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Informationen zum Dokument  BGer 6B_688/2011  Materielle Begründung
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BGer 6B_688/2011 vom 21.08.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_688/2011
 
Arrêt du 21 août 2012
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges Mathys, Président,
 
Denys et Schöbi.
 
Greffière: Mme Gehring.
 
 
Participants à la procédure
 
1. A.X.________,
 
2. B.X.________,
 
tous les 2 représentés par Me Ergin Cimen, avocat,
 
recourants,
 
contre
 
1. Procureur général du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
 
2. République fédérative du Brésil, Ministère des Affaires étrangères, Palacio da Alvarada, BR-Brasilia, Brésil, représentée par Me Enrico Monfrini, avocat, Place du Molard 3, 1204 Genève,
 
intimés.
 
Objet
 
Ordonnance de confiscation,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, du 6 septembre 2011.
 
Faits:
 
A.
 
Par ordonnance du 28 avril 2009, notifiée le lendemain à A.X.________ et B.X.________, le Ministère public de la République et canton de Genève a prononcé la confiscation des valeurs patrimoniales déposées sur le compte bancaire ouvert au nom de ceux-ci à Genève auprès de C.________ SA. Aux termes d'un jugement rendu le 13 janvier 2010, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a rejeté l'opposition formée par les époux X.________ et confirmé l'ordonnance de confiscation. Il a en outre prononcé une créance compensatrice de 2'153'628 US$, ainsi que l'allocation des fonds confisqués et de la créance compensatrice en faveur de la République fédérative du Brésil.
 
B.
 
Statuant par arrêt du 6 septembre 2011, la Chambre pénale de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel des prénommés, confirmant la confiscation fondée sur le blanchiment en Suisse de valeurs patrimoniales résultant d'actes de détournement de fonds publics, de corruption passive et d'escroquerie commis au Brésil par A.X.________.
 
En bref, la cour cantonale a retenu qu'en participant comme magistrat à l'élaboration d'un appel d'offres destiné à tromper les soumissionnaires sur la réalité des soumissions à présenter, en éliminant frauduleusement les concurrents indésirables et en cachant le fait que l'entreprise attributaire D.________ appartenait en réalité aux deux concurrents restés en lice, A.X.________ et ses comparses avaient astucieusement donné l'apparence que la procédure d'appel d'offres clôturée par l'attribution du marché à D.________ était équitable. En présentant et en approuvant de fausses factures et de faux avis d'exécution pour des travaux fictifs, ils avaient usé d'astuce pour tromper les fonctionnaires du Trésor national brésilien sur la réalité de ces travaux en vue de se faire remettre des espèces et de s'enrichir au détriment de la République fédérative du Brésil.
 
En contrepartie de ces agissements, des commissions occultes avaient été versées à A.X.________ - à hauteur de 6'848'108 US$ répartis sur 18 transactions effectuées entre les 8 octobre 1991 et 26 avril 1994 - sur un compte bancaire ouvert à Genève en son nom et celui de son épouse, avant d'être transférées auprès d'établissements bancaires à l'étranger moyennant neuf retraits opérés entre les 17 mars 1994 et le 5 mars 1999 pour un montant total de 3'873'628 US$.
 
A.X.________ a été reconnu coupable au Brésil de blanchiment d'argent et évasion illégale de devises par arrêt du 4 avril 2005, ainsi que de détournement de fonds publics, corruption passive et escroquerie par arrêt du 4 mai 2006, prononcés sur appel par le Tribunal Régional Fédéral de la 3ème Région.
 
C.
 
A.X.________ et B.X.________ interjettent un recours en matière pénale contre l'arrêt cantonal, dont ils requièrent l'annulation. Ils sollicitent par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire, ainsi que l'octroi de l'effet suspensif au présent recours.
 
L'intimée a été invitée à se déterminer sur l'effet suspensif et a conclu à son rejet.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Les recourants contestent la compétence du procureur général. Selon eux, l'ordonnance de confiscation enfreindrait la garantie d'accès au juge (art. 29a Cst.) et la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), attendu que la loi confie au juge la compétence de statuer sur la confiscation (cf. art. 70 CP de même que 59 aCP, selon la teneur de celui-ci en vigueur au 1er août 1994 [voir consid. 5.3]).
 
L'ordonnance de confiscation ayant été portée par voie d'opposition devant un juge jouissant d'une pleine cognition en fait et en droit (ATF 126 IV 107 consid. 1b/cc), les recourants n'encourent aucune violation du droit pour le motif que la confiscation n'aurait pas été prononcée par un juge comme prévu par le droit fédéral. Le grief est infondé.
 
2.
 
Les recourants invoquent une violation de l'art. 218 aCPP/GE, pour le motif que l'ordonnance de confiscation n'aurait pas été rendue dans les conditions prévues par cette disposition.
 
2.1 La décision de première instance ayant été rendue avant le 1er janvier 2011, date de l'entrée en vigueur du code de procédure pénale suisse (RS 312.0 [CPP]), c'est à juste titre que la cour cantonale a fait application de l'ancien droit cantonal de procédure (art. 453 al. 1 CPP).
 
