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Informationen zum Dokument  BGer 4A_150/2012  Materielle Begründung
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BGer 4A_150/2012 vom 12.07.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_150/2012
 
Arrêt du 12 juillet 2012
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
 
Greffier: M. Carruzzo.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________, représentée par
 
Mes Michel A. Halpérin et Lionel Halpérin,
 
recourante,
 
contre
 
Y.________, représentée par
 
Me Frank Spoorenberg,
 
intimée.
 
Objet
 
arbitrage international,
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 9 février 2012 par le Tribunal arbitral CCI.
 
Faits:
 
A.
 
La société X.________ et la société Y.________ ont conclu une série de contrats relatifs à l'installation d'une usine de fabrication de papier. Elles ont notamment signé un Deed of Agreement, le 17 mai 2005, amendé le 7 décembre 2005 (Amendment n° 1) (désignés collectivement the PM-4 Agreement dans la sentence attaquée; ci-après: le Contrat), et un Hall Ventilation and Heat Recovery System Agreement (ci-après: le contrat de ventilation), le 15 juin 2006. En vertu de ces contrats, Y.________ devait fournir à X.________ du matériel et des services pour un prix total de 81 millions d'euros payable par tranches. Elle garantissait certaines performances devant faire l'objet de tests après la mise en service de l'usine. Les différends auxquels pourrait donner lieu l'exécution des contrats seraient soumis à un tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), le siège de l'arbitrage étant fixé à Genève et le droit suisse applicable sur le fond.
 
Un litige est survenu entre les parties au sujet de la qualité de l'équipement fourni par Y.________. Selon X.________, qui n'avait pas payé la dernière tranche du prix préfixé, le test effectué entre le 26 mars et le 10 avril 2009 démontrait que cet équipement ne permettait pas d'atteindre les performances promises.
 
B.
 
Par requête du 29 juillet 2009, Y.________ a introduit une procédure arbitrale contre X.________ en vue d'obtenir quelque 10 millions d'euros, intérêts en sus, à titre, notamment, de paiement de la dernière tranche du prix convenu (7'900'000 euros pour le Contrat et 210'000 euros pour le contrat de ventilation) et de remboursement de la TVA (626'040 euros).
 
X.________ a admis devoir ce dernier montant, tout en indiquant qu'il y avait lieu de le compenser avec les prétentions qu'elle faisait valoir reconventionnellement, en particulier la somme de 10'140'000 euros à titre de liquidated damages (ci-après: l'indemnité forfaitaire) correspondant à 12,5% du prix contractuel (9'875'000 euros pour le Contrat et 265'000 euros pour le contrat de ventilation) avec les intérêts y afférents. Elle a conclu au rejet de la demande pour le surplus.
 
Par sentence finale du 9 février 2012, le Tribunal arbitral CCI, composé de trois membres, a condamné X.________ à payer à Y.________ un total de 10'086'702,45 euros, plus intérêts. Cette somme inclut les trois montants précités (cf. let. B, 1er § ci-dessus), celui relatif au remboursement de la TVA ayant été compensé partiellement avec un montant de 397'746 euros à payer par Y.________ à titre d'indemnité pour le matériel défectueux livré à X.________. Celle-ci a, en outre, été reconnue créancière de celle-là à hauteur de 487'000 euros au titre des équipements non fournis. Les autres demandes principales et reconventionnelles ont été rejetées. Enfin, le Tribunal arbitral a fait supporter à chaque partie ses propres frais d'avocats, tout en mettant les frais de la procédure arbitrale à la charge exclusive de X.________.
 
C.
 
Le 16 mars 2012, X.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile. Reprochant au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue ainsi que l'ordre public, elle a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la sentence finale.
 
Dans sa réponse du 7 mai 2012, Y.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours.
 
Par lettre du 23 mars 2012, le Tribunal arbitral a indiqué qu'il ne souhaitait pas se prononcer sur le recours.
 
La demande d'effet suspensif formulée dans le mémoire de recours a été rejetée par ordonnance présidentielle du 19 avril 2012.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
 
2.
 
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).
 
Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en l'occurrence, les deux) n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
 
La recourante est directement touchée par la sentence attaquée, étant donné que le Tribunal arbitral l'a condamnée à payer une somme d'argent à l'intimée et n'a fait droit que très partiellement à ses conclusions reconventionnelles. Aussi a-t-elle indéniablement un intérêt digne de protection à l'annulation de cette sentence, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
 
Déposé dans les 30 jours suivant la notification de la sentence finale (art. 100 al. 1 LTF), le recours, qui satisfait aux exigences formelles posées par l'art. 42 al. 1 LTF, est recevable.
 
3.
 
En premier lieu, la recourante, se fondant sur l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, fait grief au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue en n'examinant pas les arguments qu'elle avait soulevés quant à l'absence de nouveaux tests de performance, d'une part, et au taux d'amidon appliqué lors du test de performance effectué, d'autre part.
 
3.1 Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige certes pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il impose, toutefois, aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités). Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartient de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).
 
Au demeurant, le Tribunal fédéral a jugé qu'il ne lui appartient pas de décider si les arbitres auraient dû admettre ou non le moyen qui leur a échappé, à supposer qu'ils l'eussent traité. Cela reviendrait, en effet, à méconnaître la nature formelle du droit d'être entendu et la nécessité, en cas de violation de ce droit, d'annuler la décision attaquée indépendamment des chances de la partie recourante d'obtenir un résultat différent (arrêt 4A_46/2011 du 16 mai 2011 consid. 4.3.2 in fine et les précédents cités).
 
3.2
 
3.2.1
 
3.2.1.1 En ce qui concerne la vérification des performances garanties, la recourante expose, en substance, que, par le jeu de diverses stipulations contractuelles, l'intimée était tenue, en cas d'échec du premier test de performance, de changer ou de modifier à ses frais les machines dans un délai maximum de 12 mois à compter de la mise en service de l'installation et que, dans ce laps de temps, deux nouveaux tests, voire davantage en cas d'entente entre les parties, devaient être effectués au besoin. Or, toujours selon la recourante, l'intimée n'avait procédé à aucune amélioration des machines dans le délai en question et n'avait accepté de conduire de nouveaux tests de performance qu'à la condition que la recourante renonçât à lui réclamer l'indemnité forfaitaire stipulée dans le Contrat, adoptant ainsi un comportement contraire à ses obligations contractuelles. Aussi était-elle tenue de lui verser cette indemnité forfaitaire pour ne pas avoir réussi à faire en sorte que les performances garanties pussent être obtenues avant l'expiration du délai précité. De surcroît, l'absence de nouveaux tests constituait une circonstance déterminante quant à l'exigibilité du paiement de la dernière tranche du prix à payer par la recourante.
 
Dans ce cadre-là, le Tribunal arbitral se voit reprocher par la recourante de n'avoir pas répondu, fût-ce de manière implicite, à la question essentielle de savoir si le refus de l'intimée de procéder aux tests supplémentaires à l'invitation de sa cocontractante avait un impact sur le droit de cette dernière à l'indemnité forfaitaire, voire sur l'exigibilité du dernier paiement convenu.
 
3.2.1.2 Dans sa réponse au recours, l'intimée soutient que les arbitres ont répondu à la question litigieuse. Elle souligne, à titre liminaire, qu'ils ont mentionné, dans leur sentence, les arguments présentés par l'intéressée sur le point controversé. Selon elle, le Tribunal arbitral aurait retenu, pour divers motifs énoncés par lui, que la recourante était responsable du fait que les tests de performance additionnels n'avaient pas été effectués, répondant ainsi par la négative à la question de savoir si le comportement de l'intimée était à l'origine de cette absence de nouveaux tests. Il aurait, par ailleurs, interprété les stipulations contractuelles en ce sens que l'indemnité forfaitaire ne pouvait être réclamée qu'après l'échec d'un troisième test de performance. Aussi, de l'avis de l'intimée, les arbitres n'étaient-ils pas tenus d'examiner si son refus d'effectuer des tests supplémentaires avait un impact sur le droit de la recourante à l'indemnité forfaitaire.
 
En tout état de cause, l'intimée considère que la recourante n'a pas établi en quoi les éléments prétendument omis par les arbitres eussent été pertinents pour résoudre le cas concret et qu'elle se plaint, en réalité, de l'absence de motivation ou de la motivation lacunaire de la sentence sur le point litigieux, grief n'entrant pas dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP.
 
