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Informationen zum Dokument  BGer 1B_344/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_344/2012 vom 19.06.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_344/2012
 
Arrêt du 19 juin 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Eusebio et Chaix.
 
Greffier: M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Lise-Marie Gonzalez Pennec, avocate,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
 
Objet
 
détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 8 mai 2012.
 
Faits:
 
A.
 
A.________, ressortissant portugais né en 1985, fait l'objet d'une instruction pénale pour vols et tentatives de vol, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et contravention à la LStup. Il a été placé en détention provisoire du 14 novembre 2010 au 12 mai 2011. Le 18 décembre 2011, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc) a ordonné une nouvelle mise en détention provisoire pour trois mois, le prévenu étant soupçonné de nouveaux vols. Le 20 février 2012, le prévenu a intégré la Fondation du Levant. Il a fugué à plusieurs reprises et, le 30 avril 2012, il a été arrêté pour deux tentatives de vol avec effraction commises les 25 et 30 avril 2012; il a admis plusieurs consommations de cocaïne, d'héroïne et de cannabis durant ses fugues.
 
Par ordonnance du 2 mai 2012, le Tmc a refusé d'ordonner une nouvelle mise en détention provisoire, considérant que les infractions reprochées au prévenu ne compromettaient pas sérieusement la sécurité d'autrui et ne permettaient donc pas de retenir un risque de récidive.
 
B.
 
Par arrêt du 8 mai 2012, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis un recours formé par le Ministère public et a réformé l'ordonnance du Tmc en ce sens que la détention de A.________ a été ordonnée pour trois mois, jusqu'au 30 juillet 2012. Compte tenu d'une condamnation en 2008 et des nombreuses infractions commises depuis novembre 2010 (plus de quarante vols au total, dont certains avec effraction), le risque de récidive était avéré. Jusqu'ici, le prévenu n'avait commis que des dégâts matériels mais on ignorait quelle pourrait être sa réaction s'il était surpris lors de ses agissements. L'expert avait diagnostiqué une schizophrénie indifférenciée et une dépendance à la drogue, ce qui accentuait l'imprévisibilité du prévenu. La détention était proportionnée à la peine susceptible d'être prononcée, et aucune mesure de substitution n'apparaissait propre à prévenir le risque de récidive.
 
C.
 
Par acte du 7 juin 2012, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande la réforme de l'arrêt précité en ce sens que la détention provisoire est refusée, subsidiairement que des mesures de substitution sont ordonnées. Plus subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recourant demande l'assistance judiciaire.
 
La Chambre des recours pénale et le Ministère public se réfèrent à l'arrêt attaqué, sans observations.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions rendues en matière de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, le prévenu a qualité pour agir. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
 
2.
 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168). Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).
 
3.
 
Le recourant ne remet pas en cause le caractère suffisant des charges qui pèsent sur lui, mais il conteste l'existence d'un risque de récidive. Il soutient que les infractions qui lui sont reprochées ne compromettraient pas sérieusement la sécurité d'autrui. Il relève que, surpris par le propriétaire d'une voiture au mois de novembre 2010, il n'aurait pas réagi de manière violente et aurait attendu l'arrivée de la police. Lors de ses trois interpellations subséquentes, le recourant n'aurait fait preuve d'aucune violence. Il n'aurait aucun antécédent d'actes de violence.
 
3.1 Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a lieu de craindre que le prévenu "compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre". Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5 p. 21; 135 I 71 consid. 2.3 p. 73; 133 I 270 consid. 2.2 p. 276 et les arrêts cités). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss; cf. arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86 et les références citées).
 
