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Informationen zum Dokument  BGer 1B_134/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_134/2012 vom 08.05.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1B_134/2012
 
Arrêt du 8 mai 2012
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Merkli.
 
Greffier: M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Romain Jordan, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
détention provisoire, frais et indemnités de procédure,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 13 février 2012.
 
Faits:
 
A.
 
Par arrêt du 14 octobre 2011, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a admis partiellement un recours formé par A.________ en matière de détention provisoire, en constatant que le Ministère public n'avait pas respecté le délai de quatre jours prévu à l'art. 227 al. 2 CPP. Cette irrégularité était toutefois sans incidence sur la légalité de la détention, de sorte que les frais de première et de seconde instances ont été mis à la charge du recourant. Ce dernier n'a pas obtenu de dépens.
 
Par arrêt du 19 décembre 2011, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A.________ et réformé l'arrêt cantonal en ce sens que les frais ont été laissés à la charge de l'Etat. La cause était renvoyée à la Chambre pénale afin qu'elle statue sur les dépens, l'arrêt attaqué étant muet sur ce point.
 
B.
 
Par arrêt du 13 février 2012, la Chambre pénale a considéré qu'il n'y avait pas lieu de fixer de manière anticipée l'indemnité due au défenseur d'office. L'octroi de l'assistance judiciaire dispensait le recourant de rémunérer son défenseur, de sorte qu'il n'avait pas droit à une indemnité pour la procédure de recours. L'indemnité due au conseil d'office serait fixée de manière globale par l'autorité compétente selon l'art. 135 al. 2 CPP.
 
C.
 
Par acte du 7 mars 2012, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens qu'une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre de dépens. Il demande l'assistance judiciaire.
 
La Chambre pénale estime que le recours est irrecevable car il porte sur les frais et dépens relatifs à une décision incidente et qu'il n'y a pas de préjudice irréparable. Sur le fond, la cour cantonale relève que le recourant ne subit aucun préjudice financier et que son conseil peut demander au service de l'assistance juridique une avance sur la taxation de ses honoraires. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Dans ses dernières observations, le recourant a maintenu ses conclusions.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le recours porte sur l'indemnité de procédure (dépens) relative à une décision en matière de détention provisoire, soit une décision en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF).
 
1.1 La Chambre pénale relève que l'arrêt attaqué serait incident et qu'il ne causerait au recourant aucun préjudice irréparable. Le recours serait dès lors irrecevable.
 
1.2 Selon les art. 90 ss LTF, le recours est recevable contre les décisions finales ou partielles, contre les décisions incidentes relatives à la compétence et aux demandes de récusation ou contre les autres décisions préjudicielles et incidentes, aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF. La jurisprudence qualifie d'incidentes les décisions rendues en matière de détention provisoire, ajoutant qu'elles sont susceptibles de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (cf. en dernier lieu arrêt 1B_150/2012 du 30 mars 2012). Le prononcé sur les frais et dépens d'une telle décision est lui aussi incident, et ne peut en principe être attaqué, indépendamment du fond, qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 135 III 329 consid. 1.2 p. 331).
 
1.3 En l'occurrence toutefois, le recours ne porte pas sur une simple question d'indemnisation pour les frais de défense, mais sur la manière dont doit être réparée une violation du principe de célérité commise durant la procédure relative à la détention provisoire, ou une autre irrégularité déduite d'une garantie constitutionnelle. Comme l'a rappelé le Tribunal fédéral dans son précédent arrêt, le recourant a droit, dans un tel cas, à une décision de constatation ainsi qu'à une dispense de l'ensemble des frais de justice, ainsi qu'à une indemnisation pour ses frais de défense (ATF 136 I 274 consid. 1.3). Une telle décision doit être rendue immédiatement, indépendamment de la procédure d'indemnisation prévue aux art. 429 ss CPP (indemnisation pour les frais de défense) ou à l'art. 135 CPP (indemnisation du défenseur d'office; ATF 137 IV 92 consid. 3 p. 96; 136 I 274 consid. 2.3 p. 278). Compte tenu de son objet et du principe de célérité applicable à la procédure de détention, ce genre de décision doit intervenir à brève échéance et pouvoir faire l'objet d'un recours immédiat. Il y a dès lors lieu d'entrer en matière.
 
2.
 
Le recourant se plaint d'une violation des art. 421, 429 et 436 CPP. Ayant précédemment obtenu gain de cause, il avait droit à des dépens et ceux-ci ne pouvaient lui être refusés au motif qu'il bénéficiait de l'assistance judiciaire. L'indemnité allouée à ce dernier titre est inférieure aux honoraires ordinaires, et le recourant, quand bien même il a obtenu gain de cause, pourrait devoir rembourser à son défenseur la différence, si sa situation financière le permet.
 
2.1 Il n'y a pas lieu de s'interroger de manière générale sur le bien-fondé de la pratique dénoncée par le recourant, qui consisterait à refuser systématiquement une indemnisation pour les frais de défense à la partie qui est au bénéfice de l'assistance judiciaire (cf. arrêt 6B_65/ 2012 du 23 février 2012). En effet, dans le cas particulier, il est établi que l'irrégularité constatée par le Tribunal dans l'arrêt du 19 décembre 2011 donne au recourant le droit à une décision immédiate de constatation, et à une exemption des frais de la procédure. Cela comprend en principe le droit à une indemnisation pour les frais de défense: la partie qui obtient gain de cause par une décision de constatation doit être dispensée des frais d'avocat liés à ce prononcé, sans quoi la réparation ne serait plus suffisante.
 
2.2 Il n'en va pas différemment lorsque l'intéressé plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire; une simple indemnisation de l'avocat au titre de l'assistance judiciaire ne saurait tenir lieu de réparation suffisante puisque les montants alloués sont généralement inférieurs à l'indemnité pour frais de défense allouée à la partie qui obtient gain de cause, que le prévenu peut être astreint à certains remboursements (art. 135 al. 4 CPP) et que l'indemnité ne sera allouée qu'à l'issue de la procédure (art. 135 al. 2 CPP). En définitive, la décision attaquée traite le recourant, s'agissant de l'indemnisation pour ses frais de défense, de la même manière que s'il avait succombé. Il en résulte une violation des garanties précitées.
 
3.
 
Le recours doit par conséquent être admis, et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que le recourant a droit à une indemnité pour ses frais de défense dans la procédure cantonale. Ceux-ci peuvent être fixés céans, en application de l'art. 68 al. 5 LTF. Le recourant a également droit à des dépens versés à son avocat pour la procédure devant le Tribunal fédéral, ce qui rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens qu'une indemnité de 1'500 fr est allouée à A.________, à la charge de l'Etat de Genève.
 
2.
 
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à Me Romain Jordan à titre de dépens, à la charge du canton de Genève. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 8 mai 2012
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Kurz
 
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