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Informationen zum Dokument  BGer 1B_315/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_315/2012 vom 11.06.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_315/2012
 
Arrêt du 11 juin 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Chaix.
 
Greffier: M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Etienne Campiche, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD.
 
Objet
 
détention provisoire,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 7 mai 2012.
 
Faits:
 
A.
 
A.________, ressortissant suisse né en 1977, se trouve en détention provisoire depuis le 31 octobre 2011 sous la prévention, entre autres infractions, de tentative de meurtre, lésions corporelles graves et simples et mise en danger de la vie d'autrui. Il lui est reproché d'avoir, lors d'une altercation à Lucens le 31 octobre 2011, près du domicile de la famille A.________, tiré plusieurs coups de feu sur un véhicule, puis d'avoir pris en chasse ce véhicule, faisant à nouveau feu sur lui à plusieurs reprises. L'un des occupants a été grièvement blessé. Il est aussi mis en cause pour avoir, le même soir avec son frère, agressé une personne qui lui devait de l'argent.
 
B.
 
La détention provisoire a été ordonnée, puis prolongée pour trois mois par ordonnances des 4 novembre 2011 et 25 janvier 2012, en raison des risques de collusion et de récidive. Par ordonnance du 24 avril 2012, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud a rejeté une demande de mise en liberté et autorisé une nouvelle prolongation de trois mois de la détention jusqu'au 30 juillet 2012.
 
C.
 
Par arrêt du 7 mai 2012, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette dernière ordonnance. Les charges n'étaient pas contestées par le prévenu. Celui-ci avait agi dans le cadre d'un litige divisant des membres de la communauté kosovare; ce conflit ne paraissait pas réglé, de sorte que le risque de représailles était important. L'intéressé avait aussi commis une agression peu avant, dans le cadre d'un litige financier. Selon les conclusions déposées oralement par les experts, il existait un risque de récidive "léger à moyen" dans le cas où le prévenu se retrouverait dans la même situation. L'existence d'un risque pour la sécurité justifiait le maintien en détention.
 
D.
 
Par acte du 29 mai 2012, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande la réforme de l'arrêt précité (en ce sens que la demande de prolongation de la détention est rejetée) ainsi que sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
 
La Chambre des recours pénale et le Ministère public se réfèrent à l'arrêt attaqué, sans observations.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP.
 
1.1 Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, le prévenu a qualité pour agir. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Les conclusions présentées sont en soi recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
 
1.2 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168). Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).
 
2.
 
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes. Il admet avoir tiré plusieurs coups de feu sur un véhicule qu'il a ensuite pris en chasse. Cette fusillade a pour origine un litige qui divise les membres de la communauté kosovare. Il reconnaît aussi sa mise en cause pour une agression commise peu avant avec son frère, à propos d'une dette du recourant à l'encontre de la victime. Contestant certaines affirmations retenues par la cour cantonale, le recourant estime que le risque de récidive, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, ne serait pas suffisant. Il relève que selon la jurisprudence, un tel risque ne peut être retenu, en l'absence d'antécédents, que dans des cas particuliers (crime ou délit grave et pronostic très défavorable). En l'occurrence, le recourant n'a auparavant commis aucune infraction du même genre et les experts psychiatres ont qualifié le risque de récidive de "léger à moyen", en relevant qu'il n'existait aucun trouble psychiatrique. Certains éléments de fait retenus par la cour cantonale (guerre des clans et expédition punitive) ne seraient pas démontrés et des éléments à décharge auraient été ignorés. Les quatre autres prévenus auraient été libérés depuis plusieurs mois. Le maintien en détention, malgré l'absence d'un risque de récidive, violerait en outre la présomption d'innocence.
 
2.1 Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu "compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre". Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5 p. 21; 135 I 71 consid. 2.3 p. 73; 133 I 270 consid. 2.2 p. 276 et les arrêts cités). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss; cf. arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7, publié in SJ 2011 I p. 484). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86 et les références citées).
 
2.2 En l'occurrence, le recourant se voit reprocher d'avoir dans un premier temps agressé, avec son frère, une personne qui lui devait de l'argent. Par la suite, une voiture, occupée notamment par celui qu'il avait agressé, serait venue à deux reprises au domicile du recourant et de sa famille. La seconde fois, le recourant aurait tiré plusieurs coups de feu en visant l'habitacle du véhicule. Il l'aurait ensuite pris en chasse et tiré à nouveau plusieurs coups de feu. L'un des occupants a été grièvement blessé. Les faits reprochés au recourant apparaissent ainsi d'une gravité certaine. Le fait de tirer sur les occupants d'un véhicule est évidemment de nature à blesser ou tuer l'un d'eux. Il comportait aussi un risque, tout aussi évident, de blesser ou de tuer une tierce personne, la fusillade ayant eu lieu en pleine rue. Les experts ont relevé que le recourant a agi en étant pleinement responsable et le recourant ne prétend pas s'être trouvé en état de légitime défense. Les experts ont relevé qu'il existait un risque de récidive "s'il devait être confronté à des difficultés similaires à celles qui ont mené à son incarcération". Un tel risque existe puisque, comme le relève la cour cantonale, les faits s'inscrivent dans un règlement de comptes qui, s'il ne peut être qualifié de guerre des gangs, implique manifestement la possibilité de vengeances réciproques. De telles considérations reposent sur des éléments concrets et ne sauraient, contrairement à ce que soutient le recourant, être qualifiées de discriminatoires.
 
Compte tenu de la gravité des actes reprochés et des circonstances dans lesquels ils se sont déroulés, on peut admettre à ce stade qu'une mise en liberté du recourant serait de nature à compromettre sérieusement la sécurité au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP.
 
2.3 Le recourant relève que quatre autres prévenus ont été remis en liberté, mais il ne se plaint pas d'une inégalité de traitement et n'explique pas - alors que cette démonstration lui incombe, s'agissant d'un grief d'ordre constitutionnel au sens de l'art. 106 al. 2 LTF - en quoi la situation de ces personnes ressemblerait à la sienne au point d'imposer un traitement identique. Quant au grief tiré de la présomption d'innocence, il doit lui aussi être écarté, le recourant se bornant à contester, par ce biais, la réalisation des conditions posées à l'art. 221 CPP.
 
Au demeurant, il ressort du dossier que la détention du recourant ne devrait pas se prolonger indûment. En effet, dans sa demande de prolongation de la détention du 13 avril 2012, le Ministère public indique que, sous réserve de la réception du rapport de synthèse de la police et de l'audition d'un témoin, un renvoi en jugement pourrait avoir lieu dans le délai de prolongation demandé.
 
3.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire, et les conditions en sont réunies. Me Etienne Campiche est désigné comme défenseur d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Etienne Campiche est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
 
Lausanne, le 11 juin 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Kurz
 
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