2.2 Conformément à l'art. 95 LTF, le Tribunal fédéral saisi d'un recours en matière pénale ne peut contrôler l'application du droit cantonal que sous l'angle restreint de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et dans le cadre d'un moyen pris de la violation d'un droit constitutionnel du citoyen, soulevé expressément et motivé avec la précision requise par l'art. 106 al. 2 LTF. En l'occurrence, le grief du recourant, qui ne démontre pas en quoi l'autorité précédente aurait procédé à une application arbitraire du code de procédure pénal genevois, ne répond pas aux exigences de motivation accrues prévalant en matière de droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF), de sorte qu'il se révèle irrecevable.
 
3.
 
Les recourants invoquent une violation de leurs droits d'être entendus, dès lors qu'ils n'ont eu l'opportunité de se déterminer sur la mesure litigieuse qu'après le prononcé de celle-ci par le procureur général. Selon les constatations cantonales, l'ordonnance de confiscation a été notifiée aux deux recourants qui ont eu l'opportunité de la contester par voie d'opposition devant une autorité judiciaire disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit. Dans ces circonstances, il n'en résulte aucun préjudice au détriment des recourants. Ils ont pu s'exprimer devant deux instances judiciaires successives (le Tribunal de police, puis la Chambre pénale de la Cour de justice) disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit et ils n'ont par conséquent subi aucune violation de leurs droits d'être entendus.
 
4.
 
Les recourants, qui invoquent une violation du principe de célérité, contestent la durée du séquestre pénal ayant frappé leur compte bancaire à Genève depuis le mois de mai 1999.
 
4.1 Selon la cour cantonale, le fait que près de onze années se sont écoulées entre l'ouverture de l'enquête préliminaire ordonnée le 4 mai 1999 et le jugement du Tribunal de police confirmant le 13 janvier 2010 la confiscation prononcée le 28 avril 2009 s'explique par la nature de l'affaire. Portant en particulier sur des actes de blanchiment relativement sophistiqués, l'enquête s'est trouvée compliquée par l'intervention de tiers, le recours à des sociétés écrans et des ramifications internationales ayant nécessité l'envoi de commissions rogatoires au Brésil. La procédure en Suisse a été étroitement liée à celles conduites au Brésil contre le recourant et ses comparses, de sorte qu'elle était dépendante des développements judiciaires se déroulant dans ce pays, en particulier des nombreuses mesures d'instruction qui ont dû y être accomplies pour mettre à jour le mode et l'ampleur des détournements de fonds publics auxquels les délinquants se sont livrés. Enfin, le recourant a multiplié les recours tant en Suisse qu'au Brésil, retardant d'autant l'avancement de la procédure.
 
4.2 L'art. 29 al. 1 Cst. garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. A l'instar de l'art. 6 par. 1 CEDH qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue, cette disposition consacre le principe de la célérité, en ce sens qu'elle prohibe le retard injustifié à statuer. Viole la garantie ainsi accordée, l'autorité qui ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p. 277; 130 I 312 consid. 5.1 p. 331).
 
4.3 Pour l'essentiel, les recourants invoquent la violation des principes de célérité et de proportionnalité compte tenu de l'incidence sociale et économique d'une mesure de séquestre, prise de surcroît sans condamnation pénale définitive. Ils ajoutent que les motifs justificatifs invoqués par la cour cantonale, en particulier l'enquête en cours au Brésil, ne fondaient pas le maintien d'un séquestre pénal pendant près d'une douzaine d'années.
 
Ce faisant, ils se bornent à contester la durée de la procédure sans établir l'existence de longues périodes d'inactivité fautive des autorités cantonales. Ils ne démontrent pas non plus être intervenus de quelque manière que ce soit lorsque les autorités cantonales n'auraient pas, selon eux, fait preuve de la diligence requise et il n'incombe pas à la cour de céans de rechercher d'office dans le dossier l'une ou l'autre intervention en ce sens émanant des recourants. Il n'apparaît donc pas que l'on puisse reprocher de temps morts à l'autorité d'instruction, le laps de temps écoulé résultant essentiellement, comme l'a retenu la cour cantonale, de difficultés liées à la nature de l'affaire qui a porté sur des actes de blanchiment relativement sophistiqués et compliqués par l'intervention de tiers, le recours à des sociétés écrans et des ramifications internationales ayant de surcroît requis l'envoi de commissions rogatoires au Brésil. Contrairement à ce que les recourants soutiennent, les infractions principales à l'origine du blanchiment d'argent se sont déroulées au Brésil, de sorte que les actes d'instruction menés dans ce pays ne sont pas sans incidence sur la durée de la procédure conduite en Suisse. A elles seules, les affirmations non étayées des recourants ne suffisent pas à faire admettre une durée déraisonnable de la procédure qui se serait éternisée sans motifs suffisants. Une violation du principe de la célérité n'est dès lors pas démontrée à suffisance de droit.
 
5.
 