3.2.1.3 Tel qu'il est présenté, le moyen examiné ne saurait prospérer.
 
Force est de relever, d'abord, l'insuffisance de sa motivation. Il apparaît, en effet, à la lecture de la sentence, que les nombreuses clauses contractuelles consacrées à la mise en oeuvre de la garantie de performance et, singulièrement, aux tests y afférents, voire celles ayant trait à l'exigibilité du paiement de la dernière tranche du prix stipulé, soulèvent des problèmes d'une rare complexité, s'agissant de les interpréter de manière à leur donner une signification intelligible et exempte de contradictions. Aussi la recourante en propose-t-elle une interprétation par trop simplificatrice lorsqu'elle semble vouloir en déduire, sans autres explications, que l'absence de tests de performance additionnels dans le délai prescrit suffisait à lui conférer le droit à l'indemnité forfaitaire, sans égard à la question de savoir si l'échec du premier test de performance était imputable à la partie qui avait livré l'installation litigieuse ou à celle qui l'avait reçue. Dans le même ordre d'idées, affirmer simplement, comme le fait la recourante, que l'admission de ses arguments "influerait inévitablement sur le droit de [l'intimée] à l'indemnité forfaitaire" ne saurait remplacer la démonstration concrète de la pertinence de tels arguments.
 
Ensuite, les arbitres ont mentionné expressément la question soulevée par la recourante (cf. sentence, n. 143 et 144), ce que celle-ci est d'ailleurs la première à reconnaître (cf. recours, p. 13). Cette question ne leur a donc pas complètement échappé, même s'il est vrai que le fait de l'avoir mentionnée ne permet pas, à lui seul, d'écarter le reproche qui leur est adressé (cf. ATF 133 III 235 consid. 5.3).
 
Enfin et surtout, les arbitres ont expliqué pourquoi, selon eux, l'absence de tests de garantie de performance valablement effectués dans les 15 mois depuis la mise en service de l'usine, soit jusqu'au 14 septembre 2009, était imputable à la recourante, de sorte qu'en vertu de l'art. 6.1, avant-dernier alinéa, de l'annexe 11 du Contrat, la garantie promise devait être considérée comme remplie (sentence, n. 237 à 271). Il est raisonnable de déduire de cette motivation que le Tribunal arbitral a écarté de la sorte, à tout le moins implicitement, l'argument de la recourante voulant que l'intimée fût tenue pour responsable de ce que les tests de garantie de performance prescrits par le Contrat n'avaient pas été effectués dans le délai prévu pour y procéder.
 
3.2.2 Pour démontrer la nullité du test de performance effectué, l'intimée avait soutenu que la recourante n'avait pas respecté ses consignes en appliquant un taux d'amidon excessif. La recourante, selon ses dires, avait alors objecté que le respect des consignes de l'intimée aurait entraîné une violation des exigences contractuelles quant au taux d'amidon à appliquer. Cependant, les arbitres, faisant fi de cette objection, auraient invalidé le test de performance sans s'aviser de ce que le taux d'amidon restait dans les limites fixées par le Contrat.
 
Le moyen est dénué de tout fondement. Il ressort de la sentence attaquée que la question soulevée a été expressément traitée par le Tribunal arbitral et que celui-ci a considéré que la recourante aurait dû se conformer aux instructions de l'intimée quant au taux d'amidon à appliquer, instructions qui l'emportaient sur les limites, du reste flexibles, fixées dans le contrat (sentence, n. 259 ss).
 
3.3 Il suit de là que le moyen pris de la violation du devoir minimum de traiter les problèmes pertinents se révèle infondé dans ses deux branches.
 
4.
 
La recourante reproche, par ailleurs, au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit à la preuve en ne donnant pas suite à sa réquisition tendant à ce qu'il procédât à une visite du site pour y constater de visu le caractère défectueux des équipements et machines livrés par l'intimée.
 
4.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576 consid. 2c; 119 II 386 consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a été admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576 consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c p. 643).
 
