées comme claires, précises et graves; cette opinion ne va pas plus loin que les soupçons qui ont nécessité l'ouverture de l'instruction (conformément aux art. 7 al. 1 et 309 al. 1 CPP) et la délivrance des mandats d'amener et de perquisition. Le magistrat a d'ailleurs pris la peine de préciser dans la presse qu'il ne se prononçait pas sur le déroulement de l'opération, et moins encore sur la culpabilité du recourant.
 
2.4 Certes, la procédure ouverte contre le recourant présente une certaine connexité avec la plainte formée par celui-ci en raison du déroulement de l'intervention policière, dont le Procureur a refusé de se charger. Les deux infractions sont toutefois de nature différente puisqu'il s'agit, dans un cas, de juger les menaces proférées par le recourant - étant précisé que leur teneur même n'apparaît pas contestée -, et d'autre part de se prononcer sur l'opportunité et la proportionnalité de l'intervention policière. Contrairement à ce que soutient le recourant, les principes d'unité et d'économie de la procédure pourraient justifier une jonction des causes, mais non la récusation d'un magistrat.
 
2.5 Quant aux irrégularités de procédure que le recourant reproche au Procureur, aucune n'atteint un degré de gravité suffisant pour justifier une récusation. Selon la jurisprudence en effet, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un magistrat ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention, à moins qu'elles soient particulièrement lourdes ou répétées et qu'elles constituent des violations graves de ses devoirs qui dénotent une intention de nuire (cf. ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124; 116 Ia 35 consid. 3a p. 138). La fonction judiciaire oblige le magistrat à se déterminer sur des éléments souvent contestés et délicats, si bien que, même si elles se révèlent viciées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas d'exiger sa récusation; il appartient aux juridictions de recours compétentes de constater et de redresser de telles erreurs si elles sont commises (cf. ATF 116 Ia 135 consid. 3a p. 138; 114 Ia 153 consid. 3b/bb p. 158).
 
2.5.1 En l'occurrence, le recourant estime que le délai pour exiger le rapport de police serait excessif. On ne voit toutefois pas en quoi ce prétendu retard serait susceptible de lui porter préjudice. Le recourant affirme qu'il importerait d'établir rapidement le déroulement des mesures de contrainte, mais cette question est sans rapport avec l'objet de la procédure, limitée - pour ce qui concerne le magistrat récusé - à des infractions de menaces.
 
2.5.2 De même, on ne saurait voir dans le retard à statuer sur la demande d'assistance judiciaire un indice de prévention de la part du magistrat. En dépit des indications apportées par le recourant, le magistrat a en effet considéré, dans un premier temps, qu'il y avait lieu d'examiner la situation financière non seulement du recourant mais aussi de son père, puisque l'avocat avait également été mandaté par ce dernier. Une telle appréciation n'est pas critiquable. Dans la mesure où le recourant bénéficiait déjà de l'intervention d'un avocat, il n'y avait pas lieu de statuer précipitamment sur l'octroi de l'assistance judiciaire. On ne voit pas, sur ce point non plus, d'intention de nuire au recourant.
 
2.5.3 Le recourant reproche enfin au Procureur de ne pas avoir statué sur la demande de récusation visant les policiers ayant participé à l'intervention du 10 avril 2012. Ce grief aurait échappé à la cour cantonale. Le recourant perd de vue que le magistrat s'est prononcé, le 29 mai 2012, soit quelques jours avant le prononcé de l'arrêt attaqué, sur cette question. Cette décision, qui fait également l'objet d'un recours (cause 1B_385/2012), rend sans objet les critiques du recourant sur ce point.
 
3.
 
Sur le vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la demande de récusation a été écartée. Le recours doit dès lors être rejeté et, conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant, qui succombe.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
 
Lausanne, le 4 octobre 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Kurz
 
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