5.1 Les recourants contestent la validité de la confiscation litigieuse. Ils considèrent que le droit de confisquer était prescrit au moment du prononcé par le ministère public de l'ordonnance de confiscation du 28 avril 2009. De leur point de vue, la prescription absolue du droit de confisquer se détermine à l'aune du droit suisse exclusivement et non pas du droit brésilien. Selon celui-là, l'action pénale pour des actes d'escroquerie et de gestion déloyale aggravée se prescrit par quinze ans conformément aux art. 72 ch. 2 al. 2, 146 et 158 aCP. Dès lors que le dernier virement opéré depuis le Brésil sur le compte bancaire confisqué à Genève est intervenu le 26 avril 1994, la prescription absolue du droit de confisquer les valeurs patrimoniales était atteinte au plus tard le 26 avril 2009, soit avant la confiscation ordonnée deux jours plus tard le 28 avril 2009.
 
5.2 Les recourants ne contestent pas l'ouverture d'une procédure de confiscation indépendante. Ils ne font pas valoir que la confiscation serait infondée, faute de condamnation des recourants par les autorités suisses pour blanchiment. Ils ne contestent pas non plus la réalisation des infractions principales au Brésil constitutives de crimes en droit suisse, qui sous-tendent le blanchiment. Il y a ainsi uniquement lieu de s'en tenir au grief soulevé tiré de la prescription du droit de confisquer au sens de l'art. 59 ch.1 al. 3 aCP.
 
5.3 Les faits susceptibles de justifier une confiscation ont été commis entre 1991 et 1999. Ils ont pour partie été commis sous l'égide de l'art. 58 aCP en vigueur jusqu'au 31 juillet 1994, qui ne prévoyait aucune prescription pour la confiscation. L'art. 59 ch. 1 aCP, en vigueur dès le 1er août 1994 y a succédé, prévoyant une prescription de 5 ans (al. 3). Cette disposition plus favorable s'applique aussi pour les faits antérieurs à son entrée en vigueur (art. 2 al. 2 CP). En revanche, les modifications postérieures, soit celle de l'art. 59 ch. 1 al. 3 aCP dans sa teneur modifiée en 2002 (RO 2002 2956) ou l'actuel art. 70 CP, qui prévoient chacun une prescription de 7 ans, ne sont pas plus favorables aux recourants et ne s'appliquent donc pas. L'art. 59 aCP dans sa teneur au 1er août 1994 régit toute la période litigieuse.
 
5.4 Selon l'art. 59 ch. 1 aCP dans sa teneur au 1er août 1994, le juge prononcera la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1). Le droit d'ordonner la confiscation se prescrit par cinq ans, à moins que la poursuite de l'infraction en cause ne soit soumise à une prescription d'une durée plus longue, qui est alors applicable (al. 3).
 
La jurisprudence a déduit de l'art. 59 ch. 1 al. 3 aCP que pour admettre une culpabilité de blanchiment justifiant une confiscation, il fallait que l'infraction principale ne soit pas prescrite au moment de la commission de l'acte constitutif de blanchiment (ATF 126 IV 255 consid. 3b/bb). Lorsque les valeurs patrimoniales sujettes à confiscation résultent d'infractions principales commises à l'étranger, la prescription du droit de confisquer se détermine selon le droit du pays où l'infraction principale a été commise (ATF 126 IV 255 consid. 3b/bb et 4c).
 
5.5 En l'espèce, la confiscation litigieuse est fondée sur le blanchiment en Suisse de valeurs patrimoniales résultant de crimes opérés au Brésil. Dans ce cas, l'infraction principale n'est pas le transfert d'argent sale, mais les actes de détournements de fonds, de corruption passive et d'escroquerie commis au Brésil (cf. ATF 126 IV 255 consid. 3a). C'est par conséquent à juste titre que la cour cantonale a examiné la prescription du droit de confisquer à l'aune du code pénal brésilien. Le grief des recourants est infondé.
 
5.6 En application du droit brésilien, la cour cantonale a considéré que le délai de prescription pour les infractions principales préalables au blanchiment d'argent perpétré en Suisse n'étaient pas prescrites au moment du prononcé judiciaire de la confiscation (consid. 5.2.4 de l'arrêt attaqué). Dans le cadre d'un recours en matière pénale, la cour de céans ne revoit pas librement l'application du droit étranger (cf. arrêt 6B_901/2010 du 3 novembre 2009 consid. 2.3.1). Les recourants n'invoquent dans leur mémoire aucune application arbitraire du droit étranger. Il y a dès lors lieu de s'en tenir à la solution de la cour cantonale. Il s'ensuit que le droit de confisquer les valeurs patrimoniales litigieuses n'était pas prescrit.
 
6.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Compte tenu de l'issue de la procédure et de l'absence de chances de succès du recours, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée et les recourants doivent être condamnés au paiement des frais de la cause (art. 66 al. 1 LTF), fixés à hauteur de l'avance versée. Ils verseront en outre une indemnité de 500 francs à titre de dépens à l'intimée qui a été invitée à se déterminer sur leur requête d'effet suspensif, laquelle est sans objet dès lors qu'il a été statué sur le recours.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
 
4.
 
Une indemnité de 500 francs, à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge des recourants, solidairement entre eux.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale.
 
Lausanne, le 21 août 2012
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Mathys
 
La Greffière: Gehring
 
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