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Informationen zum Dokument  BGer 1B_393/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_393/2012 vom 24.07.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_393/2012
 
Arrêt du 24 juillet 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Karlen.
 
Greffier: M. Rittener.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Homayoon Arfazadeh, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
 
Objet
 
prolongation de la détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 31 mai 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Le 2 mars 2012, A.________ a été interpellé à la suite d'une dénonciation laissant entendre qu'il fomentait le projet de faire tuer le gendarme B.________. Il lui est reproché d'avoir promis environ 5'000 fr. au mineur C.________ pour éliminer ce gendarme, qui avait régulièrement contrôlé ses deux commerces et qui l'avait pris en flagrant délit d'emploi "au noir" et de vente illégale de boissons alcooliques à emporter. C.________ a confirmé que A.________ lui avait demandé par deux fois de tuer le gendarme en question. A.________ a été prévenu de tentative d'assassinat, subsidiairement de tentative d'instigation à assassinat.
 
Le dénommé D.________ a également déclaré que A.________ lui avait proposé 5'000 ou 6'000 fr. pour frapper un policier, de sorte que la prévention a été étendue à l'instigation à lésions corporelles graves. La police ayant découvert quelque 20'000 fr. dissimulés en divers endroits d'un commerce de A.________, celui-ci a également été prévenu de blanchiment d'argent. Il est enfin prévenu d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) pour avoir employé sept personnes illégalement entre 2009 et 2012.
 
B.
 
Le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (ci-après: le Tmc) a ordonné la détention provisoire de A.________ jusqu'au 16 avril 2012. Cette détention a été prolongée par la suite, le Tmc ayant en outre rejeté deux requêtes de mise en liberté provisoire. Par ordonnance du 8 mai 2012, le Tmc a prolongé une nouvelle fois la détention du prénommé jusqu'au 8 juillet 2012, en retenant l'existence de risques de collusion et de réitération. Statuant sur recours de l'intéressé, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a confirmé cette décision par arrêt du 31 mai 2012. Elle a retenu en substance que les charges étaient suffisantes, que les risques précités étaient bien réalisés et que le principe de la proportionnalité était respecté. Par ordonnance du 10 juillet 2012, le Tmc a ordonné une nouvelle prolongation de la détention jusqu'au 10 septembre 2012, pour les même motifs.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. La Cour de justice a renoncé à se déterminer. Le Ministère public a présenté des observations, concluant au rejet du recours. Le recourant a formulé des observations complémentaires.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé a qualité pour agir. La détention du recourant ne se fonde plus sur l'ordonnance du 8 mai 2012, mais sur l'ordonnance du 10 juillet 2012 prolongeant la détention jusqu'au 10 septembre 2012. Cette dernière ordonnance se fonde toutefois sur le même motif de détention que la précédente, de sorte que le recourant conserve un intérêt actuel et pratique à l'examen de ses griefs (art. 81 al. 1 let. b LTF). Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
 
2.
 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168).
 
3.
 
Dans un premier grief, le recourant se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits.
 
3.1 Conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente. L'art. 105 al. 2 LTF ne permet de s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Le recourant peut critiquer les constatations de fait aux mêmes conditions, si la correction du vice soulevé est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il lui appartient de démontrer que ces conditions sont réalisées, par une argumentation répondant aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254 s.).
 
3.2 Le recourant s'en prend d'abord à la constatation de la Cour de justice relative à l'instigation à lésions corporelles graves. Il soutient que la cour cantonale ne pouvait pas se fonder sur les déclarations de D.________ pour retenir qu'il avait déjà eu l'intention d'agresser le gendarme B.________ bien avant de vouloir le supprimer. Il aurait en effet eu affaire au gendarme B.________ pour la première fois en automne 2011, alors que la discussion alléguée par D.________ remonterait au plus tard à mars 2011. Cela n'enlève toutefois rien aux charges relatives à l'infraction précitée, D.________ ayant clairement affirmé que le recourant lui avait proposé de l'argent pour "taper un policier" (audition du 27 mars 2012). Le fait qu'il ne s'agisse pas du gendarme B.________ aurait une incidence sur la constatation de la cour relative à une "gradation" dans les comportements du recourant, même si l'identité des personnes visées par ceux-ci n'est pas décisive. Quoi qu'il en soit, cet élément n'est pertinent que dans le cadre de l'appréciation du risque de récidive, qui n'a pas à être examiné en l'espèce (cf. infra consid. 5.3). Cet élément n'est dès lors pas susceptible d'influer sur le sort de la cause, de sorte que le grief doit être rejeté.
 
Le recourant conteste également l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle un risque de collusion persistait dans la mesure où sept de ses employés devaient encore être entendus. Il allègue à cet égard que la plupart de ces employés, dont "les plus importants", avaient été entendus le 29 mai 2012 et que le Ministère public semblait avoir renoncé à entendre les employés restant, de sorte qu'il n'y aurait plus de risque de collusion à cet égard. Ces critiques se confondent toutefois avec l'appréciation du risque précité, qui sera examiné ci-après (cf. infra consid. 5.2). Il en va de même du grief relatif à la demande de réaudition de D.________, que le recourant admet avoir demandée tout en alléguant que cette requête devait être replacée dans son contexte. Les critiques soulevées sur ce point rejoignent également la contestation du risque de collusion examiné ci-après.
 
4.
 
Le recourant conteste le caractère suffisant des charges.
 
4.1 Pour qu'une personne soit placée en détention préventive, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, c'est-à-dire des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.; 116 Ia 143 consid. 3c p. 146).
 
