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Informationen zum Dokument  BGer 1B_196/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_196/2012 vom 02.07.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_196/2012
 
Arrêt du 2 juillet 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
 
Greffière: Mme Tornay Schaller.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représentée par Maîtres Dominique Henchoz et Michèle Burnier, avocates,
 
recourante,
 
contre
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
Procédure pénale; non-entrée en matière,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 28 février 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Le 22 septembre 2011, A.________ a déposé plainte pénale à Genève contre B.________ pour violation de l'art. 292 CP. Elle reproche à ce dernier d'avoir contrevenu à l'interdiction de lui faire concurrence contenue dans une ordonnance de mesures provisionnelles prononcée le 1er septembre 2010 par le Tribunal de première instance du canton de Genève et assortie de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.
 
Par ordonnance du 3 janvier 2012, le Ministère public du canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a refusé d'entrer en matière sur cette plainte. Il a relevé que l'ordonnance de mesures provisionnelles du 1er septembre 2010 était devenue caduque ensuite de la décision d'irrecevabilité de la demande en validation desdites mesures, décision contre laquelle A.________ n'avait pas recouru. Il s'imposait en conséquence de mettre un terme à la procédure pénale.
 
B.
 
Par arrêt du 28 février 2012, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre cette ordonnance.
 
La cour cantonale a retenu que l'injonction assortie de la menace de l'art. 292 CP avait cessé de déployer ses effets le 6 octobre 2010; dans la mesure où les faits dénoncés pénalement remontaient au plus tôt à décembre 2010, ils n'avaient pas eu lieu durant la période de validité de l'ordonnance de mesures provisionnelles. Une non-entrée en matière sur la plainte fondée sur l'art. 292 CP s'imposait donc. En outre, la non-entrée en matière était justifiée au regard des art. 8 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) et 52 CP puisque A.________ n'avait intenté aucune action contre B.________ du fait de ses prétendus manquements contractuels.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 28 février 2012, de constater que l'ordonnance de mesures provisionnelles du Tribunal de première instance du canton de Genève du 1er septembre 2010 a été en force jusqu'au 4 décembre 2011 et de renvoyer le dossier au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction contre B.________, avec suite de frais et dépens à la charge de l'Etat de Genève. A l'appui de son recours, A.________ allègue, pièce à l'appui, avoir saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève, le 16 février 2012, d'une demande en paiement de CHF 2'560'658.05 et USD 371'561.80 dirigée contre B.________ et C.________.
 
Le Ministère public et la cour cantonale renoncent à se déterminer. Aucune observation n'a été requise de B.________.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
 
1.1 A titre préalable, il convient de statuer sur la recevabilité de la pièce nouvelle jointe au recours.
 
Le mémoire de demande en paiement déposé par la recourante le 16 février 2012 auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève constitue une preuve nouvelle au sens de l'art. 99 al. 1 LTF (ATF 136 V 362 consid. 3.3.1 p. 364). Certes, cet élément de fait n'est pas survenu après la décision cantonale (cf. ATF 133 IV 342 consid. 2.1 p. 344), mais alors que l'autorité de recours gardait la cause à juger. Cela ne lui enlève cependant pas - contrairement à ce que soutient la recourante - le caractère de nova puisque, dans un cas comme dans l'autre, la cour cantonale n'a pas pu en tenir compte pour établir les faits déterminants au sens de l'art. 105 al. 1 LTF. Or, ce qui est décisif au regard de l'art. 99 al. 1 LTF est la situation existant au moment où l'instance cantonale a rendu sa décision (Bernard Corboz, in: Commentaire de la LTF, 2009, n. 26 ad art. 99 LTF).
 
Pour le surplus, l'exception de l'art. 99 al. 1 in fine LTF n'est pas réalisée (cf. Bernard Corboz, op. cit., n. 20-25 ad art. 99 LTF); il ne s'agit pas non plus d'alléguer des faits devenus pertinents à la suite d'une argumentation inattendue de l'autorité précédente (arrêt 4A_269/2010 consid. 1.3 in SJ 2011 I 58). Dès lors, la pièce nouvelle jointe au recours est irrecevable. Il n'en sera pas tenu compte et le Tribunal fédéral statuera en fonction du seul état de faits établi par l'instance cantonale.
 
1.2 L'arrêt attaqué confirme le classement de la procédure pénale ouverte à l'encontre de B.________. Rendu en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). Il met fin à la procédure pénale (art. 90 LTF). Partant, il peut faire l'objet d'un recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF.
 