S'agissant du droit de faire administrer des preuves, il faut qu'il ait été exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables (ATF 119 II 386 consid. 1b p. 389). Le tribunal arbitral peut refuser d'administrer une preuve, sans violer le droit d'être entendu, si le moyen de preuve est inapte à fonder une conviction, si le fait à prouver est déjà établi, s'il est sans pertinence ou encore si le tribunal, en procédant à une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que sa conviction est déjà faite et que le résultat de la mesure probatoire sollicitée ne peut plus la modifier (arrêt 4A_440/2010 du 7 janvier 2011 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral ne peut revoir une appréciation anticipée des preuves, sauf sous l'angle extrêmement restreint de l'ordre public. Le droit d'être entendu ne permet pas d'exiger une mesure probatoire inapte à apporter la preuve (arrêt 4A_600/2010 du 17 mars 2011 consid. 4.1).
 
La partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendue ou d'un autre vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, sous peine de forclusion. En effet, il est contraire à la bonne foi de n'invoquer un vice de procédure que dans le cadre du recours dirigé contre la sentence arbitrale, alors que le vice aurait pu être signalé en cours de procédure (arrêt 4A_348/2009 du 6 janvier 2010 consid. 4). Ce principe est d'ailleurs exprimé à l'art. 39 du Règlement d'arbitrage de la CCI .
 
4.2 Considéré à la lumière de ces principes jurisprudentiels et sur le vu des arguments que lui oppose l'intimée, le moyen soulevé par la recourante ne peut qu'être rejeté.
 
D'abord, l'allégation de la recourante selon laquelle elle aurait réclamé "sans retard et à réitérées reprises" l'administration du moyen de preuve en question (recours, p. 15) est sujette à caution. La seule requête en ce sens, citée par la recourante, consiste en une lettre du 24 novembre 2010 de ses conseils priant le Tribunal arbitral d'envisager une visite du site. Telle qu'elle était libellée, cette requête, formulée quelque 16 mois après le début de la procédure arbitrale, n'avait rien de contraignant puisqu'elle ne faisait qu'évoquer la possibilité d'une inspection des lieux par les arbitres. De plus, la recourante n'indique pas quand et de quelle manière elle aurait réitéré semblable requête.
 
S'agissant ensuite de la pertinence du moyen de preuve examiné, le Tribunal arbitral indique qu'il n'a pas jugé nécessaire de se rendre sur place (sentence, n. 48). Il n'a donc pas "ignoré" un moyen de preuve essentiel, contrairement à ce qu'affirme la recourante (recours, p. 16), mais a procédé à une appréciation anticipée de la pertinence de ce moyen de preuve qui l'a amené à considérer comme superflue l'administration de celui-ci. Le résultat de cette appréciation est soustrait à la connaissance du Tribunal fédéral (cf., ci-dessus, consid. 4.1, 2e § in fine). D'ailleurs, étant donné que la solution du différend soumis au Tribunal arbitral découlait essentiellement de l'interprétation des diverses clauses contractuelles se rapportant à l'exigibilité du prix et à la constatation du respect des garanties de performance promises, on peine à discerner, quoi qu'en dise la recourante, en quoi une inspection des lieux requise deux ans et demi environ après la mise en service de l'usine eût été d'une quelconque utilité pour les trois juristes appelés à résoudre ce différend.
 
Quoi qu'il en soit, la recourante, si elle s'estimait victime d'une violation de son droit d'être entendue, aurait dû relancer les arbitres pendente lite ou, à tout le moins, lorsque le Tribunal arbitral avait déclaré la procédure close, en date du 20 décembre 2011 (sentence, n. 55). Elle aurait dû s'opposer alors à la clôture de la procédure arbitrale en attirant l'attention des arbitres sur le fait qu'ils n'avaient pas ordonné l'inspection des lieux requise par elle. Au lieu de quoi, la recourante a attendu de connaître l'issue du litige pour se plaindre alors seulement, après avoir constaté qu'elle lui était défavorable, de la violation de son droit à la preuve, ce qui n'est pas admissible.
 
5.
 
Dans un dernier groupe de moyens, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, reproche au Tribunal arbitral d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public. Plus précisément, elle lui fait grief d'avoir violé les règles de la bonne foi et le principe de la fidélité contractuelle.
 
5.1 L'examen matériel d'une sentence arbitrale internationale, par le Tribunal fédéral, est limité à la question de la compatibilité de la sentence avec l'ordre public (ATF 121 III 331 consid. 3a).
 
Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). Elle est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle et le respect des règles de la bonne foi. Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public matériel, notion plus restrictive que celle d'arbitraire, il ne suffit pas qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêt 4P.71/2002 du 22 octobre 2002 consid. 3.2 et les arrêts cités).
 
Le principe pacta sunt servanda, au sens restrictif que lui donne la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est violé que si le tribunal arbitral refuse d'appliquer une clause contractuelle tout en admettant qu'elle lie les parties ou, à l'inverse, s'il leur impose le respect d'une clause dont il considère qu'elle ne les lie pas. En d'autres termes, le tribunal arbitral doit avoir appliqué ou refusé d'appliquer une disposition contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu de l'acte juridique litigieux. En revanche, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par le principe de la fidélité contractuelle, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'ordre public. Le Tribunal fédéral a souligné à maintes reprises que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe pacta sunt servanda (arrêt 4A_370/2007 du 21 février 2008 consid. 5.5).
 
Les règles de la bonne foi doivent être comprises dans le sens que leur donne la jurisprudence rendue au sujet de l'art. 2 CC (arrêt 4A_488/2009 du 15 février 2010 consid. 3.1).
 
5.2
 
5.2.1 Dans un premier moyen, intitulé: "Double standard dans l'application du principe de la bonne foi", la recourante reproche, en substance, au Tribunal arbitral d'avoir fait une "application à géométrie variable" de ce principe dans l'interprétation des clauses contractuelles pertinentes: il s'en serait tenu à une interprétation littérale du Contrat s'agissant du devoir de la recourante de respecter les consignes de l'intimée dans le cadre du test de performance, tout en s'écartant du Contrat, nonobstant son texte clair, dans l'interprétation des conditions d'exigibilité de la dernière tranche du prix convenu.
 
Le moyen considéré est de nature purement appellatoire et n'a rien à voir avec l'ordre public, tel qu'il a été défini par la jurisprudence précitée. Il vise à obtenir, en réalité, un réexamen par la Cour de céans du bien-fondé de l'interprétation que les arbitres ont faite des clauses contractuelles relatives à l'exigibilité du prix, d'une part, et aux modalités du test de performance, d'autre part. Tel n'est pas le rôle du Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi du grief de violation de l'ordre public matériel dans le cadre d'un recours en matière d'arbitrage international. Au demeurant, la recourante oublie, en formulant son grief, que le moyen pris de l'incohérence intrinsèque des considérants d'une sentence n'entre pas dans la définition de l'ordre public matériel (arrêt 4A_464/2009 du 15 février 2010 consid. 5.1).
 
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les mérites du grief en question.
 
5.2.2 Le grief de violation du principe pacta sunt servanda, formulé en dernier lieu par la recourante, n'apparaît pas plus fondé que les précédents.
 
Selon l'intéressée, le Tribunal arbitral aurait alloué à l'intimée un montant de 312'000 euros au titre des coûts additionnels d'ingénierie, alors que la clause contractuelle pertinente faisait dépendre l'admissibilité d'une telle prétention d'un accord écrit des parties, dont l'absence, en l'espèce, avait pourtant été implicitement reconnue par lui. Ce faisant, il aurait refusé d'appliquer une disposition contractuelle dont il avait reconnu l'existence, violant ainsi le principe de la fidélité contractuelle et, partant, l'ordre public matériel.
 
Tel n'est pas le cas. L'existence et le contenu de la clause contractuelle litigieuse n'ont pas échappé aux arbitres. Toutefois, ceux-ci ont jugé que la recourante ne pouvait pas se prévaloir de l'absence de l'accord écrit prévu par cette clause pour obtenir de l'intimée une prestation sans bourse délier, en s'abstenant simplement de confirmer par écrit son acceptation des travaux additionnels sans fournir de motif valable à son abstention (sentence, n. 304 et 305). En la condamnant à payer le montant susmentionné, ils ont ainsi pris une décision qui était parfaitement conforme à l'appréciation juridique qu'ils avaient faite de la situation. On ne saurait le leur reprocher sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
 
6.
 
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 39'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 49'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre ... pour le Tribunal arbitral CCI.
 
Lausanne, le 12 juillet 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: Klett
 
Le Greffier: Carruzzo
 
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