4.2 Le recourant relève qu'il conteste l'intégralité des charges pesant sur lui et que celles-ci devaient être revues à l'aune des auditions qui ont été menées. La Cour de justice n'ignore cependant pas les dénégations du recourant, ni les diverses auditions qui ont eu lieu, mais elle estime que les charges n'ont pas faibli au cours de l'instruction. Elle mentionne également les contradictions relevées par l'intéressé dans les divers témoignages recueillis, en considérant néanmoins que C.________ était clair sur l'essentiel, à savoir la volonté du recourant de faire tuer le gendarme B.________. Cette appréciation peut être confirmée, la tentative d'instigation à assassinat étant en l'état suffisamment étayée par les déclarations sans ambiguïtés du prénommé, confirmées en audience de confrontation.
 
Concernant la prévention de blanchiment, le recourant insiste sur la disparition des enveloppes que la police dit avoir découvertes et sur le manque d'indices sur ce point. La Cour de justice s'étonne également que la police n'ait pas conservé les enveloppes en question et elle relève l'absence de témoignages directs, mais elle estime qu'il demeure en l'état plausible que le recourant ait caché de l'argent provenant du trafic de drogue sévissant dans la rue où se trouve son commerce. Même si les éléments retenus dans l'arrêt attaqué n'étayent que modérément la prévention de blanchiment, on peut encore suivre l'arrêt attaqué sur ce point, l'importance des sommes retrouvées dans le commerce du recourant suffisant à éveiller des soupçons à cet égard. Quant aux déclarations de D.________, elles permettent de soupçonner une instigation à lésions corporelles graves, le prénommé ayant déclaré que le recourant lui avait proposé de l'argent pour "taper un policier". D'éventuels doutes sur l'identité de ce policier (cf. supra consid. 3.2) ne changent rien à cet égard.
 
En définitive, si les charges n'ont pas la même intensité pour toutes les infractions reprochées au recourant, elles apparaissent, à ce stade de la procédure, globalement suffisantes. Le juge de la détention n'est en effet pas tenu d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu, mais il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité. Tel est bien le cas en l'espèce, à tout le moins pour les infractions d'instigation à lésions corporelles graves et de tentative d'instigation à assassinat. Le grief doit par conséquent être écarté.
 
5.
 
Le recourant prétend en outre qu'il n'existe aucun risque de collusion.
 
5.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance. L'autorité doit ainsi démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127 s.; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23; 128 I 149 consid. 2.1 p. 151; 123 I 31 consid. 3c p. 35 et les références).
 
5.2 En l'occurrence, la Cour de justice retient que la police devait encore retrouver et auditionner des employés non déclarés du recourant, qui pouvaient contribuer à élucider des faits ayant trait non seulement à la loi sur les étrangers mais également à la prévention de blanchiment. Il convenait également de réentendre D.________ en le confrontant au recourant et d'auditionner les deux dénonciateurs inconnus à l'origine de l'interpellation de ce dernier. Le recourant objecte que "l'essentiel des employés" ont été entendus le 29 mai 2012, que la police semble avoir perdu la trace de D.________ de sorte qu'il pourrait difficilement l'influencer, que C.________ s'est déjà longuement expliqué, qu'un autre témoin se trouve en détention pour encore plusieurs mois et que les dénonciateurs inconnus auraient pu être entendus depuis longtemps, l'absence d'identification de ces derniers rendant au demeurant peu vraisemblable un risque de collusion à leur endroit.
 
Il est exact que cinq employés ou ex-employés du recourant ont été entendus par la police le 29 mai 2012. Il ressort cependant du dossier que les procès-verbaux de ces auditions ont été reçus par le Ministère public le 5 juin 2012, de sorte que la Cour de justice n'en avait pas connaissance lorsqu'elle a rendu l'arrêt attaqué du 31 mai 2012. Dans ses observations du 29 mai 2012, le recourant avait certes allégué que sept audiences étaient prévues ce jour-là. Cela ne signifiait toutefois pas encore que ces auditions auraient toutes lieu, deux de ces personnes n'ayant du reste pas été entendues. De plus, le risque existe que le recourant retrouve D.________ et C.________ et qu'il exerce des pressions sur ceux-ci afin qu'ils reviennent sur leurs déclarations. Quel que soit le crédit que l'on pourrait donner à un éventuel revirement, ce risque doit être pris en considération. De manière générale, compte tenu du nombre de personnes impliquées dans les diverses infractions qui font l'objet de la présente procédure et des investigations qui restent à mener, il convient effectivement d'éviter que l'intéressé ne tente d'influencer des déclarations ou qu'il fasse disparaître des preuves. Les charges les plus graves reposant essentiellement sur des témoignages, une certaine prudence est de mise en l'espèce. Dans ces conditions, c'est en vain que le recourant se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits relatifs à certains témoins (cf. supra consid. 3.2), ces éléments n'étant pas de nature à influer sur le sort de la cause. Il appartiendra cependant aux autorités compétentes de faire preuve de diligence pour administrer les moyens qui peuvent encore l'être, la détention du recourant ne pouvant être prolongée indéfiniment pour les besoins de l'instruction.
 
5.3 En définitive, l'appréciation de la Cour de justice peut être confirmée, le maintien en détention provisoire de l'intéressé étant encore justifié par un risque concret de collusion. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner s'il est aussi justifié par un risque de récidive, comme le retient l'arrêt attaqué.
 
6.
 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant ainsi qu'au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 24 juillet 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Rittener
 
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