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. A suivre la systématique de la loi, la partie qui recourt devant le Tribunal fédéral doit avoir la qualité de partie plaignante au sens de l'art. 118 CPP (cf. consid. 1.3 infra). Cette notion recouvre aussi bien le lésé (art. 115 CPP) que la victime (art. 116 CPP). En outre, il est nécessaire que la décision attaquée puisse avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (cf. consid. 1.4 infra).
 
1.3 Selon l'art. 115 al. 1 CPP, la qualité de lésé est attribuée à toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 129 IV 95 consid. 3.1 p. 98/99 et les arrêts cités).
 
Il n'est pas nécessaire en l'espèce de trancher la question de savoir si l'art. 292 CP, disposition rangée parmi les infractions contre l'autorité publique, a pour but de protéger des intérêts privés (sur cette problématique: arrêt 1P.600/2006 consid. 3.2; Mazzucchelli/Postizzi, Basler Kommentar, n. 79 ad art. 115 StPO; Trechsel/Vest, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxis-kommentar, 2008, n. 1 ad art. 292 StGB). Le recours est en effet de toute manière irrecevable (consid. 1.4).
 
1.4 Il convient encore d'examiner quelle influence la procédure pénale est susceptible d'exercer sur le sort des prétentions civiles de la recourante.
 
1.4.1 A suivre l'intéressée, en libérant B.________ des fins de la poursuite pénale fondée sur la violation de l'art. 292 CP, la décision cantonale "rejette la conclusion constatatoire qui faisait l'objet de la plainte pénale" et "pourrait influencer négativement le sort de cette même conclusion qui figure dans sa nouvelle action du 16 février 2012". La recourante estime également que l'on "pourrait inférer de l'ordonnance de non-entrée en matière pénale que les agissements anticoncurrentiels de B.________ ne contrevenaient pas à l'ordonnance de mesures provisionnelles du 1er septembre 2010"; cela serait d'autant plus choquant que ces agissements "répètent la violation préalable de la clause de non-concurrence", clause qui - selon la recourante - est valable jusqu'au 10 juillet 2013.
 
1.4.2 L'ordonnance provisionnelle du 1er septembre 2010 assortie de la menace de l'art. 292 CP visait à interdire à B.________ de faire concurrence à la recourante dans le cadre du fonds D.________, soit directement soit par l'intermédiaire de sociétés qu'il contrôlait (ch. 1), d'offrir ses services, ou ceux de sociétés qu'il contrôlait, à D.________ ou à tout autre fonds, véhicules de placement ou produits financiers investis en tout ou partie dans les diamants blancs ou de couleur (ch. 2), d'interférer d'une quelconque manière dans les affaires de D.________ (ch. 3) et de divulguer ou communiquer à des tiers des informations concernant le fonctionnement de D.________ dont il aurait eu connaissance dans le cadre de son activité de conseil de la recourante (ch. 4). A teneur de la décision cantonale, cette ordonnance faisait suite à la requête de la recourante fondée sur la prétendue violation par B.________ de ses obligations contractuelles de non-concurrence et de non-interférence dans les affaires de D.________.
 
Or, la présente procédure pénale se limite à la question de savoir si - oui ou non - B.________ a contrevenu à l'injonction contenue dans l'ordonnance du 1er septembre 2010, ordonnance qui n'a en définitive jamais été validée en raison de l'incompétence ratione materiae de l'instance saisie (arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 21 octobre 2011). Cette procédure pénale n'a donc pas pour vocation de déterminer l'étendue des obligations respectives des parties issues de leurs engagements contractuels; il ne s'agit pas non plus de trancher la question - qui relève du seul juge civil du fond - de savoir si B.________ a contrevenu à une obligation de non-concurrence; c'est encore moins la tâche des autorités pénales de constater l'éventuelle existence de simples violations d'engagements contractuels ou de déterminer la durée de validité d'une décision provisionnelle en matière civile. Enfin, il n'y a pas lieu d'examiner la question de l'éventuelle influence de la présente procédure pénale sur la nouvelle demande en paiement déposée par la recourante devant les instances civiles (cf. consid. 1.1 supra).
 
1.4.3 Au vu de ce qui précède, le sort de la présente procédure pénale n'est pas susceptible d'avoir des effets sur le jugement des prétentions civiles de la recourante. Cette dernière ne se plaint en outre pas d'une violation des droits que le code de procédure pénale ou le droit constitutionnel lui reconnaît comme partie à la procédure et n'allègue a fortiori pas que cette violation équivaudrait à un déni de justice formel (ATF 136 IV 41 consid. 1.4 p. 44 et les références citées).
 
Par conséquent, le recours est irrecevable.
 
2.
 
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est irrecevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 2 juillet 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
La Greffière: Tornay Schaller
 
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