3.2 Le recourant est accusé d'avoir commis plus de quarante vols dans des véhicules, dont un certain nombre avec effraction. Il a déjà été condamné en 2008 pour des actes analogues et a réitéré, dans le cadre de la présente procédure, dès qu'il a été remis en liberté. Admis à la Fondation du Levant (institution d'accueil et de soutien aux personnes toxicodépendantes), il a fugué à plusieurs reprises, consommant diverses drogues et commettant à nouveau des vols. Il ressort du dossier, en particulier du rapport d'expertise psychiatrique déposé le 20 juillet 2011, que ces faits ont été commis soit sous l'effet de la drogue, soit pour trouver les moyens de s'en procurer. L'expert retient une schizophrénie différenciée et un syndrome de dépendance à la cocaïne et aux opiacés. Il considère qu'en l'absence d'une prise en charge médicale régulière, le risque de récidive est "significatif". A ce jour, le recourant n'a certes causé que des dégâts matériels, mais la cour cantonale a considéré que l'on ignorait la réaction de l'intéressé s'il était surpris lors de ses agissements. Le recourant relève qu'il n'a pas réagi de manière violente alors qu'il avait été trouvé en flagrant délit, ainsi que lors des interpellations ultérieures. Toutefois, compte tenu des troubles mis en évidence par l'expert, notamment des symptômes de dépendance aux drogues, on ne saurait exclure, dans une situation de manque ou face à une résistance opposée par une victime, que le recourant ne réagisse de manière imprévisible, voire violente. Dans ces conditions, on peut admettre que l'activité délictueuse déployée par le recourant est de nature à compromettre sérieusement la sécurité au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP.
 
Au demeurant, la doctrine admet aussi que l'on peut retenir un risque de récidive lorsqu'il s'agit, conformément au principe de célérité, d'éviter que la procédure ne soit sans cesse compliquée et prolongée par la commission de nouveaux délits (PIQUEREZ/MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème édition, n° 1198 p. 419; SCHMOCKER, Commentaire Romand CPP, n° 17 ad art. 221). Tel est le cas en l'espèce: la procédure a été ouverte au mois de novembre 2010 et le recourant a récidivé chaque fois qu'il s'est trouvé en liberté.
 
Le grief doit dès lors être rejeté.
 
4.
 
Invoquant le principe de la proportionnalité, le recourant estime que, compte tenu de la responsabilité qualifiée de moyenne par l'expert, la détention provisoire (soit, au dépôt du recours, 284 jours et 34 jours de mesure de substitution) serait disproportionnée par rapport à la peine encourue. Le recourant relève qu'il ne risque pas de révocation de sursis, et qu'il conteste un certain nombre de vols, ce qui ne permettrait pas de retenir l'infraction par métier. En outre, l'audience de jugement ne pourrait intervenir à brève échéance, l'acte d'accusation n'étant pas encore rédigé.
 
4.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention provisoire a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, notamment lorsqu'elle dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre. Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention provisoire aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170; 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 107 Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références).
 
4.2 Compte tenu du nombre de vols reprochés au recourant, la cour cantonale pouvait envisager non seulement l'application des règles sur le concours d'infractions, mais aussi la circonstance aggravante du métier (art. 139 ch. 2 CP). Cela implique la possibilité d'une condamnation à une peine de privation de liberté nettement plus longue que les quelque huit mois de détention provisoire et de mesures de substitution subis à ce jour par le recourant.
 
5.
 
Celui-ci reproche enfin à la cour cantonale d'avoir refusé d'ordonner des mesures de substitution à la détention en application de l'art. 237 CPP. L'expert propose en effet un traitement institutionnel assorti d'une prise en charge des troubles schizophrènes, tout en préconisant un établissement du même type que celui du Levant, auprès duquel le recourant dispose déjà d'une place. Le recourant propose aussi le port d'un bracelet électronique ou l'obligation de se soumettre à des contrôles d'urine réguliers.
 
La cour cantonale a considéré, à juste titre que le recourant avait fugué à plusieurs reprises de l'établissement, pour consommer de la drogue et commettre des vols. Les mesures préconisées, même assorties de contrôles réguliers, apparaissent dès lors insuffisantes en l'état pour prévenir une récidive en cas de libération immédiate du recourant. Le port d'un bracelet électronique n'est pas susceptible non plus de prévenir des infractions telles que celles qui sont reprochées au recourant. S'il n'est pas exclu qu'un traitement soit indiqué en l'espèce, comme le préconise l'expert, il appartiendra plutôt au juge du fond d'examiner cette question. En l'état, les mesures proposées ne permettent pas d'atteindre le même but que la détention, de sorte que ce grief doit lui aussi être rejeté.
 
6.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Gonzalez Pennec est désignée comme avocate d'office du recourant, rétribuée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Lise-Marie Gonzalez Pennec est désignée comme avocate d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.
 
3.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 19 juin 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Kurz
 
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